PROPHYLAXIEInfos Nouveau numéro 2012 50
Numéro spécial érosion
des sur la fréquence de la formation de facettes
menées sur des squelettes de peuples d’Aborigènes
préhistoriques (Kaidonis et al. 1993), aussi bien que les
études auprès de patients n’appartenant pas au groupe
ethnique des Aborigènes et sélectionnés au hasard
dans un cabinet dentaire général en Australie du sud
(Kaidonis 2007), rapportent une prévalence supérieure
à 90%. Il est intéressant de constater que des études
comparatives sur des espèces disparues et encore
existantes indiquent la formation de facettes.
L’abrasion survient lorsqu’un matériel extrinsèque
(qui vient de l’extérieur de l’organisme) exerce une
force importante sur la surface dentaire (Every 1972).
Parmi les matériaux extrinsèques, on compte non
seulement les aliments, mais aussi des corps étrangers
(par ex. cure-dents, brosses à dents, pipes à tabac,
etc.); toutes sont responsables d’un même schéma
d’usure caractéristique de la denture. La mastication
des aliments n’entraîne pas l’apparition d’une facette
bien marquée, mais la formation d’une zone d’abrasion
qui n’est pas «anatomiquement spécifique» et dans
laquelle les aliments peuvent exercer leur action en
divers endroits occlusaux et incisifs, en fonction de leur
consistance, jusqu’à l’apparition, après exposition, de
creux ou de cavités dans la dentine ramollie (Fig. 3). La
dentine ainsi pourvue de cavités n’est pas sensible, car
l’action mécanique entraîne la production d’une boue
dentinaire qui obture les tubules. Il est intéressant de
constater que le rapport entre la profondeur des creux
et l’émail dentaire périphérique est relativement peu
significatif et qu’il peut même, en fonction des ali-
ments, rester constant (Bell et al. 1998).
On peut argumenter que l’usure mécanique a com-
mencé au moment où l’évolution a donné naissance à
la première dent, et qu’elle est, depuis, un critère de
sélection qui a influé sur le développement des dents
dans quasiment toutes les espèces. Les dents ont déve-
loppé des moyens de compenser l’usure (par ex. par
l’éruption continue), tandis que les propriétés physio-
logiques et la relation anatomique entre l’émail et la
dentine assurent également le traitement efficace des
aliments même lorsque les dents s’usent. Même si cet
article n’a pas pour objet d’aborder en détail ce phé-
nomène, il convient néanmoins de signaler que les
bords d’émail exposés résultant de la formation de
creux dans la dentine, remplissent un rôle fonctionnel
(Smith & Savage 1959; Every 1972; Kaidonis et al. 1992)
et ont été observés dans de nombreuses espèces,
notamment chez les herbivores. Cela veut dire que
la fonctionnalité est préservée même lorsque l’usure
augmente.
L’érosion est due à la décomposition des tissus den-
taires (par ex. sous l’effet des acides) sans présence de
plaque (Yip et al. 2006). Bien que les acides soient res-
ponsables de schémas d’érosion variables en fonction
de leur origine (par ex. intrinsèque ou extrinsèque), la
surface atteinte présente généralement un aspect bril-
lant et a perdu ses détails micro-anatomiques. Comme
dans le cas de l’abrasion, l’exposition entraîne l’appari-
tion de creux dans la dentine. La dentine pourvue de
creux causés par les attaques acides est souvent sen-
sible car les tubules sont ouverts et les creux dans la
dentine deviennent toujours plus profonds sous l’action
des acides. Contrairement à l’usure mécanique, l’éro-
sion semble être une maladie moderne (Fig. 4).
À ce jour, il n’existe aucun indice suggérant la
présence de lésions érosives sur les ossements de
peuples de chasseurs-cueilleurs (par ex. Aborigènes en
Australie, crânes retrouvés en Amérique, peuples
européens historiques et préhistoriques) (Aubry et al.
2003; Aaron 2004). On peut supposer que l’eau était la
boisson la plus couramment consommée chez les chas-
seurs-cueilleurs. Ces populations étaient très certaine-
ment aussi exposées à des acides contenus dans les ali-
ments, mais cette exposition était saisonnière et par
conséquent transitoire. Par ailleurs, l’action reminérali-
sante naturelle de la salive, ainsi que les biofilms pré-
sents sur la surface dentaire, contribuent à atténuer les
effets des acides. Dans les populations humaines, l’ex-
position aux acides a progressivement augmenté avec
l’apparition de l’agriculture, notamment au Moyen-
Fig. 3:
Mise en évidence
de l’abrasion et de
la formation de
cavités dans la den-
tine de la mâchoire
d’un indigène
australien (peuple
préhistorique)
Fig. 4: Représentation schématique générale des trois
mécanismes d’usure d’un point de vue historique. L’attrition
semble présenter la même prévalence aujourd’hui que chez
nos ancêtres, alors que l’abrasion a considérablement régressé
dans les sociétés de consommation, où les aliments sont
beaucoup plus cuisinés. L’érosion, qui n’était pas significative
par le passé, est devenue un problème majeur dans la popu-
lation actuelle.
Aujourd’hui
ATTRITION
ABRASION
EROSION
Perspective historique
~2 mµ Chasse-cueillette Agriculture Industrie