Journal Identification = NRP Article Identification = 0297 Date: July 24, 2014 Time: 11:42 am
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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Article original
été les premiers, en 1961, à montrer que le danger induisait
une surestimation temporelle et, par la suite, en 1984, Watts
et Sharrock obtiendront des résultats conformes. Thayer et
Schiff (1975 [28]) ont quant à eux démontré que le simple
fait de regarder quelqu’un exprimant une émotion provo-
quait une accélération du rythme de l’horloge interne et,
plus récemment, Noulhiane et al. [19] ont montré une sur-
estimation temporelle lors de la présentation de stimuli
auditifs émotionnels comparativement à des stimuli neutres.
En résumé, et face à l’ensemble de ces constats,
l’élaboration d’un paradigme avec pour amorce un stimu-
lus olfactif à valence émotionnelle et pour cible l’estimation
d’une durée nous a paru le plus adapté pour évaluer le
fonctionnement limbique dans son ensemble.
Perceptions et distorsions temporelles
Afin de mettre en évidence les différences de fonc-
tionnement de l’amygdale et du cortex orbitofrontal, nous
avons souhaité élaborer un test susceptible de démon-
trer une surestimation temporelle en cas d’hyperactivité
amygdalienne associée à une absence de régulation par
le cortex orbitofrontal. Pour comprendre les raisons pos-
sibles de cette surestimation et les différents facteurs qui
risquent de l’entraîner, il nous faut dans un premier temps
revenir sur les mécanismes de l’estimation temporelle en
tant que telle. Cette idée d’un mécanisme dévolu au trai-
tement de l’information temporelle est née de la réunion
de deux constats : les animaux comme les humains sont
capables de comportements temporels précis, et certains
facteurs semblent avoir une incidence plus ou moins impor-
tante sur ces comportements. Certains chercheurs ont donc
essayé de modéliser un mécanisme interne de mesure
du temps s’apparentant à une sorte d’horloge interne. En
1990, Treisman propose un modèle de type «oscillateur-
calibreur »dans lequel l’unité de calibration modulerait la
fréquence de base en fonction de l’activation induite par
des stimuli intérieurs ou extérieurs au sujet. Ce modèle
d’horloge interne a été repris dans le cadre de la théorie
du temps scalaire de Gibbon (1977 [29]) qui envisage que
le traitement de l’information temporelle résulte de trois
étapes comme autant d’étages interconnectés. Alors que le
modèle de Treisman considère que la variabilité des esti-
mations temporelles réside pour l’essentiel dans l’émission
des impulsions de l’horloge interne, Gibbon et al. consi-
dèrent chaque étage comme un lieu potentiel de source
de variation. Ces variations sont à l’origine des distorsions
temporelles qui correspondent au fait que le temps sub-
jectif, c’est-à-dire le temps estimé, ne correspond pas au
temps objectif, le temps mesuré par une montre. Selon
les conditions expérimentales, ces distorsions sont liées
principalement à des processus attentionnels ou à des pro-
cessus d’activation [20]. L’activation de l’horloge interne
engendrerait une surestimation temporelle. Elle serait due
à des mécanismes d’activation endogènes qui accélèrent
le rythme de l’horloge interne tels que l’augmentation de
la température corporelle, la nicotine ou la prise de sub-
stances psycho-actives telles que la méthamphétamine [21].
Des facteurs exogènes peuvent également générer des varia-
tions de l’horloge interne et particulièrement l’introduction
de stimuli émotionnels, comme nous l’avons précédem-
ment démontré. Toutefois, il semble pouvoir y avoir d’autres
sources de distorsion à d’autres niveaux du traitement de
l’information temporelle et notamment au niveau mnésique
[22]. Les troubles de la mémoire étant centraux dans la
maladie d’Alzheimer, nous pouvons donc nous interroger
sur la possibilité de distorsions temporelles déjà présentes
chez les malades. De même, si certaines études ont montré
qu’il n’y avait pas de lien entre la dépression et l’estimation
temporelle, d’autres suggèrent au contraire que les juge-
ments temporels sont altérés par la dépression [23]. En
résumé, l’étude de la perception du temps semble adap-
tée pour étudier l’effet émotionnel suscité dans le sens où
un stimulus émotionnel serait un activateur puissant des
mécanismes de l’horloge interne. Néanmoins, le fait que
d’autres facteurs puissent engendrer des distorsions tempo-
relles nous incite à prendre en compte qu’une estimation
erronée du temps est déjà susceptible d’exister dans nos
populations d’étude.
Problématique et objectifs
Nous avons mis en évidence que la maladie d’Alzheimer
et les troubles uni- et bipolaires étaient des pathologies fré-
quentes mais souvent confondues au cours de leur évolution
du fait de profils cognitifs et comportementaux proches.
Néanmoins, les données structurales, neurobiologiques et
fonctionnelles mettent en avant que, bien que le circuit
fronto-limbique soit affecté dans les deux pathologies, ce
ne sont pas les mêmes structures qui sont atteintes. En effet
dans les troubles de l’humeur, qu’ils soient uni- ou bipo-
laires, l’amygdale serait élargie et hyperactive à l’inverse
du cortex orbitofrontal atrophié et inactif, alors que dans
la maladie d’Alzheimer, l’amygdale serait le siège des
premières lésions et serait rendue inactive de manière pré-
coce. Les différentes études disponibles plaident en faveur
de l’existence de deux sous-systèmes neuronaux distincts
dans le traitement des odeurs. Le cortex orbitofrontal serait
davantage impliqué dans le traitement émotionnel explicite
des odorants à l’inverse de l’amygdale qui serait activée
principalement implicitement. Nous formulons l’hypothèse
qu’un test olfactif étudiant les réponses émotionnelles impli-
cites des odeurs pourrait permettre de différencier une
pathologie de type Alzheimer de troubles de l’humeur
et donc de mettre en évidence la différence entre un
dysfonctionnement limbique au niveau frontal ou un dys-
fonctionnement limbique au niveau amygdalien. Dans cette
étude, nous émettons l’hypothèse d’une différence d’effet
sur le traitement de la cible qui est l’estimation de la durée
d’un son entre nos deux populations d’intérêts. En effet,
le cortex orbitofrontal ne pouvant correctement réguler
l’amygdale dans le cas des troubles de l’humeur, nous nous
attendons à constater un effet d’hyperamorc¸age par rapport
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