de coûteuses restrictions sur une utilisation efficace des terres.
Le plus gros danger entraîné par un nouveau choc mondial proviendrait d'un gel des réformes. Je perçois ici deux
menaces.
La première, et la moins grave, découlerait des réactions mondiales face à une nouvelle crise éventuelle. Jusqu'à présent,
cependant, la réaction réglementaire, en tout cas dans le domaine de la finance, ne devrait pas causer de tort à l'Inde.
S'il adoptait les normes mondiales émergentes, par exemple, le système financier indien, loin d'en pâtir, s'en porterait
sans doute mieux. Adopter le protectionnisme "extérieur" représenterait une menace plus grande. Mais jusqu'à présent, et
même si les risques existent bel et bien, rien de trop grave ne s'est produit sur ce plan-là.
La seconde menace, beaucoup plus inquiétante, serait que les Indiens reprennent à leur compte, sans le moindre
discernement, l'antienne du "capitalisme en crise" : de la même façon, l'une des pires conséquences de la Grande
Dépression des années 1930 fut l'adoption de politiques anti-échanges et antimarché par une grande partie du monde en
développement au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Il serait catastrophique de voir émerger à nouveau une telle réponse, alors que "la réforme et l'ouverture", comme disent
les Chinois, ont commencé à donner de si bons résultats, même en Inde.
CRISE DES IDÉES ERRONÉES
Le point essentiel est que ce qui s'est passé n'est pas une crise de l'économie de marché, mais une crise des idées
erronées à son sujet.
Correctement soutenus et régulés, les marchés concurrentiels demeurent sans comparaison possible le meilleur moyen
de générer un accroissement durable de la richesse. Nous sommes, ici, aussi près d'un fait attesté qu'il est possible de
l'être dans les sciences sociales.
Cela devrait manifestement être le cas en Inde, où tant de marchés sont déformés de façon inutile et désastreuse par des
interventions gouvernementales contre-productives.
Quelle leçon un pays tel que l'Inde doit-il tirer de la crise pour définir sa propre politique ? Tout d'abord, parce qu'il est
capable de générer une énorme instabilité, le système financier doit être surveillé.
En second lieu, l'intégration de l'Inde dans le système financier mondial doit s'effectuer avec prudence. De très grosses
crises peuvent être financièrement et socialement gérables dans les pays à haut revenu, mais les laisser éclater dans un
pays comme l'Inde serait totalement irresponsable.
Que conclure ?
Tout d'abord, le destin de l'Inde repose essentiellement entre ses mains.
Deuxièmement, les réformes qui eussent été bienvenues avant la crise le seraient tout autant, sinon plus, aujourd'hui.
Ensuite, l'Inde doit se protéger contre les gros risques macroéconomiques, notamment ceux liés aux déficits budgétaires
excessifs, à une intégration mal négociée dans le système financier mondial et, à plus long terme, à un crédit intérieur
incontrôlé.
Enfin, les Indiens doivent rejeter l'idée selon laquelle la crise est la preuve que les économies de marché ne fonctionnent
pas, et garder à l'esprit que les économies touchées par la crise sont toujours, à l'heure actuelle, les pays à haut revenu,
et qu'il y a une bonne raison à cela (cette chronique est publiée en partenariat exclusif avec le "Financial Times". © FT.
Traduit de l'anglais par Gilles Berton).