Tremblay, Wajdi Mouawad, etc. Mais
malgré tout, on coupe drastiquement
dans les budgets des compagnies qui font
de la tournée! Ces compagnies ne vivent
pourtant pas dans l’opulence, on ne parle
pas de subventions énormes et ces
subventions sont primordiales pour ces
compagnies. Dans ce sens, on ne prend
pas très bien soin des artistes.
M.F. : Est-ce que tu te sens
financièrement et socialement
protégée dans la pratique de ton
métier?
D.Q. : Non, je n’ai aucune protection. Il y
a toujours des périodes creuses qui
reviennent. Comme ça fait 18 ans que
c’est comme ça, j’essaie de me calmer!
Quand tu décides de faire ce métier-là, tu
apprends assez vite qu’il n’y a pas de
sécurité. Le théâtre implique sa part de
sacrifice ou, du moins, l’adoption d’un
mode de vie peu coûteux : je n’ai pas
d’enfant, pas de voiture et je n’ai pas un
mode de vie qui me demande des
moyens financiers extraordinaires. C’est
vrai que je ne veux pas crever de faim,
mais je n’ai pas de gros désirs
matérialistes. La distribution dans «Les
points tournants» comportait beaucoup
de jeunes pères de familles qui ne
peuvent pas vivre de la pratique du
théâtre. Les cachets théâtraux n’ont
aucun bon sens! Pour joindre les deux
bouts, ils doivent pas mal se disperser :
le matin, ils tournent pour la télé, l’après-
midi, ils courent à une audition. Ça
devient difficile de réunir tout le monde
en salle de répétition. Le théâtre est un
luxe, que l’on paie d’une façon ou d’une
autre.
M.F. : Qu’est-ce que tu souhaites
pour l’avenir du théâtre québécois?
D.Q. : Qu’il reste toujours aussi vivant et
diversifié, mais avec plus de moyens pour
le pratiquer. Il y a tellement de
combattants qui accomplissent des
miracles avec des moyens de fortune! J’ai
peur que ces artistes talentueux
abandonnent. Je souhaite aussi que le
théâtre soit plus accessible. Que l’on
cesse de voir le théâtre comme étant
snob. Que le théâtre soit plus présent en
milieu scolaire, dès les Centres de la
petite enfance. J’ai une nièce de cinq ans
qui aime le théâtre, parce que je nourris
cet intérêt. Il est important de développer
des habitudes théâtrales. Quand j’étais
jeune, j’allais dans les cafés-théâtres où
ça ne coûtait presque rien. Je me
demande parfois si on n’est pas trop
entre nous, gens de théâtre.
Je souhaite également des directions
artistiques qui soient passionnées,
curieuses. C’est vivant le théâtre, ça ne
doit pas s’encrasser. Ça doit être actuel.
Il faut être à l’affût de tout et partout.
J’aimerais que les jeunes metteurs en
scène et les jeunes auteurs occupent une
plus grande place au sein des théâtres
institutionnels. Il serait également
intéressant qu’il y ait une plus grande
présence féminine au niveau des
metteurs en scène. Il y a beaucoup de
femmes à la direction des théâtres, mais
vraiment pas beaucoup de femmes qui
pratiquent la mise en scène. Je me
demande pourquoi. Est-ce peut-être une
question de confiance en nous et de la
confiance qui nous est accordée?
M.F. : Comment entrevois-tu ton
avenir théâtral?
D.Q. : Le théâtre a une mémoire et il est
bon avec ses artisans. Entre nous, il y a
une confrérie. C’est beau cette
camaraderie, cette amitié. Je me vois
faire du théâtre jusqu’à ma mort et c’est
formidable d’avoir un métier où je ne
prendrai jamais ma retraite parce que
c’est un métier qui me passionne, que
j’aime et qui me garde allumée, en vie. Il
m’est arrivée des épreuves dans la vie et
je me suis toujours raccrochée au
théâtre.
M.F. : Dominique, merci infiniment
pour cet entretien… Et je te souhaite
le plus bel avenir théâtral qui soit!