losophie sociale, sorte de journalisme d’idées à finalité sociopoli-
tique. Aucune sociologie ne peut faire l’économie du recueil et du
traitement de données empiriques – traitement mathématique
lorsque faire se peut, sans oublier cette évidence qu’en mathéma-
tique la validité des conclusions dépend de la valeur de ce qui a été
posé au commencement. Il y a une dimension professionnelle de la
pratique sociologique qui, si elle était sous-estimée ou niée, rédui-
rait le discours sociologique au bavardage idéologique. Mais cette
approche empirique doit être « pensée », c’est-à-dire rapportée à
une interrogation générale dont la philosophie est l’ancêtre et le
modèle. Notons que, lorsque nous disons que, séparée de toute
préoccupation philosophique, la sociologie bascule dans le positi-
visme, nous ne faisons que constater qu’elle est, de ce fait, sous
influence philosophique mais d’une philosophie qu’elle ignore et
qu’elle ne soumet donc pas à évaluation critique.
On entendra par philosophie cet effort, né en Grèce au Vesiècle,
avec Socrate, pour construire un discours qui organise la totalité des
savoirs en les soumettant à l’exigence d’un discours unitaire de la
raison. Ainsi verra-t-on se construire des systèmes métaphysiques
qui seront l’expression la plus haute, la plus élaborée, de la façon
dont les hommes pensent leur installation dans l’Être. La philo-
sophie n’est, évidemment, pas un espace univoque, mais un espace
traversé de conflits. Sa tradition est multiple. On ne saurait donc
dicter à la sociologie, sa philosophie. Ce qu’on doit demander c’est
que le sociologue se nourrisse d’une connaissance sérieuse de
l’histoire de la philosophie pour y découvrir la façon dont ont été
proposées des intelligibilités totalisantes et dont ont été pensées des
interrogations que le sociologue retrouve et dans lesquelles il inscrit
sa propre pratique.
Ce préambule a pour but de rappeler l’importance de la philo-
sophie – et plus particulièrement de l’histoire de la philosophie –,
dans la formation du sociologue, une idée souvent acceptée mais de
façon superficielle et sans que soit pensé le fondement d’une telle
demande. Il serait aisé d’illustrer notre propos en prenant pour
exemple la sociologie politique et de montrer que, faute d’un
recours à toute une tradition de réflexion sur le politique, qui va de
Platon et Aristote à Hegel et Marx, le sociologue politique en est
réduit à une politologie arithmétique recensant flux et reflux de
l’opinion et à une description des divers types d’organisations parti-
sanes. Que serait, en effet, une sociologie de la société démocratique
qui ne s’interrogerait pas sur le sol où s’enracine son avènement ? Et
328 André Akoun