1.1 Les représentations sociales
Le terme de « représentation sociale » a été introduit par Moscovici (1961) qui a ainsi
développé une approche nouvelle dans l’étude de la connaissance humaine. Moscovici s’est
appuyé sur le concept de « représentations collectives » de Durkheim afin de développer une
théorie située à l’interface du psychologique et du social. Elaborée et partagée par les
membres d’un même groupe, une représentation sociale est une « forme de connaissance
courante, dite « de sens commun » qui a comme finalité l’organisation et l’orientation des
communications et des conduites permettant d’acquérir une vision de la réalité commune à
tous les membres d’un ensemble social déterminé (Jodelet, 1989). Certains aspects des
représentations sont explicitement véhiculés dans les discours et d’autres sont enfouis dans les
pratiques. Il serait vain de chercher à savoir si ce sont les pratiques sociales qui produisent la
représentation ou l’inverse, la quasi-totalité des chercheurs s’accordant à dire que les
représentations et les pratiques sociales s’engendrent mutuellement.
Les modes d’approche de ce concept sont variés et complexes. Nous avons donc opté
pour la théorie dite du noyau central élaborée par Abric. Selon cette théorie fondée sur de
nombreux travaux débutés dans les années 1970 et validée expérimentalement par Moliner
(1989), les représentations sociales se forment autour d’un « noyau central » qui détermine la
signification de la représentation ainsi que son organisation. Des éléments périphériques sont
structurés autour du noyau central, et de manière hiérarchisée, constituant la partie la plus
concrète et accessible de la représentation (stéréotypes, croyances, préjugés). Le système
central est essentiellement normatif et le système périphérique est fonctionnel, c'est-à-dire que
c’est grâce à lui que la représentation peut s’ancrer dans la réalité du moment. Les éléments
périphériques exercent alors une véritable fonction de défense de la représentation afin d’en
éviter la transformation. C’est au niveau de ces éléments périphériques que la représentation
sera susceptible de se transformer et que l’individu pourra supporter des contradictions. D’un
point de vue quantitatif, les éléments centraux se distinguent des autres par une plus grande
saillance, dans la mesure où ils entretiennent un lien privilégié avec l’objet de représentation.
Etudier les RS de la maladie via cette théorie du noyau central va nous permettre de
comparer les groupes concernés : les Professionnels de la Santé (PS) d’un côté, qui côtoient
la maladie quotidiennement de par leurs fonctions, et les Non-Professionnels de la Santé
(NPS) qui peuvent être amenés à en vivre une expérience intime.
1.2 Les représentations professionnelles
Piaser (2000) s’est intéressé plus spécifiquement aux représentations professionnelles,
en tant qu’elles sont spécifiques à un groupe professionnel délimité. Elles sont élaborées dans
l’action et l’interaction professionnelles qui les contextualisent, par des acteurs dont elles
fondent les identités professionnelles correspondant à des groupes du champ professionnel
considéré, en rapport avec des objets saillants pour eux dans ce champ (Bataille, Blin,
Jacquet-Mias & Piaser, 1997). Ces représentations, si elles sont confirmées par notre étude,
viendront réaffirmer la distinction entre savoirs profanes et savoirs experts soulignée dans la
littérature.
La différenciation des deux groupes que nous avons investigués présente en effet
l’intérêt d’avoir été affinée par rapport à nos premières études en différenciant, au sein de nos
PS, trois professions médicales, en tant qu’elles risquent d’affecter le lien que les individus
entretiennent avec les objets de représentation et de modifier ce qu’Abric appelle la « distance
à l’objet » (2001). Cette distance permet en effet d’envisager le rapport à l’objet à travers une
élaboration composite qui prend en compte diverses dimensions signifiantes du lien à l’objet :
la connaissance plus ou moins grande de l’objet, l’implication du groupe par rapport à cet
objet et le niveau de pratique de l’objet. Des travaux récents ont formalisé cette notion dans le
champ des RS (Morlot & Sales-Wuillemin, 2008 ; Salesses, 2007 ; Dany & Abric, 2007).