14 introduction à la Pensée juridique chinoise
LARCIER
les convenances, les usages, la concertation, voire une certaine philosophie
de l’existence, à laquelle la philosophie confucéenne et quelques autres cou-
rants de pensée ne sont pas étrangers. C’est seulement si ces ressources ont
été vainement épuisées qu’il est fait appel à la règle de droit. Le rapport au
droit comporte ainsi des dimensions sensiblement différentes de ce qu’il est
dans les sociétés occidentales.
C’est pourquoi il est non seulement utile, mais même, peut- être, indispen-
sable, qu’avant d’aborder le droit positif chinois, les juristes sensibilisés à ce
droit et tous les partenaires occidentaux de la Chine prennent conscience de
cette perception particulière du droit par les Chinois. Or la littérature juri-
dique française paraît, à quelques précieux ouvrages près, encore très pauvre
en la matière.
Dans cette perspective, l’ouvrage consacré à la pensée juridique chinoise
que propose Olivier Beydon constituera sans conteste une référence majeure.
L’auteur y offre en effet une solide introduction aux modes de pensée qui,
depuis quelque quatre mille ans, ont participé dans le monde chinois à la for-
mation d’un système juridique singulier et d’une conception du droit fort dif-
férente de celle qui domine dans les pays de tradition romano- germanique.
Or, si le droit de l’ancienne Chine a laissé place il y a un siècle à des institu-
tions et à des codes largement inspirés des droits allemand et suisse, l’esprit
juridique chinois continue en Chine populaire comme à Taïwan d’y imprimer
sa marque. L’étude de cette pensée juridique chinoise permet ainsi au juriste
occidental de replacer les textes du droit positif, d’essence occidentale, dans
leur contexte : dans la mesure où elle restitue un environnement ignoré de
la majorité des juristes non sinisants, elle constitue le complément, sinon un
préalable, nécessaire de toute analyse de la législation ou de la jurisprudence
chinoises contemporaines.
La démarche pour laquelle l’auteur a opté n’est pas celle du droit comparé.
Ce choix s’imposait par la spécificité même du sujet: une logique compara-
tiste ne pouvait être suivie dans la mesure où les modes de pensée décrits dans
le livre ne possèdent pas de pendants dans la tradition romano- germanique.
Avec un souci constant de précision scientifique, l’auteur s’attache à replacer
l’évolution de chaque courant de pensée dans le cadre plus général de l’his-
toire de la Chine. L’analyse qu’il développe offre un paysage assez complet de
l’état de la pensée juridique chinoise et de son impact tant sur le droit ancien
que sur celui de la Chine contemporaine.
Le juriste européen y apprendra, par exemple, que la conception tradi-
tionnellement observée dans le monde chinois de la concordance entre règle
morale et norme juridique s’est, à de nombreux égards, largement maintenue
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