DOSSIER BILAN SANTÉ DE L’ÈRE SARKOZY
LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
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« Cette relative stabilité masque une déformation
dans le contenu de la part financée par l’assurance-ma-
ladie, qui s’est recentrée sur l’hospitalisation et les soins
associés à des maladies graves et coûteuses », écrit Sara-
Lou Gerber, dans une note de veille du centre d’analyse
stratégique (1). L’assurance-maladie, via les dispositifs de
franchises, déremboursement, forfaits, se désengage
petit à petit des soins courants pour se recentrer sur les
soins lourds. La Direction de la recherche, des études,
de l’évaluation et des statistiques (Drees), dans l’analyse
des comptes nationaux de la santé en 2010, soulignait :
« Une personne en ALD bénéficie d’un taux de rembour-
sement moyen de 92 % contre 67 % pour les autres assu-
rés ». Selon son analyse, les dépenses en ville des per-
sonnes en ALD sont couvertes par l’assurance-maladie
à hauteur de 85 % contre 55 % pour les autres assurés.
Il n’empêche, même si la couverture est plus large pour
les plus malades, leur reste à charge demeure supé-
«
Nous observons tous les jours des renoncements
aux soins pour des raisons financières et ces renon-
cements sont de plus en plus fréquents.
» Mady
Denantes fait ce constat dans son cabinet de méde-
cin. Une réalité confortée par deux études de l’Ins-
titut de recherche et documentation en économie
de la santé (IRDES) qui viennent d’être publiées.
Selon ces études, 15,4 % des personnes déclarent,
en 2008, avoir renoncé à des soins pour des raisons
financières au cours des douze derniers mois. Ce
renoncement grimpe, selon l’enquête “Santé, iné-
galités, ruptures sociales” (SIRS) menée dans l’ag-
glomération parisienne en 2010, à 32,4 % pour les
bénéficiaires de la CMU-C et à 33,9 % pour les per-
sonnes couvertes par l’Aide médicale d’Etat. L’étude
relève que sans la Couverture maladie universelle,
ils seraient 40 % à déclarer renoncer aux soins. Il
n’empêche, ce fort taux de renoncement restant,
alors que la couverture est dite universelle, ques-
tionne : est-ce dû aux nombreux refus de soins aux-
quels sont confrontées les personnes couvertes
par la CMU ? Est-ce la barrière des dépassements
d’honoraires qui ont atteint, selon les chiffres de
l’assurance-maladie, le record historique en 2010,
de 2,5 milliards d’euros ? L’IRDES s’at
tarde sur
des facteurs multiples dans une approche socio-
anthropologique : «
le renoncement aux soins prend
deux formes principales : le renonce
ment-barrière
et le renoncement-refus. Dans le
premier cas,
l’individu fait face à un environnement de contrain-
tes, le plus souvent budgétaires, qui ne lui permet
pas d’accéder au soin désiré. Le second cas est
l’expression d’un refus qui porte soit sur des soins
spécifiques, soit, plus radicalement, sur le fait
même de se soigner.
» En revanche, une étude du
Fonds CMU, publié en septembre dernier, souligne
que «
les soins ou produits non rembour
sés et la
demande d’une participation financière
sont les
principaux motifs de renoncement
» pour les per-
sonnes couvertes par la CMU-C, notamment sur
les soins dentaires, les médicaments, l’optique
et les consultations de spécialistes. L’enquête SIRS
révèle également que 20,6 % des personnes béné-
ficiaires de l’AME renonçaient, en 2010, à des
consultations chez des spécialistes et à des médica-
ments. M.L. ▪
rieur à celui des autres assurés. En moyenne, 600 €
par an, 200 € de plus que les non ALD. Reste que cette
concentration des financements de la Sécurité sociale
sur les pathologies lourdes est également un choix poli-
tique. « Ces mesures (franchises et autres) réduisent, de
facto, la solidarité entre les bien portants et les malades
qui est le ressort fondamental de l’assurance-maladie,
en diminuant la part des dépenses mutualisées par la
collectivité », écrit Didier Tabuteau (2). Sara-Lou Gerber
complète : « Ce changement interroge la légitimité poli-
tique de l’ensemble du système d’assurance-maladie ;
il questionne notamment l’adhésion et le consente-
ment au financement des jeunes générations. Le dispo-
sitif des ALD, bien que très légitime, est susceptible de
nourrir chez certains publics un sentiment de désenga-
gement croissant de l’assurance-maladie, au risque de
fragiliser le pacte de solidarité à l’origine du système. »
Marianne Langlet ▪
(1) « Combien les Français
sont-ils prêts à consacrer aux
dépenses de santé ? », note
de veille du centre d’analyse
stratégique, n° 171, avril 2010.
(2) Didier Tabuteau,
« L’assurance-maladie dans
la tourmente économique et
politique (2007-2011) », Les
Tribunes de la santé, 2011/3,
n°32.
En déplacement dans un hôpital en province, Nicolas Sarkozy
endosse le projet de réforme Larcher. Il déclare : « Je souhaite
que l’assurance-maladie revienne à l’équilibre en 2011. »
22 sept. 2008
© RICHARD PICHET
Présentation, en Conseil des ministres,
du projet de loi portant réforme de l’hôpital et
relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
22 oct. 2008
Le renoncement aux soins s’amplifie