01/06/2016 16:28Emmanuel BAUDOUIN | 124-Sorbonne. Carnet de l'École Doctorale d'Histoire de l'Art et Archéologie
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Les figurines anthropomorphes en terre cuite du Proche-Orient et du Caucase entre le 10 et le
6 millénaire av. J.-C. :
marqueurs culturels et témoins d’échanges
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Communication présentée le 1 février 2012
Article soumis en janvier 2015
Article publié le 1 juin 2016
Résumé
Objets cultuels ou décoratifs, les figurines anthropomorphes retrouvées en grand nombre sur les sites du
Proche-Orient ancien sont des marqueurs chrono-culturels importants. La découverte de ces mêmes ob-
jets en terre cuite dans la région du Caucase à partir du 6 millénaire permet d’émettre de nouvelles hy-
pothèses sur les influences inter-régionales entre la Mésopotamie et le Caucase.
La Mésopotamie est considérée comme un foyer culturel majeur pour ses innovations techniques :
apparition de l’agriculture, de la céramique, et plus tard de l’écriture. Moins connues sont ses ré-
gions limitrophes au nord, comme la région du Caucase, qui offre pourtant, par sa position géo-
graphique, un terrain d’étude fécond, au carrefour de plusieurs civilisations. Son enclavement ap-
parent ne représente en rien la réalité « expansionniste » de l’Homme du Néolithique et du Chal-
colithique. Au contraire, de nombreux restes matériels témoignent des influences entre ces deux
régions. Les figurines anthropomorphes en terre cuite sont à ce titre représentatives de ces
échanges et de ces influences culturelles. Leur étude stylistique offre une approche originale pour
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EMMANUEL BAUDOUIN
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tenter d’expliquer les relations qui ont pu exister entre les différentes régions du Proche-Orient et
du Caucase.
Nous verrons que les reliefs accidentés du Caucase et les chaînes montagneuses d’Anatolie et
d’Iran ne sont en rien des obstacles pour l’homme, comme en témoigne la présence d’artefacts
allogènes sur les sites du Néolithique et du Chalcolithique dans le Caucase. Seuls quelques exem-
ples représentatifs des influences stylistiques entre les différentes régions seront analysés. Cette
présentation succincte nous permettra d’émettre les premières hypothèses sur les relations cultu-
relles entre la Mésopotamie et le Caucase.
La région du Caucase possède un relief accidenté et hétérogène (Fig. 1). Au nord, les montagnes
du Grand Caucase culminent à plus de 5600 m d’altitude, avec des escarpements très marqués et,
pour seuls axes de communication avec le nord, les zones côtières de la mer Noire à l’ouest et de la
mer Caspienne à l’est. Au sud, la chaîne du Petit Caucase, moins escarpée, laisse place à de nom-
breux plateaux culminant à plus de 1 500 m d’altitude. Entre ces deux chaînes montagneuses se
développe, à l’ouest, le long de la mer Noire, une vaste plaine côtière le climat est subtropical,
alors qu’à l’est, la dépression de la Caspienne, étendue steppique, connaît un climat aride les
pluies sont faibles. Dès lors, le Caucase se présente comme une région cloisonnée et enclavée
les montagnes forment a priori de véritables obstacles naturels à la circulation des populations.
La Mésopotamie regroupe quant à elle la Syrie du Nord, le sud-est de la Turquie, l’Iraq et la frange
ouest de l’Iran (Fig. 2). Au nord et à l’est, les montagnes du Taurus (Turquie) et du Zagros (Iran) bor-
dent la plaine mésopotamienne, vaste étendue steppique au milieu de laquelle s’écoulent le Tigre
et l’Euphrate. Les pluies abondantes des piémonts des montagnes laissent très vite place à une ari-
dité marquée, qui s’accentue à mesure que l’on se déplace vers le sud-est. Les chaînes du Taurus et
du Zagros accentuent l’isolement du Caucase, mais à la différence du Grand Caucase, ces montag-
nes, moins abruptes et formées de plateaux, ne constituent pas un véritable obstacle et ont pu
permettre des mouvements migratoires de l’Homme en quête de nouveaux territoires.
Entre le 9 et le 4 millénaire se succèdent de nombreuses cultures bien distinctes dans ces deux
régions (Fig. 16 et 17).
L’un des bouleversements majeurs de cette période est l’apparition au milieu du 9 millénaire
de la première domestication végétale en Anatolie. Ce phénomène se propagera très rapidement
vers l’Iran et la région du Levant et gagnera ainsi tout le Proche-Orient en l’espace d’un millénaire.
Parallèlement, la sédentarisation des populations connaît un développement important : la pério-
de allant du 6 millénaire au début du 4 millénaire est caractérisée par l’essor des villages, et l’on
voit émerger une multitude d’agglomérations dans des régions l’agriculture nest possible
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qu’avec l’existence de l’irrigation. Se succèdent alors les cultures de Hassuna/Samarra (début et
milieu du 6 millénaire), de Halaf (du 6 au milieu du 5 millénaire), d’Obeid (6 -5 millénaire) et en-
fin d’Uruk (4 millénaire). Chaque culture possède sa propre identité matérielle et sociale. Par
exemple, la culture de Halaf avec une architecture mixte – circulaire et/ou rectangulaire – se diffé-
rencie de la culture d’Obeid caractérisée par son architecture rectangulaire tripartite. Les sociétés
d’apparence égalitaire du Hassuna/Samarra et du Halaf se transforment rapidement au profit de
sociétés inégalitaires l’on constate les prémices de la différenciation sociale. Celle-ci ne fera
que s’accentuer pendant l’Uruk avec l’apparition de l’écriture et des systèmes économiques qui lui
sont associés (commerce, administration).
Les données restent à l’heure actuelle plus ténues pour le Caucase. Les fouilles soviétiques du XX
siècle, publiées en russe, et l’isolement politique auquel a faire face la région jusqu’en 1991 ont
longtemps été un frein à la connaissance de ce territoire. Alors que la Mésopotamie offre à l’heure
actuelle une richesse documentaire remarquable pour le Néolithique et le Chalcolithique, le Cau-
case nen est qu’à ses débuts. Cependant, les recherches soviétiques ont déjà mis en évidence une
succession culturelle entre le 6 et le 4 millénaire. La première culture connue est celle de Shula-
veri-Shomu, au 6 millénaire, attestée le long de la Kura (l’un des deux fleuves principaux de la ré-
gion, avec l’Araxe) et reconnaissable à son architecture circulaire. Lui succède au 5 millénaire la
culture de Kül-Tepe, plus au sud, dans la région du Petit Caucase, avec des sites de plateaux. A par-
tir du milieu du 5 millénaire, et jusqu’au début du 4 millénaire, la culture de Sioni s’installera dans
la même région que celle de Shulaveri-Shomu un millénaire plus tôt. Enfin, au 4 millénaire, les cul-
tures de Leilatepe et de Berikledebbi se développent dans la plaine steppique de l’Azerbaïdjan et
le long de la Kura.
La description minutieuse et la comparaison des différents artefacts permettent d’établir des
points de concordance ou de discordance entre les objets eux-mêmes et surtout entre les cultu-
res. C’est le cas par exemple des figurines que l’analyse stylistique autorise à interpréter comme
des témoins d’échanges culturels. Les relations culturelles qui ont pu exister peuvent être de trois
ordres : commerciales (ou d’échange), techniques et humaines.
Dans une autre mesure, l’analyse des figurines nous amène à émettre des hypothèses concernant
leur fonction. Sont-elles des marqueurs d’une différenciation sociale, ou au contraire des objets de
la vie courante ?
Cette étude est fondée sur un corpus d’environ cent quarante figurines. Loin d’être exhaustif, il est
cependant représentatif. Cette délimitation du corpus s’est en effet imposée au vu des premiers
résultats obtenus : le choix d’un panel représentatif de chaque région et de chaque culture permet
d’obtenir une image des changements stylistiques qui ont pu avoir lieu. Les figurines analysées ici
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ont été choisies en fonction de ce critère.
Le Nord de la Mésopotamie s’impose comme le premier foyer producteur de figurines anthropo-
morphes en terre cuite dès le 10 millénaire. Jusqu’au 5 millénaire, cette production naura de
cesse que de s’accroître dans tout le Proche-Orient, et dans le Caucase à partir du 6 millénaire.
Lévolution stylistique de ces figurines montre une alternance entre simplification des formes et
réalisme. Lapparition des premiers décors peints ou incisés est certainement le signe d’un change-
ment idéologique des populations du Néolithique et du Chalcolithique.
Létude de chaque culture sera abordée au travers d’un ou plusieurs exemples de figurines. Après
une brève description de la morphologie et du décor, nous reviendrons sur la question des influen-
ces stylistiques entre les cultures qui précèdent celle étudiée ou qui lui succèdent.
Les premières figurines anthropomorphes en terre cuite retrouvées au Proche-Orient datent du
10 millénaire : elles proviennent uniquement de la région du Haut-Tigre et du Moyen-Euphrate
syrien. L’une d’elles, retrouvée sur le site de Mureybet en Syrie, est une figurine féminine debout,
les jambes jointes, dont la tête est manquante (Fig. 3). Les détails anatomiques sont déjà très mar-
qués, avec des bras ramenés sous la poitrine, mais ils restent schématiques, car les bras sont trop
courts et le sexe est à peine esquissé par trois traits incisés. A l’instar des autres figurines du
PPNA, elle ne porte pas de décor. Cette première tentative nord-mésopotamienne connaîtra un
franc succès dans les régions environnantes dès le 9 millénaire, même si la position dressée de la
figurine ne sera pas reprise.
On observe pour la première fois au PPNB des figurines anthropomorphes en terre cuite au Le-
vant et dans le sud de l’Anatolie.
Sur le site d’Aswad en Syrie (Transition PPNA-PPNB ancien, niveau IB ou II), les figurines sont tou-
tes en position assise (CONTENSON, 1972, fig. 6, p. 84) et tradition peut-être héritée de la Mé-
sopotamie du Nord – les bras sont ramenés sous une poitrine opulente.
En revanche, le sud anatolien semble prendre une autre voie, car sur le site de Çafer Höyük (Fig. 4)
ou encore sur celui de Cayönü (OZDOGAN & BASGELEN, 1999, fig. 74, p. 35), les figurines restent
très schématiques, anguleuses, sans détails anatomiques. Cette particularité régionale sera enco-
re présente au moins jusqu’à la fin du PPNB. Aucune des figurines étudiées pour le PPNB ancien
ne porte de décor.
Alors que le Levant est proche stylistiquement du PPNA au Nord de la Mésopotamie, avec des fi-
gurines aux formes marquées et aux détails anatomiques encore maladroits, l’Anatolie prend la
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voie du « schématisme », avec des figurines que seule leur silhouette permet d’identifier comme
« anthropomorphe ».
Lapparition des premières figurines à l’est de l’Iraq dans la culture de Jarmo (seconde moitié du 8
millénaire) est le signe d’une nouvelle expansion dans la production des figurines. Parallèlement,
cette production ne cesse de s’intensifier au nord de la Mésopotamie. Sur le site de Tell Seker al-
Aheimar (Syrie), les archéologues japonais ont retrouvé une figurine féminine datant du 7 millé-
naire (Fig. 5), assise, les jambes en tailleur, les bras ramenés sur les jambes. Le visage, soigneuse-
ment travaillé, laisse apparaître des yeux en grain de café, un nez finement modelé et une bouche
incisée. D’autres figurines témoignent d’un réalisme marqué à la même période comme à Jarmo en
Iraq (Fig. 6) et à Hacilar en Turquie (MELLAART, 1970, pl. CXLIII, p. 201). Lapparition des figurines
iraniennes est marquée par la création d’un type original : le « cobra-shaped ». Sa forme schémati-
que caractérisée par une base évasée et un corps tronconique laisse deviner une tête – une simple
excroissance alors que les bras sont remplacés par un renflement lui donnant l’allure du cobra,
reconnaissable par l’élargissement de son cou. Les premières traces de décors peints apparaissent
également au 7 millénaire, comme la peinture rouge sur la figurine de Tell Seker al-Aheimar, ou
encore des décors incisés comme sur les figurines iraniennes « cobra-shaped » de Choga Sefid au
nord-est de l’Iraq (HOLE, 1977, fig. 91g, p. 230). Ces décors ont-ils une fonction particulière ?
Sont-ils le reflet de détails corporels réels ?
Le début du 7 millénaire marque ainsi un tournant important dans les relations entre le Nord de
la Mésopotamie et la région des piémonts du Zagros. Les ressemblances stylistiques entre les
deux régions pourraient correspondre à une influence des régions du Nord mésopotamien sur la
région du Zagros. Mais l’apparition du type « cobra-shaped » présent uniquement dans la culture de
Jarmo rappelle que l’on est en présence de cultures distinctes.
L’hypothèse de l’influence du nord de la Mésopotamie sur la région du Zagros est renforcée à la fin
du 7 millénaire par une accentuation des ressemblances stylistiques entre les figurines de la cul-
ture d’Umm Dabaghiyah/Sotto et celles de l’Iran occidental. Sur le site d’Umm Dabaghiyah en
Iraq ont été retrouvées des figurines assises dont les jambes, tendues vers l’avant, restent très
schématiques : le seul détail anatomique est une incision circulaire marquant le départ des pieds
(KIRKBRIDE, 1972, fig. b, pl. IX). Ce détail stylistique se retrouve sur le site de Tepe Sarab en
Iran au début du 6 millénaire (Fig. 7). Le décor peint et incisé perdure durant cette période : la fi-
gurine de Tepe Sarab arbore un décor de petites incisions longilignes et circulaires matérialisant
peut-être un vêtement traditionnel. Ces détails dénotent le soin important accordé à ces objets. Il
en est de même pour l’une des figurines d’Umm Dabaghiyah (KIRKBRIDE 1972, fig. d, pl. IX) avec
un décor peint de pointillés disposés de manière verticale sur toute la partie arrière de la figurine.
On constate ainsi que les relations entre les cultures nord-mésopotamiennes et celles de la frange
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