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veille technique
82 Revue Banque n° 727 septembre 2010
Hubert
de Vauplane
Directeur des affaires
juridiques
Crédit Agricole SA
Professeur associé
Université Paris II
Panthéon-Assas
AEDBF Europe
L
es USA ont finalisé en un temps
record leur réforme financière,
laissant l’Europe à la traîne.
La loi Dodd-Frank 2009 [1],
adoptée jeudi 15 juillet – et qui reste
dans l’attente de sa promulgation par
le président Obama –, du nom des
deux parlementaires américains qui
ont mené les discussions, est consi-
dérée aux États-Unis comme le texte
le plus important en la matière adopté
depuis la Grande Dépression de 1929.
Vu depuis l’Europe, les sentiments
sont partagés. D’un côté, on ne peut
qu’être impressionné par la vitesse
à laquelle ce texte a été adopté. En
moins d’un an et alors que les points
de vue entre Républicains et Démocra-
tes étaient opposés sur de nombreux
aspects, les membres du Congrès et
l’administration Obama ont réussi à
faire passer une réforme qui met les
États-Unis en position de leader res-
pectueux des engagements pris lors
du G20 de Pittsburg du 25 septem-
bre 2009 (à l’exception notable de
la régulation des paradis fiscaux et
des rémunérations des profession-
nels de marché).
[1] Nom officiel : Wall Street Reform and Consumer
Protection Act.
En moins d’un an, les États-Unis ont voté la Wall Street Reform and
Consumer Protection Act. Au prix de compromis, la nouvelle loi
traite le risque systémique, les produits dérivés et la protection du
consommateur. Ainsi l’Amérique a rempli son contrat au regard des
engagements du G20. Reste à l’Europe de remplir le sien.
l
Une différence majeure avec
l’approche européenne
La loi Dodd-Frank met ainsi une
pression forte sur l’Europe, engluée
dans ses procédures législatives
lourdes. Cette pression sur de nom-
breux points non encore couverts
par les projets de réforme européens
conduira vraisemblablement l’UE
à suivre les solutions américaines,
notamment en matière de régu-
lation des produits dérivés. Mais
l’autre vision que l’on peut avoir
de la réforme américaine est son
manque d’ambition, notamment
à restructurer en profondeur son
mode de régulation qui reste éclaté
et complexe. Et c’est sans doute là
l’une des différences majeures entre
l’approche européenne qui cherche
d’abord à mettre en place des instan-
ces de régulation efficaces au niveau
européen et les États-Unis qui légi-
fèrent d’abord sur les opérations et
les acteurs.
l De nombreux assouplissements
Outre ces différences conceptuelles,
et même si les grandes priorités de
la réforme américaine sont main-
tenues (réduction du risque systé-
mique, suppression des « angles
morts » de la régulation tant sur les
produits que sur les acteurs, renfor-
cement de la protection des consom-
mateurs), les nombreux assouplis-
sements nés de la conciliation entre
les deux Chambres par rapport à la
version adoptée par le Sénat, et plus
encore par rapport au projet initial
du Trésor américain, ont amené à la
création de nombreuses exceptions
conduisant à limiter les effets de
cette réforme. Ainsi, à la différence
des grandes banques, les établisse-
ments de taille plus petite échappent
à la plupart des contraintes introdui-
tes par la réforme, qu’il s’agisse des
fonds propres, de la protection des
consommateurs ou de l’alourdisse-
ment des primes payables au FDIC.
Et si les dispositions les plus sévères
de la loi, comme la Volker Rule et la
filialisation des produits dérivés les
plus risqués, devraient diminuer la
profitabilité des grandes banques,
les analystes financiers estiment que
compte tenu des assouplissements
introduits lors du compromis, ces
banques ne devraient pas remettre
en cause en profondeur leur business
model. Toute la difficulté ici tient dans
les conditions de mise en œuvre de
ce texte de 2 319 pages ! L’exposé
DROIT DES MARCHÉS FINANCIERS
La réforme financière
aux États-Unis
Les propos de l’auteur
n’engagent que celui-ci
et ne sauraient constituer
une opinion des sociétés
pour lesquelles il col-
labore.