Suppression de la dépendance à l’alcool et de la

supprimer les sympto
ˆmes ne modifie en rien le pronostic de la
maladie (pneumonies bacte
´riennes, tuberculose, insuffisance
coronaire, etc.), dans les addictions (dont l’alcoolisme) il
pourrait suffire de « supprimer les sympto
ˆmes de la de
´pendance
pour supprimer la de
´pendance » [4]. Et que le mode
`le actuel
de « re
´duction » du craving pourrait donc n’e
ˆtre
qu’« infrathe
´rapeutique ». Il observe que dans toutes les
e
´tudes re
´alise
´es chez l’animal rendu de
´pendant a
`l’alcool, tous
les me
´dicaments anticraving pre
´cite
´s n’ont pour proprie
´te
´,au
mieux, que de re
´duire la motivation de l’animal a
`consommer
de l’alcool, mais que seul l’un d’entre eux, le baclofe
`ne (qui
comme les autres anticraving ne fait, a
`faibles doses, que
re
´duire cette motivation) posse
`de en revanche l’unique
proprie
´te
´de supprimer cette motivation a
`partir d’une dose
seuil. Cet effet est dose-de
´pendant [9].Leme
´rite de la premie
`re
description d’un effet « suppresseur » sur la motivation a
`
consommer une substance chez l’animal de
´pendant par une
mole
´cule (le baclofe
`ne) ainsi que la description du caracte
`re
dose-de
´pendant de cet effet en revient a
`Roberts et Andrews qui
l’avaient de
´crite pour la cocaı
¨ne en 1997 [18]. Cette proprie
´te
´
suppressive unique au baclofe
`ne a par la suite e
´te
´de
´montre
´e
pour l’he
´roı
¨ne, la nicotine et la D-amphe
´tamine. Ameisen e
´met
l’hypothe
`se que les effets suppresseurs du baclofe
`ne pourraient
e
ˆtre transpose
´sa
`l’homme. Il propose un mode
`le the
´rapeutique
translationnel dans lequel le baclofe
`ne a
`haute dose pourrait
supprimer toute envie de consommer de l’alcool chez les sujets
alcoolo-de
´pendants. Lui-me
ˆme me
´decin et alcoolo-de
´pendant,
et dont la maladie avait e
´te
´re
´fractaire a
`tous les traitements
me
´dicaux bien conduits, apre
`s s’e
ˆtre auto-administre
´du
baclofe
`ne a
`hautes doses il publie son propre cas clinique de
suppression comple
`te de la maladie alcoolique par suppression
de ses sympto
ˆmes. Il de
´crit que le baclofe
`ne l’a rendu
comple
`tement « indiffe
´rent a
`l’alcool » et ce « sans le moindre
effort ». Il oppose cela au mode
`le actuel de l’abstinence qui
oblige le patient a
`des efforts constants pour ne pas boire, ce qui
non seulement alte
`re conside
´rablement son mode de vie, mais
explique aussi pourquoi plus de 80 % des patients de
´toxifie
´s
avec succe
`s et devenus abstinents rechutent rapidement,
comme le confirme une e
´tude re
´cente [11]. Ameisen appelle
a
`tester son mode
`le the
´rapeutique de « suppression » (par
opposition a
`la simple « re
´duction ») des sympto
ˆmes de
l’alcoolo-de
´pendance dans des essais cliniques randomise
´sdu
baclofe
`ne a
`haute dose [4,5].
Cela constitue le premier cas rapporte
´dans la litte
´rature de
« suppression » de l’alcoolo-de
´pendance chez l’homme. Il a e
´te
´
reproduit en suivant le me
ˆme mode
`le the
´rapeutique [3,8].Le
baclofe
`ne avait e
´te
´teste
´en essais cliniques randomise
´sou
ouverts depuis plus de 15 ans chez des sujets alcoolo-
de
´pendants [1,2,10,13]. Ces auteurs, qui avaient tous utilise
´la
faible dose de 30 mg/jour (0,5 mg/kg), n’avaient rapporte
´
qu’une « re
´duction » du craving, ce qui n’ajoutait donc au
baclofe
`ne aucun avantage par rapport aux autres me
´dicaments
anticraving (naltrexone, acamprosate, topiramate et ondanse-
tron) pour lesquels cet effet re
´ducteur du craving avait e
´te
´
de
´crit. Ces re
´sultats cliniques sont en conformite
´avec les
mode
`les animaux dans lesquels le baclofe
`ne ne commence a
`
exercer ses proprie
´te
´s suppressives qu’a
`partir de 1 mg/kg.
3. Le baclofe
`ne
Le baclofe
`ne est utilise
´depuis plus de 40 ans et a rec¸u son
autorisation de mise sur le marche
´(AMM), avec pour seule
indication la spasticite
´d’origine neurologique et ce a
`la dose
maximale de 80 mg/jour. A
`partir de cette dose, si la spasticite
´
n’est pas suffisamment contro
ˆle
´e, les neurologues sont tenus de
recourir a
`la voie intrathe
´cale qui a rec¸u son AMM pour la
spasticite
´re
´fractaire au baclofe
`ne par voie orale a
`80 mg/jour.
La voie intrathe
´cale pre
´sente des dangers importants et des
complications se
´ve
`res sont fre
´quemment rapporte
´es dans la
litte
´rature (infectieuses notamment). Nombre de neurologues
expe
´rimente
´s, pour e
´viter d’exposer leurs patients a
`ces
complications – alors que la spasticite
´n’est qu’un trouble
be
´nin et que le baclofe
`ne n’est qu’un traitement de confort –
pre
´fe
`rent utiliser le baclofe
`ne par voie orale a
`haute dose
(>80 mg/jour), donc hors AMM, jusqu’a
`300 mg/jour, c’est-a
`-
dire jusqu’a
`ce que l’effet escompte
´soit atteint tant que le
patient supporte bien le traitement [19].
Me
ˆme chez l’enfant, pour des troubles de l’e
´quilibre be
´nins
le baclofe
`neae
´te
´utilise
´pendant huit anne
´es conse
´cutives, a
`la
dose de 180 mg/jour [12].Lase
´curite
´du baclofe
`ne est
conside
´re
´e comme particulie
`rement remarquable : une se
´rie de
tentatives de suicides conse
´cutifs de 23 patients par baclofe
`ne a
`
doses massives (jusqu’a
`2,5 grammes) a e
´te
´publie
´e. Parmi
eux, certains seulement ont eu besoin d’e
ˆtre observe
´s ou traite
´s
en soins intensifs. Pas un seul de
´ce
`s n’est survenu et tous les
patients ont quitte
´l’ho
ˆpital sans se
´quelle [14]. Par ailleurs,
aucun cas de complications irre
´versibles ou se
´ve
`res au cours de
traitements par baclofe
`ne par voie orale n’a e
´te
´rapporte
´dans la
litte
´rature depuis que le baclofe
`ne est utilise
´.Lescasde
complications se
´ve
`res rapporte
´s se sont tous produits non pas
lorsqu’il a e
´te
´utilise
´a
`hautes doses et par voie orale hors
AMM, mais uniquement lorsqu’il a e
´te
´utilise
´dans le cadre de
l’AMM par voie intrathe
´cale. Les effets secondaires les plus
courants du baclofe
`ne par voie orale sont la somnolence et la
faiblesse musculaire, toutes deux re
´versibles en 24/48 heures.
Pour l’alcoolisme, l’utilisation du baclofe
`ne soule
`ve le
proble
`me qu’elle se situe donc hors de l’AMM et pourrait
exposer a
`des risques d’effets inde
´sirables dont la nature et la
gravite
´sont encore mal connues. Ce qui est en revanche
certain, c’est que les effets secondaires de l’alcool consomme
´
en exce
`ssontbiene
´tablis et connus comme extre
ˆmement
se
´ve
`res. L’alcoolisme est une maladie tre
`s grave, source d’une
forte morbidite
´et d’une forte mortalite
´. Il importe donc de
mettre en balance le ratio risque/be
´ne
´cedetraiterparun
me
´dicament ancien et connu comme bien tole
´re
´avec
l’e
´volution d’une maladie mortelle pour laquelle il n’existe
aucun traitement efficace reconnu. Se priver d’un traitement
potentiellement efficace e
´quivaut donc pour les patients a
`une
perte de chance qui peut les amener a
`se retourner
juridiquement contre leur me
´decin. En effet, selon la juriste
Odile Paoletti : « Si, sous pre
´texte qu’un me
´dicament n’a pas
rec¸u l’AMM, vous ne le prescrivez pas a
`votre patient, alors
qu’il aurait pu ame
´liorer son e
´tat de sante
´ou le gue
´rir, votre
responsabilite
´pourrait e
´galement e
ˆtre recherche
´e!»[17].
Autrement dit, ce pourrait e
ˆtre une faute e
´thique de ne pas
O. Ameisen, R. de Beaurepaire / Annales Me
´dico-Psychologiques 168 (2010) 159162160
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