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Préface
Les premiers colons qui s’installèrent en Amérique du Nord étaient impré-
gnés de culture biblique et connaissaient bien entendu le Prologue de l’Évan-
gile selon Jean, dont le premier verset débute ainsi : « Au commencement
était le Verbe. » En paraphrasant ces mots, on pourrait dire qu’« au commen-
cement de l’Amérique était le Verbe », car les premiers colons, conscients
d’être les acteurs d’une aventure extraordinaire, s’efforcèrent immédiatement
d’en rendre compte.
Ainsi, le capitaine John Smith, qui débarque en Virginie en 1607, relate
son expérience dans A True Relation of Such Occurrences and Accidents of Note
as Happened in Virginia. De même, William Bradford, second gouverneur de
la colonie de Plymouth en Nouvelle-Angleterre, écrit son History of Plymouth
Plantation. Ces documents ne sont pas uniquement des témoignages. Ce sont
aussi des engagements devant le monde et l’histoire, comme en attestent les
textes fondateurs que sont le Mayower Compact (1620) et le Covenant rédigé
par le gouverneur John Winthrop en 1630.
Les textes produits par les premiers colons ont établi une tradition solide
et comme intangible : quoi qu’il arrive, il faut raconter la chose pour l’histoire
et les générations futures. Ainsi, lors de leur voyage périlleux à travers l’Amé-
rique, de 1804 à 1806, Meriwether Lewis et William Clark prennent la peine
de consigner dans leurs carnets les moindres faits et gestes de leur aventure
organisée. Lorsqu’il est vraiment impossible d’écrire, on prononce des mots
qui sont enregistrés : si l’alunissage des astronautes américains en 1969 reste
dans les mémoires, c’est peut-être tout autant pour les mots prononcés par
Armstrong – « One small step for man, one giant leap for mankind », que par
les images imparfaites transmises par les télévisions du monde entier.
Aujourd’hui, l’Amérique déverse sur le monde un ot ininterrompu
d’images sans parvenir toutefois à noyer le Verbe, comme en témoignent les
discours du président Barack Obama, maître reconnu de l’éloquence politique.
« American Civilization », Gildas le Voguer
ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr
American Civilization
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Obama est bien le digne héritier de cette tradition verbale, dont les produc-
tions sont autant de documents précieux pour mieux comprendre ce pays.
Qui plus est, les discours d’Obama sont souvent émaillés de références et
d’allusions aux textes de ses prédécesseurs, invitant l’auditeur puis le lecteur
à un constant va-et-vient entre le temps présent et le passé.
L’objectif de ce manuel est de rendre compte de cette richesse. Pour ce
faire, cent textes ont été retenus et l’on s’est efforcé de les replacer dans
leur contexte thématique et historique. C’est pourquoi ces cent textes sont
précédés d’analyses et suivis d’éléments chronologiques. Cinq thèmes ont été
choisis, les trois premiers portant sur les affaires intérieures des États-Unis et
les deux derniers évoquant la politique étrangère américaine.
Les thèmes sélectionnés ne couvrent pas tous les aspects de l’histoire et
de l’actualité contemporaine des États-Unis. Toutefois, les thèmes retenus
l’ont été pour leur pertinence passée et présente et les analyses proposées aux
lecteurs, tout en étant thématiques, suivent donc une logique chronologique.
Les deux premiers thèmes abordés, la politique et la religion, font toujours
l’objet de nombreuses polémiques et l’on observe un véritable débat entre ceux
qui jugent que la devise, E pluribus unum, incarne parfaitement les États-Unis
tandis que certains lui préfèrent l’autre devise, beaucoup plus récente, In God
We Trust. Autre élément récurrent de discorde, la question des relations entre
les différentes communautés, qui fait l’objet de la troisième partie.
Malgré un certain recul, les États-Unis continuent d’occuper la place
stratégique que l’on sait et c’est pourquoi il convenait de présenter de manière
conséquente leur politique étrangère. Les deux thèmes retenus, l’expansion
et l’intervention, visent à mettre en évidence le parcours expansionniste de la
nation américaine au cours du dix-neuvième siècle et sa propension interven-
tionniste depuis au moins la n de la Seconde Guerre mondiale.
Dans les analyses précédant les textes, on a accordé une large place à
des citations de ces mêmes textes an de conduire le lecteur à effectuer un
va-et-vient entre le commentaire et les textes originaux, ces derniers étant
signalés dans le corps du commentaire par un numéro. Pour d’évidentes
raisons matérielles, les textes proposés sont souvent incomplets mais rarement
tronqués. Le lecteur trouvera en notes de bas de page les références biblio-
graphiques ou électroniques lui permettant de consulter les textes dans leur
intégralité. L’orthographe et la syntaxe originelles des textes ont été conser-
vées. Les textes d’auteurs étrangers (Alexis de Tocqueville, Emilio Aguilnado
et Mikhail Gorbachev) sont présentés en anglais.
En plus des analyses, des textes et des éléments chronologiques, le lecteur
trouvera en n d’ouvrage une bibliographie sélective an de prolonger la
lecture. Les ouvrages sélectionnés, en anglais ainsi qu’en français, témoignent
de la richesse des études portant sur les États-Unis. Cependant, pour ne pas
« American Civilization », Gildas le Voguer
ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr
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allonger inutilement cette bibliographie, tous les ouvrages cités dans le corps
du texte n’y sont pas mentionnés. Dans cette bibliographie, l’on a indiqué
les ouvrages les plus immédiatement utiles mais le lecteur découvrira dans
les notes de bas de page d’autres références qui méritent pleinement d’être
consultées.
Cet ouvrage est le fruit de plusieurs années d’enseignement de la civili-
sation américaine et il n’a d’autre ambition que d’offrir à mes étudiants un
outil leur permettant de mieux aborder l’étude de cette civilisation. Puisse-t-il
également offrir à tout autre lecteur quelques clefs afin de mieux comprendre
cette Amérique, qu’Alexis de Tocqueville, quelques semaines après son arrivée
aux États-Unis, décrivait ainsi : « Il y a dans le tableau [de l’Amérique] une
foule de détails défectueux, mais l’ensemble saisit l’imagination 1. »
1. Alexis de TOCQUEVILLE, « Lettre à Louis de Kergorlay », New York, 29 juin 1831, in Françoise
MÉLONIO & Laurence GUELLEC (ed.), Alexis de Tocqueville, Lettres choisies, Souvenirs,
1814-1859, Paris, Gallimard/Quarto, 2003, p. 201.
« American Civilization », Gildas le Voguer
ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr
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