8. causes des douleurs induites, traitement, prévention

8. CAUSES DES DOULEURS INDUITES,
TRAITEMENT, PRÉVENTION :
DANS UN SERVICE DHOSPITALISATION
Claire Vulser-Cristofini
La prise en charge des patients dans les services d’hospitalisation
oblige à des démarches diagnostiques et thérapeutiques de plus en
plus spécialisées.Actuellement,il devient difficile de traiter les
malades sans se préoccuper non seulement de leur confort,mais
également d’éviter de provoquer des douleurs pour “leur bien”.Aussi,
il est important qu’une réflexion et une observation de ses propres
pratiques professionnelles prennent en compte l’anticipation de la
douleur que l’on peut induire lors de soins pratiqués.En effet la
sommation de ces “petites douleurs”accumulées soin après soin,rend
parfois une hospitalisation très difficile à supporter et laisse des traces
pour les hospitalisations à venir (1).Pour cela,une très bonne connais-
sance des actes et des soins à réaliser tant au plan médical que para-
médical peut permettre cette anticipation au sein de chaque service.
LES DIFFÉRENTES CAUSES DES DOULEURS INDUITES
DANS UN SERVICE DE SOINS
Effectivement,hospitalisé dans un service de soins,selon les spécialités,
un patient peut être confronté à de nombreuses douleurs (2).Elles
peuvent être en rapport avec:
• les pathologies préexistantes du patient comme lombalgie,arthrose,
diabète,cancer,maladies auto-immunes,neuropathie… Il faut veiller
à ne pas les aggraver,ni risquer de les décompenser au cours d’une
hospitalisation ;
• les soins infirmiers type nursing,pose de perfusion ou de sonde
urinaire,pansements d’ulcères ou d’amputation,ou tous les soins en
postopératoire ;
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DANS UN SERVICE DHOSPITALISATION
• les soins de kinésithérapie,levers,mobilisation,reprise de la marche;
• les gestes diagnostiques médicaux tels que gaz du sang artériels,
biopsies cutanées,biopsies ostéomédullaires,ponctions d’ascite,
pleurale ou lombaire;
• les gestes thérapeutiques avec la pose de cathéters centraux,l’abla-
tion de drains pleuraux ou abdominaux,l’ablation de sacs de Mickulicz
ou les thérapeutiques elles-mêmes,comme les chimiothérapies;
• les effets secondaires des traitements employés:par exemple les
ulcérations digestives après utilisation d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens;
• la iatrogénie par l’extravasation d’une perfusion veineuse périphé-
rique,un pneumothorax lors de la pose d’un cathéter central;
• les complications liées à l’alitement:escarres sacrées ou talonnières,
la compression d’extrémités de membre par la contention chez des
patients agités ou sédatés,les chutes.
Il appartient à chaque service de déterminer quels sont les actes,
gestes ou thérapeutiques qui peuvent engendrer des douleurs à leurs
patients afin de pouvoir les anticiper le plus possible.En effet,un
service d’oncologie (3) n’a pas les mêmes impératifs de traitements
qu’un service de diabétologie,de rhumatologie,de chirurgie ou de
réanimation.Actuellement,pour parfaire un diagnostic,les explora-
tions sont de plus en plus lourdes;toutes ne s’opèrent pas dans le
service d’hospitalisation.Mais il est important que l’on sache expli-
quer au patient ce qu’on lui propose et d’encadrer chaque procédure
d’explications appropriées sur la réalisation de l’acte,les douleurs
possibles et les moyens de les contrôler.
En dehors de toutes ces étiologies possibles de douleurs somatiques
identifiables,il ne faut pas oublier toutes les douleurs à composante
psychologique que l’on peut entraîner lorsque l’on soigne des
patients à l’hôpital.Ces douleurs,qualifiées de morales,ont également
des causes très diverses qu’il faudra essayer de prévenir au maximum
dans la mesure où elles sont loin d’être dénuées de conséquences,y
compris somatiques pour le patient traité (4).
Toute hospitalisation s’accompagne de son lot d’incertitudes et donc
d’anxiété tant face au pronostic attendu ou redouté,que dans l’attente
d’examens complémentaires à réaliser.Cette déstabilisation du patient
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DANS UN SERVICE DHOSPITALISATION
débute à l’entrée à l’hôpital où rapidement le patient perd le contrôle
de son emploi du temps.Il se retrouve dans une grande solitude face à
des situations souvent agressives,physiquement et moralement:prise
de sang dès l’entrée,parfois pratiquée par des élèves en cours d’ap-
prentissage,rendez-vous pris pour des examens dont on ignore la
manière dont ils se déroulent et l’impact diagnostique ou thérapeu-
tique qu’ils peuvent avoir (5).
Le fait d’être hospitalisé,d’être sorti de son contexte de vie habituelle,
de devoir se plier au rythme de vie du service,a souvent pour consé-
quence d’entraîner des troubles du sommeil.En eux-mêmes,ceux-ci
peuvent majorer les troubles d’anxiété du patient.De véritables crises
d’angoisse face à un diagnostic,à un handicap qui pourrait en résulter
ou à la rupture des projets de vie qu’une maladie peut apporter,se
déclenchent fréquemment au cours d’une hospitalisation.
LES TRAITEMENTS POSSIBLES
DES DOULEURS INDUITES
DANS LES SERVICES D’HOSPITALISATION
C’est la connaissance des situations au sein d’un service qui permettra
d’être le plus performant sur le traitement de ces douleurs induites;en
effet,mieux on les connaît,plus il est possible de les prévenir ou de les
minimiser.
L’information
Le premier des traitements à prévoir serait la préparation aux diffé-
rents gestes ou actes à réaliser:prendre le temps d’expliquer au patient
ce qui va être fait et dans quel but.Il est utile aussi de décrire les diffé-
rentes étapes du geste pour obtenir une meilleure collaboration du
patient.Par ailleurs,le (ou les) traitement(s) proposé(s) seront
fonction de la durée du geste,de l’intensité de la douleur attendue et
des antalgiques et/ou anxiolytiques dont bénéficie déjà le patient.
La loi du 4 mars 2002 oblige maintenant tout soignant à délivrer au
patient une information complète du geste qui va être réalisé,de son
déroulement,des complications possibles et de la gestion de la
procédure.
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DANS UN SERVICE DHOSPITALISATION
La prémédication
Lorsque l’on se prépare à réaliser un geste potentiellement doulou-
reux,qu’il soit médical ou paramédical,il est important de le prévoir
avec une prémédication.Le délai d’administration de cette prémédica-
tion doit respecter les délais d’action des produits utilisés,en fonction
de leur voie d’administration.En général,pour les administrations
orales ou sous-cutanées,il faut prévoir un délai d’une demi-heure à une
heure avant de débuter le geste;pour une voie intraveineuse,5 à
10 minutes sont souvent suffisantes.
Les thérapeutiques les plus fréquemment employées sont:
• les benzodiazépines (midazolam - Hypnovel®),en sublingual = 5 à
10 mg à donner 15 à 30 minutes avant le geste;en intraveineux (IV)
= 1 à 3 mg ;
• l’hydroxyzine (Atarax®) 25 à 100 mg per os,25 à 50 mg en IV;
• les antalgiques de paliers 2 ou 3 selon les traitements du patient.(6)
On utilise une forme à libération immédiate (LI) :
- un palier 2 associé ou non à du paracétamol:paracétamol + dextro-
propoxyphène,paracétamol + codéine,paracétamol + tramadol
- un palier 3 à un dosage de 10 à 20 mg de morphine LI,si le patient
est indemne de morphiniques,ou une interdose per os calculée
à 1/10e de la dose quotidienne de morphiniques du patient.
La morphine peut également s’administrer en sous-cutané soit à 5 ou
10 mg,soit à une dose égale ou légèrement supérieure à une interdose
habituelle.
La voie intraveineuse est possible surtout pour les patients bénéficiant
déjà d’une pompe d’auto-administration de morphine (PCA),dans le
service d’hospitalisation.La dose correspond alors à un bolus prévu
dans la programmation,le renouvellement des bolus reste possible
tout au long de la procédure selon la période réfractaire autorisée.Ces
doses et leur intervalle sont à ajuster en fonction des besoins pendant
le soin.
Dans les services de réanimation,l’injection de 1 à 2 mg de morphine IV
avant de débuter un soin est de plus en plus pratiquée.Parfois,il est
délivré un bolus du morphinique utilisé pour la sédation du patient en
réanimation comme 5 à 15 mcg de Sufentanil®.
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Les traitements antalgiques
Le paracétamol à la dose d’1 g per os ou en IV ou l’administration de
20 mg de néfopam (Acupan®) au décours d’un soin qui s’avère modé-
rément douloureux peut souvent suffire à ne pas laisser de douleur
résiduelle pendant les heures suivantes.
Mais pour des soins dont la douleur attendue peut élever l’EVA au-delà
de 6 ou 7,l’emploi de paliers 2 ou de morphiniques pendant les
quelques heures qui suivent le geste sont parfois nécessaires.Il faut
alors respecter les durées d’action des produits utilisés et leur
synergie éventuelle pour rester au maximum de leur efficacité et pour
maintenir la sécurité des patients,surtout des plus fragiles.
Bien sûr,si un patient bénéficie déjà d’une pompe PCA,on l’incitera
à l’employer plus fréquemment dans les limites des réglages,à
adapter si besoin.Il arrive que l’on soit amené à mettre en place une
pompe de ce type lorsque les soins à pratiquer doivent se renou-
veler régulièrement comme pour des pansements d’ulcères très
creusants,des soins d’escarres,de cicatrisation de moignon d’ampu-
tation,des brûlures ou des délabrements cutanés.La pompe sera
alors laissée en place le temps des soins jusqu’à l’atténuation de
l’intensité douloureuse.
Les anesthésiques locaux
L’emploi d’anesthésiques locaux type Xylocaïne®n’est pas à négliger,
surtout pour tous les soins périphériques et notamment en cas d’ef-
fraction cutanée:les maux perforants plantaires,les plaies traumati-
ques,les ulcérations artérielles ou veineuses (7).Dans les quelques
minutes qui suivent l’administration en spray,le soin peut être débuté.
Mais lors de l’utilisation de patch ou de pommade EMLA® (8),il est
indispensable d’attendre une heure avant de pratiquer le geste possi-
blement douloureux.S’il s’agit d’une escarre sacrée ou talonnière,la
zone à traiter doit être couverte de pommade EMLA®et recouverte de
façon hermétique par un pansement occlusif pendant une heure
avant de débuter les soins.
Pour des actes médicaux,comme la pose de cathéters artériels ou
veineux ou pour le grattage de plaies creusantes,il peut être néces-
saire de pratiquer des injections d’anesthésiques locaux (lidocaïne,
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