2
Pour évoquer les grandes tendances de l'évolution du système de santé, l’hypothèse
implicite qui sera faite est que la croissance restera positive permettant d'assurer une évolution de la
masse salariale supérieure à 2 % et donc un financement du système de santé du même ordre. Il ne
s'agit bien évidemment pas de décrire le système de santé des années 2030 mais simplement
d'essayer d'identifier quelques éléments très structurants de son évolution.
Le premier peut être évoqué rapidement parce qu’il est patent, c’est le vieillissement de la
population. L’évolution de la démographie est un déterminant majeur des systèmes de santé
développés, avec la concentration sur les derniers âges de la vie, des couts de santé. Toutefois au-
delà de cet effet économique, ce phénomène constitue un enjeu politique majeur. Le risque existe
de voir remis en question « le pacte des générations » sur lequel repose fondamentalement
l'assurance-maladie. Il ne faudrait pas que le débat, légitime sur le partage des revenus entre les âges
de la vie en matière de retraite, ne soit transposé mécaniquement sur l'assurance-maladie. En effet
les deux problématiques sont fondamentalement différentes.
La logique individuelle au regard des régimes de retraite est de cotiser pendant une carrière
complète, sans période de chômage, afin de recevoir le plus longtemps possible une pension la plus
élevée possible. Pour la santé, c’est le contraire. L'espérance de chacun est de cotiser toute sa vie et
de recevoir le moins possible : décéder centenaire dans son sommeil sans avoir été confronté à
l’hospitalisation ! C’est d'ailleurs l'ambition même du système de santé que de repousser les âges
auxquels les prestations de l’assurance maladie vont bénéficier aux assurés. La médecine a de fait
largement réussi à atteindre cet objectif, puisque les soins les plus lourds se concentrent sur les
dernières années de la vie. Mettre en cause le déséquilibre prestations servies et cotisations versées
entre les différents âges de la vie, c'est nier la logique même de l'assurance-maladie : la solidarité
entre les biens portants et les malades. Le maintien de ce principe est sans doute le débat majeur
pour l'avenir des systèmes de solidarité devant la santé.
Deuxième enjeu clé pour l'évolution du système de santé, les transformations de la médecine
et notamment le développement, grâce aux progrès de la biologie et de la génétique, d’une
médecine technique de prévention. Marqueurs biologiques et tests prédictifs pourraient
bouleverser, à l'avenir, le fonctionnement du système de santé. Dans un rapport de l'Office de
prospective en santé de Sciences-Po, avaient été soulignées les conséquences de l'émergence d'une
médecine des 4 P, médecine de prédiction, de personnalisation, de préemption et de participation2.
Le recours au système de santé pourrait ne plus être exclusivement la résultante des signes cliniques
de la maladie et de la nécessité de soins mais être justifié par un suivi préventif aux différents âges
de la vie. La victoire du Docteur Knock avec la consécration de la médecine des biens portants !
Troisième facteur, l’évolution des métiers. Transformation des compétences, coopérations
interprofessionnelles, création de nouveaux métiers, la santé pourrait être marquée par des
bouleversements professionnels considérables. La rupture sera d'autant plus notable en France que
notre pays a été marqué par le conflit historique évoqué précédemment entre le corps médical et les
pouvoirs publics. Il en est résulté la constitution d'un glacis professionnel autour de la profession
médicale, faisant obstacle à l'émergence de nouvelles professions de santé ou au développement de
leurs compétences. Le système se caractérise par une dichotomie beaucoup plus marquée que dans
2 E. Zerhouni, La médicalisation de la société : les transformations du rapport à la maladie in Rapport 2008, Office de
prospective en santé, Editions de santé, Presses de Sciences-Po