« American Civilization », Gildas le Voguer ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr Préface Les premiers colons qui s’installèrent en Amérique du Nord étaient imprégnés de culture biblique et connaissaient bien entendu le Prologue de l’Évangile selon Jean, dont le premier verset débute ainsi : « Au commencement était le Verbe. » En paraphrasant ces mots, on pourrait dire qu’« au commencement de l’Amérique était le Verbe », car les premiers colons, conscients d’être les acteurs d’une aventure extraordinaire, s’efforcèrent immédiatement d’en rendre compte. Ainsi, le capitaine John Smith, qui débarque en Virginie en 1607, relate son expérience dans A True Relation of Such Occurrences and Accidents of Note as Happened in Virginia. De même, William Bradford, second gouverneur de la colonie de Plymouth en Nouvelle-Angleterre, écrit son History of Plymouth Plantation. Ces documents ne sont pas uniquement des témoignages. Ce sont aussi des engagements devant le monde et l’histoire, comme en attestent les textes fondateurs que sont le Mayflower Compact (1620) et le Covenant rédigé par le gouverneur John Winthrop en 1630. Les textes produits par les premiers colons ont établi une tradition solide et comme intangible : quoi qu’il arrive, il faut raconter la chose pour l’histoire et les générations futures. Ainsi, lors de leur voyage périlleux à travers l’Amérique, de 1804 à 1806, Meriwether Lewis et William Clark prennent la peine de consigner dans leurs carnets les moindres faits et gestes de leur aventure organisée. Lorsqu’il est vraiment impossible d’écrire, on prononce des mots qui sont enregistrés : si l’alunissage des astronautes américains en 1969 reste dans les mémoires, c’est peut-être tout autant pour les mots prononcés par Armstrong – « One small step for man, one giant leap for mankind », que par les images imparfaites transmises par les télévisions du monde entier. Aujourd’hui, l’Amérique déverse sur le monde un flot ininterrompu d’images sans parvenir toutefois à noyer le Verbe, comme en témoignent les discours du président Barack Obama, maître reconnu de l’éloquence politique. 9 American Civilization « American Civilization », Gildas le Voguer ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr Obama est bien le digne héritier de cette tradition verbale, dont les productions sont autant de documents précieux pour mieux comprendre ce pays. Qui plus est, les discours d’Obama sont souvent émaillés de références et d’allusions aux textes de ses prédécesseurs, invitant l’auditeur puis le lecteur à un constant va-et-vient entre le temps présent et le passé. L’objectif de ce manuel est de rendre compte de cette richesse. Pour ce faire, cent textes ont été retenus et l’on s’est efforcé de les replacer dans leur contexte thématique et historique. C’est pourquoi ces cent textes sont précédés d’analyses et suivis d’éléments chronologiques. Cinq thèmes ont été choisis, les trois premiers portant sur les affaires intérieures des États-Unis et les deux derniers évoquant la politique étrangère américaine. Les thèmes sélectionnés ne couvrent pas tous les aspects de l’histoire et de l’actualité contemporaine des États-Unis. Toutefois, les thèmes retenus l’ont été pour leur pertinence passée et présente et les analyses proposées aux lecteurs, tout en étant thématiques, suivent donc une logique chronologique. Les deux premiers thèmes abordés, la politique et la religion, font toujours l’objet de nombreuses polémiques et l’on observe un véritable débat entre ceux qui jugent que la devise, E pluribus unum, incarne parfaitement les États-Unis tandis que certains lui préfèrent l’autre devise, beaucoup plus récente, In God We Trust. Autre élément récurrent de discorde, la question des relations entre les différentes communautés, qui fait l’objet de la troisième partie. Malgré un certain recul, les États-Unis continuent d’occuper la place stratégique que l’on sait et c’est pourquoi il convenait de présenter de manière conséquente leur politique étrangère. Les deux thèmes retenus, l’expansion et l’intervention, visent à mettre en évidence le parcours expansionniste de la nation américaine au cours du dix-neuvième siècle et sa propension interventionniste depuis au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans les analyses précédant les textes, on a accordé une large place à des citations de ces mêmes textes afin de conduire le lecteur à effectuer un va-et-vient entre le commentaire et les textes originaux, ces derniers étant signalés dans le corps du commentaire par un numéro. Pour d’évidentes raisons matérielles, les textes proposés sont souvent incomplets mais rarement tronqués. Le lecteur trouvera en notes de bas de page les références bibliographiques ou électroniques lui permettant de consulter les textes dans leur intégralité. L’orthographe et la syntaxe originelles des textes ont été conservées. Les textes d’auteurs étrangers (Alexis de Tocqueville, Emilio Aguilnado et Mikhail Gorbachev) sont présentés en anglais. En plus des analyses, des textes et des éléments chronologiques, le lecteur trouvera en fin d’ouvrage une bibliographie sélective afin de prolonger la lecture. Les ouvrages sélectionnés, en anglais ainsi qu’en français, témoignent de la richesse des études portant sur les États-Unis. Cependant, pour ne pas 10 Préface allonger inutilement cette bibliographie, tous les ouvrages cités dans le corps du texte n’y sont pas mentionnés. Dans cette bibliographie, l’on a indiqué les ouvrages les plus immédiatement utiles mais le lecteur découvrira dans les notes de bas de page d’autres références qui méritent pleinement d’être consultées. « American Civilization », Gildas le Voguer ISBN 978-2-7535-2095-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr Cet ouvrage est le fruit de plusieurs années d’enseignement de la civilisation américaine et il n’a d’autre ambition que d’offrir à mes étudiants un outil leur permettant de mieux aborder l’étude de cette civilisation. Puisse-t-il également offrir à tout autre lecteur quelques clefs afin de mieux comprendre cette Amérique, qu’Alexis de Tocqueville, quelques semaines après son arrivée aux États-Unis, décrivait ainsi : « Il y a dans le tableau [de l’Amérique] une foule de détails défectueux, mais l’ensemble saisit l’imagination 1. » 1. Alexis de Tocqueville, « Lettre à Louis de Kergorlay », New York, 29 juin 1831, in Françoise MÉLONIO & Laurence GUELLEC (ed.), Alexis de Tocqueville, Lettres choisies, Souvenirs, 1814-1859, Paris, Gallimard/Quarto, 2003, p. 201. 11