FOOD HORIZONS #5 ETIQUETAGE NUTRITIONNEL, TRANSPARENCE ET PEDAGOGIE DE NOUVEAUX ENJEUX POUR LA FILIERE AGROALIMENTAIRE Note de synthèse, Novembre 2015 CONTACTS Sophie Labbé, Manageur Alimentation [email protected] 06 70 82 16 49 Pierre Olivier Marty, Consultant [email protected] 06 80 34 56 09 Arthur Lecercle, Consultant [email protected] 06 71 65 06 10 De la conception au déploiement, le cabinet Utopies, créé par Elisabeth Laville, éveille et conseille depuis plus de 20 ans les directions (des pme pionnières aux grands groupes), pour les aider à intégrer le développement durable à leur stratégie et à leurs pratiques. www.utopies.com FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Table des matières Introduction ....................................................................................................................................................................... 5 Esprit et objectifs de l’initiative Food Horizons ...............................................................................................................5 Thème et contexte de la conférence Food Horizons #5 ............................................................................................ 6 1 De nouveaux défis pour la filière agroalimentaire .................................................................................... 6 2 L’information au consommateur ..................................................................................................................... 9 2.1 Cadre juridique ................................................................................................................................................................... 9 2.2 Revue des systèmes d’information nutritionnelle existants ...................................................................... 10 3 Le système 5C .......................................................................................................................................................... 12 3.1 Présentation ....................................................................................................................................................................... 12 3.2 Le débat sur le système 5-C ....................................................................................................................................... 16 4 Les critères de réussite d’une politique nutritionnelle .........................................................................18 4.1 L’amélioration nutritionnelle de l’offre alimentaire ........................................................................................ 18 4.2 La légitimation du message ........................................................................................................................................ 19 4.3 La personnalisation du message .............................................................................................................................. 19 Conclusion........................................................................................................................................................................ 20 FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Remerciements Intervenants de la conférence #5 • • • • • • Amaury Bessard, Directeur de la communication de l’ANIA Fabienne Chol, Directrice de l’Institut National de la Consommation Lionel Desence, Directeur Qualité, Affaires Scientifiques, Règlementaires & Nutrition du Groupe Carrefour – Fédération du Commerce et de la Distribution Chen-Do Lu, Directeur marketing d’Alkemics Daniel Nairaud, Directeur du Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé Christian Rémesy, Nutritionniste, ex-Directeur de Recherches à l’INRA Entreprises membres fondateurs de Food Horizons • • Sodexo Ferrero Partenaires institutionnels • • • • • • Association Nationale des Industries Alimentaires AgroParisTech Mairie de Paris Maison des Acteurs du Paris Durable Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt Région Île-de-France Equipe d’Utopies • • • • • Elisabeth Laville, Fondatrice et Directrice Valérie de Robillard, Directrice Associée Sophie Labbé, Manager pôle Alimentation & Restauration Durables Pierre Olivier Marty, Consultant Arthur Lecercle, Consultant FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Introduction Esprit et objectifs de l’initiative Food Horizons L’esprit de l’initiative Food Horizons Selon la FAO, « une alimentation durable protège la biodiversité et les écosystèmes, est acceptable culturellement, accessible, économiquement loyale et réaliste, sûre, nutritionnellement adéquate et bonne pour la santé, et optimise l’usage des ressources naturelles et humaines ». Lancée début 2013 par Utopies, l’initiative Food Horizons a pour ambition de rassembler les acteurs de la filière agro-alimentaire soucieux de faire progresser leurs connaissances et leurs pratiques sur le thème de l’alimentation durable. Les objectifs de Food Horizons • • • • Contribuer à la prise de conscience des enjeux liés à l’alimentation durable, Mutualiser les initiatives pour développer une alimentation durable, Constituer un réseau d’acteurs engagés dans une dynamique collective, Créer un élan positif dans l’ensemble de la filière agro-alimentaire. Depuis début 2014, Food Horizons a pris la forme de petits déjeuners-conférences à la Maison des Acteurs du Paris Durable, ouverts au public, afin de renforcer la diffusion de bonnes pratiques. Les thèmes abordés cette année-là furent la traçabilité et le gaspillage alimentaire. En 2015, Food Horizons s’intéresse aux enjeux de l’étiquetage nutritionnel. FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Thème et contexte de la conférence Food Horizons #5 Etiquetage nutritionnel, transparence & pédagogie – De nouveau enjeux pour la filière agroalimentaire De nombreuses études font aujourd'hui converger les recommandations nutritionnelles avec les régimes alimentaires les plus vertueux pour l'environnement. Face à ce constat, les institutions font également évoluer la règlementation qui encadre l'offre alimentaire. En particulier, le débat actuel sur l'étiquetage nutritionnel soulève de nouveaux enjeux de transparence et de pédagogie, et mène les acteurs de l'industrie agro-alimentaire à réfléchir sur certaines problématiques : • • • Comment le débat sur l’étiquetage nutritionnel est-il susceptible de faire évoluer les offres de produits alimentaires ? Comment rendre l’information nutritionnelle fiable, utile et accessible pour tous ? Comment répondre à des besoins nutritionnels spécifiques malgré une offre standardisée ? 1 De nouveaux défis pour la filière agroalimentaire Faire évoluer notre système alimentaire apparaît comme une nécessité. Les enjeux de santé publique évoqués précédemment en sont une raison fondamentale, mais les enjeux environnementaux sont également liés comme on va le voir par la suite. Une approche comportementale de la nutrition Le progrès des connaissances nutritionnelles a permis de mettre en évidence les grandes lignes directrices d’une alimentation saine : • • • • Favoriser une consommation élevée de produits végétaux Maîtriser la consommation des calories d’origine animale Privilégier les produits frais et peu transformés, et le cas échéant, améliorer la qualité nutritionnelle des produits transformés Lutter contre l’abus de calories vides (cf focus Les calories vides) et la malbouffe On constate cependant que ces messages, potentiellement simples, sont perturbés par la multitude de messages existants, souvent contradictoires, parfois appuyés par des arguments marketing qui empêchent l’adoption d’un comportement alimentaire vertueux. Certaines tendances de consommation sont également très prégnantes, notamment l’augmentation de la consommation de sucres et de protéines animales avec l’élévation du niveau de vie des populations, et sont difficiles à endiguer. FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Des dogmes nutritionnels enfin sont également remis en cause progressivement. L’importante place accordée aux produits laitiers par exemple est discutée. Le calcium est en effet présent dans d’autres sources d’aliments, les végétaux notamment, et son absorption serait limitée lorsqu’il est associé avec une grande consommation de protéines animales. A l’inverse, les graisses, longtemps décriées se voient réétudiées et revalorisées, notamment les graisses végétales sources d’apport en omega 3. Une approche systémique de la nutrition Si les liens entre la qualité nutritionnelle des aliments et la durabilité de leur mode de production ne sont pas nécessairement établis, il est toutefois essentiel de mettre en avant les bénéfices environnementaux intrinsèques à des régimes sains, et dont les aliments sont produits dans le respect de l’environnement. Plusieurs études montrent en effet l’impact environnemental considérable de la production de protéines animales (émissions de CO2, appauvrissement des sols utilisés pour la production d’alimentation animale, etc.). Leurs homologues végétaux à l’inverse, que l’on trouve dans les céréales, les légumineuses ou encore les fruits oléagineux, présentent un profil environnemental nettement plus avantageux. A titre d’exemple, les protéines végétales contenues dans les lentilles ou encore les haricots émettraient 30 fois moins de gaz à effet de serre, tout au long de leur cycle de vie, que celles du bœuf1. 1 Environmental Working Group, Meat Eaters Guide, 2011 FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Les enjeux liés à l’eau sont également à prendre en compte dans un contexte où un quart de la population pourrait vivre dans des régions en situation de stress hydrique d’ici 20252. Produire un kilogramme de bœuf nécessite environ 41 000 litres d’eau tandis que 2 750 litres d’eau, soit 15 fois moins, suffisent pour produire un kilogramme de soja. Face à ce constat, deux régimes traditionnels font leur preuves nutritionnellement et environnementalement : • • Le régime méditerrannéen, riche en produits céréaliers, légumes secs, fruits et légumes, poissons et huile d’olive ; Les régimes asiatiques, riches en riz, soja et en fruits et légumes. Les grands enjeux pour tirer les bénéfices nutritionnels et environnementaux de ce type de régimes sont de : 1. minimiser les impacts environnementaux de la production agricole – en développant à plus grande échelle l’agriculture biologique ou l’agro-écologie notamment – 2. conserver la complexité des aliments lors des processus de transformation afin de limiter au maximum les calories vides. 2 Pimentel, D., B. Berger, D. Filberto, M. Newton, B. Wolfe, E. Karabinakis, S. Clark, E. Poon, E. Abbett, and S. Nandagopal. (October 2004). "Water Resources: Agricultural and Environmental Issues". BioScience 54 (10): 909–918 FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel FOCUS : LES CALORIES VIDES On parle de « calorie vide » lorsqu’un aliment ou un ingrédient apporte de l’énergie (calories) avec un accompagnement très faible en composés non-énergétiques tels que les fibres, les minéraux et les micronutriments (Que mangerons nous demain ? C. Rémesy). Cette notion fait directement référence à la densité nutritionnelle des aliments qui se mesure par la quantité des 14 nutriments suivants : vitamines B1, B2, B3, B6, B9, B12, vitamine C, vitamine A, calcium, magnésium, potassium, fer, zinc et protéines, rapportée à la quantité de calories totales. En somme, un aliment de haute densité nutritionnelle est celui qui apporte le meilleur rapport entre calories et éléments nutritifs bénéfiques à l’organisme. Au final, ces aliments à faible densité nutritionnelle n’apportent pas les avantages attendus des aliments, et contribuent à des complications de santé. Ces « calories » vides sont particulièrement présentes dans les produits trop purifiés ou trop raffinés (farine blanche, jus purifiés … ), dont les modes de transformation ont éliminés ces nutriments protecteurs pour l’organisme. 2 L’information au consommateur 2.1 Cadre juridique Le règlement INCO Depuis sa mise en application de 13 décembre 2014, le règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO) rendra obligatoire à partir du 13 décembre 2016 et harmonisera l’étiquetage des denrées alimentaires commercialisées dans l’Union Européenne. Parmi les mesures phares du règlement figure notamment l’amélioration de l’information des consommateurs sur la composition nutritionnelle de la majorité des denrées pré-emballées en énergie et en certains nutriments. Au dos des emballages doit donc figurer un tableau renseignant pour 100g ou 100mL de produit : • • • • • La valeur énergétique (en kJ et en kcal) Les acides gras, dont les acides gras saturés (en g) Les glucides, dont les sucres simples (en g) Les protéines (en g) Le sel (en g). FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Cependant, la complexité d’interprétation de ces informations pour les consommateurs, mise en relation avec les leviers d’achats principaux que sont le goût, le prix et la praticité, force à réfléchir sur un moyen de rendre l’information davantage lisible et compréhensible. Le projet d’étiquetage volontaire En complément de cet étiquetage obligatoire, le gouvernement français propose dans le cadre de son projet de loi de modernisation du système de santé un article encadrant les systèmes d’étiquetage volontaire simplifié. Ce système unifié, bien que facultatif, suscite le débat parmi les différents acteurs du secteur. Tandis que le gouvernement soutient un système d’étiquetage coloriel « 5-C » (voir plus bas) dans l’hypothèse où cet article de la loi Santé est voté par les parlementaires, les acteurs de la grande distribution proposent un système alternatif. 2.2 Revue existants des systèmes d’information nutritionnelle Plusieurs systèmes d’étiquetage nutritionnel ont vu le jour au cours des dernières décennies. Ils alternent entre une évaluation globale du produit, ou des indications plus précises sur certains nutriments. Les repères nutritionnels journaliers /apports de référence Les repères nutritionnels journaliers (RNJ, ou GDA pour Guidelin Daily Amount) sont des valeursrepères fournies par les industriels de l’agro-alimentaire afin de permettre le positionnement de la teneur en énergie et en nutriments des produits alimentaires et des boissons par rapport aux apports nutritionnels conseillés.3 Les indications nutritionnelles sont alors représentés par un pourcentage qui correspond à la quantité approximative en nutriments ou en énergie qu’apporte une portion du produit par rapport à la quantité qui devrait être consommée durant une journée. Le règlement INCO utilise les termes d’Apports de Référence, ou d’Apports Quotidiens de Référence. 3 Les apports nutritionnels conseillés sont élaborés par les autorités nationales sur des bases scientifiques faisant état des connaissances nutritionnelles. En France, c’est l’ANSES qui publie ces recommandations en fonction des besoins nutritionnels moyens pour différentes typologies de la population. FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Les indicateurs de santé positive Ces indicateurs se présentent sous la forme d’un logo qui est apposé sur le produit lorsque ce dernier répond aux critères nutritionnels du groupe de produits auquel il appartient. Concrètement, ces systèmes permettent de distinguer les produits au sein de leurs catégories, et d’orienter les consommateurs vers les choix les plus sains. Dans cette catégorie de logos, on trouve le Keyhole, utilisé en Suède, au Danemark et en Norvège depuis 2005, ou le système ou le système Vinkje / My Choice, utilisé aux Pays-Bas et en Belgique depuis 2008. Les feux tricolores Ce système d’étiquetage mis en place au Royaume-Uni en 2013 indique les quantités d’énergie et de quatre nutriments à limiter (graisses, acides gras saturés, glucides et sel) pour 100g ou 100mL ou par portion, complétées par leurs contributions aux apports de référence en pourcentage assortie de feux colorés (verts, orange et rouge). De façon facultative, les termes « élevé », « moyen » et « faible peuvent accompagner les couleurs. Le score nutritionnel Une étude d’experts de l’Université de McGill a démontré en 2014 que le meilleur étiquetage était l’affichage d’un simple numéro synthétisant les valeurs nutritionnelles d’un produit. 4 Le système NuVal consiste en la définition d’un index (note de 1 à 100) qui caractérise le produit à partir de 30 composantes (protéines, sodium, cholestérol … ) et les étiquettes signalent les scores. De façon similaire, mais moins détaillée, bien que moins détaillée l’enseigne Hannaford a lancé un programme baptisé Guiding Stars dans lequel les produits affichaient une « note nutritionnelle » symbolisée par un nombre d’étoiles (de 0 à 3). 4 Helfer, Shultz, 2014, The effects of nutrition labeling on consumer food choice: a psychological experiment and computational model. FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Ce type d’étiquetage a montré son efficacité autant dans le comportement des consommateurs que dans celui des marques. Là où les autres systèmes provoquaient des conflits décisionnels chez les consommateurs à cause d’un trop grand nombre ou d’un manque d’informations, le score nutritionnel orientait les clients vers des produits plus sains. En parallèle, on a constaté une amélioration des produits pour afficher de meilleures notes. 3 Le système 5C En France, à la demande du ministère de la Santé, le Haut Conseil de la Santé Publique a passé en revue différents systèmes d’étiquetage proposés au niveau national et international et a retenu un système de couleurs dit « 5-C ». Ce système fait débat entre les parties prenantes de la filière agroalimentaire. 3.1 Présentation Le principe des 5 couleurs Ce système a été développé par l’équipe du professeur Serge Hercberg, Président du PNNS. Fondé sur le système « OfCom » développé en Grande-Bretagne5 il classifie les aliments en 5 catégories grâce à un score nutritionnel qui représente sa qualité globale. Le calcul est basé sur la teneur aux 100g de produit de 4 éléments négatifs que sont l’énergie, les sucres simples, les acides gras saturés et le sel afin de définir la composante négative. Ce score négatif peut être minimisé par la présence d’éléments nutritionnels considérés comme positifs : fruits ou légumes (et noix), fibres et protéines. Des couleurs et des lettres sont alors attribuées en fonction du score final : 5 http://www.ofcom.org.uk/ FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel • • • • • A / vert B / jaune C / orange D / rose E / rouge Des systèmes spécifiques de calcul sont par ailleurs mis en place pour des catégories particulières de produit. Les fromages notamment, en dépit de leur forts taux de matières grasses sont répartis sur toute l’échelle de couleur.6 A l’inverse, les boissons sont une catégorie problématique, et seules les boissons édulcorées ou peu sucrées ainsi que les jus de légumes seront classées jaune, tandis que les jus de fruits seront majoritairement classés orange et les boissons sucrées et les nectars de fruits dans les deux dernières catégories. Les boissons alcoolisées, qui rentrent dans un autre cadre juridique, ne sont elles pas concernées par ce système. Les objectifs visés Les objectifs visés par ce système sont doubles : accompagner les consommateurs dans leurs choix et faire évoluer l’offre alimentaire. L’information aux consommateurs Ce système vise à fournir aux consommateurs des repères complémentaires à ceux du PNNS afin d’effectuer les meilleurs choix pour leur santé. En effet, les grandes recommandations avancées par les structures de santé publique sont bien assimilées par les consommateurs, mais il reste difficile de différencier sur le plan nutritionnel les produits d’une même famille ou des variantes d’un même aliment. Le parti-pris de ne pas donner de vision fractionnelle des produits alimentaire en adoptant un score global de qualité nutritionnelle vient répondre au constat que la simplicité de l’interprétation de l’information donnée est un élément clé dans un environnement comme les rayons de supermarchés où les messages sont multiples et peuvent créer la confusion chez le consommateur. Par ailleurs, la mise en place du système sera accompagnée d’une communication en direction du grand public et des professionnels expliquant son mode d’emploi et la signification des couleurs en insistant sur les fréquences de consommation conseillées, cohérentes avec les messages actuels du PNNS. Il sera précisé que, par exemple, la couleur verte correspond à des aliments de qualité nutritionnelle plus favorable dont la consommation est à favoriser, tandis que les aliments étiquetés en rouge sont des aliments dont la consommation doit être plutôt occasionnelle et/ou en quantité limitée. Des messages clairs seront associés aux différentes couleurs en cohérence totale avec ceux 6 Pour les fromages, la pondération du score par les éléments positifs inclue les protéines, leur quantité dans ces produits étant très corrélée à la composition en d’autres nutriments, notamment le calcium. Ceci est cohérent sur le plan nutritionnel car l’utilisation de ce score alternatif ne déplace pas les fromages par rapport aux autres produits laitiers (source : Rapport Hercberg 2014 : précisions sur le système d’information nutritionnelle). FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel déjà utilisés par le PNNS (campagnes, guides alimentaires. . .) visant à limiter, sans jamais interdire, la consommation de nombreux aliments : boissons sucrées, crèmes dessert, chocolat, glaces, beurre, produits de snacking, fromages gras et salés, charcuteries grasses… L’évolution de l’offre alimentaire Les institutions attendent également de ce système d’information une stimulation réelle des efforts des acteurs de l’industrie agroalimentaire pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments. En effet, ce modèle est considéré comme suffisamment souple pour permettre qu’une amélioration nutritionnelle de faible amplitude puisse être répercutée directement sur la couleur de l’étiquette (du rouge au rose ou du orange au jaune par exemple). Qui plus est, le mode de calcul laisse au fabricant la possibilité de modifier librement un ou plusieurs paramètres de son choix pour améliorer son positionnement, sans avoir un caractère prescriptif sur un nutriment en particulier. Enfin, ce système d’étiquetage apporte une réponse aux enjeux de valorisation des chartes d’engagements PNNS des entreprises auprès des consommateurs. Il est donc à prévoir que la mise en place d’un tel système encouragerait une dynamique vertueuse chez les industriels et les distributeurs pour améliorer la qualité nutritionnelle de leur offre.7 7 Etude UFC : http://www.quechoisir.org/alimentation/nutrition/communique-etiquetagenutritionnel-simplifie-un-antidote-fiable-simple-et-efficace-contre-le-marketing-alimentaire FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel FOCUS : LES ANALYSES DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS En prévision de la mise en place éventuelle du système 5-C, les magazines des associations de consommateurs 60 Millions de Consommateurs et UFC-Que Choisir ont testé ce système en passant au crible des produits courants des industriels et de la grande distribution. J’inverserai les 2 paragraphes : en mettant le retour de 60M sur le système des 5C avant les résultats par catégorie d’aliments Le test de 60 Millions de Consommateurs 60 Millions de consommateurs a réalisé cette étude sur une centaine de produits de quatre catégories : • Des céréales, dont la grande majorité est classée en orange ou en rose (notamment à cause de taux de sels élevés dans cette catégorie). Les mueslis également, pourtant riches en fibres, pèchent par leurs teneurs en acides gras. • Des pizzas, dont le score tient surtout à la nature et à la quantité des fromages, plus ou moins gras et salés, ainsi que sur la teneur en fibre. De façon générale, les pizzas riches en légumes (Quatre saisons) sont toutes notées en jaune. • Des produits panés dont les résultats, « loin d’être catastrophiques », témoignent des efforts des industriels pour améliorer leurs profils nutritionnels. Les produits à base de poisson présentent des scores nutritionnels corrects, voire très bons, tandis que les cordons bleus pâtissent de la présence d’ingrédients gras et salés (jambon et fromage). • Des desserts enfin, qui présentent de vrais écarts entre les différentes familles de produits et au sain d’une même famille. A consommer « avec retenue » dans les marques étudiées, les crèmes brûlées, tiramisus, cheesecakes. Plusieurs crèmes desserts ou des liégeois (au chocolat ou aux fruits) pèchent par leurs teneurs en graisses saturées. Source : 60 millions de consommateurs, n°496, septembre 2014 FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Le test de l’UFC Que Choisir L’association, qui a appliqué le dispositif 5C à 300 produits alimentaires, tire des conclusions extrêmement positives de son étude et recommande ouvertement l’adoption de ce système en France : • Le système rend bien compte de l’hétérogénéité des produits : les produits de l’échantillon test sont répartis sur l’ensemble des 5 couleurs, autant entre différentes familles de produits qu’au sein d’une même catégorie. Cela met en évidence le bon paramétrage de cet outil pour différencier l’intérêt nutritionnel des produits. • L’outil sert les consommateurs en simplifiant les messages officiels, souvent complexes à mettre en œuvre (ne pas manger trop salé ou trop sucré par exemple), et en allant à rebours des idées reçues. Il décerne par exemple des pastilles vertes à de nombreux plats préparés comme certains cassoulets ou petits salés aux lentilles, et une étiquette rouge à certaines barres céréalières. • Enfin, il lutte efficacement contre les techniques marketing vantant certaines propriétés nutritionnelles (réduction de sel ou de matières grasses) en incluant les paramètres négatifs dans la note globale des produits. Source : UFC Que Choisir, n°534, mars 2015 3.2 Le débat sur le système 5-C Des repères discutés Une partie de la communauté scientifique considère que les repères définis dans la méthodologie de l’étiquetage nutritionnel. Si elle met l’accent sur les nutriments négatifs et la densité énergétique des produits, elle n’inclut notamment pas la densité nutritionnelle et la notion de calories vides comme expliqué dans une partie précédente. Qui plus est, si les fibres sont prises en compte dans certains cas, le système proposé ne fait pas pour autant la distinction entre additifs et fibres naturellement présentes dans l’aliment, ce qui est également sujet à discussion. Par ailleurs, les végétaux sont bien favorisés par ce système, mais ne remettent pas en question la consommation de calories d’origine animale, décriées par un nombre croissant d’études. Enfin, bien que ce système ait vocation à supporter les messages généraux portés par le PNNS, en ne mettant pas les différents aliments en relation, il peine à véhiculer une véritable vision de politique nutritionnelle. L’absence de la notion de portion est également une des critiques qui fait écho à ce constat. Cet argument est particulièrement avancé par les acteurs de l’industrie et de la FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel distribution, qui en ont fait un point central dans leur proposition alternative d’étiquetage. De même, la fréquence de consommation des aliments est un message primordial à communiquer. Une information stigmatisante De nombreuses voix s’inquiètent par ailleurs de la contribution de ce système à la « cacophonie nutritionniste », La technicité que l’étiquetage 5C apporte au discours sur la nutrition semble en effet peu adaptée au besoin de simplicité du message. Des changements majeurs de mode de vie ont poussé les consommateurs à manger des aliments pré-emballés et pré-fabriqués et les enjeux sont davantage de pousser l’offre alimentaire vers une meilleure qualité que de rendre l’acte d’alimentation technique. Les industriels et distributeurs argumentent en outre le fait que l’utilisation de ces 5 couleurs mène à une interprétation biaisée de la part des consommateurs. En effet, un produit étiqueté en vert n’a pas forcément vocation à être mangé tout le temps et en grande quantité. Par opposition, ils s’élèvent contre l’aspect stigmatisant de la couleur rouge qui ferait apparaître des produits comme « nutritionnellement mauvais ». Un manque de recul Enfin, le manque de recul que l’on peut avoir sur le système 5C fait partie des critiques qui lui sont adressées. Certes, le retour d’expérience anglo-saxon plaide en faveur d’un tel étiquetage, mais cela va sans prendre en compte les particularités culturelles françaises. Dans un contexte où les consommateurs consacrent en moyenne 4 secondes au choix d’un produit alimentaire dans les circuits de distribution 8 , il est essentiel que le système adopté par le gouvernement fasse preuve de son efficacité pour remplir ses objectifs. Les études menées par le Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé (FFAS) par exemple montrent que les consommateurs reconnaissent un système d’un autre mais n’établissent pas pour autant une stratégie de choix. La prise en compte d’effets anticipés et non-anticipés relève de la recherche interventionnelle et rend essentielle la mise en place de pilotes en conditions réelles. Le FFAS s’engage à cet effet à financer des tests de projets pilotes dans des zones à échelle pertinente. Ces tests menés par la recherche publique s’attacheront à étudier 4 à 6 séances d’achats pour chaque dispositif proposé afin d’observer comment s’ancrent les comportements de consommation. 8 Choix dans lequel la marque et le prix sont souvent les critères prépondérants. FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel La proposition de l’industrie agro-alimentaire En complément de ces critiques, et après un an de travail avec un comité scientifique, des fédérations professionnelles et des industriels, les enseignes du commerce et de la distribution membres de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), ont présenté le 27 octobre 2015 leur proposition d’étiquetage nutritionnel, baptisé SENS (Système d’Etiquetage Nutritionnel Simplifié). Ce système permet de hiérarchiser individuellement tous les produits alimentaires selon leur composition nutritionnelle et de les répartir en quatre classes (très souvent, souvent, modérément et occasionnellement). L’objectif de SENS est d’aider les consommateurs à intégrer dans leurs choix des différents produits alimentaires, quelle que soit leur classe, dans une alimentation nutritionnellement équilibrée et variée en accompagnant le logo d’un libellé de fréquence, éventuellement couplé à une quantité (portion). 4 Les critères de réussite d’une politique nutritionnelle 4.1 L’amélioration nutritionnelle de l’offre alimentaire Plusieurs dispositifs sont en place en France pour accompagner les efforts des industriels dans l’amélioration de l’offre alimentaire. Les chartes d’engagement volontaires lancées par le PNNS ont vu notamment certaines entreprises s’engager sur des objectifs de réduction de certains nutriments, ainsi que de communiquer activement sur les bonnes pratiques alimentaires. Elles sont cependant peu à s’être engagées dans un tel processus. L’OQALI9 par ailleurs mesure les évolutions de l’offre alimentaire en France. 9 Observatoire de la Qualité de l’Alimentation FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel En revanche, la prise de conscience des consommateurs doit être renforcée. Le Baromètre de l’Alimentation mesure l’opinion qu’ont les consommateurs de l’offre alimentaire et a montré en 2015 que 75% des français sont fiers de l’offre qui leur est proposée et s’intéressent peu à la question nutritionnelle (31%), si ce n’est via la composition des produits. Pourtant, sans diaboliser des catégories d’aliments, il peut-être intéressant d’expliquer au public que certains nutriments n’ont pas lieu d’être en si grande quantité dans les aliments : le sel historiquement était utilisé pour la conservation des aliments, tandis que les graisses et les sucres font souvent office d’exhausteurs de goût. Des mesures réglementaires enfin, comme la taxation sur les sodas, ne sont pas à exclure, puisqu’elles ont démontré leur efficacité par le passé. La question centrale reste de s’accorder sur des repères nutritionnels pertinents et adaptés aux différents profils de consommateurs. 4.2 La légitimation du message Paradoxalement, les consommateurs sont assez méfiants envers les industriels, les distributeurs et les institutions, qui sont les acteurs qui prennent la parole sur ce sujet. Ils placent davantage leur confiance dans les associations de consommateurs et les producteurs agricoles, peu impliqués dans ce projet. La question de la légitimité du message est alors fortement remise en cause, mais ce n’est pas pour autant que les acteurs cités ci-dessus ne doivent pas intervenir. Il y a là un véritable enjeu de transparence sur les intentions de chacun des acteurs, qui doit être accompagnée de pratiques concrètes et communicables. 4.3 La personnalisation du message Face à la multitude des enjeux et à la diversité du public concerné, la personnalisation des messages au besoin apparaît comme une potentielle solution d’avenir. Les supports digitaux permettent aujourd’hui d’inscrire un accompagnement spécifique et local dans une compréhension globale de l’alimentation. L’entreprise Alkemics 10 par exemple propose aux entreprises des solutions pour agréger et structurer des informations éparpillées sur une offre multiple afin de simplifier l’accès à l’information sur le produit pour les consommateurs. Dans le cadre de la nutrition, l’enjeu serait alors de faciliter l’expression de l’intérêt des consommateurs lors de leurs achats pour apporter une réponse complète, pertinente et adaptée à leurs besoins. 10 http://www.alkemics.com/fr/ FOOD HORIZONS #5 // Etiquetage nutritionnel Conclusion Les systèmes d’étiquetage nutritionnel existant, y compris le 5C, ne parviennent pas à fédérer les acteurs de la chaîne agro-alimentaire. Pourtant, c’est bien grâce à une volonté et des engagements collectifs que peuvent progresser la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire et de l’information fournie au consommateur. Les difficultés qu’éprouvent les acteurs à s’accorder témoignent de l’absence d’une véritable politique nutritionnelle, portée par la science et les institutions, ainsi que du manque de dialogue entre eux – les consommateurs y compris. Un système d’étiquetage nutritionnel peut participer à transmettre certains messages, mais il ne se supplée pas pour autant à une communication positive des principaux enjeux : maintenir la complexité des aliments et situer la place des produits dans un mode alimentaire global équilibré, tout en conservant le plaisir de manger.