105
l’autre, et elles peuvent s’appuyer sur divers principes, telles la synchronicité
et la saturation des catégories (Deslauriers, 1991: 83-90), plutôt que sur une
logique purement mathématique, car « on vise à introduire un pluralisme et un
relativisme dans la définition des objets et des choses » (Groulx, 1997: 58).
Les deux grandes tendances apparaissent irréconciliables, voire antagoniques,
et elles ont souvent été, en fait, mises en opposition (Laperrière, 1997: 365-366;
Pires, 1987: 85-87). Cependant, certains auteurs tentent de nuancer les points
de discorde ou de ramener le débat à un autre niveau. Epstein (1984: 272), par
exemple, dénonce ce qu’il appelle le mythe de l’incompatibilité et croit qu’un
agencement harmonieux des méthodes43 peut contribuer à une meilleure
connaissance de certaines réalités. En fait, le phénomène de croisement des
méthodes, dit de triangulation (Pires, 1987: 95), semble de plus en plus
reconnu (Mayer et Ouellet, 1991: 73). D’autres auteurs, tels Miles et Huberman,
défendent « la thèse d’un continuum méthodologique entre qualitatif et
43 Il semble exister très peu de méthodes de recherche communes aux deux orientations, sauf
l’entrevue et les méthodes de la nouvelle école de Chicago (Laperrière, 1982: 35-39). De
plus, il faut reconnaître que la subjectivité peut jouer un rôle significatif à l’intérieur d’une
recherche qualitative et que plusieurs méthodes qualitatives ont été développées pour
tenir compte de cette spécificité. À l’inverse, les méthodes quantitatives cherchent toujours
à tendre vers une neutralité absolue. Il faut toutefois noter que la réalité des faits sociaux
est beaucoup moins tranchée que le laissent sous-entendre les polémiques entre les écoles
épistémologiques. Les lignes pures et dures perdent leur rigidité sur le terrain, faisant en
sorte qu’à l’intérieur d’une même recherche, on aura tendance à percevoir différents faits
sociaux tantôt comme objets tantôt comme sujets et à se promener entre ces deux visions
en fonction des observations et des analyses. Cette ambivalence apparente serait peut-
être due en partie aux différentes facettes des faits sociaux, dont certaines seraient
observables et mesurables et d’autres, pas. Ces traversées méthodologiques peuvent
même conduire à l’utilisation d’une mixité de méthodes à l’intérieur d’une même
recherche, phénomène à la base d’approches récentes dont, par exemple, la triangulation
et l’intégration par combinaison (Péladeau et Mercier, 1993: 116-121). Certes, la fonction
de la méthode utilisée aura un impact sur le caractère dominant de la recherche. À titre
d’exemple, si l’analyse qualitative ne sert qu’à illustrer des données quantitatives, la
recherche sera dans la lignée positiviste, comme c’est le cas lorsque le matériel recueilli
par le biais de méthodes qualitatives est traité selon les procédures de la recherche
empirique (Lefrançois, 1987: 148).