DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien Compte rendu du 16/12/2008 Les jets : des étoiles aux galaxies Christophe Sauty Séminaire de la FIP du 16 décembre 2008 Introduction L’astrophysique est une science où l’aspect observationnel occupe traditionnellement une place prépondérante. Les connaissances que nous avons des objets astrophysiques sont en effet le fruit de l’observation de l’univers, avec pour principal vecteur d’information le photon (observation optique, rayons X...). Il ne faut cependant pas oublier l’importance de la théorie et de la simulation numérique en astrophysique. L’objet de ce séminaire est donc d’illustrer ce double aspect théorique et observationnel de l’astrophysique en traitant du cas des jets de matière. Ces derniers peuvent être observés dans différentes situations : lors de la formation d’une jeune étoile, au cours de la vie d’une étoile comme le Soleil ou encore, à plus grande échelle, dans une galaxie accueillant un trou noir supermassif en son centre. Généralement, ces jets s’accompagnent de la formation d’un disque d’accrétion. Dans chacun des cas précédents nous tenterons d’esquisser une modélisation théorique du phénomène, puis nous comparerons nos résultats aux faits observationnels. 1 Le vent solaire Ce vent se caractérise par l’éjection de matière à la surface du soleil dans des conditions extrêmes ( la température de la couronne solaire est de l’ordre de 106 K !). La vitesse d’éjection est comprise entre 400km.s−1 et 800km.s−1 . Figure 1 – observation aux rayons X du vent solaire 1.1 Modélisation théorique Pour procéder à une modélisation théorique on utilise plusieurs hypothèses. Tout d’abord on exprime la conservation de la masse. Puis on utilise les équations de la dynamique des fluides en prenant compte de la gravitation, ce qui nous donne le set d’équations suivant : 1 DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien Compte rendu du 16/12/2008 − → − ∇(ρ.→ v)=0 ρ.v. dp GM dv = − − ρ. 2 dr dr r p = c2s .ρ Comme souvent en astrophysique on ajoute à la théorie un élément phénoménologique, ici pour modéliser le chauffage de la couronne qui est à l’origine de l’éjection de matière par le soleil. Il est alors possible de tracer le portrait de phase du vent solaire. Ce dernier (Figure 2) peut être expliqué par une analogie. En effet l’écoulement du flux de matière éjectée par le soleil est analogue à un écoulement de gaz dans une tuyère (d’origine gravitationnelle) (Figure 3). On note A l’étranglement de cette tuyère. Figure 2 – portrait de phase schématique du vent solaire Trois cas sont envisageables : – Si le gaz n’a pas atteint la vitesse du son en A, il ralentit il finit par retourner sur le soleil, d’où la formation du disque d’accrétion (branche 1) – Si le gaz a atteint exactement la vitesse du son en A, il continue son accélération et est éjecté. Il forme alors le jet (branche 2) – Dans le dernier cas, le gaz a atteint une vitesse supersonique trop tôt (avant A). Cette solution est instable (branche 3) On a donc un modèle pour la formation du vent solaire et du disque d’accrétion correspondant. Figure 3 – schéma d’une tuyère 2 DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien 1.2 Compte rendu du 16/12/2008 Mesures in situ La sonde Ulysse, lancée le 6 octobre 1990 par la NASA et l’ESA, nous a fourni des données observationnelles (Figure 4) relatives à la densité, la pression, la température, la vitesse où encore au champ magnétique des vents solaires. Figure 4 – données observationnelles fournies par Ulysse 2 Les jeunes étoiles (étoiles en formation) On peut aussi observer des jets stellaires lors de la formation d’étoiles de faible masse, c’est à dire qui occuperont dans la branche principale une place voisine de celle du soleil. Les jets observés sont de différentes classes, numérotées de 0 à 2. En outre ce type de jet semble radicalement différent du vent solaire : alors que le soleil n’éjecte que 10−14 fois sa masse par an, ces étoiles perdent entre 10−5 et 10−4 masses solaires par an. Il faut alors envisager un mécanisme différent, la seule source thermique n’étant pas suffisante pour expliquer de telles pertes de matière. Figure 5 – jets de classe 2 - observation téléscope optique 3 DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien 2.1 Compte rendu du 16/12/2008 Formation et accélération des jets L’origine de ces jets n’est donc plus simplement thermique, mais magnétique. En effet ces étoiles en formation génèrent un champ magnétique, dont l’axe n’est pas toujours aligné avec l’axe de rotation de l’étoile (Figure 6). Les particules chargées du plasma constituant l’étoile ayant tendance à suivre une trajectoire s’enroulant autour du champ magnétique, elles vont être éjectées. Pour avoir une idée du mécanisme impliqué on peut considérer un anneau enfilé sur une tige. Si l’on met la tige en rotation l’anneau monte le long de cette dernière, à l’instar du plasma. Figure 6 – Expulsion de matière par le champ magnétique de l’étoile en formation 2.2 Collimation du jet Le flux de matière chargée va ensuite continuer sa trajectoire le long des lignes de champ magnétique. Comme ces dernières ont une forme de spirale, le flux va se resserrer, à l’image d’un solénoïde parcouru par un courant électrique. Ceci explique la collimation du jet stellaire. Figure 7 – Schéma général du jet 2.3 Évolution du jet Au début de la formation de l’étoile le jet est très puissant (classe 0). Puis ce dernier faiblit pour devenir un jet de classe 1. Enfin il devient un jet de classe 2, dont nous sommes capables 4 DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien Compte rendu du 16/12/2008 de mesurer la vitesse d’éjection et le flux de masse. Figure 8 – jets de classe 0 - observation VLBA (radiotéléscope) 2.4 Simulations numériques Fort de notre modèle nous pouvons simuler l’évolution d’un jet stellaire. On considère tout d’abord un disque d’accrétion seul, au milieu duquel on ajoute une étoile. On fait ensuite pulser l’étoile avec une période de quelques années. On observe alors la formation de nodules le long du jet, ce qui est en accord avec l’observation. (a) sans étoile (b) étoile masse de faible (c) étoile de masse plus importante Figure 9 – Simulations informatiques Il est aussi possible de reproduire expérimentalement ces jets en laboratoire en utilisant des lasers. Ces jets, dont les dimensions sont de l’ordre du millimètre, présentent les mêmes caractéristiques que les jets stellaires. Figure 10 – Simulation à l’aide de lasers 5 DAREAU Alexandre - GARCIA Sébastien 3 Compte rendu du 16/12/2008 Noyaux galactiques actifs : les jets relativistes Le dernier type de jet que nous considèrerons concerne les galaxies abritant en leur centre un trou noir d’environ 108 M⊙ . Ces trous noirs connaissent des périodes d’action au cours desquelles de la matière est éjectée du disque d’accrétion. Il sont eux aussi classés suivant diverses catégories (FRI, FRII...), et ont des vitesses proches de celle de la lumière. C’est pourquoi dans certains cas seule l’une des deux branches du jet n’est visible. En effet lorsque notre ligne de visée est colinéaire à la direction des jets, le jet s’éloignant de nous est fortement décalé vers le rouge (redshift) et n’est donc pas visible. Seul le jet se rapprochant de nous, qui subit un décalage inverse (blueshift), est observable. Figure 11 – haut : jet de type FRII (Cyg A) - bas : jet de type FRI (3C31) En outre on peut distinguer deux types de jets. Les jets Radio Quiet (pour v ≈ c/10) et les jets Radio Loud (pour v ≈ c) Conclusion Les jets et vents sont donc des phénomènes astrophysiques complexes que l’on peut rencontrer à diverses échelles, que ce soit lors de la formation d’une étoile ou au voisinage de trous noirs supermassifs. Ils permettent d’illustrer différents aspects de la recherche en astrophysique : l’établissement d’un modèle théorique, la mise en oeuvre d’une simulation numérique, puis la confrontation des résultats obtenus aux observations ou à des expériences menées en laboratoire. 6