Entre histoire et philosophie, la naissance de l`épistémè

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Claude Obadia
Professeur de philosophie au Lycée Paul Lapie de Courbevoie
Entre histoire et philosophie,
la naissance de l'épistémè ou l'invention de la liberté.
La naissance de l'histoire en Grèce ancienne constitue un événement
majeur. Supplantant le mythe, le discours historiographique vise la connaissance
du passé et assure par-là même la promotion d'une exigence jusque-là inédite,
l'exigence de vérité. Pourtant, loin s'en faut que le souci des premiers historiens
n'ait exprimé qu'un souci désintéressé de savoir. Comme le souligne Hérodote
lui-même, c'est la conscience de la caducité à laquelle le temps voue toute chose
qui fonde le besoin de conservation des "travaux des hommes" découvrant, en
prenant conscience de l'efficacité de leurs actes, une liberté à laquelle, jusque-là,
ils ne croyaient nullement et que bien plus tard, à l'époque moderne, les
grandes philosophies de l'histoire remettront en cause. Cette découverte, comme
nous nous efforcerons de le montrer, constitue un axe majeur du développement
de la rationalité occidentale, comme en témoigne la naissance concomitante de
la philosophie promouvant, toujours par opposition à des types de discours
rivalisent le merveilleux et le sensationnel, une parole de vérité ne prétendant à
rien d'autre qu'à dissiper la brume dans laquelle les artifices de la rhétorique et
les superstitions égarent l'homme. Ainsi la naissance de l'histoire et de la
philosophie, opérant cette première rupture, exprime-t-elle peut-être une
transformation radicale de la mentalité des Grecs que nous sommes encore,
bouleversement touchant autant leur rapport au langage et à la pensée que leurs
représentations du divin et du cosmos. C'est donc en analysant, point par point,
différentes expressions de ce passage tellement fécond du muthos au logos, et
en suivant tout aussi bien les chemins de la vérité triomphant des sophismes que
les survivances, surprenantes parfois, de la pensée mythographique, que nous
pourrons apercevoir, dans l'espace littéraire et socio-politique de la Grèce
inventant la démocratie, l'avènement de l'épistémè qui, s'articulant autour de la
découverte de la liberté et de la vérité, n'en finit pas de nous interroger et de
questionner la réalité humaine.
Raconter pour ne pas oublier:
les prémisses de la question ontologique du temps.
L'histoire, entendue comme étude du passé de l'humanité, serait née en
Grèce au siècle avant Jésus-Christ avec Hérodote, vers 485 et mort en
425, auteur des Enquêtes, en grec Historiè, qui relatent les guerres médiques.
Or, au tout début de son œuvre, celui qu'on appelle le "père de l'histoire" écrit:
"Hérodote d'Halicarnasse présente ici les résultats de son enquête, afin que le
temps n'abolisse pas les travaux des hommes et que les grands exploits
accomplis soit par les Grecs, soit par les barbares, ne tombent pas dans l'oubli."1
Aussi est-ce par souci de conservation qu'Hérodote écrivit ses Enquêtes qui
auraient pour vocation de conserver le passé, ce qui mérite quelque précision.
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Car s'il y a bien volonté avérée de re-tenir le passé, d'où naît cette volonté?
Comment expliquer le besoin de conserver ce qui n'est plus? À ces questions,
Hérodote apporte une réponse dont la clarté n'est qu'apparente. Il faut
empêcher, écrit-il, que le temps "n'abolisse les travaux des hommes ",
autrement dit lutter contre la caducité (latin cadere, tomber), empêcher que les
œuvres humaines ne tombent dans l'oubli.
Aussi ne s'étonnera-t-on pas que Hegel, en analysant "l'histoire originale",
souligne que l'historien est celui qui "transplante les faits du passé sur un sol
meilleur et supérieur au monde de la caducité dans lequel ceux-ci sont passés"2.
Il s'agit, poursuit-il, de "déposer dans le temple de Mnémosyne" les faits
survenus pour les soustraire à l'influence corruptrice du temps. On voit donc ici
encore que l'histoire, si elle exprime le souci existentiel de conserver le passé,
manifeste aussi le sentiment que l'homme, s'il ne peut lutter contre le cours
irréversible du temps, possède toutefois la faculté d'en atténuer certains effets.
Ainsi nous faut-il fermement mettre en doute l'idée défendue par Paul Veyne
dans l'Encyclopédia Universalis, selon laquelle l'histoire serait "une
connaissance objective mue par la simple curiosité". Partant de là, si l'histoire
exprime bien un tel désir de conservation du passé, est-ce sa seule vocation?
"Enquêter" pour connaître.
Si le récit historiographique a pu exprimer un besoin existentiel, il reste
qu'à l'évidence l'historien paraît tout autant animé du désir de connaître et
d'expliquer le cours des événements historiques. Ainsi Thucydide, témoin direct,
acteur même, de la guerre du Péloponnèse au cours de laquelle, nommé
Général, il ne put empêcher la prise d'Amphipolis par les Spartiates, affirme-t-il
la nécessité d'identifier "la cause la plus vraie" de cette guerre qui déchira la
Grèce en opposant Athènes et Sparte, ses deux plus grandes cités.
C'est, comme chacun sait, dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse
que Thucydide relate les tragiques événements qui divisèrent les Grecs de 431 à
404 avant Jésus-Christ. Les guerres médiques, qui avaient opposé les Grecs aux
Perses, incitèrent les cités grecques à s'allier les unes aux autres dans le but de
prévenir les entreprise belliqueuses des Perses. À cet effet fut donné naissance
à une confédération, la Ligue de Délos, dont Athènes prit la tête en 477. Cette
cité installa, par la suite, des colonies militaires dans plusieurs régions,
notamment en Thrace, en Eubée et en Asie mineure, invoquant
systématiquement la nécessité de prévenir de nouvelles agressions perses. Mais
en 477, à un moment Athènes est affaiblie, en particulier par sa défaite face
aux Thébains, Sparte la contraint à signer un pacte de non agression mutuelle
pour une durée de trente années, la Paix de trente ans, appelé aussi le Traité de
l'Eubée. De fait, c'est Sparte qui prend alors la tête de la confédération des cités
grecques. Malheureusement, en 431, le traité est rompu: la guerre du
Péloponnèse éclate. Le début des hostilités fut de mauvaise augure pour les
Athéniens qui, en 430, subirent une grande épidémie de peste et accusèrent en
429 la mort de Périclès. En effet, en 404, après avoir perdu son empire et la plus
grande partie de sa flotte, Athènes se voit contrainte de se soumettre aux
Spartiates.
On pourrait évidemment penser que la cause de la guerre du Péloponnèse
est à chercher dans le traité conclu en 477 par les cités grecques. Mettant en
rivalité les deux plus grandes et plus puissantes cités, n'était-il pas inévitable
qu'il génère passions et ambitions contraires et, au bout du compte,
l'affrontement que l'on sait? Ainsi la guerre du Péloponnèse aurait-elle été
inévitable et devrait être considérée comme le résultat nécessaire des
conséquences de la Ligue de Délos.
Telle n'est pas, loin s'en faut la thèse de Thucydide pour qui la véritable
cause de la guerre n'est pas la simple rivalité des deux cités grecques les plus
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puissantes mais la politique expansionniste d'Athènes, due à Périclès. " La cause
la plus vraie, celle aussi qui fut la moins mise en avant, se trouve selon moi dans
l'expansion athénienne"3. Cette opinion peu orthodoxe est loin d'être arbitraire.
Elle se fonde au contraire dans une attention scrupuleuse prêtée aux faits et
dans le refus corrélatif des préjugés et des idées reçues. Car pour ce qui
concerne les temps anciens, nous dit Thucydide, "il est difficile d'ajouter foi à
tous les témoignages qui peuvent s'offrir à nous"4. Aussi dénonce-t-il avec
véhémence l'attitude qui consiste à préférer adopter, comme c'est le cas le plus
souvent, les idées préconçues les plus séduisantes - "...on préfère généralement
adopter les idées toutes faites"5. La critique vise notamment Hérodote. Celui-ci
n'avait-il pas déclaré "mon seul dessein, consigner tout ce que j'ai pu entendre"?
À un souci compilateur, l'Athénien oppose un scrupule critique qui commande
de ne plus prendre les témoignages pour argent comptant mais de les examiner
rigoureusement. Il faut, pour le dire en un mot, "rechercher la vérité"6 et pour
cela, d'une part ne pas "faire cas des poètes, auteurs des mythes, qui pour les
besoins de l'art ont grandi les événements"7, d'autre part "se garder d'être plus
soucieux de plaire au public que d'établir la vérité"8. Cette volonté de connaître,
"ce souci du vrai dans l'établissement des faits" comme le dit Jean-Pierre
Vernant9, qui s'exprime par les recommandations citées, commande aussi de "ne
pas trop se fier à ses impressions personnelles"10 et de s'employer à ne pas
satisfaire le goût prononcé des hommes pour le romanesque.
Pour toutes ces raisons, s'élabore ici un authentique discours de vérité, qui
s'oppose aux muthoi11, aux mythes, et dénonce le goût du merveilleux comme
les techniques littéraires et rhétoriques de l'apparat et de l'ornementation.
Parler pour dire le vrai: petite parenthèse socratique.
Si le "discours" de Thucydide se développe effectivement à partir d'une
exigence qui est celle de la connaissance, de l'explication et de la mise à jour de
rapports effectifs de causalité historique, comment ne pas relever la saisissante
analogie qui caractérise sa démarche et celle de Socrate qui fut son exact
contemporain?12 Condamné pour crime d'impiété -il est accusé tantôt de ne pas
croire aux dieux de la Cité, tantôt de croire en d'autres dieux -, Socrate
comparaît devant ses juges sans crainte apparente, et pour prononcer la défense
qu'il a lui-même élaborée en se passant des services de tout logographe. En
adoptant cette attitude, il est plus que probable que Socrate cherche en vérité à
critiquer le fonctionnement de l'institution judiciaire et à dénoncer la
"professionnalisation" et la "technisation" du "logos juridique" auquel il veut,
semble-t-il, opposer la spontanéité et la puissance éristique d'une parole
simplement vraie. Aussi me semble-t-il que cette critique de l'usage sophistico-
politique du langage mis au service du pouvoir constitue l'instrument majeur du
contre-procès du procès de Socrate, auquel Platon se livre dans l'Apologie en
proposant une véritable réhabilitation post-mortem du "patron de la philosophie".
Prenant la parole, ce dernier oppose d'emblée sa façon de parler à celle de ses
accusateurs qui, selon lui, "n'ont pas dit un seul mot de vrai"13, n'ont "rien dit ou
presque qui soit vrai"14. Ainsi est-ce bien la vérité conçue d'abord comme
absence d'artifice rhétorique, comme dépouillement d'un discours sans fioriture
et comme "anti-rhétorique de la véracité" que Socrate oppose aux interventions
de Mélétos, Anytos et Lycon.
De là, évidemment et sur ce point précis, l'affinité déjà évoquée entre le
philosophe et l'historien qui, tous deux, semblent adopter une même attitude
critique à l'égard des "discours", affinité et d'abord analogie, manifestes dans
leur commun rejet du mythe que Socrate, ne l'oublions pas, assimile à un "conte
de bonne femme"15 "pareil à ceux que débitent les nourrices pour distraire ou
effrayer les enfants"16. Ce dénigrement du mythe est d'ailleurs tout aussi, sinon
radical, du moins flagrant chez Platon et Aristote. Dans le Sophiste, le fondateur
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de l'Académie "disqualifie les thèses de ses prédécesseurs éléates ou
héraclitéens"17 en les comparant à des mythes: "ils m'ont l'air de nous conter des
mythes, comme on ferait à des enfants"18. Dans la Métaphysique, appelant
"théologiens" les mythographes19, Aristote nous conseille de les ignorer et de
leur préférer "ceux qui raisonnent par démonstration"20. Ceci dit, l'opposition
entre le mûthos et l'alêthinos logos a pour corrélat, chez Socrate et Thucydide,
une commune "leçon de méthode". Quand on cherche la vérité, semblent-ils dire
de concert, il ne faut surtout pas se fier naïvement aux apparences et aux
opinions reçues. Ainsi Thucydide de souligner que dans l'étude des événements
historiques la cause la plus vraie n'est pas toujours la plus apparente, tandis que
Socrate, loin de seulement nous mettre en garde au sujet des discours qui font
illusion, nous enjoint de reconnaître comme telle l'apparence de ce qui, sensible,
peut sembler réel mais ne l'est pas vraiment. Si, comme l'affirme Socrate, il ne
faut pas se fier à la doxa, à l'opinion commune, Thucydide, en opposant les
causes apparentes de la guerre et sa cause véritable, élabore lui aussi un
discours critique qui se développe autour d'une opposition identique à celle qui
assure, à la même époque, la genèse du discours philosophique.21 C'est ce dont
conviennent d'ailleurs sans difficultés les plus éminents historiens contemporains,
par exemple Henri-Irénée Marrou qui, en définissant l'histoire comme "la
connaissance vraie du passé humain"22 distingue très fermement le travail
historiographique de l'œuvre purement littéraire, du mythe et de la légende.
Hérodote et Thucydide: une opposition irréductible?
Si le souci du vrai chez Thucydide semble étranger aux préoccupations
existentielles dont l'œuvre d'Hérodote se fait l'écho, se pose néanmoins la
question de savoir si, par-delà cette apparente extranéité, nous ne pouvons pas
penser l'unité d'un processus auquel, peut-être à leur insu, nos deux historiens
concourent. Le musée de Naples, pour l'anecdote, offre à ses visiteurs, sculptés
dans le même bloc, les deux bustes de Thucydide et Hérodote se tournant le dos.
Faut-il y voir l'expression métaphorique de deux formes d'histoire
essentiellement opposées? Ne faudrait-il pas plutôt, au-delà de l'image, repenser
le souci de vérité en histoire, le repenser comme l'expression d'un besoin
inhérent à la situation de l'homme, indissociable des conditions, déjà évoquées,
de son existence telle qu'il réfléchit cette dernière?
Car enfin, attribuer à l'histoire le statut d'un véritable savoir, n'est-ce pas
forcément attribuer au temps historique une consistance ontologique? N'est-ce
pas s'efforcer d'arracher le temps au non-être? Car comment pourrait-on bien, à
proprement parler, connaître ce qui se déroulerait dans un temps "égal" au
néant? Et comment pourrions-nous acquérir la connaissance de ce qui n'aurait
qu'une existence chimérique? En un mot, comment penser la positivité de
l'événement, du fait historique, si celui-ci se déroule dans un temps
ontologiquement inconsistant? En effet, cela ne reviendrait-il pas à espérer, par
trop vainement, pouvoir penser l'être de ce qui est contenu dans le non-être, à
concevoir, littéralement, l'existence même du néant?
Ainsi la définition de l'histoire comme connaissance, ou à tout le moins
comme savoir, n'est-elle donc pas sans intérêt. D'abord en ce qu'elle implique
l'existence du temps, laquelle, rapportée à la problématique substantialiste qui
caractérise cosmologie et métaphysique grecques, n'est rien moins qu'évidente,
ce qu'Aristote explique dans le livre 4 de la Physique23. "Il convient…, explique le
Stagirite, d'examiner…s'il faut le placer parmi les êtres ou parmi les non-êtres… Il
n'a qu'une existence imparfaite et obscure. ". Ainsi le fondateur du Lycée
d'expliquer qu'en vertu de l'inexistence <objective> du passé et du futur, le
temps doit être considéré comme ce dont l'existence est indubitablement
douteuse. Aussi nous semble-t-il que la caractérisation de l'histoire comme
connaissance vraie est ontologiquement surdéterminée et manifeste, sinon un
5
choix métaphysique pleinement réfléchi et conscient de lui-même, du moins un
engagement dont l'enjeu philosophique nous semble flagrant. Car en affirmant
qu'il est possible de connaître le passé, l'historien confère implicitement au
temps humain une consistance le préservant de la caducité qui, nous l'avons vu
avec Hérodote, le menace. On comprend en outre ici pourquoi Hegel, évoquant le
"père de l'histoire" et l'auteur de La guerre du Péloponnèse, qu'il appelle les
"historiens originaux", ne distingue pas plus qu'il ne les oppose leurs objectifs24.
Comment ici douter que la volonté de savoir, l'érotique en laquelle consiste le
désir de vérité, n'expriment le besoin de sauver le temps d'une espèce de
naufrage ontologique en lequel la réalité humaine s'abîmerait elle aussi?
Connaître ne consisterait ici qu'à littéralement "faire naître" ou tirer du néant.
Une authentique théorie de la liberté.
Doivent, de fait, être identifiés, si la thèse de Paul Veyne est effectivement
erronée, les véritables enjeux de la naissance de l'histoire comme savoir positif.
Nous venons de voir que la considérer comme telle revient à conférer au temps
une sorte d'épaisseur ontologique. Or, sauver le temps du néant n'est rien
moins, pensons-nous, que préserver de la caducité l'ordre même des "affaires
humaines. Le sauvetage du temps constituerait donc ici le moyen de sauver les
actions proprement humaines de l'abîme de l'oubli.
Lorsque Hérodote, en effet, souligne au tout début de ses Enquêtes, qu'il
faut garder en mémoire les "travaux des hommes", les "exploits accomplis par
les Grecs et par les barbares", en bref qu'il faut conserver le passé, c'est en
vérité parce que l'ordre des affaires humaines, même s'il le conçoit à son insu,
mérite selon lui d'être conservé. L'historien opère ici une valorisation de l'homme
qui travaille. Or, cette attention prêtée aux ouvrages humains doit être
soulignée. Car enfin, valoriser les efforts humains, n'est-ce pas reconnaître que
l'homme, loin d'être condamné à la subir, produit son histoire? De fait, la
reconnaissance d'un travail humain effectif ne constitue-t-elle pas déjà, chez
Hérodote, une affirmation de la liberté? Le "père de l'histoire" aurait ainsi
compris, et il le dit à qui s'efforce de l'entendre, que l'homme, par l'action de son
travail, peut se libérer des déterminismes qui, dans la tradition mythologique,
l'emprisonnent. Sa démarche, de ce point de vue, est d'autant plus remarquable
qu'elle participe, selon nous, de ce processus "révolutionnaire" par lequel
l'épistémè25 en se réalisant, c'est-à-dire aussi en prenant conscience qu'elle se
développe nécessairement comme critique du mythe, laisse apparaître ses
prétentions. L'auteur des Enquêtes institue un type de discours exprimant une
manière inédite de comprendre l'homme et le monde, discours qui, au
demeurant, est très probablement lui-même le reflet et la traduction d'une
mentalité en plein bouleversement. Si dans les mythes, ce sont les dieux, le
destin, qui gouvernent le cours des événements que les hommes subissent,
prisonniers de rôles dont, à moins d'être des héros, ils ne sont
qu'exceptionnellement les auteurs, la naissance de l'histoire manifeste le souci
d'appréhender la vie humaine comme une réalité vraiment humaine, autrement
dit produite par les hommes eux-mêmes.
Ceci dit, il convient sans doute d'accorder à Dodds26 que, comme d'autres
écrivains de l'époque classique, l'auteur des Enquêtes est encore tributaire du
sentiment de "l'impuissance humaine"27, en particulier face au phtonos,
malveillance divine constituant, d'après lui, "la structure sous-jacente de toute
l'histoire humaine selon Hérodote"28. Le Père de l'histoire, affirme Dodds,
explique ce phtonos par la jalousie qu'éprouvent les dieux irrités par l'homme
tentant "de s'élever au-dessus de son état mortel"29. Ainsi l'impuissance humaine
serait-elle l'expression corrélative de la puissance des dieux manifeste dans leur
malveillance. Pourtant, il nous emble possible de tirer une autre conclusion de
ces remarques au demeurant tout à fait recevables. Car enfin, en affirmant que
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