[Dossier] Médias allemands : les Turcs ne sont pas une

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[Dossier] Médias allemands : les Turcs ne sont pas une
chance pour l’économie allemande
Categories : Dossiers, Médias
Date : 30 juillet 2016
[Première diffusion le 8 avril 2016] Rediffusions estivales 2016
C’est ce qu’étaye de façon indiscutable une étude très approfondie sur la formation en
Allemagne réalisée sous le patronage du très officiel Bundesministerium für Bildung und
Forschung, le ministère fédéral allemand à la formation et à la recherche, une
information relayée par les médias allemands.
De nombreux clichés courent partout en Europe sur les relations entre immigration et
économie : les entreprises européennes seraient généralement favorables à l’immigration
parce que celle-ci permettrait à la fois de combler le manque de main d’œuvre (dans des pays
comme l’Allemagne) et de faire pression sur les salaires. L’immigration serait donc une chance
pour l’économie (mais pas pour les salariés) et partant pour l’équilibre des comptes sociaux et
publics. L’étude dont nous parlons, réalisée auprès de 4 500 personnes âgées de 15 à 79 ans
et habitant en Allemagne depuis 12 mois au moins, balaye d’un revers de main l’ensemble de
ces assertions. Elle jette un éclairage remarquable sur les questions liant les différentes
immigrations et les équilibres économiques et sociaux des pays européens.
C’est le paradoxe de l’Allemagne par rapport à la France : en France l’examen de la réalité
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est quasi interdit parce que la réalité devient d’essence satanique si elle contredit l’idéologie
officielle. La France des médias dominants devient un État néo-soviétique. En Allemagne, la
tradition de sérieux et de rationalité demeure un des piliers de la culture de l’État prussien.
Certes, l’étude Bildung in Deutschland 2014 (La formation en Allemagne en 2014), un pavé de
357 pages publié par W. Bertelsmann Verlag (wbv) sous l’égide de la très officielle conférence
permanente des lands de la République Fédérale d’Allemagne et du Ministère Fédéral à la
Formation et à la Recherche, veille à rester pétrie de bons sentiments. Et les médias
mainstream sont restés prudents : « Les Turcs sont ceux qui posent le plus de souci
d’intégration » (Die Welt) ; « Les Turcs ont complètement décroché », « Aucune chance n’est
laissée aux Turcs » (n-tv, chaîne de télévision consacrée à l’info en continu, filiale de RTL) ;
« Les Turcs doivent sortir de leur rôle en marge de la société » (TAZ). Les politiciens d’extrêmegauche et les Verts sont quant à eux furieux des conclusions « ethnicisantes » de l’étude.
Celle-ci n’en permet pas moins de tirer un certain nombre de constats passionnants sur les
questions liant les immigrations et les équilibres économiques et sociaux. Que révèle cette
étude relayée par les médias? Que le système de formation allemand, pourtant orienté vers les
besoins de l’économie contrairement à son homologue français (avec pour corollaire le fait que
ceux qui en sortent ont de bonnes chances de trouver un emploi) est loin de profiter à tous dans
les mêmes proportions selon leurs cultures d’origine. Qu’on juge plutôt de quelques faits
chiffrés :
Les Allemands d’origine sortent très majoritairement du système éducatif avec une
formation professionnelle ou supérieure. Moins de 10% d’entre eux sortent de leur
cursus sans qualification. C’est ce qui explique leur bonne employabilité et leur faible
taux de chômage global.
Trois fois plus de personnes d’origine immigrée en revanche, soit 35%, quittent le
système éducatif sans qualification. Mais les différences sont énormes entre les groupes
ethniques : les 2/3 des Polonais par exemple possèdent une qualification
professionnelle ou supérieure contre 41% des Turcs. Les Grecs obtiennent également
d’assez bons résultats.
Les Turcs ont énormément de difficultés à s’intégrer économiquement et socialement
en Allemagne. Et ce nettement plus que les autres groupes d’étrangers, et durablement
: 50% des hommes et 60% des femmes d’origine turque sortent de l’école sans aucun
diplôme de fin de scolarité. 14% seulement réussissent à décrocher le baccalauréat.
Cela explique certaines autres caractéristiques sociologiques de ce groupe : 15% des
Turcs vivent sous le régime Hartz IV (une sorte de « RSA » allemand), contre 7,6% des
Grecs et moins encore pour les Polonais ; et les Turcs qui travaillent sont très souvent
de modestes ouvriers qualifiés et non des techniciens recherchés et bien payés ; 70%
des femmes d’origine turque finissent femmes au foyer alors que la plupart des
Allemandes travaillent. Elles se marient d’ailleurs en moyenne à 23 ans contre 33 ans
pour les Allemandes. Avec au mieux un seul salaire peu qualifié voire l’aide Hartz IV,
les foyers turcs décrochent complètement par rapport à des foyers allemands alimentés
par deux salaires qualifiés. Mais il y a mieux : cette étude de 2014 réitérée tous les 2
ans depuis 2006 montre en effet que ces caractéristiques ne changent pas dans le
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temps et même sur plusieurs générations. La communauté turque est en panne et
n’apporte que peu à l’économie allemande : les Turcs au chômage ou sous assistanat
ne rentrent pas au pays où rien ne les attend ; ils préfèrent vivoter sous perfusion
sociale en Allemagne. Près de 20% des Turcs parlent en outre un allemand très
approximatif. L’une des raisons à cela est que « les Turcs ont tendance à rester entre
eux» : beaucoup d’entre eux en effet épousent des filles peu ou pas qualifiées, trouvées
au pays dans le cadre de mariages arrangés dans leurs villages d’origine. Résultat : on
ne parle que turc dans leurs foyers, on y regarde la télévision turque et on n’y lit que
des journaux turcs. Et ce mode de vie est transmis à la descendance en deuxième et en
troisième génération. Les Turcs lient peu de liens matrimoniaux ou même amicaux avec
des Allemands.
Tous les autres Européens en revanche nouent des amitiés essentiellement allemandes
et épousent massivement des Allemandes ou d’autres filles d’immigrés ne venant pas
de leur pays d’origine. Résultat : leurs familles parlent obligatoirement allemand et leurs
enfants deviennent culturellement allemands, l’intégration ne pose donc aucun
problème. Les Polonais d’origine touchés par le chômage ne restent pas si ce problème
paraît durable : ils préfèrent rentrer chez eux pour travailler à un moindre salaire, quitte
à continuer leur recherche d’emploi allemand depuis la Pologne, mais en restant
occupé. C’est donc bien la perspective d’un salaire supérieur qui les pousse vers
l’Allemagne. Ils viennent pour travailler, payent des impôts et des charges, et ne sont
que peu à la charge des systèmes sociaux. Ils sont clairement une aubaine économique
et sociale ce qui n’est pas le cas des Turcs. Le souci que nous avions évoqué lors d’un
article précédent d’une immigration menaçant les équilibres sociaux fait sens quand on
parle d’immigration afro-musulmane. L’immigration européenne se présente en
revanche sous un jour très favorable.
Les constats de cette étude sont clairs :
L’immigration de groupes culturellement proches de l’Allemagne, notamment d’origine
slave ou balkanique, ou même d’Europe du Sud a de bonnes chances d’avoir un bilan
favorable : ces groupes se fondent rapidement dans la masse allemande, sont intégrés
assez vite au plan économique, présentent un degré d’emploi favorable et pèsent
assez peu sur les systèmes sociaux ;
Les groupes culturellement éloignés présentent au contraire un bilan très différencié
selon leurs origines. Les Turcs (et il y a fort à parier que ce soit le cas de tous les
groupes afro-musulmans) sont mal intégrés sociologiquement et culturellement, peu
qualifiés, leurs foyers sont pauvres : ils paient donc moins d’impôts et de charges,
consomment moins du fait de revenus nettement inférieurs, et pèsent lourdement sur
les systèmes sociaux (chômage, Hartz IV) ;
Il y a peu de chances par ailleurs que ces groupes « pèsent sur les salaires ».
L’économie allemande, très bien différenciée et adaptée à la mondialisation, n’a pas
besoin de personnel non qualifié ou va directement le chercher sur place dans des
usines implantées dans les pays pauvres. Les salaires du personnel qualifié
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correspondent au niveau de leur rareté économique et sont encadrés par des
conventions collectives.
Notons que cela n’a rien à voir avec le « racisme », mais bel et bien avec une «adversité
culturelle dans le monde » auquel nul ne peut rien, et qui n’est en rien un système
hiérarchique dans son essence. Certains Turcs exemplaires réussissent parfaitement en
Allemagne et deviennent médecins, ingénieurs, professeurs d’université, écrivains. Ce
qui ne marche pas globalement peut marcher au cas par cas. Par rapport à la culture
allemande, entendons-nous bien : et ce sont les gauchistes du TAZ qui enfoncent en
effet l’un des clous les plus singuliers : […] « Ceux qui croient que le manque
d’éducation n’a que des causes sociales et non culturelles se verront infliger un
démenti cinglant en regardant l’exemple vietnamien. Aucun autre groupe n’engrange
davantage de succès scolaire […] » (des études canadiennes, américaines et
brésiliennes parviennent aux mêmes conclusions, NDLR). Les familles asiatiques ont
inculqué à leurs enfants la passion de l’apprentissage, de l’éducation et de
l’acquisition du savoir. …
L’économie allemande demande-t-elle massivement une immigration extraeuropéenne ? Les PME allemandes se jettent littéralement sur les personnes qualifiées,
et ce, sans préjuger de leurs origines. Massivement sur les Slaves et les Balkaniques, et
les Asiatiques parce qu’ils sont qualifiés. Peu sur les Turcs parce qu’ils ne le sont
souvent pas et que les produits à faible valeur ajoutée ne sont jamais produits en
Allemagne par une main d’œuvre peu ou pas qualifiée, mais simplement achetés
ailleurs. Les Turcs qualifiés sont engagés au même tarif que les autres. Mais pourquoi at-on alors l’impression qu’une pression est exercée par certains milieux économiques
en faveur d’une certaine immigration de masse globalement défavorable ? On trouvera
des éléments de réponse en allant consulter la passionnante et fort coûteuse page
Internet des Integrations-Initiativen der deutschen Wirtschaft (Initiatives d’intégration de
l’économie allemande) dont les préférences extra-européennes sont ouvertement
affichées au plan visuel. On en apprendra beaucoup par exemple en allant consulter en
détail la liste des sponsors, qui est stupéfiante : on y cherchera en vain une PME, même
une ETI quelconque. Il n’y a dans cette liste que des grands groupes d’envergure
mondiale. Du coup, les contradictions apparaissent flagrantes : en Allemagne comme
dans toute l’Europe de l’Ouest… les grands groupes d’envergure mondiale sont
globalement, et même massivement destructeurs d’emplois et depuis des décennies !
Ce sont les PME qui créent des emplois, et même en Allemagne suffisamment pour
surcompenser les destructions d’emplois par centaines de milliers des grands groupes.
Or AUCUNE PME n’est sponsor des Integrations-Initiativen der deutschen Wirtschaft!
Risquons ici une explication : les grands groupes d’envergure mondiale sont
étroitement liés au monde politique. Ils exercent un chantage à l’emploi (surtout
symbolique car si leurs fermetures d’usines font toujours la une des journaux les
résultats finaux ne s’en trouvent en rien changés) et se servent souvent de ce chantage
pour conforter leur position économique en se faisant accorder des rentes de situation
par le monde politique. Les PME n’ont aucun poids pour ce faire… et c’est bien elles qui
créent les emplois. La page Internet des Integrations-Initiativen der deutschen
Wirtschaft est donc une opération de propagande politique concoctée entre les grands
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groupes et le monde politique… une imposture, de la poudre aux yeux, dont les
personnes photographiées à titre d’exemple ne profiteront pas globalement, puisque les
sponsors listés ici payent volontiers de belles annonces, mais n’ont aucun emploi à
proposer. En revanche, ce n’est pas non plus pour « peser sur les salaires » qu’ils le
font. Ils le font dans le cadre de leur étroite liaison avec un monde politique heureux de
voir leur politique idéologique confortée et qui ne poursuit en fait qu’un seul but :
consolider ses rentes de situation.
Sources
Quotidien « Die Welt » (un des « 3 grands », conservateur-libéral)
Quotidien « Süddeutsche Zeitung » (un des « 3 grands », social-libéral)
Magazine hebdomadaire « Der Spiegel »
Chaîne de télé NT-V (filiale de RTL)
Quotidien TAZ (presse alternative d’extrême-gauche)
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