MÉMOIRE
88 Bull. Acad. Vét. France — 2007 - Tome 160 - N°2 www.academie-veterinaire-defrance.org
acquiert une résistance à la réinfestation. En effet, Robert et al.
(1997b) ont décrit un taux d'installation de 1,1 % de la dose
infectante à la primo-infestation et un taux de 0,32 % à la réin-
festation chez ce mouton ITT. En revanche, certaines races de
Mouton sont sensibles à F. gigantica.Ainsi chez le Mouton
Mérinos, le taux d'installation est de 15 à 25 % à la primo-infes-
tation, et de 12 % à la réinfestation (Robert et al. 1996,
1997a).
Actuellement, les données concernant la résistance à l’infes-
tation (primo- ou réinfestation) par F. gigantica chez le Bovin,
la Chèvre ou le Buffle sont limitées. Le Bovin est sensible à l’in-
festation par F. gigantica.Des taux d'installation de 24 %
(Estuningsih et al. 1997) et de 33,2 % (Younis et al. 1986) de
la dose infestante à la primo-infestation sont décrits.
Le Buffle, hôte naturel de F. gigantica en région tropicale, est
très sensible à l’infestation par F. gigantica.Des taux d'installation
de 36,8 à 84 % ont été décrits lors d'une primo-infestation chez
le Buffle (Khajuria & Bali, 1987; Sanyal & Gupta, 1996; Yadav
et al. 1999). Des symptômes de fasciolose peuvent être obser-
vés dès la 7esemaine après infestation et un animal sur cinq
infestés expérimentalement par 1000 métacercaires est mort 21
semaines après l’infestation (Yadav et al. 1999).
En bilan de ces données concernant la sensibilité et l'acquisi-
tion de résistance après l’infestation, il ressort que les différents
hôtes de F. hepatica et F. gigantica présentent d’importantes varia-
tions spécifiques. Il apparaît donc intéressant d'envisager la
réponse antiparasitaire, notamment cellulaire, en tenant
compte des différents couples Fasciola sp.–hôte.
RÉPONSE IMMUNITAIRE CELLULAIRE
Réponse anti-parasitaire locale
Une fois que les animaux sont infestés par les métacercaires de
F.hepatica,le parasite se développe chez son hôte définitif. Divers
tissus et organes (la paroi intestinale, la cavité péritonéale et
le foie) de l’hôte définitif sont en contact avec le parasite pen-
dant son évolution et il s'y développe une réponse antiparasi-
taire.
Les données concernant la réponse antiparasitaire péritonéale
manquent chez les ruminants. Chez le Rat, Davies & Goose
(1981) ont montré que les douves immatures, excystées in vitro
et implantées dans la cavité péritonéale de rats préalablement
infestés, étaient recouvertes par des cellules inflammatoires dans
la minute qui suivait leur implantation. Ces cellules sont
majoritairement des éosinophiles; les autres cellules sont des
mastocytes, des neutrophiles et des macrophages. Ces cellules
sembleraient capables de détruire les douves en six heures.
Après être passées par la cavité péritonéale, les douves atteignent
le foie de l’hôte. La migration des douves immatures dans le
parenchyme hépatique induit des lésions d’hépatite traumatique.
Ces lésions sont formées autour d’une zone nécrotique et sont
constituées de cellules inflammatoires s’organisant en granulome.
Les cellules sont principalement des macrophages, des lym-
phocytes et des granulocytes éosinophiles. La réaction locale
au niveau hépatique a été étudiée chez différentes espèces ani-
males:
-chez le Mouton, l’hôte le plus sensible à F. hepatica,au cours
des 6 premières semaines après infestation, les lymphocytes
majoritairement présents dans les lésions hépatiques sont des
lymphocytes T CD4+(Meeusen et al. 1995; Chauvin &
Boulard, 1996). Les douves présentes dans le parenchyme
hépatique sont partiellement entourées par des cellules inflam-
matoires. Une infiltration d'éosinophiles et de lymphocytes T
CD4+est observée dans le foie au début de l’infestation (du 14e
au 56ejour après l’infestation ou JPI, suivie d’une infiltration
de lymphocytes T CD8+et Tgd+plus marquée 4 mois après l’in-
festation (Meusen et al. 1995; Chauvin & Boulard, 1996). De
plus, pendant la migration, les douves sont le plus souvent par-
tiellement en contact avec du parenchyme hépatique sain, sug-
gérant que les douves pourraient déprimer la réponse inflam-
matoire et la réponse immunitaire, ce qui faciliterait leurs
migrations à travers le parenchyme sain (Chauvin & Boulard,
1996).
-chez le Bovin, les cellules les plus précocement recrutées, à 7
JPI, sont des lymphocytes et des granulocytes neutrophiles (Doy
&Hughes, 1984a). Dès le 10eJPI, les granulocytes éosinophiles
sont nombreux dans et autour des zones nécrotiques.
-chez la Chèvre infestée, une réponse cellulaire caractérisée par
une infiltration marquée de granulocytes neutrophiles, de
macrophages, et de lymphocytes T et B est observée (Martínez-
Moreno et al. 1999). Dans les nœuds lymphatiques hépa-
tiques, les lymphocytes T CD4+sont plus nombreux que les lym-
phocytes T CD8+et des lymphocytes Tgd+sont également
observés (Pérez et al., 1998).
Réponse cellulaire générale
La réponse proliférative des lymphocytes stimulés par les pro-
duits d'excrétion-sécrétion (PES) de F. hepatica ou F. gigantica
est précoce chez tous les ruminants infestés. Chez le Mouton
(Chauvin et al. 1995; Moreau et al. 1998, Zhang et al. 2005),
le Bovin (Clery & Mulcahy, 1998; McCole et al. 1998), le Buffle
(Zhang et al. 2006), la prolifération des cellules mononu-
cléées du sang périphérique activées par les antigènes parasitaires
commence à augmenter dès la première ou deuxième semaine
post-infestation (SPI) et reste élevée jusqu’à la 4 ou 5eSPI, puis
décroît pour retrouver son niveau initial vers la 6eSPI, voire à
la 12eSPI lors d'infestation étalée sur une période de quatre
semaines (Bossaert et al. 2000). Des études avec des fractions
de cellules mononuclées sanguines déplétées en certaines sous-
populations ont montré que les lymphocytes principalement
impliqués dans cette réponse antigène-spécifique étaient des
lymphocytes CD4+ et CD8+ (McCole et al., 1999).
Il n’existe pas de relation directe entre l’intensité de la
réponse proliférative des lymphocytes et le développement de
la résistance à la réinfestation. Par ailleurs, lors de réinfestation,