Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, © Masson, Paris, nO 1-2, pp. 71-75 ESSAI CLINIQUE 1991 Effets de la mise en inversion sur les douleurs lombaires Utilisation sur la table oscillante « Gravit y Guiding System» B. GOBERT MCMK, surveillante, service de rééducation, Hôpital Victor-Provo, boulevard Lacordaire, F59100 Roubaix. Nous avons étudié les effets antalgiques de la mise en inversion complète, au moyen de la table oscillante « Gravity Guiding System ». Notre essai clinique porte sur 14 sujets féminins, en activité, mais souffrant de pathologie lombaire. Les résultats sont globalement satisfaisants, s'orientant vers une atténuation des phénomènes algiques. Matériel et Méthode POPULA nON Introduction La douleur lombaire est une des pathologies les plus souvent rencontrées. Pour soulager ces patients de nombreuses thérapeutiques furent proposées. Parmi celles-ci, les tractions vertébrales eurent, surtout dans les années 50, une place prépondérante (4). Les thérapeutes ont pensé « tirer » sur la colonne vertébrale, dans le but initial de diminuer une déformation. Déjà, à l'époque d'Hippocrate (460-377 avant J.-c.), le système de l'Échelle permettait le redressement, forcé et brutal de la déformation vertébrale. Une table de traction munie d'un chevalet apparaît au XVIe siècle (4) « Le Scammun Hippocratis ». Vers la fin du XIXe et au début du Xxe siècle, différents modèles de lits orthopédiques et d'appareils d'extension s'orientent vers la traction lombaire, réalisée manuellement ou mécaniquement, de façon permanente ou non. Plus récemment sont utilisées des tables, à traction orientée ou à traction par la gravité (4). Ces dernières placent le sujet en position Tiré à part: B. d'inversion et utilisent la facilitation apportée par la déclive. Nous nous proposons de vérifier l'efficacité de la mise en inversion complète sur l'atténuation des phénomènes douloureux, ceci à l'aide de la table d'inversion « Gravit y Guiding System ». GOBERT, à l'adresse ci-dessus. 14 sujets féminins, atteints d'une pathologie lombaire participent à l'essai clinique. Ils sont répartis en lombalgie commune pour 8 sujets, lombo-sciatique pour 2 sujets et sciatalgie pour les 4 sujets restants. Ces femmes sont âgées de 22 à 49 ans et sont toutes en activité, en service hospitalier. Elles affirment ne pas suivre de traitement antalgique. MATÉRIEL La table d'inversion utilisée est un modèle de type « Gravit y Guiding System »(1) composé de : - un support en forme de portique; - une table anatomique permettant un appui postérieur de la tête aux fesses, qui pivote autour d'un axe médian situé au sommet du portique et permettant une rotation de 200°; - une barre métallique dans le prolongement de la table, supportant à son extrémité inférieure deux barres à distance réglable, l'une repose-pieds et l'autre d'accrochage des jambières. Des jambières permettent de se suspendre par les pieds, au moyen de crochets, afin de réaliser l'inversion. Faites d'acier et de mousse, elles ont été conçues par R. M. Martin et une équipe de kinésithérapeutes de Californie. Des coussins de mousse surajoutés permettent d'éviter d'avoir du jeu autout de la jambe. Nous contrôlons le degré d'inclinaison de la table au moyen d'un plurimètre, type Rippstein, fixé à la barre métallique. 72 Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 1-2 Nous plaçons, d'emblée, les sujets sur un banc de 20 cm de hauteur pour réaliser le test de la distance doigts-sol, afin de prévoir le cas ou certains sujets peuvent aller au-delà du contact du médius avec le sol. MÉTHODE Bilan initial OSCILLATION Il commence par un interrogatoire précis afin d'éliminer les éléments qui interdisent la mise en inversion. Contre-indications (6) : glaucome, décollement rétinien, hernie hiatale, affection de l'oreille interne, fracture récente, prothèse de membre inférieur, cancer, tuberculose osseuse, HT A grave, traitement anticoagulant, maladie cardio-vasculaire, congestion pulmonaire. Un questionnaire précise les caractéristiques de la douleur, mode d'apparition, localisation, constance ou non ainsi que l'intensité actuelle, selon le diagramme de la douleur (5), et sa localisation. Un tableau collecte les résultats à chaque séance. Trois critères d'objectivation des résultats sont ajoutés au bilan, il s'agit de la distance doigts-sol, du test de Schober lombaire et de la recherche de positivité ou non du test de Lasègue. INVERSION PENDULAIRE FlG. 1. - Exercices employés. Ces 10 séances comportent toutes 3 minutes de préparation, ainsi réparties : Oscillation Inversion 1Oscillation min. 60° Inversion 30 sec. 40° 30 sec. Installation du patient (1) Le kinésithérapeute est présent lors des séances. Les jambières sont fixées à l'extrémité inférieure des jambes. Le patient s'adosse à la table puis accroche les jambières à la barre inférieure. La position d'équilibre est établie au moyen de la barre accroche-pieds, réglable en hauteur, soit 30° d'inclinaison de l'axe du corps par rapport à l'horizontale, tête en haut. Types d'exercices employés (fig. 1) Les oscillations sont obtenues lorsque le patient alterne lentement les mouvements d'élévation et d'abaissement des bras. Elles correspondent à une phase indispensable d'initiation et seront réalisées lentement et progressivement. Elles limitent l'appréhension, permettent l'adaptation cardiaque et la prise de conscience du mouvement. Le patient contrôle alors l'amplitude et la vitesse des oscillations par le rythme des mouvements des bras. La mise en pendulaire : la familiarisation avec les exercices d'oscillations permet d'augmenter l'amplitude de la bascule postérieure jusqu'à la verticale, tête en bas. Le patient saisit alors les montants postérieurs du portique et remonte les mains tout en repoussant la table avec le dos. Celle-ci s'immobilise contre les montants antérieurs du portique. Le patient décolle alors les épaules de celle-ci et laisse les bras ballants. Il est en suspension tête en bas, maintenu par les jambières. Protocole Il est réalisé 10 séances pour chaque patient. Résultats DÉROULEMENT DE LA SÉANCE Nous analysons l'évolution de la tolérance à la réalisation des exercices et le comportement du patient, en première, cinquième et dixième séance. En ordonnée, nous trouvons le nombre de patients concernés. Nous constatons une évolution favorable de la tolérance à la mise en inversion, un seul sujet est au niveau « Bon » et 13 sujets au niveau « Très bon », à la 1Qe séance (fig. 2). SUIVI DU PROTOCOLE PRÉVU Nous analysons (fig. 3) l'évolution des possibilités de mise en inversion au cours du traitement. Lafigure 4 indique la durée de mise en inversion complète lors de la dernière séance pour les 13 sujets concernés. P 1991, t. 18, n° 1-2 73 Ann. Kinésithér., A = mouvais B = moyen C = bon D = très bon Nombre 1ère Séance 5ème Séance 14 71 6, 12 SL 4' 8 i 1~lJI i 2 ~ 1 o ABC d 4 2 ~ 2 1 1 3[ 6 4' o o D ABC D sujets 1 10 6 [ 4' de 1Oème Séance 1f ABC O~ D 3MIN 4MIN 5MIN 6MIN ?MIN 8MfN 9MIN 10MIN Tolérance 1ère Séance 5ème Séance 1Oème Séance FIG. 4. - Durée d'inversion complète en 10e séance. (N = 13). cm 25 ; 20 ~ 15 1 ~ 101 ABC D B C D ~ o.Il'' Comportement _,0 0 510 FIG. 2. - Comportement des patients. • U -10" -151 1ère Séence d 1 01 0 Niveeu 1 du sol .-.-0 0 o~~~ Q o _201 ; 1~01 6· 14, 4t1Oème Sc 40· 60·80· 40· 60· 80·Séence PP 4L 5ème Séonce 2~ 2~ 12 s~ sI~i 10 .-b Qi 51 1 1 FIG. 5. - Distance doigts-sol (en cm). (N cm. 6, o = 14). o • 1 51 410 0 1 • 0 0 o • 1 FIG. 3. - Degré de mise en inversion. (N = 14). P: Pendulaire. :1 11 A la lOe séance, un seul sujet n'est pas en inversion complète, en raison de l'interruption de son traitement antihypertensif. L'adaptation, différente pour chacun des sujets, n'a pas permis de suivre à la lettre le protocole prévu pour l'ensemble des sujets. 7 sujets sur 13 ont toléré l'inversion totale pendant 10 minutes. BILAN CLINIQUE 4 sujets ont diminué leur distance « Doigtssol » après la 1Oe séance. Deux d'entre eux, o ~I~~~~~~~~~~~~~~ 1 2 3 4 5 i Pet ents 6 7 8 9 10 Il 121314 FIG. 6. - Schober lombaire (en cm). (N En ordonnée, distance en cm. • : bilan initial <> : fin de traitement Amélioration pour 50 % des sujets. = 14). sujets 3 et 12 ont, au bilan initial, un Lasègue positif a, respectivement, 45° et 30°. Tous les Lasègue, après la 10e séance, sont négatifs pour tous les patients (fig. 5). Quand à la mesure de l'indice de Schober, il a montré un accroissement sur 50 % des patients (fig. 6). 74 Ann. Kinésithér., 25% 1 1\ 35% 1 1 1991, t. 18; n° 1-2 / 30%· 25%t/ \ 20%' ., 1 15%1 10%~ \. 15%t \ 20%t--\ \-.\ 10% 1 \_ 5%1 1 5%t .\ 0% l 51 52 53 54 55 56 / ,,_ 57 .•• , 58 59 \ 1\ -.-.\ 1 ". sée ne es 510 0%1 51 \ séenees .-.-. 52 53 54 55 56 57 sa 59 510 Premier relevé Troisième relevé FIG. 7. - Pourcentage de patients ayant eu des réactions douloureuses au cours de la séance. FIG. 9. - Pourcentage de patients ayant eu des réactions douloureuses dans les heures qui ont suivi ou le lendemain. .-.-.-. 30%, - troisième relevé effectué dans les heures qui suivent la séance ou le lendemain. Nous exprimons ces relevés, au cours de chaque séance, en pourcentage de patients ayant ressenti des tiraillements, des douleurs articulaires aux membres inférieurs, des vertiges, de la fatigue, des maux de tête (fig. 7, 8, 9). 25% 1 1 20%1 1 :::j 5% ~1 0% 51 \/\ 1 52 53 54 55 / .~-.-. 56 57 /\ sa \\ 59 séances S10 Deuxième relevé Discussion FIG. 8. - Pourcentage de patients ayant eu des réactions douloureuses à la revertica/isation. RÉALISATION PRATIQUE D'UNE SÉANCE BILAN DOULOUREUX Nous apprécions l'évolution des phénomènes algiques au cours du traitement selon le diagramme de la douleur (5) cotée de 1 à la, pour 14 sujets. Une seule patiente n'a pas eu d'atténuation de la douleur, état stationnaire, toutes les autres sont soulagées après les 10 séances. Le tableau de graduation de la douleur objective une amélioration moyenne de 3,5 points avec un maximum à 7 et un minimum à 2 pour les sujets ayant eu des variations. RÉACTIONS Les réactions au traitement sont classées en trois catégories qui se réfêrent au temps : premier relevé effectué pendant la séance; - deuxième relevé effectué à la reverticalisation ; De précédentes études concernant la table d'inversion ont objectivé la nécessité de réaliser plusieurs séances pour obtenir du sujet une bonne adaptation à la mise en inversion complète (3). Nous retrouvons le même élément dans cette expérimentation. L'utilisation de la table « Gravit y Guiding System » est aisée et la sensibilité au mouvement est correcte, le moindre mouvement des membres supérieurs provoque une variation de l'angulation du plateau. Le système d'attache des jambières occasionne, cependant, des douleurs au niveau de la face dorsale des pieds, pour 80 % des sujets et une impression d'inconfort et d'insécurité, en inversion complète, qui a nécessité l'adjonction de bandes de feutre, enroulées autour de la cheville. Comparée aux tables de traction horizontales, ce mode de traction utilise le poids du corps, ce qui diminue l'anxiété. Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 1-2 75 ApPRÉCIATION OBJECTIVE avoir des difficultés d'appréciation de la part du sujet. Le seuil de « Bon résultat » devient variable. Cependant le pourcentage de « Bons résultats » retrouvés, validé par le diagramme de la douleur, permet de croire aux effets positifs dans de nombreux cas. Les tests « distance doigts-sol » et « Schober lombaire » sont améliorés dans 50 % des cas. Les tests de Lasègue sont tous retrouvés négatifs en fin de traitement. L'effet de posture apporte en traction, une délordose passive qui aboutit a un écartement relatif des plateaux vertébraux (1). L'étirement peut être l'une des raisons pour laquelle la diminution du tonus musculaire (2) apporte une amélioration clinique à la souplesse du rachis lombaire. ApPRÉCIATION Références 1. CALMELS P. et coll. - Utilisation d'une table d'inversion en rééducation de la pathologie vertébrale lombaire. Ann. Kinésither., 1989, 16, 221-226. 2. DE VRIES H., CAILLIET R. - Vagotonic effect of Inversion Therapy upon Resting Neuromuscular Tension. Am. J. Phys. Med., 1985, 64, 119-129. 3. KANE M. D., KARL R. D., SWAIN J. H. - Effects of Gravity-facilitated Traction on invertebral Dimensions of the Lombar Spine. J. Orthop. Sport. Phys. Ther., 1985,6,281-288. 4. LARDRY J.-M., RENAuD-BEzoT M., DIDIER J.-P. - Les tractions lombaires. Revue des techniques utilisées, résultats. Ann. Kinésither., 1983, 10, 113-128. 5. MANNHEIMER J. S., LAMPE G. N. - Clinical Transcutaneous electrical Nerve Stimulation. Philadelphia. F. A. Davis Company. 190-191; 1984. 6. MARTIN R. M. - D.M T. : Decompression Mobilization Therapy. Édité par l'auteur. Pasadena (USA); 1985. SUBJECTIVE Indépendamment de l'adaptation des sujets en position inversée, les réactions négatives avant, pendant et après les séances, sont en régression à partir de la seconde moitié du traitement. Le bilan douloureux, réalisé selon le diagramme coté de 1 à 10 (5), laisse apparaître une atténuation des phénomènes algiques. Il est vrai que la plupart de ces résultats font intervenir des données subjectives. Il peut y TRAITEMENT DU BRAS A. LEDUC 1. CAPLAN P. LIEVENS O. LEDUC PHYSIQUE DE L'ŒDÈME Collection Monographies de Bois-Larris nO 13 1990, broché, 2e édition, 104 pages, 49 figures, 2 tableaux, (16 X 24), 135 F* Les auteurs décrivent l'anatomie des lymphatiques du membre supérieur et l'aspect particulier de la cicatrisation après incision cutanée, puis ils développent pas à pas le traitement physique de l'œdème du bras qui comprend le drainage manuel, la pressothérapie, les exercices spécifiques pour terminer par la pose de bandages spécifiques. MASSON Commande LA MAISON DU LIVRE SPÉCIALISÉ. Je désire commander: à compléter et à retourner exemplaire (5) de : Traitement physique de l'œdème du bras pa' A. LEDUC (ISBN 2·225-82210-7) à 135 F' Nom de remise En vente en librairie ou à : Prénom * Ad resse 20 FF (étranger: 30 FF), pour Envoi par avion: nous consulter. Franco de port pour toute commande pour les abonnés de la revue Code Ville Prix public TTC unitaire postal supérieure Pays Ci-joint au 15.01.1991 chaque + Frais d'envois: volume pour supplémentaire l vol. 10 FF. à 1 000 FF. mon chèque de F libellé à l'ordre de M.L.S. MAISON D U. L 1 V SPECIALISE B P. 41353 VINEUil R ç 3 6 CEDEX