La planète santé en un coup d’œil En raison du vieillissement accéléré des populations, de la dénatalité et du ralentissement économique qui sévit partout dans le monde, bon nombre de pays ont entrepris d’importantes réformes de leurs systèmes de santé. D’autres envisagent des changements majeurs, tant en matière de financement que d’organisation des services et de gouvernance. De quoi changer à jamais le visage de la planète santé ici et ailleurs. Panorama. France Population : 62,3 millions d’habitants | Espérance de vie : 81,2 ans | Nombre de médecins : 3,37 par 100 habitants Dépenses publiques en santé : 171,2 milliards d’euros (€) ou l’équivalent de 236,9 G$ CAD Dépenses privées en santé : 46,6 milliards d’euros (€) ou l’équivalent de 64,4 G$ CAD Source : État du Monde et OMS, 2011 Érigé dans une tradition de mixité, où syndicats, entreprises et État se partagent la responsabilité du financement et où les établissements privés et publics se côtoient, le système de santé français a connu d’importantes transformations au cours des dernières décennies. Promulguée en juillet 2009, la loi « Hôpital, patients, santé et territoire » (HPST) confronte toutefois le réseau de santé français à l’une des plus importantes réformes de son histoire. Les changements enclenchés proposent la centralisation des pouvoirs au palier régional. Cette réforme se traduit notamment par la création de 26 agences régionales de santé (ARS) dotées d’importants pouvoirs de coordination, d’intégration et de budgétisation. Ces entités verront à coordonner l’offre de services disponible sur leur territoire et à attribuer les budgets requis. Elles pourront aussi aller en appel d’offres auprès des organisations publiques ou privées pour désigner qui offrira un service sur le territoire. La loi prévoit également que les agences pourront ­recommander la fermeture de certaines installations ou leur ­intégration. En cas d’absence d’offre de soins, ­l’agence peut en outre désigner un établissement par défaut. Elle peut de plus engager des médecins pour les affecter dans les zones de pénurie. La loi change aussi l’organisation interne des hôpitaux. ­Dorénavant, le directeur général sera systématiquement ­jumelé au président de la commission médicale, qui devien­ dra par le fait même le numéro deux de l’établissement. La cogestion est donc en quelque sorte imposée. Les chefs de pôle (équivalent des chefs de départements québécois) verront aussi leurs pouvoirs accrus et auront désormais droit de regard sur le fonctionnement de leur pôle et l’affectation des ressources humaines qui y sont liées. La rémunération des médecins a également été revue. Des contrats fermes lieront les médecins aux hôpitaux qui les emploient. Ces contrats prévoiront une part de salaire fixe et une part de rémunération à l’acte. L’approche exige notamment des médecins qu’ils produisent un rapport sur les actes réalisés à date fixe sans quoi une retenue sur leur salaire peut être effectuée. Finalement, les conseils d’administration deviennent des conseils de surveillance et ne seront plus systématiquement présidés par le maire ou un élu. Parce qu’elle vient bouleverser l’ordre établi depuis des ­décennies, cette réforme soulève de très fortes résistances sur le terrain tant de la part des médecins que des gestionnaires. Le gouvernement français garde néanmoins le cap et procède actuellement à l’implantation des mesures prévues. Royaume-Uni Population : 61,6 millions d’habitants | Espérance de vie : 79,6 ans | nombre de médecins : 2,48 par 100 habitants Dépenses publiques en santé : 110 milliards de livres sterling (£) ou l’équivalent de 170,1 G$ CAD Dépenses privées en santé : 21,3 milliards de livres sterling (£) ou l’équivalent de 33,3 G$ CAD Source : État du Monde et OMS, 2011 Organisé autour d’un ministère et d’une imposante structure de gestion centralisée, le National Health ­Service (NHS), le système de santé britannique a fait l’objet de nombreuses réformes au cours des trente dernières ­années. Confronté à une situation économique difficile, en janvier 2011, le gouvernement en place déposait un projet de loi visant une décentralisation massive des pouvoirs vers les instances locales et l’abolition pure et simple du palier régional de décision. Toujours à l’étude, le projet de loi propose l’abolition des NHS Strategic Authorities (agences régionales) et la transformation des Primary Care Trusts (orga­nisations sous-régionales de services de première ­ligne) en GP ­Commissioning Consortia locaux. Les GP ­Commissioning Consortia seraient en fait des groupes de méde­cins omnipraticiens responsables de gérer 80 % des 110 ­milliards de livres investis annuellement dans le budget de la santé. Le budget serait rattaché aux patients qui choisiraient par quel groupe de médecins ils souhaitent être suivis. Liés par contrat avec les ­patients, les groupes de médecins offriraient les soins de première ligne et achèteraient les soins spécialisés et surspécialisés requis auprès des établissements ou des professionnels qualifiés. La réforme prévoit en outre l’inté­gration des services sociaux et des services de santé publique aux services de santé. Ainsi, tous les services offerts localement par l’équivalent des CSSS québécois seraient regroupés autour des groupes de médecins omnipraticiens. En faisant disparaître le palier intermédiaire de gestion, la réforme prévoit que les omnipraticiens dotés de budget deviennent imputables au regard de l’accès, de la qualité, de l’efficacité des soins et services reçus par sa clientèle, de même qu’en ce qui a trait à l’utilisation des ressources financières. Un mécanisme de contrôle et de régulation est cependant prévu dans le projet de loi pour s’assurer de la production de rapports chaque année. Considérée comme prometteuse par de nombreux ­acteurs concernés, la réforme soulève tout de même de ­grandes inquiétudes. À un point tel qu’au début d’avril, le premier ministre britannique annonçait son intention de retourner en consultation publique sur la question. Les économies anticipées par l’abolition du palier régional ­s’élèvent à 20 ­milliards de livres sterling, soit l’équi­valent de 31,4 ­milliards de dollars canadiens. Danemark Norvège Population : 5,5 millions d’habitants Espérance de vie : 78,3 ans Nombre de médecins : 3,16 par 100 habi­tants Dépenses publiques en santé : 149 milliards de couronnes danoises (DKK) ou l’équivalent de 27,6 G$ CAD Dépenses privées en santé : 25,3 milliards de couronnes danoises (DKK) ou l’équivalent de 4,7 G$ CAD Population : 4,8 millions d’habitants Espérance de vie : 80,6 ans Nombre de médecins : 3,89 par 100 habitants Dépenses publiques en santé : 183,9 milliards de couronnes norvégiennes (NOK) ou l’équivalent de 32,7 G$ CAD Dépenses privées en santé : 36,6 milliards de couronnes norvégiennes (NOK) ou l’équivalent de 6,5 G$ CAD Source : État du Monde et OMS, 2011 Source : État du Monde et OMS, 2011 Les systèmes de santé des pays nordiques se caracté­ risent depuis toujours par une importante décentralisation du pouvoir. Par-delà des orientations et des politiques centrales communes, dans ces pays, la gestion des services et des soins de santé relève en effet d’instances régionales et municipales de comté. Au jour le jour, ces instances voient à l’organisation des soins et à l’offre sur le terrain. Avec le temps, la latitude dont disposent les responsables locaux et régionaux a cependant favorisé l’apparition de certaines disparités régionales. Or, au ­Danemark et en Norvège notamment, de plus en plus de voix s’élèvent pour déplorer l’iniquité sociale que ces disparités régionales risquent d’engendrer. de manière à répartir les coûts sur de plus grands ­bassins de population et à amortir plus facilement les investissements requis pour les équipements de pointe. ­L’efficacité des systèmes informatiques en place, particulièrement au Danemark où le dossier patient électronique est une réa­lité depuis déjà dix ans, pourrait, selon toute vraisemblance faciliter les choses. Progressivement, une place plus importante est aussi accordée au secteur privé, ­notamment pour les services aux personnes âgées et les services hospitaliers. En réponse à ce phénomène, des mouvements de ­­réforme prônant la centralisation de certaines prises de décision émergent. Quelques gouvernements envisagent entre autres de centraliser la gestion des services ­spécialisés En d’autres termes, même les pays nordiques, souvent considérés comme l’exemple à suivre, questionnent aujourd’hui leurs façons de faire et se disent tentés par un rééquilibrage des forces en présence. Canada Population : 33,6 millions d’habitants | Espérance de vie : 80,7 ans | Nombre de médecins : 1,91 par 100 habitants Dépenses publiques en santé : 114,5 milliards de $ CAD Dépenses privées en santé : 52,1 milliards de $ CAD Source : État du Monde et OMS, 2011 Au Canada, par-delà une loi-cadre qui pose certains ­jalons, la gestion et l’organisation de soins et des services de santé relèvent de chacune des provinces. Résultat, certaines différences existent d’un territoire à l’autre du pays, notamment en ce qui a trait à l’offre de services couverts et à la manière dont ces services sont mis à la disposition de la population. L’organisation médicale, l’espace réservé à la cogestion et la rémunération des médecins sont toutefois sensiblement les mêmes d’une province à l’autre. La principale différence réside en fait dans le mode d’organisation de la gouvernance. De fait, pendant que l’Ontario mise sur un système fortement décentralisé, où cohabitent essentiellement le ministère de la Santé et les établissements, d’autres comme l’Alberta ont fait le choix de centraliser l’ensemble des décisions. Après avoir pu compter sur un palier régional actif, le gouvernement albertain a en effet choisi au début des années 2000 de confier la gestion entière du réseau à une entité indépendante — l’Alberta Health Services — et d’abolir son palier de gouvernance intermédiaire. À mi-chemin entre les deux, la Colombie-Britannique, elle, peut compter sur quatre instances régionales responsables de la gestion des établissements et sur une importante agence provinciale dont l’essentiel du mandat consiste à gérer les soins relatifs au cancer, à la santé mentale et à la pédiatrie. Aux prises avec un vieillissement accéléré de leur population et une importante pénurie de main-d’œuvre, plusieurs provinces questionnent cependant le modèle en place, notamment en ce qui a trait à la place réservée aux entreprises privées dans l’offre de services. Québec Population : 7,9 millions d’habitants | Espérance de vie : 81,2 ans | Nombre de médecins : 2,13 par 1 000 habitants Dépenses publiques en santé : 28,7 milliards de $ CAD Dépenses privées en santé : 11,5 milliards de $ CAD Source : MSSS et Institut de la statistique du Québec Essentiellement financé par les impôts perçus, le système de santé québécois peut compter sur trois paliers de gouvernance, à savoir le ministère de la Santé et des Services sociaux, les agences régionales et les établissements. En dépit des nombreuses réformes réalisées au cours des vingt dernières années, ces paliers de gouvernance ont été maintenus. Le concept de responsabilité populationnelle auquel sont assujettis les centres de santé et de services sociaux et la création des réseaux locaux de santé et de services sociaux ont toutefois ranimé le débat entourant la décentralisation des pouvoirs. En contexte de ­ressources financières et humaines limitées, les établissements ­revendiquent en effet un espace de gouvernance accru et prônent une transformation en profondeur des rôles et responsabilités impartis au palier régional de décision. Par-delà les débats entourant les structures, le réseau ­québécois voit aussi poindre à l’horizon de nouveaux ­modes de gestion médico-administrative et des méthodes de financement renouvelées, dont celui du financement à l’activité implanté dans divers pays, comme le Danemark, la ­Norvège, le Royaume-Uni et la France. Encore faut-il parvenir au consensus. Chose certaine, confronté à une importante pénurie de main-d’œuvre et à une courbe démographique négative, le Québec est à la croisée des chemins en matière de santé et de services sociaux. La Capitale est fière de participer à la tenue de ce congrès Jour après jour nous innovons afin de vous offrir le meilleur de nous-mêmes, comme vous innovez afin de donner les meilleurs soins à celles et ceux qui comptent sur vous. lacapitale.com