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3décembre2008 2643
CRYOTHÉRAPIE
Mécanisme de destruction tissulaire
Le principe de destruction tissulaire est basé sur des
cycles rapides de congélation/ réchauffement, provoquant
une nécrose tissulaire. Cet effet est obtenu par le place-
ment de sondes (cryosondes) placées au sein de la tumeur
et dont l’extrémité est ensuite refroidie par un mélange de
gaz circulant, dont le plus répandu se compose d’argon et
d’hélium. Alors que le diamètre des cryosondes était ini-
tialement de 3 à 5 mm, celles qui sont disponibles actuel-
lement ont un diamètre de 17 Gauges (1,47 mm). L’effet
cytotoxique de la cryothérapie est atteint lorsque la tem-
pérature est au moins de - 40°C. Il est essentiel d’obtenir
une telle température à la périphérie de la lésion avec une
marge de sécurité suffisante, afin d'obtenir une ablation
complète.
L’effet cytotoxique est obtenu selon trois mécanismes :
le premier est la formation de cristaux de glace intracel-
lulaires qui aboutit à une destruction par lésion cellulaire
directe pendant le cycle de congélation/décongélation.
Deuxièmement, les lésions de la microcirculation engen-
drent une ischémie, amplifiant le phénomène de nécrose
tissulaire et déclenchant une apoptose (mort cellulaire pro-
grammée) par régulation génétique. Finalement, une voie
complémentaire par stimulation immunologique semblerait
être aussi impliquée.
Application clinique et efficacité oncologique
La cryothérapie peut êtreeffectuée selon deux appro-
ches minimalement invasives principales:la voie laparo-
scopique ou la voie percutanée.
La première approche est réservée à des lésions plutôt
localisées à la face antérieuredu rein, donc plus difficiles
d’accès à une ponction percutanée. Une ou plusieurs cryo-
sondes sont implantées au sein de la lésion tumorale sous
contrôle visuel et/ou échographique et par voie laparosco-
pique transpéritonéale ou rétropéritonéale. Un prélève-
ment de biopsie peropératoirepeut également êtreeffec-
tué dans le même temps. La destruction tumorale peut être
objectivée visuellement par la formation de glace et peut
également êtresuivie par échographie peropératoire. Bien
que l’abordlaparoscopique permette un contrôle peropé-
ratoire précis, des risques de dommage tissulaire des struc-
tures adjacentes (intestin, côlon, pancréas) ont été décrits.
Gill et coll.1ont présenté une série de 56 patients qui
ont subi une cryothérapie pour des lésions rénales de 2,3 cm
de diamètreen moyenne. Le suivi moyen était de trois ans
et la survie sans maladie de 98%. Dans la série de Cestari
et coll.2,70 patients ont été traités par cryothérapie lapa-
roscopique pour des lésions de 2,4 cm, avec un suivi moyen
d’environ 30 mois. Le suivi par IRM a montré une destruc-
tion de la lésion chez tous les patients, sous la forme d’une
cicatrice visible après 24 mois. Un seul patient a subi une
néphrectomie radicale à une année pour une progression
tumorale locale.
La technique percutanée est moins invasive que la voie
laparoscopique. Parfois, elle peut être pratiquée sous sé-
dation légère et anesthésie locale. La ponction peut être
effectuée sous guidage échographique, mais le scanner,et
surtout l’IRM, sont des techniques d’imagerie d’où l’avan-
tage de pouvoir évaluer l’extension de la zone congelée
en cours de procédure.
Sylverman et coll.3ont traité 33 patients, porteurs de 40
tumeurs rénales de 2,6 cm en moyenne, par voie percuta-
née et sous guidage IRM. Lors du suivi moyen de 12 mois
(3 à 43 mois), ils ont identifié une récidive unique à la péri-
phérie de la zone d’ablation préalablement traitée. Dans la
série de Sewel et Shingelton,4103 patients ont été traités
par cryothérapie pour 120 tumeurs d’une taille de 1,1 cm à
7,5 cm, avec un suivi moyen de 35 mois. La survie globale
était de 90% et la survie sans maladie de 97%. A noter que
27% des tumeurs ont nécessité une deuxième séance et que
12% d’entre elles ont nécessité plus de deux traitements
supplémentaires.
Dans notre institution, sept patients ont bénéficié d’une
cryothérapie percutanée rénale sous contrôle IRM.5Les pa-
tients sélectionnés, qui avaient un âge moyen de 61,5 ans,
présentaient un capital néphronique faible : rein solitaire,
insuffisance rénale ou greffe rénale. Après un suivi moyen
de 28 mois (7 à 43 mois), aucune récidive macroscopique n’a
été détectée sur le plan radiologique. Dans les suites de
cette procédure, aucune complication n’a été constatée et le
séjour hospitalier moyen était de 2,4 jours. De plus, la créa-
tinine n’a pas augmenté de façon significative (figure 1).
RADIOFRÉQUENCE
Mécanisme d’action de la radiofréquence
La destruction tissulaireest obtenue par conversion d’on-
des de radiofréquence (RF) à hautes fréquences (500 kHz)
en chaleur, provoquant une nécrose de coagulation. Initia-
lement, le signal de radiofréquence était appliqué à l’élec-
trode située à l’extrémité de l’applicateur de manièrera-
pide et importante, provoquant un effet de dessiccation et
de carbonisation de la néoplasie et du tissu non tumoral.
Ainsi, l’extension de la zone d’ablation était limitée, ne per-
mettant de traiter que de petites lésions de façon incom-
plète. Le développement de nouveaux générateurs, four-
nissant de hautes énergies et autorégulés sur la base de
l’impédance tissulaire, ainsi que l’utilisation d’un système
de refroidissement interne de l’électrode par circulation
d’eau, ont amélioré les performances de cette technique.
En effet, en maintenant une température locale constante
àenviron 100°C, la déposition d’énergie, et par consé-
quent la destruction tissulaire, sont plus étendues et plus
homogènes. Comme pour la cryothérapie, l’opérateur peut
effectuer une ou plusieurs applications de l’électrode de
radiofréquence, dans le but d’obtenir une ablation com-
plète de la lésion.
Application clinique et efficacité oncologique
Al’instar de la cryothérapie, l’ablation tumorale par ra-
diofréquence peut être effectuée en chirurgie ouverte, par
voie laparoscopique ou par voie percutanée.
Matsumoto et coll.6ont présenté une série de 109 pe-
tites tumeurs chez 91 patients traités par radiofréquence,
par voie percutanée et guidée par scanner (n = 63) ou par
laparoscopie (n=46). Le diamètre moyen des tumeurs était
de 2,4 cm. Sur un collectif de 60 patients qui ont été suivis
pendant au moins une année (12 à 33 mois), une seule
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