LA GUERRE DE 1914-1918 Guerre de 1870

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LA GUERRE DE 1914-1918
Avant – Pendant et Après
Par Dominique Quinta,
professeur d’histoire-géographie à l’EREA de Perpignan.
Guerre de 1870
Napoléon III, au nom du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, n’est pas
opposé à l’unification allemande. Bismarck révèle les pourparlers secrets (annexion par la
France du Grand-duché du Luxembourg en échange d’une attitude conciliante vis-à-vis de la
Prusse ): réaction explosive de l'opinion publique dans les États allemands et en Belgique :
La France renonce à ses prétentions sur le Luxembourg.
En 1868, l'Espagne se cherche un roi. Bismarck pousse à la candidature le cousin du roi
Guillaume Ier de Prusse. La France se retrouverait dans une situation d'encerclement
similaire à celle que le pays avait vécu à l'époque de Charles Quint. La France exige un
engagement écrit de renonciation définitive et une garantie de bonne conduite de la part
de Guillaume Ier. Guillaume Ier reçoit deux fois l'ambassadeur de France et lui confirme la
renonciation de son cousin sans se soumettre à l'exigence française
Pour Bismarck, une guerre contre la France est le meilleur moyen de parachever
l'unification allemande.
La version dédaigneuse qu'il fait transcrire dans la dépêche d'Ems de la réponse polie
qu'avait faite Guillaume de Prusse confine au soufflet diplomatique pour la France.
Tandis que la passion anti-française embrase l'Allemagne, la presse et la foule parisiennes
réclament la guerre. Napoléon III n'ose pas contrarier l'opinion majoritairement belliciste,
exprimée au sein du gouvernement et au parlement, y compris chez les républicains
Six mois plus tard…….
La France dut céder à l'Allemagne, l'Alsace, française depuis 1648, Strasbourg (1681), ainsi
que Metz, française depuis 1552, soit tout ou partie de cinq départements de l'Alsace et de
la Lorraine :
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Le Haut-Rhin sauf le Territoire de Belfort ;
le Bas-Rhin ;
une très grande partie du département de la Moselle ;
une grande partie du département de la Meurthe ;
une toute petite partie du département des Vosges
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L’humiliation de la galerie des Glaces
Vainqueur de la guerre, Otto Von Bismarck célèbre la victoire dans la galerie des Glaces du
palais de Versailles en proclamant le second Reich.
La France imposera les mêmes lieux pour la signature du traité de Versailles, lavant l’affront
de 1871.
Une volonté de revanche ?
Le sentiment d'une revanche à prendre fut le terreau d'un nationalisme qui perdura une
vingtaine d'années. Toutefois, ce sentiment perdit progressivement de sa force et se
réduisit ensuite à une nostalgie des « provinces perdues » jusqu'à la fin du XIXe siècle.
En France, si la presse nationaliste ou la Ligue des patriotes entretiennent le discours de la
revanche, il disparaît des discours officiels et de la presse populaire. Les associations
d’anciens combattants réclament depuis des années la création d’une « médaille de 18701871 », sans succès. Il n'y a pas eu de ligne politique officiellement « revancharde » à
proprement parler de la part des gouvernements français successifs et l'ensemble de la
classe politique dirigeante ne va pas au-delà de l'expression fameuse que Gambetta avait
prononcée en 1872 à propos de l'Alsace-Lorraine : « Y penser toujours, n'en parler jamais. »
Toutefois, l’opinion française est imprégnée de cet esprit de revanche, organisé par les
autorités publiques puisque l’esprit revanchard faisait partie des programmes
pédagogiques (création d'une Commission d'éducation militaire en 1881): le récit national
de l’historiographie française était orienté sur la prise de conscience que la perte de
l’Alsace-Lorraine constituait une atteinte à l’intégrité territoriale de la patrie. Enseignement
de la marche militaire, apprentissage du maniement des armes ou encore exercices de tir
sont au programme du quotidien des jeunes écoliers et lycéens, même si l'idée d'une
revanche n'est pas exprimée clairement. Seule plane l'idée d'un possible conflit armé
proche d'où vient la nécessité de rester prêt à répondre à l'appel de la République pour
défendre la patrie.
Cependant, à partir de la crise boulangiste, un nationalisme revanchard se développa, dans
une partie de la presse et l'opinion française, renforcé par l'Affaire Dreyfus et se diffusa
pendant la Belle Époque et le début du XXe siècle.
A partir de 1895, est cultivée l’amertume de la défaite et « l’honneur au courage
malheureux » par la peinture militaire (Édouard Detaille), la manifestation annuelle de la
Ligue des patriotes devant la statue de Strasbourg place de la Concorde, l’érection de
monuments (Lion de Belfort, La Défense de Paris au rond-point de Courbevoie — qui
donnera son nom au quartier de la Défense), les discours « revanchards » de Paul
Déroulède et Maurice Barrès.
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Mais à partir du « coup de Tanger », en 1905 (Guillaume II, par un voyage impromptu au
Maroc, marque l’intérêt de Berlin pour un pays que Paris considère comme sa chasse
gardée), le ton change à nouveau. La crise d’Agadir (où Berlin envoie un navire de guerre)
en 1911 et l’affaire de Saverne (où des incidents opposent la population alsacienne à des
militaires allemands) en 1913 aggravent la radicalisation
La « médaille commémorative de 1870 » est finalement créée par le gouvernement
français… en 1911.
Ce n’est qu’au cours de la guerre, et surtout dans l’historiographie et les récits d’aprèsguerre, que le thème de « la revanche » et de la reconquête des provinces perdues
s’installera durablement dans la culture collective française, jusqu’à figurer, encore
récemment, dans les manuels scolaires comme l’une des raisons du conflit et l’un des buts
de guerre de la France.
Les représentations de la guerre avant 1914
Quelles étaient les représentations de la guerre avant 1914 ? Dans quel univers visuel
s’inscrivaient-elles ? La peinture où se côtoient œuvres académiques (Édouard Detaille,
Alphonse de Neuville) et avant-gardistes, la photographie, les arts appliqués, la presse
illustrée évoquent abondamment le sujet de la guerre.
De nombreuses images sont conservées de la guerre des Boers, de la guerre russojaponaise ou des guerres balkaniques.
Les sociétés ont ainsi construit un imaginaire autour de la guerre : l’héroïsme et le
patriotisme militaire sont glorifiés, notamment à travers des grands moments de rencontre
entre la nation et l’armée, comme les manœuvres.
Circulent aussi des représentations réalistes qui évoquent la mort et les souffrances des
combattants et des civils
Le cinéma :
Les Dernières Cartouches, œuvre la plus célèbre d’ Alphonse de Neuville a été adaptée au
cinématographe en 1897 par Georges Méliès (court-métrage muet en noir et blanc nommé
Bombardement d'une maison), puis par les Frères Lumière entre autres, ce qui en fait le
sujet d'un des premiers films de guerre de l'Histoire.
La propagande :
Dès le mois d’août 1914 on assiste en France à un déferlement de propagande alimenté par
des fausses nouvelles colportées par la presse et aussitôt mises en images par les
illustrateurs. Toutes sortes d’atrocités prétendument commises par l’ennemi, forcement
barbare, y sont montrées : crimes de guerre, exécutions de curés et de notables, atrocités
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contre les enfants ou les femmes. Les Allemands achèvent les blessés, dépouillent les
morts, tirent après avoir hissé le drapeau blanc, fusillent un enfant de 7 ans qui les avait mis
en joue avec un fusil en bois, coupent des mains, décapitent une femme enterrée et
boivent beaucoup d’alcool. Seul crime de guerre non évoqué : le viol
22 août 1914 le jour « noir » de l’armée Française
Avec 27.000 soldats français tués, le 22 août 1914 fut la journée la plus sanglante de
l'histoire de France. On dénombrera près de 100 000 morts au mois d'août, qui, avec
septembre 1914, sera le mois le plus meurtrier de la première guerre mondiale. En outre,
un nombre élevé de blessés succombent à leurs blessures, dans les hôpitaux militaires
français et allemands. Le 22 août, la proportion dans les pertes du côté français s'établit à 1
mort pour 2 blessés, soit au moins deux fois plus que pendant toute la première guerre
mondiale
Le 22 août fut à ce point sanglant qu'avec une dizaine de milliers de morts côté allemand,
l'état-major du Kaiser se demanda en fin de journée s'il était bien vainqueur, tant les pertes
paraissaient incroyables.
Charleroi, Rossignol, Morhange : trois défaites cuisantes dont la France n'a jamais voulu se
souvenir. Dans la mémoire collective, le succès de la bataille de la Marne (5 - 12 septembre
1914) a progressivement gommé l'échec de celle des frontières, qui est venue à être
considérée comme un simple engagement préliminaire à la victoire française la plus
emblématique de toutes les guerres. Le 22 août 1914, sous un soleil de plomb, des dizaines
de milliers de soldats tout justes mobilisés, épuisés par des jours de marche forcée dans
leur pantalon rouge garance, vont brutalement connaître leur baptême du feu.
« On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera» : c'est avec cette formule aussi
vague qu'inefficace que le général Joffre, commandant en chef des armées françaises,
ordonne l'offensive le 14 août. C'est oublier que les progrès technologiques considérables
dans le domaine de l'armement ont multiplié la capacité de destruction des armées,
favorisant la défense contre l'attaque.
Les soldats français qui chargent à la baïonnette le 22 août au matin sont décimés par les
mitrailleurs allemands en position défensive. Et les officiers sommés d'affronter l'ennemi
"corps redressé", sans chercher à s'abriter, pour donner l'exemple, sont les plus touchés.
- Pourquoi tant de morts ? –
Pour Joffre, "il faut passer, quel que soit le prix".
Jamais dans l'histoire autant de soldats français - entre 400.000 et 600.000 - ne furent
exposés en même temps au feu ennemi que ce 22 août.
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L'armée française subit en août 1914 de lourdes pertes parce qu'elle ne cherche pas
particulièrement à les minimiser. L'état-major croit en effet à une guerre rapide et violente,
et ne se préoccupe guère d'épargner les vies.
Pour expliquer le désastre, l'historien britannique Anthony Clayton pointe également "les
faiblesses de l'organisation française", avec des généraux âgés, souvent incompétents, et
des renseignements insuffisants qui ne permettent pas de repérer les positions ennemies.
Les instructions d'offensive à outrance reçues du haut état-major avant le combat feront
aussi qu'aucun officier n'osera organiser une retraite face à l'hécatombe qui désorganise les
lignes françaises, ce qui était pourtant la seule solution pour limiter les dégâts.
A quelles forces les soldats français se heurtent ils ?
Les troupes françaises sont en réalité victimes d'une accumulation d'éléments contraires.
En premier lieu : la présence inattendue de régiments allemands censés ne pas arriver
avant le lendemain. Tapis dans la forêt, l'ennemi attend de cueillir l'armée française. Les
mitrailleuses et l'artillerie allemande sont bien positionnées.
En face, les Français ne connaissent pas ce terrain forestier difficile : certains officiers ne
disposent même pas de carte des environs. D'autre part, leurs pantalons rouges percent un
épais brouillard et en font des cibles parfaites. Enfin, les soldats français payèrent surtout le
tribut de l'intransigeance de leur hiérarchie, partisane d'attaques à découvert
déraisonnables. Engagés dans des charges désespérées, la plupart d'entre eux tombèrent
sous les rafales de mitrailleuses allemandes.
L'artillerie allemande se révèle supérieure et plus mobile que celle des Français, et chaque
armée allemande dispose d'un corps de cavalerie équipé en mitrailleuses et en hommes à
pied, capable de se projeter en avant et de tenir une position.
La doctrine de l'offensive à outrance :
l’hécatombe programmée et…
acceptée
L’offensive à outrance est une expression souvent utilisée pour décrire la doctrine de
l'armée française de 1911 à 1914. Le principe au niveau stratégique est d'attaquer partout
où on le peut, tandis qu'au niveau tactique il s'agit de foncer sur l'adversaire en recherchant
le corps-à-corps.
Doctrine théorique
Cette doctrine est enseignée très tôt à l'École de Guerre, notamment par le général Foch,
qui en est directeur de 1907 à 1911. Il écrit dans Des principes de la guerre : « Pas de
victoire sans bataille : la victoire est le prix du sang [...] La guerre n'est que sauvagerie et
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cruauté et [...] ne reconnaît qu'un moyen d'arriver à ses fins, l'effusion sanglante ».
L'offensive à outrance est théorisée lors des conférences de 1911 du colonel de
Grandmaison. Selon lui, il faut impérativement avoir l'initiative, quitte à prendre des
risques : le choc rapide d'une attaque frontale est recherché, les manœuvres et les
préparations sont critiquées.
Cette attitude offensive est incluse dans les règlements mis en place par le général Joffre
après sa nomination à la tête du Conseil supérieur de la guerre. Il s'agit du Règlement sur la
conduite des grandes unités du 28 octobre 1913, du Règlement sur le service des armées
en campagne du 2 décembre 1913 et du Règlement de manœuvre d'infanterie du 20 avril
1914.
« Pour vaincre, il faut rompre par la force le dispositif de combat de l'adversaire. Cette
rupture exige des attaques poussées jusqu'au bout, sans arrière-pensée ; elle ne peut être
obtenue qu'au prix de sacrifices sanglants. [...] L'offensive seule conduit à des résultats
positifs. Les succès à la guerre ont toujours été remportés par les généraux qui ont voulu et
cherché la bataille ; ceux qui l'ont subie ont toujours été vaincus. »
« L'attaque implique de la part de tous les combattants la volonté de mettre l'ennemi hors
de combat en l'abordant corps à corps à la baïonnette. Marcher sans tirer le plus longtemps
possible, progresser ensuite par la combinaison du mouvement et du feu jusqu'à distance
d'assaut, donner l'assaut à la baïonnette et poursuivre le vaincu, tels sont les actes
successifs d'une attaque d'infanterie. »
— « Article 313 », Règlement de manœuvre d'infanterie, 1914
Le moral et la volonté étaient privilégiés pour ce règlement : « les batailles sont surtout des
luttes morales, la défaite est inévitable dès que cesse l’espoir de vaincre. Le succès ne
revient donc pas à celui qui a subi le moins de pertes mais à celui dont la volonté et dont le
moral est le plus fortement trempé »
Cette mystique de la volonté, dont la seule expression possible jusqu’en 1914 se traduisait
par l’offensive, était en fait le résultat de deux influences convergentes, celle de Clausewitz
dont les enseignements avaient été élevés au niveau du dogme, et celle issue de l’analyse
déformée a posteriori de la défaite de 1870.
La défaite de 1870-1871 était, en effet, en grande partie due à la doctrine strictement
défensive et au mythe de la « belle position » défendue par les Français. Cette doctrine
entraîna en définitive un combat statique qui laissa aux Allemands une totale liberté
d’action, leur permettant, en manœuvrant dans les intervalles, d’établir des rapports de
forces favorables dans chacune de leurs actions décisives.
Il faut toutefois nuancer et ne pas s’arrêter à quelques extraits. Selon certains historiens,
l’ensemble de ces textes présente une conception de l'offensive, prudente et réfléchie : ils
intègrent la défensive, la puissance de feu, la manœuvre et les tranchées, et proposent un
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certain équilibre entre l'offensive et la défensive et entre le feu et le mouvement. Pour
d’autres historiens, ces manuels sont trop tardifs pour avoir influencé les officiers français
de 1914.
Après la défaite
Le « cas » du général Lanrezac
Quand Lanrezac est nommé à la tête de son armée, la Vème, à la suite de Gallieni il fera
part à l'État-major de ses inquiétudes sur la situation de son armée en cas de conflit,
Gallieni a fait de même avant lui. Il est trop tard et de toute façon il n'a aucune chance
d'être écouté. Citations :
« Le fétichisme outrancier de nos états-majors pour l'offensive nous expose aux pires
destinées. »
« Attaquons, attaquons... comme la lune »
Le 23 août, les Allemands sont en passe d'encercler la Vème armée. Ce sera la gloire de
Lanrezac de décrocher et de le faire si intelligemment qu'il parviendra à sauver son armée
mais aussi à donner un coup aux Allemands à Guise. Il fera pivoter et reculer en ordre une
armée de 300000 hommes, dotée de 100000 chevaux, tout en surveillant les mouvements
d'un ennemi plus puissant alors même que certains officiers prennent des initiatives
malheureuses contre ses ordres mais selon un règlement imbécile !
Joffre, Note pour toutes les armées, 24 août 1914 :
« Chaque fois que l'on veut conquérir un point d'appui, il faut préparer l'attaque avec
l'artillerie, retenir l'infanterie et ne la lancer à l'assaut qu'à une distance où on est certain de
pouvoir atteindre l'objectif. [...] L'infanterie semble ignorer la nécessité de s'organiser au
combat pour la durée. Jetant, de suite, en ligne des unités nombreuses et denses, elle les
expose immédiatement au feu de l'adversaire qui les décime, arrête, ainsi, net, leur
offensive et les laisse souvent à la merci d'une contre-attaque »
Après le massacre…..ce sont les subordonnés qui n’ont pas compris ! Ils ont attaqué avec
trop de précipitation
Il faut trouver les raisons de l’échec : les « limogeages »
162 généraux (ou colonels faisant fonction de généraux de brigade) sont relevés de leur
commandement entre août et décembre 1914. Moins d'une dizaine d'officiers furent
réellement envoyés à Limoges. Parmi les limogés, on compte deux généraux commandants
d'armée, Ruffey et bien sûr Lanrezac
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Pourquoi ce limogeage ? Parce que Lanrezac est la tête de turc de l'État-major, le principal
témoin de son incompétence totale, parce que selon Joffre lui-même, c'est son successeur
naturel. Limoger Lanrezac, c'est trouver un bouc émissaire de plus pour justifier la perte de
la bataille des frontières. Les raisons invoquées ? Les accusations de Joffre contre Lanrezac :
"A bout de nerfs" et "trop raide avec French", le généralissime anglais !!!!
Évolution de l’armement et conflits entre 1870 et 1914
1870 :
Le canon Krupp prussien en acier se charge par la culasse, tandis que son homologue
français est en bronze et se charge par la bouche. Ces avantages sont cependant limités par
la qualité du métal et les deux types de canons sont rayés. La cadence de tir du canon
Krupp est légèrement supérieure (2 coups /min) et la portée efficace est de 3 km, identique
à celle des canons français. La supériorité prussienne vient de l'utilisation d'obus percutants
plutôt que fusants.
Les canons à balles de Reffye : sorte de mitrailleuses multitube sur affût de canon qui
tiraient environ 75 coups à la minute grâce à trois rechargements « rapides » de 25 coups.
Le fusil Chassepot modèle 1866 français, avec une munition de 11 mm, a une portée
pratique de 200 mètres, est supérieur au fusil Dreyse équipant l'armée allemande. Sa
cartouche est du type combustible : l'enveloppe de carton qui contient la charge de poudre
noire brûle au moment du tir. Ce qui entraîne son défaut : l’encrassement après une
vingtaine de tirs, ainsi que la difficulté de fabrication et donc d’approvisionnement en
munitions (500 000 cartouches ont été fabriquées alors que l'armée française compte un
million de soldats lors de cette guerre)
Les conflits entre 1870 et 1914 :
Les multiples conflits de type coloniaux ne permettent pas de tirer d’enseignement sur une
confrontation entre deux armées « modernes ». Même si la seconde guerre des
Boers (1899 - 1902) voit les premières tranchées (et les premiers camps de concentration),
c’est la guerre russo-japonaise (1904-1905) qui inaugure ce que sera la première guerre
mondiale.
Sur le plan militaire, ce conflit préfigure les guerres du XXe siècle par sa durée (1 an et
demi), par les forces engagées (sans doute plus de 2 millions d'hommes au total) et les
pertes (156 000 morts, 280 000 blessés, 77 000 prisonniers) ainsi que par l'emploi des
techniques les plus modernes de l'art de la guerre (logistique, lignes de communications et
renseignements ; opérations combinées terrestres et maritimes ; durée de préparation des
engagements).
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Les mitrailleuses (notamment des «Hotchkiss ») furent utilisées par les Japonais en postes
mobiles pour suivre la progression de l'infanterie comme un support de feu en ramollissant
les défenses adverses dans l'offensive et en cassant l'élan de l'assaut adverse dans la
défensive. Autre innovation japonaise : l'emploi de la TSF ou radiotéléphonie (en mer) et du
téléphone (dans les combats terrestres).
Les guerres balkaniques ou guerres des Balkans (1912-1913)
Dès le début des hostilités, les succès serbes révèlent les performances inattendues et
meurtrières de l'artillerie moderne.
Pour la première fois, en effet, sont utilisés à grande échelle des canons avec obus à
fragmentation, qui tirent à cadence rapide et déchiquettent les chairs. Ces canons ont été
fournis par les industriels du Creusot, la Serbie ayant pu moderniser son armée depuis 1909
grâce à des emprunts massifs auprès des épargnants français.
Les tranchées deviennent indispensables et les uniformes, bulgares et serbes notamment
deviennent moins « voyants ». Les guerres balkaniques font office de « répétition
générale » de la première guerre mondiale, notamment par les armements utilisés.
L’armement en 1914
La mitrailleuse française Hotchkiss dispose d'une puissance de feu de 400 à 600 coups par
minute. Le fusil Lebel est capable de tirer 20 coups par minute et à longue distance.
Le canon de « 75 » à tir rapide (de 6 à 20 coups /min) a une portée efficace de 6500 m et
n’a pas besoin d’être « re-pointé » grâce à l’absorption du recul.
En 1914, la France entre en guerre avec 3 840 canons de 75, 17 500 canons seront
construits pendant la guerre, les munitions étant produites à plus de deux cents millions
d'unités. La guerre industrielle vient de voir le jour.
Les plans
Le plan Schlieffen d’invasion de la France
Il était connu…..de l’état major français !
L’attaque allemande par la Belgique surprendra quelque peu les Français, même si cette
option avait été envisagée grâce au service de renseignement (SR). En effet, dès 1904, un
officier allemand, qui voulait se venger (d’où son pseudonyme « le Vengeur » donné par le
SR français) de certaines injustices dont il aurait été victime, était venu spontanément
vendre à l’état-major français un document relatant les grandes lignes du plan Schlieffen.
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De même l’État-major de l’Armée (EMA) disposait d’un rapport daté de 1908 élaboré par le
colonel LUDENDORF (alors chef du bureau mobilisation du Grand État-major allemand)
relatif aux opérations d’ensemble du plan Schlieffen et au programme arme par arme
pour le conduire à bien. Enfin à la veille de la guerre, l’EMA avait entre les mains le plan de
concentration de l’armée allemande face à l’ouest révélant notamment l’intention de
marcher sur Paris par le plus court chemin : la Belgique et l’axe de l’Oise.
Le plan XVII
Le plan XVII est un plan militaire de l'Armée française préparé en 1913, applicable à partir
du 15 avril 1914 et appliqué en août de la même année, au déclenchement de la Première
Guerre mondiale. Il doit son nom au fait d'être le 17e depuis la fin de la guerre francoallemande de 1870.
Le plan est mis en œuvre à partir du 2 août 1914 sous les ordres du commandant en chef
français, le général Joffre. Il entraîne les offensives françaises en Haute-Alsace (à partir du 7
août), sur le plateau lorrain (à partir du 14 août) et dans l'Ardenne belge (à partir du 21
août), qui échouent toutes lors de la bataille des Frontières.
Le 8 août, Joffre, qui ne vole pas au secours des Belges, laisse les Allemands dérouler leur
stratégie et ordonne aux 1re et 2e armées françaises de passer à l'offensive en Lorraine, en
Alsace et dans les Ardennes pour attaquer de front les troupes allemandes.
Le plan XVI : celui « juste avant »
Le 19 juillet 1911, le général Victor-Constant Michel, chef d'État-major et président du
Conseil supérieur de guerre (dont fait partie J. Joffre), présente son plan XVI. Celui-ci
propose une attente défensive et un élargissement du front jusqu'à la Belgique en
mobilisant tous les réservistes. Il est rejeté à l'unanimité par les membres du Conseil. Le 28
juillet, qualifié d'« incapable » par le ministre de la Guerre Adolphe Messimy, il est destitué
de ses fonctions en Conseil des ministres. Mais qui va-t-on bien pouvoir nommer à la
place ?
En résumé…
L’attaque est plus meurtrière que la défense. Le « score » du 22 aout : près de 5 tués contre
2 au défenseur
Paradoxalement alors que c’est, d’un point de vue stratégique, l’armée allemande qui
« attaque » puisque c’est elle qui envahit d’autres pays, tactiquement, sur le terrain, c’est
l’armée française qui se lance à l’assaut.
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Alors que le plan stratégique allemand est connu (d’autant plus qu’il est parfaitement
logique vu les fortifications françaises face à l’Alsace – Lorraine), quel est le plan, en dehors
du plan « d’organisation » de l’armée française (plan XVII) ? Attaquer là où les
allemands nous attendent le plus. Le plan XVII esquissait toutefois une stratégie : la victoire
dépend de la supériorité des forces morales (!)
Les consignes tactiques : « On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera»
L’observation des autres conflits « modernes » ? Aucune conclusion. Il faut dire que lors
d’une charge à découvert, face aux mitrailleuses, la couleur de l’uniforme importe peu.
La prochaine guerre sera comme celle de 1870 mais en plus violent. L’armement a évolué. Il
faudra donc consentir à des sacrifices (sous entendre plusieurs centaines de milliers de
morts).Elle sera propre : la balle 8 mm est stérile à la sortie du fusil et fera moins de dégâts
dans les chairs (effet vulnérant) que celles de 1870 (13 et 11 mm).Faut il prévoir un système
sanitaire ?
Au niveau du soldat
(extraits des carnets de Louis Ribot de Saint Féliu d’Avall)
18 Décembre 1914
Le sort en est jeté. Je suis soldat
Et ce matin j’ai senti que je mourrai un peu, j’ai perdu un peu de ma vie en quittant et mon village et ceux
que j’aime. Quand je me suis vu emporté vers Narbonne j’ai été forcé de pleurer….
Je me rappelle pourtant les causeries patriotiques, l’espoir de revanche qui nous animait tous ; mais malgré
moi songeant à Haraucourt (*) les larmes ont du couler de mes yeux.
Malgré tout, malgré les déboires de la vie militaire…je veux faire mon devoir
Merci aux vieux qui prient de chanter pour nous « les soldats de l’avenir ».
Oui nous sommes là et :
Nous rentrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus !
(*)Du 24 août au 14 septembre 1914, Haraucourt a payé un lourd tribut lors de la bataille du GrandCouronné. Sur les 154 enfants du village mobilisés, 45 sont morts au front ou des suites de leur
mobilisation. Le 12 septembre 1914, le village n’est plus qu’un champ de ruines. Sur 177 habitations, 66
sont complètement détruites et 26 fortement endommagées. L’église est éventrée et a perdu sa flèche. Le
château féodal est détruit.
Jeudi 18 Mars 1915
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3 mois de vie militaire (18Mars – 18 Décembre), je me sens grandi par le cœur, sous l’uniforme militaire qui
symbolise la fraternité, le devoir et l’honneur. Je suis fier d’être un futur poilu, un gavroche de l’épopée, de
penser qu’un jour je me battrai avec des vêtements raides de boue et en lambeaux, de faire bientôt mon
devoir.
Dimanche 28 Mars 1915
Ce matin messe des rameaux bénits, en attendant les rameaux cueillis dans la gloire que l’on bénira aussi
après notre victoire définitive ; ce seront alors ceux de la paix et de la Civilisation tout verts et sans tâches
car ils auront été arrachés avec des mains blanches qui ne porteront pas la souillure du sang innocent des
martyrs de la guerre.
29 Mars 1915
Hier bien triste nouvelle. Le Bouvet (*) coule dans les Dardanelles. Pauvre Bouvet ! Étant enfant je
l’avais vu et visité à Port-Vendres. Malgré ses ans le drapeau tricolore flottait fièrement au dessus de ses
tourelles : maintenant vaincu par une mine aveugle et implacable il est mort couvert de gloire
(*)Le Bouvet était un cuirassé de génération pré-Dreadnought de la Marine française, lancé en 1896 et
coulé par une mine le 18 mars 1915 durant la bataille des Dardanelles,
Il pleut ce 10 Mai 1915
Jour mémorable. J’ai demandé à suivre mes vieux amis. Je m’en vais vers les tranchées de Beauséjour (en
Champagne) pour défendre notre belle France. Je pars content. Je me sens assez de volonté et de courage
pour faire mon devoir de Français. Je souhaite que ma mère sèche ses larmes. Au revoir à tous.
Quoi qu’il arrive ne pleurez pas
Mes pensées au Roussillon à mes parents à mes amis.
Dans ses carnets, Louis Ribot évoque les soirées au coin du feu, lorsqu’il était enfant, à
écouter les récits d’un ancien de 70. Il y a donc aussi une transmission orale de cet
évènement. Il parle également de soirées « pro patria » avec ses camarades soldats, et son
premier carnet de guerre est presque exclusivement consacré à la compilation de textes,
poésies, citations et chansons patriotiques.
Edmond Rostand, Henri de Régnier, Jean Aicard, Léon Dierx, Michelet, Sully Prudhomme,
une traduction de Goethe, Victor Hugo, Albert Sarraut, Alfred de Musset, Nicolas Boileau,
Chateaubriand, Alphonse Daudet, Léon Daudet, Jules Simon, Gabriel Vicaire, Marceline
Desbordes-Valmore, José-Maria de Heredia, Pierre Loti, Lucie Delarue, Victor de Laprade,
Maurice Barrès, Octave Feuillet, Jean-Baptiste Kléber, Albert Samain, Paul Déroulède,
Voltaire, Gounod, Hippolyte de La Morvonnais, Gabriel Mourey, Jean Rameau, Georges
Rodenbach, Jean Richepin, Paul Géraldy, Paul Verlaine, Armand Silvestre, Maurice
Maeterlinck, Marie de Heredia, Friedrich Von Schiller, Gabriele D'Annunzio, Gabriel Volland,
etc.…
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On y trouve également « montanyas regaladas » en parfait catalan.
Le patriotisme de ce soldat était- il la norme au début de la guerre ? Il semble que oui.
Quelle est la part de l’imaginaire patriotique « inculqué » chez ces jeunes gens ? Difficile à
évaluer, pas comme la pression des institutions : difficile de ne pas faire son devoir !
Il n’empêche que le sacrifice ultime est pleinement envisagé et accepté, démarche
personnelle qui est difficilement imposable.
Ils ont marché vers l’enfer, au nom de leur pays, « sincèrement » et ce n’est pas
l’incompétence de leurs chefs ou le « conditionnement » de leurs esprits qui diminuent leur
courage.
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