Co-production : Scène Nationale de Bayonne Sud-Aquitain (France) / Ex Ponto Festival Kulturno Društvo B-51 (Slovénie) / Théâtre d’Esch (Luxembourg) /
Slovene National Theatre Drama Ljubljana (Slovénie) / Festival International de Théâtre MOT (Macedoine) / Théâtre de Vienne Scène conventionnée – Scène Rhône Alpes (France)
Avec le soutien de : l’Institut Français, du Ministère de la Culture de République Slovène, de la Ville de Ljubljana, de l’Institut Culturel Roumain à travers le Programme Cantemir,
de l’Ambassade de France et de l’Institut Français à Bucarest (Roumanie), d’UNITER (Roumanie) et de la BRD Groupe Société Générale, partenaire principal du spectacle à Bucarest.
LE ROI SE MEURT
EXIT THE KING
Musique :
VASILE SIRLI
Assistant à la mise en scène :
STEPHANE RAVEYRE
Scénographie et Lumière :
SILVIU PURCARETE
Assisté de :
MARC CHIKITOU
Costumes et maquillage :
JAYNE MORLEY
Avec :
JACQUES BOURGAUX
MARIE CAYROL
DAPHNÉ MILLEFOA
KARELLE PRUGNAUD
LAURENT SCHUH
VOJKO ZIDAR
EUGENE IONESCO
MISE EN SCENE
SILVIU PURCARETE
PRODUCTION LES ARTS ET MOUVANTS, CIE A L’ENDROIT DES MONDES ALLANT VERS (FRANCE)
Graphic Design : Sophie Duchemin // www.ducheminsophie.wordpress.com
Crédits Photos : © Jayne Morley
frontières. L’occasion de ce “retour” se présente
enfin avec cette petite forme explosive, véritable
événement grandeur nature à célébrer ici et
maintenant... ensemble en temps compté ! Fidèle
à son appétit pour les transmutations de la vie
observées chez Sade, Rabelais, Goethe ou Ovide,
Silviu Purcarete a aujourd’hui le projet “naturel”
de monter
Le Roi se meurt
d’Eugène Ionesco
qui s’inscrit ici comme une suite au Faust de
Goethe (création 2008 à Sibiu capitale culturelle
européenne, présentée en 2009 au Festival
d’Edimbourg), ainsi qu’aux
Métamorphoses
d’Ovide (Luxembourg 2007), et au
Pantagruel
de Rabelais (création 2003 au Théâtre National
Hongrois de Cluj puis en tournée dans le monde)
et enfin au
Sade
(création 1999 au Théâtre de
L’Union). Le thème central en est bien évidemment
la mort du vivant donnant naissance à une autre
forme de vie…
Il s’était confronté récemment avec succès au
Macbett
du même auteur dans sa version anglaise
à la Royal Shakespeare Company. Avec
Le Roi se
meurt
il place sa loupe sur ce passage, ce moment
extraordinaire et tabou du cycle de la vie, celui
de la désintégration de l’être. Sorte d’exercice
spirituel “pour apprendre à mourir” disait Ionesco
de sa pièce. Exorcisme, rite initiatique, il avait à
l’origine intitulé sa pièce “Cérémonie”.
Mis en scène par Silviu Purcarete,
Le Roi Se
meurt
pourrait s’intituler “Le Roi Semeur” ! En
mourant, que sème-t-on ? Dans cette cérémonie
de la dissolution de l’être tout est prétexte à jeu,
comme un jeu d’enfant avec toute la panoplie de
ses symboles qui l’accompagne. Et plus qu’un jeu,
c’est un plaisir du jeu qui nous prend par la main.
Le scénario en lui-même est sans surprise. C’est
comme si c’était fait. Et de plus on s’y voit très
bien, c’est tout nous ! Évidemment ce Roi n’est
C
LA CRÉATION
C’est à l’invitation de son équipe française
que l’un des plus grands maîtres de la scène
théâtrale européenne s’empare de l’un des plus
grands dramaturges du 20e siècle. Ensemble, ils
nous convoquent à la frontière de nos territoires
invisibles. Dans l’entre deux de nos états politiques
et métaphysiques. Ensemble, ils nous invitent à
une cérémonie théâtrale où la Mort sera le vivant
convive d’un roi semeur de renaissances.
La France et La Slovénie n’ont eu ces dernières
années que trop peu la chance de voir naître
les créations de Silviu Purcarete, toutes plus
majestueuses les unes que les autres, portées par
le berceau européen, circulant ici et là hors de nos
RENAISSANCE POUR UN ROI SEMEUR
1
pas un roi, c’est chacun de nous, roi de sa propre
vie. Et cette pièce n’est pas une pièce, c’est
une tentative d’apprivoisement de cette histoire
banale, extraordinaire et choquante qui nous
rassemble : la mort nécessaire pour que la vie
continue…
On s’y voit comme dans un miroir grossissant de
Foire du Trône ! Et quoi de plus approprié pour un
Roi qui se meurt qu’un Trône en Foire ! Dans ce
bref laps de temps, une heure et demie environ
pour “s’évaporer”, qu’est-ce qu’il nous reste de
liberté, de jouissance, de sens ? Le théâtre comme
ultime réponse. Celui qui met le doigt là où ça fait
mal, transformant le cri de peur en incantation,
le métamorphosant en un rire qui jaillit sous la
pression du temps et parce que “ça” presse !
A partir de ce rituel en soi prévisible, le jeu se
développe en circonvolutions par variations de
rythmes, contrastes, paradoxes, dissonances…
Rituel plutôt baroque donc, “guignol tragique”
dit Ionesco qui invite à un jeu presque chanté
et presque dansé, la pièce fut même paraît-il un
argument de ballet à l’origine. Comme Sade ou
Rabelais, Ionesco dans
Le Roi se meurt
affectionne
les listes, les nomenclatures. Une manière, dans
l’urgence, de mémoriser la vie avant le grand
voyage dans l’au-delà. Dans un monde où nos
vieilles habitudes civilisées participent à l’érosion
de notre étonnement d’être, le Roi se meurt
s’étonne et nous voudrions qu’il étonne !
LES ARTS ET MOUVANTS
Cie à l’endroit des mondes allant vers
2
Il sera une page dans un
livre de dix mille pages que l’on
mettra dans une bibliothèque
qui aura un million de livres,
une bibliothèque parmi un
million de bibliothèques.
’’
LAUTEUR
13 janvier 1963, Paul-Louis Mignon.
Est-ce que le thème de la conscience de la
mort est essentiel chez vous ?
Oui, c’est une question qui hante tout le monde
quotidiennement. Cette pièce est une sorte de
libération de cette angoisse, et de cette libération
devraient en profiter, je l’espère, les spectateurs.
Comment avez-vous eu l’idée de ce roi ?
Pour moi c’est l’homme, l’Homme universel.
En réalité pour moi tout homme est une sorte de
roi de l’univers. L’univers lui appartient jusqu’au
moment ou tout s’écroule.
C’est lui-même qui disparait et tout disparait avec
lui, ce royaume énorme qui est le monde et qui est
le nôtre tant que nous sommes là.
Pourquoi le roi a-t-il deux femmes ?
Il est bigame, mais nous avons tous deux épouses : la
vie et la mort. Autour du roi et de ses deux femmes
il fallait aussi un choeur représenté ici par Juliette
la servante, le garde (témoin de l’Histoire), et le
médecin qui porte en lui la conscience collective
objective.
Donc au lever du rideau le roi apprend qu’il
va mourir dans une heure et demie.
En une heure et demie il s’effraie, il n’y croit pas,
comment devrait-il mourir sans qu’il l’accepte lui-
même? Il a peur, ensuite il se met en colère, il
est vexé, puis sa peur se mêle à la résignation,
à la nostalgie et petit à petit il abandonne son
royaume, il abandonne les siens, il est abandonné
par les siens, il s’oublie lui-même et dépouillé de
tout, nu, il peut mourir.
DE L’AUTRE CÔTÉ DU RIDEAU - ENTRETIEN AVEC EUGÈNE IONESCO
‘‘
3
ANALYSE
LECTURE DE LA PIÈCE PAR MARIE-FRANCE IONESCO
Or Eugène Ionesco a écrit – beaucoup : théâtre,
essais, articles, journal… “J’aurais écrit de
toute façon” est même le titre de l’un de ses
essais. Parce qu’il ne sait rien faire d’autre, dit-
il. Parce que “ça ne fait rien si je me contredis”.
Parce que “la littérature c’est moins rien que
le reste”. Et même si “c’est un peu déprimant
de voir dans une bibliothèque des centaines de
milliers de livres, dans les musées des centaines
de milliers de tableaux, d’œuvres d’art”, ce sont
autant de façons “d’essayer de s’expliquer dans
l’inexplicable” (
Antidotes
).
Et le théâtre ? “Le théâtre peut paraître un genre
littéraire inférieur, un genre mineur. Il fait toujours
un peu gros.” Oui, selon lui, le théâtre est “un art
à effets” et “les effets ne peuvent être que gros”
(in Expérience du théâtre. Notes et contre-notes).
Quant à la représentation théâtrale, elle ne fait
qu’empirer les choses car elle rend “soutenable,
l’insoutenable”, elle est “un apprivoisement de
l’angoisse” (ibidem).
C’est donc pleinement lucide, conscient de pratiquer
“un art à effets” qu’il écrira pour le théâtre. Il
assumera, revendiquera “le grossissement des
effets”, “les grosses ficelles du théâtre”. Il voudra
“non pas cacher les ficelles mais les rendre plus
visibles encore, délibérément évidentes, aller à
fond dans le grotesque, la caricature […]. Eviter
la psychologie ou plutôt lui donner une dimension
métaphysique. Le théâtre est dans l’exagération
extrême des sentiments, exagération qui disloque
la plate réalité quotidienne” (
Expérience du
théâtre
. Notes et contre-notes).
Le Roi se meurt
, par son titre et par sa forme,
est certainement sa pièce la plus délibérément
théâtrale. Le titre renvoie, bien sûr, à Bossuet,
prédicateur théâtral (l’oraison funèbre étant
au cœur de la dramaturgie des funérailles des
Grands) qui, par une rhétorique magistrale, nous
fait toucher du doigt l’inanité de toute chose
terrestre… rhétorique comprise. Ce titre est
aussi un hommage/clin d’œil au théâtre classique
du 17ème siècle où “le Roi” c’est l’homme, tout
homme. Au théâtre du 17ème siècle, au théâtre
depuis les origines. “Œdipe, Agamemnon, Lear,
Macbeth, c’est moi” pourrait-on dire en pastichant
Flaubert.
La forme, elle, rend un évident hommage au
théâtre baroque, “le monde est un théâtre”, et
à ses métaphores théâtrales “quitter la scène”,
“tirer sa révérence”, “baisser le rideau”, etc. –
autant d’euphémismes pour “mourir”. Hommage
enfin au théâtre classique, le plus classique : unité
de lieu (la salle du trône), d’action (la mort du
Roi) et de temps – la durée de l’action est celle de
la représentation. “Tu vas mourir dans une heure
et demie, tu vas mourir à la fin du spectacle”,
annonce la reine Marguerite.
Si
Le Roi se meurt
est né d’une angoisse
(omniprésente dans son œuvre selon des formes,
des langages et des tonalités différentes), Eugène
Ionesco précise que lors de l’écriture finale de la
pièce “cette angoisse était très simple, très claire
[…], ressentie d’une façon moins irrationnelle,
moins viscérale, c’est-à-dire plus logique, plus à
la surface de la conscience”. Et Eugène Ionesco
oppose la surface de la conscience à la conscience
profonde, substantielle qui, elle, se révèle dans le
rêve.
La pièce n’est donc pas écrite sur “un fond de
crainte exacerbée” tout d’abord parce que “écrire
sur” c’est aussi “se séparer de”, c’est contrôler,
mettre à distance, bref “apprivoiser” (tiens,
précisément ce qu’Eugène Ionesco reprochait à la
représentation théâtrale !). De plus la pièce n’a pas
été “écrite” – au sens graphique – mais “dictée”,
ce qui, pour lui, crée une distance supplémentaire.
Le Roi se meurt
est une pièce qui a été dictée
[…], c’est une pièce très éveillée, c’est-à-dire
très réveillée. L’écriture est donc beaucoup plus
concertée” (
Entre la vie et le rêve. Entretiens
).
C
Cette pièce, c’est un essai d’apprentissage
de la mort” (
Entre la vie et le rêve
. Entretiens)
répond Eugène Ionesco à Claude Bonnefoy qui
l’interroge sur la genèse du Roi se meurt. Essai
d’apprentissage pour lui-même, certes, mais
aussi, peut-être, pour les autres, confie-t-il car
“cela me semble être la chose la plus essentielle
que nous puissions faire puisque nous sommes
des moribonds qui n’acceptons pas de mourir”
(ibidem). Et quand son interlocuteur lui demande
si avoir écrit cette pièce l’a aidé lui-même, Eugène
Ionesco répond : “Moi, cela ne m’a pas aidé du
tout” (ibidem) comme en écho au Roi Bérenger
qui s’exaspère : “Je meurs, vous m’entendez, je
veux dire que je meurs, je n’arrive pas à le dire,
je ne fais que de la littérature” (
Le Roi se meurt
).
Dans ces
Entretiens
, comme dans maints de
ses écrits, depuis
Non
(1934), violent pamphlet
contre la culture, et jusqu’à
La Quête intermittente
(1987), journal crépusculaire, Eugène Ionesco
dit son amertume, son dépit de n’être qu’un
“homme de lettres” (un temps, il avait voulu être
moine) et le sentiment qu’il a de l’insuffisance
spirituelle fondamentale de la littérature. “Parler
de littérature, ce qui est déjà se placer à un niveau
inférieur […] puisque tout ce qui s’intègre dans
la culture devient littérature et que nous sommes
tentés par la médiocrité” (
Antidotes
).
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