Véronique HESPEL

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Le positionnement original des Missions locales
à la lumière des travaux récents
de l’Inspection générale des finances
Présentation aux journées professionnelles de formation de l’ANDML
Le 9 juin 2010
Véronique Hespel, inspectrice générale des finances,
Introduction
 Des travaux réguliers et récurrents de l’IGF sur les politiques de l’emploi
 Qui se sont concrétisés en 2010 par deux enquêtes importantes rendues
publiques :
 L’une sur la comparaison des effectifs du service public de l’emploi dans divers pays
européens, centrée sur trois pays - Allemagne, France et Royaume-Uni –
 L’autre sur les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes.
 Qui font ressortir :
 la complexité du paysage institutionnel français au regard de deux de ses principaux
partenaires ;
 les atouts des missions locales mais aussi la nécessaire consolidation de leur
gouvernance ;
 les perspectives à moyen terme dont elles devront tenir compte dans la conduite de
leur projet et leur management.
2
1- Les principaux enseignements du benchmark
1-1 La complexité institutionnelle plus grande du Service public de l’emploi en
France malgré la création de Pôle emploi
1-2 La spécificité française de la co-traitance
1-3 Le niveau plus faible des effectifs d’intermédiation rapportés au nombre
des demandeurs d’emploi , observé en France, notamment en matière
d’accompagnement ;
1-4 Un pilotage des moyens encore insuffisamment axé sur les résultats du
point de vue de l’accès à l’emploi durable ou à une formation qualifiante des
chômeurs les plus éloignés de l’emploi .
3
1-1 Une complexité institutionnelle plus grande
 La place et les compétences de l’opérateur principal par rapport aux services de
l’État, aux collectivités locales , aux organismes de protection sociale , aux
opérateurs de l’orientation et de la formation professionnelle diffèrent fortement
dans les trois pays
 En Allemagne, le SPE est très structuré autour de de la Bundesagentur für Arbeit, dont
la gestion est tripartite et qui intervient sur un large champ de compétences : gestion
de la caisse d’assurance chômage, prestations de solidarités actives (en co-gestion avec
les communes) orientation, insertion professionnelle, formation professionnelle.
L’opérateur allemand offre la palette de services la plus étendue et la plus intégrée du
point de vue de l’organisation
 Au Royaume-Uni, le SPE est fortement unifié au sein de Jobcentre plus et de son
ministère de rattachement, qui exerce un rôle important de pilotage y compris { l’égard
des sous-traitants; le SPE n’exerce pas de mission de formation professionnelle
 En France, malgré le mouvement d’unification lié { la création de Pôle emploi (dont la
gestion est tripartite), le SPE est relativement peu intégré : décentralisation de la
formation professionnelle et du RSA aux collectivités locales, dispersion des guichets
 Le recensement effectué par la mission (hors formation professionnelle et
insertion) a concerné 8 types d’opérateurs en France, 4 en Allemagne, 2 en
Grande Bretagne.
4
1-2 La spécificité française de la cotraitance
 Une des surprises (et difficultés) du benchmark a été de découvrir que la formule
de la cotraitance était propre à la France et inconnue ailleurs
 Allemagne et Royaume-Uni ne connaissent en dehors de l’opérateur principal que
la sous-traitance.
 Les enveloppes consacrées par le Royaume Uni à la sous traitance représentent trois
fois celles consacrées par l’Allemagne et la France
 50% du budget de sous-traitance anglais sont versés à des organismes à but non
lucratif, le plus souvent associatifs mais les sommes sont allouées sur la base de
marchés et d’appels d’offre
 Les Britanniques ont introduit progressivement avec les sous traitants jugés les plus
efficaces des contrats pluriannuels, permettant à ceux-ci d’assurer la qualité de leurs
recrutements et leur développement.
 Les Allemands ont eux aussi rationalisé leur politique d’achat des prestations de sous-
traitance (en la déconcentrant au niveau régional), tout en suscitant une certaine
concurrence par une politique de bons d’achat laissant aux demandeurs d’emploi le
choix de l’organisme par lequel ils souhaitent être accompagnés.
 Le système mixte français, mis en œuvre pour les jeunes, les handicapés ou les
cadres n’a pas d’équivalent dans les autres pays interrogés
5
1-3 A l’été 2010, le SPE français apparaît relativement moins doté en
effectifs que les SPE allemand et britannique (1)

En valeur absolue les effectifs du SPE français, tels qu’estimés par la mission dans leur
globalité et hors sous traitance mais y compris co traitance (62 056 ETP, dont 46 576
ETP à Pôle emploi*) sont supérieurs à ceux du SPE britannique (53 844 ETP) et
inférieurs à ceux du SPE allemand (127 450 ETP)

Au même moment le nombre de chômeurs s’établissait de la façon suivante dans les trois
pays :
Chômeurs (2010 - milliers)

France
Allemagne
Royaume-Uni
au sens du BIT
2 891
3 032
2 438
au sens des administrations nationales
4 132
3 376
1 542
Rapportés au nombre de chômeurs sur la même période et hors sous-traitance, les
effectifs du SPE français sont nettement inférieurs à ceux de l’Allemagne, comparables
à ceux du Royaume Uni quand on se réfère aux statistiques du BIT mais inférieurs
également quand on se réfère aux statistiques administratives nationales du chômage
Effectifs en ETP pour 10 000
France
Allemagne
Royaume-Uni
pour 10 000 chômeurs au sens du BIT
215
420
221
pour 10 000 chômeurs au sens des
administrations nationales
159
377
349
* Effectifs inscrits et payés au 30 juin 2010, selon le SIRH
6
1-3 A l’été 2010, le SPE français apparaît relativement moins doté en
effectifs que les SPE allemand et britannique (2)
Missions du SPE
Accueil et information du
demandeur d'emploi
Indemnisation du
demandeur d'emploi
Allemagne
6 182
17 112
17
24
27
9 068
8 607
28 902
21
59
60
20 621
27 515
45 405
ETP pour 10 000 chômeurs BIT
71
113
150
ETP pour 10 000 demandeurs d’emploi au sens des administrations
nationales
53
178
134
6 307
2 417
5 410
ETP pour 10 000 chômeurs BIT
22
10
18
ETP pour 10 000 demandeurs d’emploi au sens des administrations
nationales
15
16
16
19 600
9 123
30 622
68
37
101
62 056
53 844
127 450
ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi entrants
Effectif brut (ETP)
ETP pour 10 000 bénéficiaires d'allocations
Effectif brut (ETP)
Services aux employeurs
Royaume-Uni
6 459
Effectif brut (ETP)
Effectif brut (ETP)
Accompagnement du
demandeur d'emploi
France
Effectif brut (ETP)
Effectifs résiduels
ETP pour 10 000 chômeurs BIT
Total
Effectifs bruts (ETP)
7
1-3 A l’été 2010, le SPE français apparaît relativement moins doté en
effectifs que les SPE allemand et britannique (3)
 La répartition des effectifs par mission fait apparaître des priorités de services
différentes selon les pays
 Le Royaume-Uni accorde une priorité beaucoup plus nette que l’Allemagne et la France
{ l’accompagnement du demandeur d’emploi (51 % des effectifs)
 L’Allemagne affecte une plus forte proportion de ses effectifs aux missions d’accueil et
d’indemnisation du demandeur d’emploi (13 % et 23 % des effectifs)
 La France consacre un effort plus important aux relations avec les employeurs (10 %
des effectifs) que les deux autres pays (4 %).
 La proportion des effectifs résiduels est particulièrement élevée en France (1/3 des
effectifs recensés) et en Allemagne (1/4 des effectifs)
100%
90%
17%
32%
80%
70%
16%
10%
11%
60%
50%
40%
4%
Services aux employeurs
13%
10%
Indemnisation du demandeur
d'emploi
Accueil du demandeur
d'emploi
51%
36%
33%
Supervision, support, autres
effectifs
23%
15%
30%
20%
24%
4%
10%
Accompagnement des
demandeurs d'emploi
0%
France
Royaume-Uni
Allemagne
8
1-4 Un pilotage des moyens encore trop axé sur les « process » et
insuffisamment sur les résultats du point de vue de l’accès à l’emploi
durable ou à une formation qualifiante
 La grande leçon du benchmark réside dans l’analyse des outils de pilotage et
d’ajustement des moyens du SPE utilisés par les autres pays
 Allemagne et Royaume-Uni pilotent leurs services à travers un nombre
d’indicateurs limités, centrés sur le retour { l’emploi et l’accès { une formation
qualifiante et déclinés selon l’éloignement par rapport { l’emploi des demandeurs
d’emploi et leur durée de chômage antérieure
 L’ajustement des moyens en effectifs et en budgets de sous-traitance face à la crise
a été plus réactif et plus souple qu’en France
 Un nombre d’emplois créés supérieur au cours des années 2009 et 2010
 Mais un recours beaucoup plus large aux CDD
 Les évaluations conduites dans les deux pays montrent qu’une intensification de
l’accompagnement des demandeurs d’emploi peut avoir des effets significatifs sur
le retour { l’emploi et la durée d’indemnisation mais doit être modulée selon les
caractéristiques des demandeurs d’emploi pour être efficiente.
9
2- Les atouts et faiblesses des missions locales identifiées par
l’IGF
2-1 Des structures fédératrices dont la gestion et les résultats dénotent un réel
potentiel
2-2 Un réseau structuré dont la gouvernance mériterait d’être consolidée
10
2-1 Des structures fédératrices dont la gestion et les résultats
dénotent un réel potentiel (1)
2-1-1 Un service intégré d’accompagnement global
 Un outil commun { l’État et aux collectivités locales permettant de coordonner les
initiatives au niveau local, adapter les interventions au contexte local, sous une
structure le plus souvent associative, dotée d’une grande souplesse de gestion.
 Un accompagnement global permettant d’offrir une palette large de services aux jeunes
et une approche complète de leurs besoins
 Un métier d’intégrateur de services reposant sur trois piliers : accueil,
accompagnement, partenariats
2-1-2 Une situation financière globalement saine
 La situation financière du dispositif n’a pas appelé d’alerte globale de la part de l’IGF,
même si une grande hétérogénéité des sources de financements a été constatée et
quelques structures ont pu connaître ou connaissent de réelles difficultés.
 Le poids élevé des dépenses de personnel et l’assez forte dynamique de la masse
salariale entre 2005 et 2008 du fait des recrutements opérés appellent néanmoins une
certaine vigilance, compte tenu de leur faible flexibilité
 La mission souligne les difficultés du réseau à gérer les financements spécifiques sur
projets (épisode européen)
11
2-1 Des structures fédératrices dont la gestion et les résultats
dénotent un réel potentiel (2)
2-1-3 Des résultats, à interpréter avec une relative prudence méthodologique,
qui témoignent du potentiel du dispositif
 Une relative prudence méthodologique dans l’évaluation des résultats s’impose
 Difficulté de constitution des statistiques et hétérogénéité forte des résultats d’accès
vers l’emploi ou la formation selon les missions
 Difficulté de comparaison des coûts de gestion entre des structures fonctionnant selon
des modèles différents et d’établissement de ratios sur le temps passé par jeune
accueilli et suivi effectivement.
 Les constats dressés par la mission font apparaître que :
 Les jeunes suivis par les missions locales représentent 34% de la population jeune
active ; une proportion élevée n’est cependant pas inscrite comme demandeur
d’emploi;
 Les objectifs quantitatifs fixés aux missions locales par l’État dans le cadre de la
précédente CPO ont été atteints mais n’étaient pas fixés { un niveau élevé d’exigence;
 Les taux d’accès { l’emploi des jeunes accueillis sont dans l’ensemble peu élevés et très
hétérogènes mais doivent être mis au regard de la qualification des jeunes accueillis ,
être pondérés par des indicateurs de contexte territorial et seraient en définitive
globalement assez comparables { ceux d’autres dispositifs vers les jeunes en difficulté
pour un coût de gestion unitaire moins élevé.
12
2-2 Un réseau structuré dont la consolidation est
indispensable (1)
2-1-1 Des outils de coordination limités et une architecture institutionnelle
fragmentée
 Des outils communs (convention collective, charte et protocoles) fédérant le réseau,
mais méritant des adaptations et ne faisant pas l’objet de contrôles internes
 Une animation nationale assurée par des instances multiples , n’autorisant pas toute la
vision stratégique et technique souhaitable devant la pluralité des enjeux et modes
d’action des missions locales
 Une animation régionale hétérogène au positionnement parfois flou
2-2-2 Un outil de gestion, Parcours 3, riche et structurant pour le réseau mais
administré selon un portage fragile et encore sous-exploité
 Une gouvernance et une maintenance de l’application, dont la fragilité est soulignée
 Un outil dont l’appropriation et l’exploitation comparative par les structures
nationales, régionales et locales pourrait progresser
2-2-3 Un outil de dialogue avec l’État, la convention pluriannuelle d’objectifs,
puissant, mais nécessitant un pilotage plus consolidé et davantage modulé
selon les performances
13
3- Les perspectives à prendre en compte
3-1 Un contexte externe susceptible de faire naître de nouvelles contraintes
mais aussi de nouvelles opportunités
3-2 Un positionnement et des atouts à développer et valoriser
14
3-1 Un contexte externe susceptible de faire naître de
nouvelles contraintes mais aussi de nouvelles opportunités
 Une contrainte financière forte risque de peser tant sur l’État que sur les
collectivités locales au cours des trois prochaines années
 Compte tenu du poids de la dette et de celui des pensions, de la rigidité des dépenses
salariales nonobstant les réductions d’effectifs et de la difficulté d’augmenter
davantage les prélèvements obligatoires, l’État prévoit une diminution significative de
ses dépenses d’intervention sur les trois prochaines années;
 Les collectivités locales ne disposent plus de marges de manœuvre considérables
compte tenu des évolutions de la fiscalité locale et des limites de la péréquation
 La recherche d’efficience sera centrale et n’épargnera pas les politiques de l’emploi.
 Le paysage institutionnel ne se simplifiera probablement pas à brève
échéance
Qu’il y ait rupture ou continuité dans la décentralisation, ni les partenaires sociaux, ni l’État,
ni les collectivités locales ne se désengageront de la définition des outils de régulation de la
situation de l’emploi. La gestion de la complexité, le métier d’ensemblier des diverses
initiatives { l’égard de publics spécifiques et celui d’ingénierie locale ont de l’avenir…
 Mais la question de l’avenir des jeunes va être au cœur du débat politique et
social en « sortie de crise », susciter de nouvelles attentes, de nouvelles
propositions, peut être de nouveaux outils (évolutions d’ores et déjà
amorcées)
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3-2 Un positionnement et des atouts à développer et valoriser :
25 propositions de l’IGF au service de 3 objectifs (1)
 Objectif n°1 Renforcer le potentiel fédérateur des missions locales
 Une idée centrale : préserver l’autonomie du projet et du fonctionnement des
missions locales par rapport à l’État, aux collectivités locales, à Pôle emploi
 Systématiser l’élaboration de plans stratégiques par les missions locales,
précisant au regard des contraintes externes et internes qui sont les leurs et de
leurs avantages comparatifs, leurs projets prioritaires et les conséquences
organisationnelles et financières qui en découlent;
 Conforter l’orientation des financements gérés par la DGEFP et de Pôle emploi à
l’égard des missions locales en direction de l’emploi
 Objectif n°2 Développer des incitations à la performance adaptées à la
spécificité des missions locales et l’intervention sur projets
 Intensifier l’utilisation des outils de pilotage existant
 Adapter la convention pluriannuelle d’objectifs (travail sur les indicateurs)
 Développer les outils d’évaluation ex post des performances en garantissant une
administration rigoureuse des données
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3-2 Un positionnement et des atouts à développer et valoriser :
25 propositions de l’IGF au service de 3 objectifs (2)
 Objectif n° 3 Consolider et dynamiser le réseau
 Sécuriser le portage de Parcours 3 et Icare
 Améliorer le dialogue institutionnel au niveau national
 Clarifier le statut des animations régionales
 Le mot de la fin …inspiré par l’expérience administrative mais également
associative de l’intervenante
 Les missions locales ont la chance d’avoir un projet et un positionnement clair
sur un sujet central et prioritaire pour la société française
 Mais, dans un contexte incertain, elles devront faire la preuve de leur
professionnalisme et de leur efficacité auprès d’interlocuteurs administratifs
nombreux et changeants, auprès d’entreprises et acteurs économiques aux
profils différenciés, mais aussi et surtout vis-à-vis des jeunes, dont les
comportements et attentes évoluent mais sont pressantes et diverses.
 Pour cela il apparaît important qu’elles approfondissent ensemble l’approche
technique de leur métier , mutualisent davantage leurs pratiques et assurent un
réel contrôle qualité de leur réseau ainsi que l’affichage transparent de leurs
objectifs et de leurs performances au niveau national comme au niveau local à
l’égard de tous leurs partenaires, en s’adaptant à leurs besoins différenciés.
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