Geste sur le terrain Médecine et Santé Tropicales 2015 ; 25 : 23-28 Chirurgie de la thyroïde applicable dans les pays en développement Thyroid surgery applicable in developing countries Pauleau G.1, Goin G.1, Cazeres C.1, Sebag F.2, Balandraud P.1 1 Service de chirurgie viscérale, hôpital d’instruction des armées Laveran, 34 boulevard Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13 2 Service de chirurgie endocrinienne, hôpital de la Timone, Marseille, France doi: 10.1684/mst.2014.0364 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Article accepté le 11/03/2014 Résumé. Dans les pays en développement, la chirurgie de la thyroı̈de est réalisée par des chirurgiens généraux ; les moyens diagnostiques et thérapeutiques sont limités. Le but de cette revue est de préciser les indications de la chirurgie thyroı̈dienne en fonction des pathologies rencontrées et les types d’intervention à réaliser. Le goitre endémique stade 1 et 2 régresse avec un traitement par huiles iodées. La chirurgie est indiquée dans le cadre des complications : mécanique, néoplasique ou hyperthyroı̈die. Le choix de l’opération dépend de la pathologie et des possibilités d’accès à un traitement par thyroxine. La tendance récente dans les pays occidentaux, qui est de réaliser des thyroı̈dectomies totales plutôt que subtotales, n’est pas applicable. La lobo-isthmectomie et la thyroı̈dectomie subtotale sont les techniques à utiliser en priorité. Abstract. Thyroid surgery in developing countries is performed by general surgeons with limited diagnostic and therapeutic resources. The aim of this review is to describe the indications for and appropriate type of surgery according to the diseases observed. Endemic goiter (grade 1 and 2) usually regresses with iodine therapy. Surgery is indicated only for its complications: mechanical, neoplastic, or related to hyperthyroidism. The choice of operation depends on the specific disease and also on the likelihood that thyroxine will be continuously available for the patient’s lifetime. Total thyroidectomy should be avoided whenever possible if thyroxine supplies are unreliable. Hemithyroidectomy and subtotal thyroidectomy are the techniques that should be used in priority. Key words: thyroidectomy, endemic goiter, developing countries, iodine deficiency. Mots clés : thyroı̈dectomie, goitre endémique, pays en développement, carence en iode. Correspondance : Pauleau G <[email protected]> L a chirurgie thyroı̈dienne représente une proportion modérée (5 %) des interventions chirurgicales réalisées dans les services de chirurgie générale des pays en développement [1]. Néanmoins, le goitre endémique par carence en iode est un problème majeur de santé publique dans ces pays [2]. La gestion de ces pathologies est difficile, car les moyens sont limités, et les patients ont des pathologies évoluées. L’objectif de cette mise au point est de préciser les indications de la chirurgie thyroı̈dienne en fonction des pathologies rencontrées et les types d’interventions à réaliser dans les pays en développement. Examen clinique En l’absence de moyens diagnostiques biologique, échographique et cytologique, l’examen clinique revêt une place importante. L’examen général doit rechercher des signes d’hyperthyroı̈die (tachycardie, fibrillation auriculaire, perte de poids, tremblement périphérique, agitation, nervosité) et une exophtalmie en faveur d’une maladie de Basedow. L’inspection évalue la symétrie et la régularité des lobes thyroı̈diens, et évalue la taille du goitre selon la classification de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) (tableau 1). La palpation est essentielle : il faut se placer derrière le patient qui est assis, les épaules relâchées, les avant-bras reposant sur les cuisses. Elle évalue la consistance, la symétrie et l’extension du goitre. Un nodule induré et fixé est fortement évocateur d’un cancer. La palpation des carotides est utile car celles-ci peuvent être enclavées dans une thyroı̈de maligne. On termine par la recherche d’une adénopathie palpable. L’échographie de la thyroı̈de est un examen essentiel qui prolonge l’examen clinique. Elle est idéalement réalisée par un radiologue local. En l’absence de radiologue, si un appareil d’échographie est disponible, le chirurgien peut la Pour citer cet article : Pauleau G, Goin G, Cazeres C, Sebag F, Balandraud P. Chirurgie de la thyroı̈de applicable dans les pays en développement. Med Sante Trop 2015 ; 25 : 23-28. doi : 10.1684/mst.2014.0364 23 G. PAULEAU, ET AL. Tableau 1. Classification clinique du goitre endémique (OMS 1986) [2] Table 1. Clinical classification of endemic goiter (WHO 1986) [2] 0 1a Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 1b 2 3 Thyroı̈de normale Lobe de la taille d’une phalange du pouce, invisible Thyroı̈de visible le cou en extension Thyroı̈de visible le cou rectiligne Thyroı̈de visible à distance réaliser. La recherche de nodules et leur localisation peuvent permettre d’orienter la programmation du geste (thyroı̈dectomie subtotale ou lobo-isthmectomie). En présence de nodules, les critères de malignité sont à rechercher : hypoéchogénicité, microcalcifications, contours flous, vascularisation intranodulaire [3]. Ils sont toutefois plus difficiles à évaluer par un opérateur non entraı̂né. La radiographie du thorax de face permet de rechercher une déviation ou une sténose trachéale, un élargissement du médiastin supérieur ou une masse médiastinale. L’examen des cordes vocales par laryngoscopie indirecte au miroir peut être utile si le patient présente une récidive de goitre. En effet, une paralysie récurrentielle postopératoire peut être asymptomatique. Une paralysie récurrentielle peut faire modifier le geste opératoire, voire le contre-indiquer s’il faut intervenir dans une loge thyroı̈dienne déjà disséquée et en présence d’une paralysie récurrentielle controlatérale. La réalisation de la laryngoscopie indirecte peut être délicate, mais dans la plupart des cas, elle est faisable par un chirurgien généraliste. L’examen est réalisé avec un miroir laryngien ; il doit être préchauffé pour éviter qu’il ne soit embué lorsqu’il est glissé dans la cavité buccopharyngée. La bouche est largement ouverte, la langue est tractée entre le pouce et le majeur, l’examinateur prend appui avec l’index sur les incisives ou la lèvre supérieure (figure 1). Cette traction forte est essentielle pour assurer une bonne exposition. L’éclairage doit être focalisé sur le miroir. Le miroir est glissé devant et sous le voile qui doit s’élever et reculer en faisant prononcer le son « é ». Les cordes vocales en phonation sont fermées. Elles s’écartent à l’inspiration. Indication Compressions, hyperthyroı̈die et suspicion de malignité constituent les rares indications opératoires des goitres qui dans la majorité des cas ne représentent pas un problème chirurgical. Goitre endémique Les goitres endémiques par carence en iode de stades 1 et 2 (tableau 1) régres- Figure 1. Examen des cordes vocales avec un miroir en laryngoscopie indirecte en exerçant une traction sur la langue. Figure 1. Examination of the vocal cords with a mirror by indirect laryngoscopy, with traction on the tongue. 24 sent, dans la majorité des cas (98 % pour les stades 1), avec un traitement par des huiles iodées (Lipiodol1 ou Brassiodol1) après une période d’environ trois mois [4-6]. Les goitres de stade 2 ont un risque de récidive élevé à un an. La posologie est de 1 mL de Lipiodol1 en intramusculaire tous les trois ans pour les adultes et les enfants de plus de 4 ans. Son coût est de 10 euros par an. En l’absence de Lipiodol1, le lugol fort peut être utilisé en supplémentation (1 mg d’iode par semaine soit deux gouttes par semaine). Il existe un risque d’hyperthyroı̈die induite par le traitement par iode (maladie de Jod-Basedow) mais la balance bénéfice/risque est en faveur du traitement [7]. Les goitres de stade 3 (figure 2) ou responsables d’une compression mécanique avec gêne respiratoire sont à prendre en charge chirurgicalement. La tendance récente, dans le monde développé, à réaliser des thyroı̈dectomies totales plutôt que subtotales pour les goitres multinodulaires ne peut pas être appliquée dans ces régions, où l’approvisionnement en thyroxine est aléatoire [8]. Laisser du parenchyme thyroı̈dien en place est la meilleure option pour les patients dont l’accès à la thyroxine est susceptible d’être intermittent. La lobo-isthmectomie est la meilleure option dans les goitres développés de façon unilatérale. Il est beaucoup plus facile d’enlever tout le lobe que d’effectuer une résection subtotale. De plus, la lobo-isthmectomie n’expose qu’un nerf récurrent et deux parathyroı̈des. Pour le goitre développé bilatéralement, une lobectomie totale du lobe le plus volumineux est recommandée, associée à une résection subtotale du côté controlatéral. Pour limiter le risque d’hypothyroı̈die postopératoire, il conviendrait de laisser en place l’équivalent du volume d’un lobe normal, ce qui correspond classiquement à la taille de la dernière phalange du pouce du patient [4]. En pratique, après exposition de la loge thyroı̈dienne, un bilan des lésions est effectué. Il commande l’uni- ou la bilatéralité du geste ainsi que le siège de tissu thyroı̈dien normal pouvant être laissé en place. La tranche de section est effectuée au-delà des nodules thyroı̈diens palpables. L’exérèse controlatérale s’adapte aux lésions ; ainsi l’intervention peut-elle aller d’une lobectomie Médecine et Santé Tropicales, Vol. 25, N8 1 - janvier-février-mars 2015 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Chirurgie de la thyroı̈de sement de la trachée, de l’œsophage ou de l’axe jugulocarotidien. La dissection latérale doit s’assurer de l’absence d’envahissement de la carotide. L’envahissement de la carotide est une contre-indication à la poursuite de l’intervention. La dissection doit ensuite se poursuivre vers la ligne médiane en préservant les nerfs récurrents et les parathyroı̈des. Un envahissement de la trachée ou de l’œsophage ne doit probablement pas être réséqué car cette résection expose le patient à des complications infectieuses fatales en milieu tropical [11]. Les patients présentant une maladie métastatique (poumon, os) peuvent être opérés de la tumeur primitive par loboisthmectomie en l’absence d’irathérapie. Ces patients ont souvent une survie prolongée, les métastases mettent rarement en jeu le pronostic vital et la chirurgie thyroı̈dienne peut les mettre à l’abri d’un envahissement locorégional cervical invalidant. Les cancers anaplasiques sont des tumeurs indurées, complètement fixées qui sont d’évolution rapide et le plus souvent inopérables [12]. La suspicion d’un cancer anaplasique doit faire récuser l’indication chirurgicale. Figure 2. Goitre stade 3 selon la classification de l’OMS. Figure 2. Grade 3 goiter, according to the WHO classification. unilatérale à la lobectomie totale d’un côté et subtotale de l’autre. Nodule thyroı̈dien unique Dans les pays en développement, le patient consultera rarement pour un nodule unique asymptomatique. La lobo-isthmectomie est à discuter, même en cas de suspicion de cancer car la principale justification à la réalisation d’une thyroı̈dectomie totale est le traitement complémentaire par irathérapie. Goitre volumineux Les goitres énormes et anciens sont courants dans les zones d’endémie. La majorité de ces patients ont des symptômes respiratoires, et l’incidence de la déformation des voies respiratoires avec intubation difficile et celle de la trachéomalacie sont élevées [9]. En cas de trachéomalacie, si la trachée est souple et s’affaisse au retrait progressif de la sonde d’intubation, une trachéotomie peropératoire est préconisée par certains auteurs : celle-ci permettrait de créer une cicatrice fibreuse en quatre à cinq jours. Néanmoins, la gestion d’une trachéotomie peut être difficile. Les autres alternatives sont l’intubation prolongée 24 à 48 h ou les trachéopexies, fixant la trachée à la face postérieure des clavicules [10]. L’incidence de l’extension rétrosternale semble peu élevée ; le goitre par carence en iode se développe le plus souvent chez des femmes jeunes avec des muscles sternohyoı̈diens peu développés : l’extension est donc plutôt antérieure, avec parfois un sac cutané présternal. En cas d’extension rétrosternale, le recours à une sternotomie est exceptionnel. Cancer avancé de la thyroı̈de La chirurgie des cancers avancés peut être compliquée en raison de l’envahis- Médecine et Santé Tropicales, Vol. 25, N8 1 - janvier-février-mars 2015 Maladie de Basedow Le traitement de la maladie de Basedow dépend de ce qui est disponible et de la possibilité de suivi à long terme. La chirurgie est probablement le meilleur traitement si elle est réalisée avec un taux de complication acceptable. La thyroı̈dectomie subtotale dans le traitement chirurgical de la maladie de Basedow a sa place dans les pays en développement, à la condition de ne laisser qu’un faible poids de thyroı̈de restante, compris entre 5 et 8 g [13]. La thyroı̈dectomie subtotale présente un risque à long terme de 50-60 % d’hypothyroı̈die modérée et de 5-8 % de thyrotoxicose persistante [14]. Les patients doivent être préparés pour être opérés en euthyroı̈die et éviter la crise aiguë thyréotoxique postopératoire. Cette préparation associe : un repos durant trois semaines, des antithyroı̈diens de synthèse, type carbimazole (Néo-Mercazole1, un comprimé de 20 mg, trois fois par jour) efficace en un à deux mois, du lugol fort pendant dix jours (dix gouttes trois fois par jour) et des bêtabloquants type propranolol 25 G. PAULEAU, ET AL. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. (Avlocardyl1 80 à 100 mg/j). Les dosages hormonaux biologiques ne sont pas disponibles, l’efficacité de la préparation doit être évaluée cliniquement, l’objectif étant d’obtenir un pouls inférieur à 80 bpm [15]. Il faut s’assurer de la bonne observance du traitement, parfois en gardant le patient en hospitalisation pendant la préparation ou en lui délivrant quotidiennement le traitement médical. Technique chirurgicale Lobo-isthmectomie L’incision est arciforme à deux ou trois travers de doigts de la fourchette sternale en fonction de la hauteur du pôle supérieur de la thyroı̈de. Dans le cadre de ces goitres volumineux, l’incision doit être large et remonter latéralement vers les lobes d’oreille. On réalise les lambeaux cutanés supérieur et inférieur, puis on incise la ligne médiane. Les muscles sterno-cléido-thyroı̈diens sont décollés afin de rechercher une veine thyroı̈dienne moyenne. Une fois repérée, la veine est ligaturée puis sectionnée, ce qui libère latéralement le lobe thyroı̈dien. Une section des muscles sterno-cléidohyoı̈diens et sterno-cléido-thyroı̈diens peut permettre de mieux exposer la glande thyroı̈de. On réalise la ligature première du pédicule supérieur de façon sélective puis la libération du pôle inférieur. Ceci réalisé, le lobe est basculé en dedans et le regard du chirurgien se porte ainsi sur toute la longueur du bord postéro-interne, permettant de rechercher facilement et systématiquement le nerf récurrent. L’axe de recherche se fait en direction de l’angle dièdre trachéoœsophagien au niveau de la partie inférieure du bord postéro-interne de la thyroı̈de. Il faut, à ce niveau, passer entre les différentes branches de l’artère thyroı̈dienne inférieure et éviter de faire saigner, car le sang infiltre les tissus et les colore, gênant la recherche du nerf. Une fois trouvé, le nerf est suivi jusqu’à sa pénétration dans le larynx. Ceci réalisé, il ne reste plus qu’à sectionner le ligament de Gruber latéral pour libérer le lobe. C’est à ce moment que le risque de léser le nerf est le plus grand car il existe à ce niveau un réseau de petites artères et veines qui doivent être coagulées ou ligaturées avant section (figure 3). 26 Figure 3. Dissection du nerf récurrent gauche. Figure 3. Dissection of the left recurrent laryngeal nerve. Pour les parathyroı̈des, la section des vaisseaux au contact de la capsule thyroı̈dienne permet de les descendre avec la résille thyroı̈dienne et leur vascularisation. Si elles ne sont pas en position classique, il n’est pas nécessaire Figure 4. Thyroı̈dectomie subtotale en laissant un mur postérieur gauche. Figure 4. Subtotal thyroidectomy, leaving a left posterior wall. Médecine et Santé Tropicales, Vol. 25, N8 1 - janvier-février-mars 2015 Chirurgie de la thyroı̈de Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. de les rechercher. En effet, leur vascularisation est très fragile, et leur recherche alors qu’elles sont à distance risque de provoquer des lésions par dévascularisation. Si une parathyroı̈de est réséquée ou dévascularisée, on peut réaliser une autotransplantation dans le muscle sterno-cléido-mastoı̈dien. Il faut dans ce cas fragmenter la parathyroı̈de en petits cubes et l’insérer dans le muscle sternocléido-mastoı̈dien homolatéral. Cette technique est efficace et permet d’éviter une hypoparathyroı̈die définitive. Thyroı̈dectomie subtotale Deux techniques s’opposent quant au siège du tissu thyroı̈dien à laisser en place : la première consiste à laisser une lame de parenchyme postérieur (figure 4), la deuxième, un ou deux moignons supérieurs vascularisés par les pédicules thyroı̈diens supérieurs (figure 5). L’avantage du mur postérieur est qu’il protège le nerf récurrent et une parathyroı̈de. Néanmoins, l’hémostase de la tranche de section peut léser le nerf par coagulation ou par striction sur un fils. De plus, l’appréciation du volume restant est plus malaisée sur un moignon postérieur, et une totalisation secondaire est difficile car les remaniements fibreux du lit postérieur rendent délicate la reprise de la dissection nerveuse. L’avantage de laisser deux moignons est de limiter les conséquences de la dévascularisation d’un moignon. En pratique, le choix entre les deux techniques se fera en peropératoire et dépendra du siège du tissu thyroı̈dien normal pouvant être laissé en place. Pour la maladie de Basedow, la thyroı̈dectomie subtotale est effectuée de façon que le poids total du tissu laissé en place soit d’environ 5-8 g. La méthode de la double pesée permet d’évaluer le poids du tissu appelé à rester au pôle supérieur par pesée comparative utilisant un fragment enlevé et pesé sur la pièce de thyroı̈dectomie (figure 6). En l’absence de balance, une technique d’analogie visuelle peut être utile : un fantôme calibré de volume adéquat est comparé au volume du tissu thyroı̈dien qui est laissé en place. Les pôles supérieurs sont souvent développés dans la maladie de Basedow, ce qui peut faciliter la réalisation d’un moignon supérieur. La thyroı̈dectomie subtotale effectuée, il convient de capitonner très Figure 5. Thyroı̈dectomie subtotale en laissant un moignon supérieur droit. Figure 5. Subtotal thyroidectomy, leaving an upper right stump. soigneusement les tranches des moignons afin d’assurer une hémostase soigneuse d’un tissu thyroı̈dien volontiers hémorragique. Un ou deux drains aspiratifs doivent être laissés en place. Ceux-ci n’empêchent pas la survenue d’un hématome compressif. Seule la mise en place de lame de Delbet met à l’abri de cette complication, ce type de drainage peut être utile si le goitre est volumineux et très vascularisé. 2 5 3 1 4 Figure 6. Méthode de la double pesée. 1) lobectomie laissant un pôle supérieur (2). 3) découpe d’un volume supposé correct sur la pièce et pesée. Recoupe éventuelle du pôle 2 en fonction du poids estimé. 4) lobectomie controlatérale laissant éventuellement un pôle supérieur de l’autre côté (5). Figure 6. Double-weighing method. 1) Lobectomy, leaving the upper pole (2). 3) Cutting out a volume considered correct and weighing it. Potential recutting of pole 2 depending on the estimated weight. 4) Contralateral lobectomy, potentially leaving an upper pole on the other side (5). Médecine et Santé Tropicales, Vol. 25, N8 1 - janvier-février-mars 2015 Suites postopératoires Les patients sont surveillés au moins 48 h en hospitalisation. Le drainage est retiré classiquement au deuxième jour postopératoire. La survenue d’un hématome compressif nécessite une reprise chirurgicale immédiate. En l’absence du dosage de la calcémie, on recherche les signes cliniques d’hypocalcémie : paresthésie des mains et péribuccales, crampes, signe de Chvostek. Une supplémentation par phosphate tricalcique (Ostram1 1,2 g, un à six sachets par jour) associé au calcitriol (Rocaltrol1 0,25 mg, deux à quatre comprimés par jour) sera débutée en cas de signe clinique et poursuivie pendant dix jours. Une paralysie récurrentielle unilatérale est suspectée en cas de dysphonie ou de trouble de la déglutition ; un examen des cordes vocales au miroir permet d’en avoir la confirmation. L’administration de corticoı̈des en aérosols, ou une corticothérapie IV 1 mg/kg pendant 48 h, peut diminuer l’œdème laryngé [16]. La rééducation par un orthophoniste n’est le plus souvent pas disponible. Conclusion La chirurgie de la thyroı̈de dans les pays en développement a des spécificités liées à la disponibilité aléatoire des moyens diagnostiques et de l’hormonothérapie substitutive. La tendance, dans les pays développés, à réaliser des thyroı̈dectomies totales n’est pas applicable en milieu tropical. L’étendue de l’exérèse est donc à adapter au cas par cas pour préserver la 27 G. PAULEAU, ET AL. fonction thyroı̈dienne postopératoire et réduire le risque de complication. Conflits d’intérêt : aucun. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Références 1. Watters DA, Bem C, Echun DA, Ahmed A. Audit of ‘‘surgery in general’’ in an African teaching hospital. J R Coll Surg Edinb 1991 ; 36 : 402-4. 2. OMS. La carence en iode dans le monde aujourd’hui et les progrès réalisés au cours de la dernière décennie en vue de son élimination [Internet]. WHO. [cité 12 juin 2012]. Disponible sur: http://www.who.int/bulletin/volumes/83/ 7/anderssonabstract0705/fr/index.html 3. Watters DA, Ahuja AT, Evans RM, et al. Role of ultrasound in the management of thyroid nodules. Am J Surg 1992 ; 164 : 654-7. 4. Watters DAK, Wall J. 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