I. LES ESPACES MULTIPLES DE L’ANTIQUITE II. MATHEMATISATION ET THEOLOGISATION DE L’ESPACE MODERNE III. L’ESPACE ABSOLU DE NEWTON IV. L’ESPACE DANS LA PHYSIQUE CONTEMPORAINE : POINCARE, EINSTEIN A. Poincaré : l’espace absolu euclidien n’est pas le « vrai » espace Lecture Poincaré La science et l’hypothèse, Deuxième partie 1. L’apogée de l’espace absolu o L’espace absolu de Newton, comme outil scientifique et concept métaphysique, a un succès magistral, malgré les critiques de ses adversaires. Euler, Maclaurin, D’Alembert non seulement le reprennent à leur compte, mais encore tentent d’en démontrer la nécessité logique, comme fondement du principe d’inertie. o Apogée avec Kant, ou au moins ce qu’on retient de Kant : l’espace absolu euclidien (?) identifié à l’espace de représentation, espace de l’intuition naturelle. Le débat passe alors du domaine de la physique et de la philosophie à celui de la psychologie (Helmholtz) 2. La révolution des géométries non euclidiennes o Très tôt, on montre que le cinquième postulat est inessentiel à l’édifice euclidien. On tente, de l’antiquité au XVII, on tente de montrer qu’il peut être déduit des autres postulats, sans y réussir. Finalement au XVIII, on tente de la prouver par l’absurde : une contradiction pourrait être déduite du remplacement du cinquième postulat par un autre. o Gauss en 1855, Lobatchevki en 1855 et Bolyai en 1856 prouvent la possibilité logique de la géométrie hyperbolique (somme des angles du triangle inférieure à deux droits, infinité de parallèles) o Généralisation par Riemann, 1868 : espaces très généraux dont la courbure (positive, nulle ou négative) définit les trois types de géométries : elliptique, euclidienne ou hyperbolique CH284-Soazig Le Bihan-2004 1 o En ramenant les géométries non euclidiennes à une modalité de l’euclidienne, c’est-à-dire en leur donnant un modèle au sens logique du terme, on peut démontrer leur consistance o Au départ, très peu d’écho, puis problème posé de savoir quelle est la vraie géométrie du monde physique : simple lubie de mathématiciens un peu fous et en dehors de toute réalité concrète. Tout le monde continue en effet d’adhérer à la théorie selon laquelle l’espace de l’intuition (l’espace naturel de notre représentation) est euclidien. 3. Poincaré : espace de représentation n’est pas l’espace géométrique et la géométrie est affaire de convention o L’espace de représentation, cad visuel, tactile et moteur n’est pas géométrique • l’espace visuel est inhomogène, fini • on doit reconnaître que la troisième dimension n’a pas le même statut que les deux premières • o l’espace moteur est anisotrope et construit par habitude L’espace géométrique est lié à une expérience bien précise, celle des déplacements des corps solides : • La géométrie est la science des déplacements, cad les mouvements externes compensables par des mouvements internes, ou encore (et plus simplement !) des changements de position des corps solides. • o Il n’y a donc pas de géométrie sans l’expérience des corps solides. Le choix géométrie est donc affaire de convention, non d’expérience empirique • On ne mesure jamais l’espace en lui-même, mais seulement des objets matériels: l’expérience de pensée des habitants du disque soumis à la dilatation/contraction. CH284-Soazig Le Bihan-2004 2 • L’expérience ne peut donc nullement nous renseigner sur la nature de l’espace, mais seulement sur les relations entre les objets • La géométrie euclidienne n’est qu’une convention utile, choisie parce que la plus commode pour décrire les mouvements des corps rigides constituent notre environnement naturel. CH284-Soazig Le Bihan-2004 3 B. Einstein Lectures : Comment je vois le monde – La relativité 1. L’espace et l’éther : l’apogée de la physique des ondes et champs Le concept d’éther a une double origine, qui correspond au développement dual de la physique au XVIII. et XIX. Siècles: o Le développement de la physique des ondes concernant la lumière : de l’optique géométrique à l’optique ondulatoire. Contre Newton et la théorie corpusculaire, la théorie de FRESNEL est unanimement acceptée par la communauté scientifique, du fait de son pouvoir explicatif des phénomènes nouvellement considérés comme propres à la lumière : interférence, diffraction etc. o De la force à distance à la notion de champ : • Caractère problématique de la notion de force à distance, contradictoire avec le caractère différentiel de la loi du mouvement, dans la théorie de Newton : • Objection, et alternative de FARADAY : comment la lune fait-elle pour savoir quelle est la masse de la terre et quelle distance l’en sépare ? Comment expliquer la brusque apparition d’une force d’attraction dans un corps, lorsqu’un autre apparaît, à quelque distance que ce soit , si rien n’existe avant? y a-t-il seulement conservation de l’énergie ? Soit donc il y a création d’un pouvoir à partir de rien, soit ce pouvoir préexiste à l’apparition d’un autre corps. • Création de la notion de champ comme un état permanent de l’espace infini autour des corps, dont la force n’est que la manifestation, ou actualisation. La conservation de l’énergie est alors seulement respectée, car l’attraction existe toujours et partout, potentiellement. Le champ est cette potentialité même . CH284-Soazig Le Bihan-2004 4 • Le champ, dans mathématique de les théories Faraday et respectivement de Maxwell expérimentale devient la et grandeur fondamentale de la physique. Théories de la gravitation et de l’électricité. Avec la théorie du magnétisme, la théorie des champs surpasse le modèle newtonien des forces centrales. Enfin grande unification de l’électromagnétisme. o L’hypothèse de l’éther comme milieu : • Nécessaire à la physique obéissant au modèle des ondes : l’onde est propagation d’une déformation d’un milieu • Nécessaire à la physique des champs : L’hypothèse de l’éther permettait déjà, pour Newton, de rendre à la force gravitationnelle un caractère mécanique. La reformulation de la physique classique en termes de champs fait de l’espace un acteur des interactions entre les particules, massives ou chargées. L’espace est désormais modifié par les corps en présence. Rétablissement d’une continuité matérielle entre les corps, qu’il est alors impensable d’attribuer directement à l’espace : nécessité d’un support substantiel des modifications de l’espace autour des corps. • L’éther comme référentiel absolu : enfin un nom pour l’espace absolu immobile o Mais il y a des problèmes liés à la notion d’éther : Du côté de la mécanique : une hypothèse non essentielle au développement de la mécanique : la plupart des physiciens l’acceptent, comme explication ajoutée à la théorie, mais aucune expérience ne permet d’en préciser davantage la nature, si bien qu’il devient une hypothèse dont ils ne se servait pas en pratique., c’est-à-dire, principalement dans le calcul des orbites des planètes. Ronron du calcul à succès. CH284-Soazig Le Bihan-2004 5 Du côté de la théorie ondulatoire : un être bien étrange : extrême ténuité , extrême rigidité o L’expérience de Michelson et Morley (1887): une tentative pour mettre en évidence l’existence de l’éther par la mesure du vent d’éther, crée par le mouvement de la Terre par rapport à l’éther immobile (différence de marche, interféromètre). Résultat : échec ! o Lorentz : l’hypothèse de la contraction/ dilatation de la matière compensant exactement le retard ou l’avance de la lumière : la mesure de l’espace et du temps est relative au mouvement du mobile. En particulier, un corps se « contracte » lorsque sa vitesse approche celle de la lumière ( ou le temps se dilate) : formulation des transformations de Lorentz, pendant des relations de transformations galiléennes. 2. Relativité restreinte (1905) : La fin de l’espace absolu o La refonte de l’espace-temps comme continuum à quatre dimensions est fondée sur le postulat dit d’invariance de la vitesse de la lumière. • La lumière échappe en effet à la loi d’addition des vitesses • Mais ceci n’est pas contradictoire avec la relativité galiléenne, qui se trouve au contraire confortée dans le nouveau système (il n’existe pas d’effets physiques observables pour distinguer référentiels en mouvement) • Le temps devient relatif, et la vitesse de la lumière est la mesure de conversion de l’espace en temps. Mesure et simultanéité : le train. • La relativité restreinte consiste donc en une réinterprétation de la théorie de Lorentz : systématisation de la théorie de la contraction des longueurs et de la dilatation des durées CH284-Soazig Le Bihan-2004 6 • Elle permet une refonte de l’électromagnétisme, et d’éviter certaines contradictions, dont l’asymétrie caractéristique de l’électromagnétisme classique, entre le champ électrique et le champ magnétique o La fin de l’espace absolu et le retour à l’espace matériel : espace, lumière et matière « Newton, excuse-moi ! La voie que tu as ouverte étais la seule qu’un homme doué d’une intelligence brillante et d’un esprit créateur pouvait trouver à l’époque. Les concepts que tu as élaborés guident encore aujourd’hui nos raisonnements en physique, même si nous savons qu’il nous faut désormais les remplacer par d’autres concepts qui, plus éloignés de l’expérience directe, nous permettront seuls de parvenir à une compréhension plus profonde des relations ente les choses » Notes Autobiographiques, 1949 • La critique de la simultanéité implique la remise en cause de l’espace absolu : espace et temps absolu constituait un référentiel absolu, dont la relativité restreinte peut se passer : l’espace absolu est un concept vide et superflu • La lumière n’est pas une vitesse, mais une onde, ou plutôt un champ, ie un état, ou une caractéristique de l’espace. Le champ électromagnétique, la lumière possède une réalité physique autonome. • L’espace vide n’a aucune réalité, sinon d’être le lieu des champs électromagnétiques, auquel ils « collent » véritablement • Le champ devient finalement matière, et non état de la matière : se suffit à luimême. Sa théorie contiendra finalement, que matière et lumière sont une seule et même chose, et doivent se comprendre par le concept d’énergie-masse : E=mc2 ! 3. Relativité générale o Une interprétation nouvelle de la gravitation CH284-Soazig Le Bihan-2004 7 • Le principe de l’identité de l’inertie et de la gravitation, et donc de la masse inertielle (résistance au changement : loi du mouvement) et de la masse gravitationnelle (loi de gravitation universelle : attraction de la matière). • La fin du privilège des référentiels inertiels : généralisation de la relativité à tous les référentiels, même accélérés. Expérience de pensée de l’ascenseur o La véritable fin de l’espace vide et le retour à l’espace topologique • Nouvelle interprétation de l’inertie et de la gravitation, qui permet un retour à la symétrie entre matière et espace: la gravitation est une forme d’inertie, ou « accroche » de l’espace sur la matière l’inertie est une forme de la gravitaion une déformation de l’espace par la matière. • Les propriétés de l’espace sont conditionnées par la matière, et la connaissance de la structure (topologie, métrique) de l’espace par celle de la distribution de la matière. La physique est finalement la géométrie de l’espace, qui perd son indépendance. • L’espace vide, « libre de champ », n’a donc pas de sens : il n’existe pas. Le champ est le tout de la réalité physique, et définit l’espace comme notion secondaire. La fin de l’espace « boîte », et le retour du lieu ? CH284-Soazig Le Bihan-2004 8