cours magistral est aux antipodes d'un projet de communication pédagogique, tant la déperdition
des informations est importante, et toujours mise sur le compte de l'incapacité du « récepteur »
étudiant, l'« émetteur» enseignant étant si légitime qu'il ne saurait en aucune manière être remis en
cause. Cette situation permet en fait, tout simplement, de maintenir dans une position d'échec
scolaire ou, au mieux, de réussite laborieuse, ceux qui ne maîtrisent pas les codes de ce rapport
social bien particulier, et qui ne peuvent identifier et maîtriser le curriculum caché nécessaire à
l'apprentissage universitaire.
Deux figures majeures, et opposées, émergent alors au sein de cette université. L'héritier réussit
en rentabilisant le capital culturel légué par ses parents bourgeois. En proportion, les héritiers
étaient déjà moins de 45 % au début des années soixante. Le polarisé (Bourdieu, Passeron, 1964),
d'origine sociale défavorisée, doit fournir une quantité de travail considérable et faire preuve d'une
motivation exceptionnelle pour réussir, sans jamais avoir le privilège de la connivence culturelle,
de stratégies de travail qui pourraient lui permettre de rationaliser son effort. La polarisation sur les
examens est une tension permanente et la réussite est toujours douloureuse, jamais garantie, faute
d'un habitus approprié. Un tel déterminisme social est aujourd'hui critiqué, notamment par la
problématique du métier.
La problématique du métier
La notion de métier approfondit sensiblement la problématique du curriculum caché. Alors que
ce dernier se définit avant tout en fonction des autres types de curriculums, le métier est devenu un
objet d’étude à part entière en éducation (La Borderie, 1991).
Aspects théoriques
Régine Sirota explique dans sa synthèse sur la question (Sirota, 1993) comment s’est imposé le
terme de métier en éducation. Il a guidé de nombreux chercheurs souhaitant relativiser l'influence
des déterminismes sociaux et scolaires, et notamment la fatalité de l'échec scolaire. Face aux
analyses structurales, fonctionnalistes et quantitatives, la notion de métier introduit l’idée d’une
activité de l’élève, difficilement quantifiable, nécessitant le recours à des méthodes qualitatives
(observations, entretiens, journal de bord rempli par les étudiants, etc.). L'idée de métier critique le
postulat de l'adéquation entre le travail fourni par l'élève et les résultats obtenus. L' éleve ne doit
pas travailler n'importe comment pour réussir, et donc il peut travailler beaucoup, mais mal, et
échouer; ou encore il peut travailler peu, ou juste ce qu’il faut, mais stratégiquement, et réussir. La
problématique du métier s’appuie ainsi sur un des acquis de la sociologie de l’habitus: le travail et
les résultats scolaires ne vont pas forcément de pair, le premier doit être soutenu par un habitus de
classe approprié pour que les seconds soient positifs; mais elle s'en distingue sensiblement en
minorant le rôle de l'origine sociale de l'élève ou de l'étudiant, pour la remplacer par le contexte,
l'organisation scolaire et l'interaction entre les individus, autant d'éléments qui deviennent les
principes explicatifs du fonctionnement des situations d' apprentissage scolaire.
Les perspectives ouvertes par la notion de métier d'élève sont donc importantes: l'idée de
distanciation entre l'acteur et le système se trouve empiriquement et théoriquement fondée; la
question de savoir ce qui, de l'origine sociale ou du contexte scolaire, détermine le plus les
comportements des élèves, est déplacée au profit d'une interrogation sur l'activité individuelle de
construction du rapport aux études.
Un exemple
Le métier d'étudiant, décrit par Alain Coulon (Coulon, 1997), intègre socialisation et
apprentissage scolaires à partir du contournement du curriculum formel et de la maîtrise du
curriculum caché. Selon cet auteur, pour réussir à l'université, l'étudiant doit s'affilier, c'est-à-dire
découvrir et s'approprier les allants-de-soi et les routines dissimulées dans les pratiques de l'
enseignement supérieur. « Un étudiant devient compétent lorsqu'il entend ce qui n'est pas dit,
lorsqu'il voit ce qui n'est pas désigné, lorsqu'il a routinisé ce qui lui paraissait d'abord étrange. » Le
curriculum formel, dans cette optique, est insuffisant pour maîtriser la culture scolaire. Coulon
prend pour exemple les règles qu'il faut suivre (Coulon, 1993, pp. 193 et sq.). Selon lui, une règle
ne peut être comprise et appliquée par un individu que si ce dernier en use. La règle n' a pas de sens
en soi, elle n'a de sens que mise en pratique. Le fossé qui existe entre la règle et son application,
entre le formel et le réel, doit être comblé par la pratique, la familiarité. Les multiples utilisations
possibles d'une règle ne sont pas données à l'avance, mais révélées par l'usage qui en est fait.Il s'agit
donc d'envisager d'une tout autre façon la diffusion de la culture scolaire et, au delà, l'apprentissage