LES RELATIONS ENTRE MEDECINS GENERALISTES ET
CHIRURGIENS AU SEIN D’UN SYSTEME COMPLEXE
Claude ROUGERON Professeur associé médecine générale Paris-Ile-de-France
Ouest
Le questionnement concernant la relation médecin généraliste - chirurgien est
dépassé du simple fait de la pluralité des exercices de la chirurgie et de l’évolution des
disciplines exploratoires de plus en plus interventionnelles. De son côté, la chirurgie a
vécu des mutations profondes avec l’émergence de plusieurs spécialités internes
laissant apparaître des terminologies nouvelles dans le langage médiatique : chirurgie
gynécologique, urologique, vasculaire, de la main, de l’épaule, du genou, vidéo-
chirurgie, hépatique, etc. Consécutif à la création des Centres Hospitalo-
Universitaires, ce phénomène d’hyperspécialisation s’installe actuellement dans les
hôpitaux généraux. Le médecin généraliste est ainsi appelé à communiquer avec un
grand nombre de chirurgiens spécialisés et de “médecins interventionnistes ”
(radiologie interventionnelle, endoscopie curative, rhumatologie arthroscopique...).
La relation du médecin avec un chirurgien ou un chirurgien “mou ” et un chirurgien
“dur ” avant l’ère de l’hyperspécialisation, est de moins en moins fréquente. Cette
évolution, fondée sur les progrès scientifiques et techniques, place de fait médecin-
interventionniste, chirurgien spécialisé et chirurgien-généraliste dans un système
concurrentiel polymorphe (sur le plan du champ d’exercice professionnel, des
économies budgétaires, des assurances, des établissements de soins, etc.). Le
principal débat éthique qui émerge de cette constellation de services interventionnels
médico-chirurgicaux concerne la teneur de l’information claire, loyale, et approprié
du patient, préalable indispensable à un consentement aux soins autonome.
I - Patient et médecin généraliste au centre d’un système complexe.
Le schéma proposé par Von Engelhart de Lubeck exprime bien la complexité
relationnelle entre le couple malade-médecin et les multiples intervenants et facteurs
influents (société, Etat, droits, philosophie, arts, musique, théologie, sciences et
techniques, assurances). La relation de ce couple avec les confrères chirurgiens est
influencée par l’intervention d’autres spécialistes (anesthésiologistes, biologistes,
radiologues, cardiologues, etc...) et du système assuranciel, lui-même concurrentiel,
de plus en plus incisif dans l’attraction du client et sévère dans ses choix. Ce système
complexe engendre autant de questions éthiques qu’il y existe de relations et
interrelations, d’influences externes directes ou pas. Au sein de cette constellation
relationnelle, deux acteurs sont d’une importance majeure du fait de leur place
privilégiée dans le système : le patient et son médecin : “ l’entrepreneur général de sa
santé ” pour emprunter les termes à Sacha Guitry. Dans le système médico-
chirurgical, le patient est à la fois “sujet ” et “objet ”. Il importe de veiller à ce qu’il ne
soit pas seulement “objet ” scotomisant derrière l’organe malade la personne
humaine. Il importe également de ne pas confiner à l’excès le patient dans son statut
de “sujet ” au risque de minimiser la plainte et ignorer le trouble de santé dans une
crainte d’objetisation de la personne. Afin d’éviter que le patient ne soit qu’objet, le
législateur et le magistrat ont répété les bornes. Depuis l’arrêt Mercier en 1936, les
textes se sont succédés pour renforcer la nécessité, non seulement juridique, mais
également humaine, d’informer et d’éclairer le patient dans son ou ses choix de santé.