Le déterminant sur un anneau

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Université Claude Bernard LYON 1
Préparation à l'agrégation de Mathématiques
Le déterminant sur un anneau
Michel CRETIN
Le déterminant étant déni pour les matrices à coecients dans les corps (commutatifs) K ,
il s'agit de le dénir pour les matrices à coecients dans un anneau commutatif.
Pour un anneau intègre, il sut de passer par le corps des fractions.
Supposons que K = Frac(A) soit le corps des fractions d'un anneau intègre A ; pour
toute matrice M ∈ n (A), on a detn (M ) ∈ A.
Lemme 1
M
O Cela résulte de la formule de Leibniz. M
Toutes les formules polynomiales sur le déterminant sont alors valides. Passons maintenant
au cas d'un anneau commutatif quelconque. Considérons l'anneau de polynômes Z[Xi,j ]1≤i,j≤n
de corps des fractions Q(Xi,j )1≤i,j≤n ; le déterminant générique d'ordre n est le polynôme :
Detn = detn ((Xi,j )1≤i,j≤n ) ∈ Z[Xi,j ]1≤i,j≤n
Pour tout anneau commutatif A et pour toute matrice M ∈ Mn (A), soit :
ϕA,M : Z[Xi,j ]1≤i,j≤n −→ A
l'unique morphisme tel que ϕA,M (Xi,j ) = Mi,j pour 1 ≤ i, j ≤ n ; on dénit le déterminant de
M par :
detn (M ) = ϕA,M (Detn )
de sorte que, pour tout morphisme f : A −→ B on a
f (detn (M )) = detn (f (M ))
puisque l'on a f ◦ ϕA,M = ϕB,f (M ).
Les formules de développement relativement à une ligne ou une colonne, la formule de Cramer
sont conservées ainsi que la relation de multiplicativité :
detn (M N ) = detn (M )detn (N )
pour M, N ∈ Mn (A).
O Pour les formules de développement et de Cramer, il sut de prendre l'image par le morphisme
ϕA,M des formules correspondantes pour la matrice générique (Xi,j )1≤i,j≤n tandis que pour la
multiplicativité, on considère le morphisme :
ϕA,M,N : Z[Xi,j , Yi,j ]1≤i,j≤n −→ A
tel que ϕA,M (Xi,j ) = Mi,j et ϕA,N (Yi,j ) = Ni,j et on prend l'image de la formule de multiplicativité pour les matrices génériques (Xi,j )1≤i,j≤n et (Yi,j )1≤i,j≤n .
M
Une autre manière de procéder est de redémontrer l'ensemble des propriétés du déterminant
en partant de coecients dans A. Pour tout anneau commutatif A et tout entier n ≥ 1 on dénit
une appplication
detA,n : Mn (A) −→ A
en posant, pour toute matrice M = (Mi,j )1≤i,j≤n ∈ Mn (A) :
detA,n (M ) =
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(n),n
σ∈Sn
Pour tout morphisme d'anneaux f : A −→ B on a :
f (detA,n (M ) = detB,n (f (M ))
où f (M ) = (f (Mi,j ))1≤i,j≤n ∈ Mn (B).
Corollaire 1
Si M ∈
M (A) est triangulaire, on a :
n
detA,n (M ) = M1,1 · · · Mn,n
O Supposons par exemple que M soit triangulaire supérieure de sorte que l'on a
i > j ⇒ Mi,j = 0
D'autre part, si σ ∈ Sn vérie σ(i)
P ≤ i pour 1 ≤ i ≤ n on a σ = id.
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(n),n , si σ 6= id il existe j , 1 ≤ j ≤ n
Dans la somme detA,n (M ) =
σ∈Sn
tel que σ(j) > j de sorte que Mσ(j),j = 0 et l'on a sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(n),n = 0. Il reste donc
detA,n (M ) = M1,1 · · · Mn,n . M
Lemme 2 (linéarité du déterminant relativement à une colonne)
Soient M, P, Q ∈
M (A) ; on suppose que pour s 6= j on a C (M ) = C (P ) = C (Q) et que
n
Cj (M ) = a Cj (P ) + b Cj (Q) ; on a alors :
s
s
s
detA,n (M ) = a detA,n (P ) + b detA,n (Q)
O
detA,n (M ) =
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(j),j · · · Mσ(n),n
σ∈Sn
=
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · (a Pσ(j),j + b Qσ(j),j ) · · · Mσ(n),n
σ∈Sn
= a
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Pσ(j),j · · · Mσ(n),n + b
σ∈Sn
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Qσ(j),j · · · Mσ(n),n
σ∈Sn
= a detA,n (P ) + b detA,n (Q)
M
Lemme 3 (alternalité du déterminant relativement aux colonnes)
sède deux colonnes égales on a detA,n (M ) = 0.
Si M ∈
M (A) posn
O Supposons que Ci (M ) = Cj (M ) où 1 ≤ i < j ≤ n et posons τ = (i, j) ∈ Sn . Soit σ ∈ Sn on
a:
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(i),i · · · Mσ(j),j · · · Mσ(n),n +sgn(στ )Mστ (1),1 · · · Mστ (i),i · · · Mστ (j),j · · · Mστ (n),n = 0
Mais on a une partition de Sn en deux parties :
Sn = {σ ∈ Sn /σ(i) < σ(j)} ∪ {σ ∈ Sn /σ(i) > σ(j)}
et la bijection :
{σ ∈ Sn /σ(i) < σ(j)} −→ {σ ∈ Sn /σ(i) > σ(j)}
σ −→ στ
d'où nalement detA,n (M ) = 0. M
Etant donnés Y1 , · · · Yn ∈ Mn,1 (A), on désigne par < Y1 | · · · |Yn >∈ Mn (A) la matrice telle
que Cj (< Y1 | · · · |Yn >)) = Yj pour 1 ≤ j ≤ n. Alors l'application
(Y1 , · · · Yn ) −→ detA,n (< Y1 | · · · |Yn >)
est antisymétrique ie. pour σ ∈ Sn on a :
detA,n (< Yσ(1) | · · · |Yσ(n) >) = sgn(σ)detA,n (< Y1 | · · · |Yn >)
Proposition 1 (multiplicativité du déterminant)
Soient M, N ∈
M (A) ; on a :
n
detA,n (M N ) = detA,n (M )detA,n (N )
O
detA,n (M N ) =
X
sgn(σ)(M N )σ(1),1 · · · (M N )σ(n),n
σ∈Sn
=
X
sgn(σ)(
X
σ∈Sn
=
Mσ(1),k1 Nk1 ,1 ) · · · (
kn
k1
X
Nk1 ,1 · · · Nkn ,n (
X
sgn(σ)Mσ(1),k1 · · · Mσ(n),kn )
σ∈Sn
k1 ,··· ,kn
=
X
Mσ(n),kn Nkn ,n )
Nk1 ,1 · · · Nkn ,n detA,n (M (k1 ,··· ,kn ) )
X
k1 ,··· ,kn
avec M (k1 ,··· ,kn ) = (Mi,kj )1≤i,j≤n .
Si deux des indices k1 , · · · , kn sont égaux on a :
detA,n (M (k1 ,··· ,kn ) ) = 0
tandis que si l'application κ : i −→ ki est une permutation de Sn on a :
detA,n (M (k1 ,··· ,kn ) ) = sgn(κ)detA,n (M )
On obtient nalement :
detA,n (M N ) = detA,n (M )
X
sgn(κ)Nκ(1),1 · · · Nκ(n),n
κ∈Sn
= detA,n (M ) detA,n (N )
M
Pour M ∈ Mn (A) et 1 ≤ i, j ≤ n, on note M (i,j) ∈ Mn−1 (A) la matrice obtenue en
supprimant la ième ligne et la j ème colonne de M .
M (A) une matrice telle qu'il existe i, 1 ≤ i ≤ n, tel que M
Soit M ∈
k 6= 1 ; on a alors
Lemme 4
n
k,1
= 0 pour
detA,n (M ) = (−1)i+1 Mi,1 detA,n−1 M (i,1)
O On a, en posant S = {σ ∈ Sn /σ(1) = i} :
X
sgn(σ)Mσ(1),1 · · · Mσ(n),n
detA,n (M ) =
σ∈Sn
= Mi,1
X
sgn(σ)Mσ(2),2 · · · Mσ(n),n
σ∈S
Soit γ = (1, · · · , i) ∈ Sn ; en posant S 0 = {σ 0 ∈ Sn /σ 0 (1) = 1} ' Sn−1 , on a la bijection :
S 0 −→ S
σ 0 −→ σ = γ −1 ◦ σ 0
d'où
detA,n (M ) = Mi,1
X
sgn(γ −1 σ 0 )Mγ −1 σ0 (2),2 · · · Mγ −1 σ0 (n),n
σ 0 ∈S 0
= (−1)i+1 Mi,1
X
sgn(σ 0 )Mγ −1 σ0 (2),2 · · · Mγ −1 σ0 (n),n
σ 0 ∈S 0
i+1
= (−1)
Mi,1 detA,n−1 M (i,1)
puisque pour chaque permutation σ 0 ∈ S 0 de l'ensemble d'indices des colonnes {2, · · · , n} de
la matrice M (i,1) , σ = γ −1 ◦ σ 0 est le permutation correspondante de l'ensemble des indices
{1, · · · , i − 1, i + 1, · · · , n} des lignes de M (i,1) . M
Proposition 2 (développement suivant une colonne ou une ligne)
Pour M ∈
M (A) on a :
n
detA,n (M ) =
detA,n (M ) =
n
P
(−1)i+j Mi,j detA,n−1 (M (i,j) ) pour 1 ≤ j ≤ n
i=1
n
P
(−1)i+j Mi,j detA,n−1 (M (i,j) ) pour 1 ≤ i ≤ n
j=1
ci la matrice obtenue en remplaçant la j ème
O Fixons 1 ≤ j ≤ n ; pour tout 1 ≤ i ≤ n soit M
colonne de M par la colonne e?i = (δr,i )1≤r≤n de sorte que par la linéarité du déterminant
relativement à une colonne on a :
detA,n (M ) =
n
X
ci )
Mi,j detA,n (M
i=1
c? la matrice obtenue en permutant les colonnes de M
ci selon le cycle σ = (1, · · · , i) ∈ Sn
Soit M
i
c? )j,1 = 1 et ((M
c? )[j] )(j,1) = M (i,j) . On a donc :
de sorte que (M
i
i
c? ) = (−1)j+1 detA,n−1 (M (i,j) )
detA,n (M
j
ci )
= (−1)i+1 detA,n (M
d'où detA,n (M ) =
n
P
(−1)i+j Mi,j detA,n−1 (M (i,j) ).
i=1
On obtient de manière analogue la seconde égalité (ou bien en appliquant la première à t M ). M
f = ((−1)i+j detA,n−1 (M (j,i) ))1≤i,j≤n .
Soit M ∈ Mn (A), la matrice adjointe est la matrice M
Corollaire 2 (formule de Cramer)
Pour toute matrice M ∈
M (A) on a :
n
f=M
f.M = detA,n (M ) Id
M.M
f de sorte que, pour 1 ≤ i, j ≤ n, on a :
O Posons N = M.M
Ni,j =
n
X
(−1)k+j Mi,k detA,n−1 (M (j,k) )
k=1
Pour i = j on a Ni,i =
n
P
(−1)k+i Mi,k detA,n−1 (M (i,k) ) = detA,n (M ).
k=1
Supposons maitenant i 6= j ; considérons la matrice M telle que :
(
Lk (M ) pour k =
6 j
Lk (M ) =
Li (M ) pour k = j
Le développement de M relativement à la j ème ligne donne :
detA,n (M ) =
=
n
X
k=1
n
X
(−1)j+k M j,k detA,n−1 (M
(j,k)
)
(−1)j+k Mi,k detA,n−1 (M (j,k) ) = Ni,j = 0
k=1
On obtient de manière analogue la seconde égalité (ou bien en appliquant la première à t M et
en transposant le résultat). M
Ainsi, pour une matrice M ∈ Mn (A), on a M ∈ GLn (A) si et seulement si detA,n est inversible dans A.
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