Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie PCEM1 Biologie cellulaire Module I 2005-2006 Chapitre 2 Le cytosquelette Constituants et dynamique Pr Germain TRUGNAN Cours « cytosquelette » : Le plan 1. Présentation du cytosquelette 1.1. Constituants 1.2. Fonctions 1.3. Méthodes d’étude du cytosquelette 2. Les filaments intermédiaires 2.1. Structure,assemblage et diversité 2.2. Fonctions des filaments intermédiaires 3. Les microtubules 3.1. Structure et assemblage 3.2. Protéines associées aux microtubules 3.3. Fonctions du réseau de microtubules 4. Les microfilaments 4.1. Structure et assemblage 4.2. Protéines de liaison à l’actine 4.3. Fonctions du réseau de microfilaments NB : Les illustrations de ce cours sont adaptées de «Biologie Moléculaire de la Cellule», Alberts et col. et de «cours de biologie cellulaire» de P. Cau et R. Seïte 1. Présentation du cytosquelette (1) 1.1. Constituants (1) 1.1.1. Le cytosquelette est composé de trois types principaux de filaments microtubules 25 nm microfilaments 8 nm Filaments intermédiaires 10 nm 1.1.2. Chaque type de filament est composé par l’assemblage de monomères spécifiques microfilaments actine microtubules tubuline Filaments intermédiaires kératines 1. Présentation du cytosquelette (2) 1.1. Constituants (Rappel) (2) 1.1.3. La distribution spatiale et l’organisation de chaque type de réseau de filaments est particulière. haut Milieu haut Milieu bas bas microfilaments microtubules Filaments intermédiaires 1. Présentation du cytosquelette (3) 1.1. Constituants (3) 1.1.4. De très nombreuses protéines sont associées à ces filaments. Elles orientent et contrôlent les fonctions du cytosquelette (voir plus loin). 1.2. Fonctions Le cytosquelette assure principalement deux types de fonctions : * Il permet le maintien ou l’adaptation à l’environnement de la structure cellulaire et le positionnement des organites intracellulaires * Il supporte les fonctions motrices de la cellule : • déplacement des organites et des vésicules (= trafic intracellulaire) • déplacement cellulaire (= motilité) Chaque type de filament a des propriétés spécifiques de résistance à la déformation microtubules déformation La contribution du cytosquelette à ces fonctions dépend fortement du type de filament et des protéines qui lui sont associées. Filaments intermédiaires microfilaments Force déformante Les différents types de filaments s’associent ou se relayent souvent pour assurer les fonctions du cytosquelette 1. Présentation du cytosquelette (4) 1.3. Méthodes d’étude du cytosquelette (1) L’étude du cytosquelette est basée sur des approches morphologiques et biochimiques (voir cours n°1 et ED). L’immunocytochimie, et plus particulièrement l’immunofluorescence, des méthodes particulièrement employées en biologie cellulaire, s’avèrent très utiles (voir images précédentes) Elles reposent sur l’emploi de marqueurs vitaux ou d’anticorps spécifiques dirigés contre les constituants du cytosquelette ou les protéines associées. L’immunofluorescence … en bref perméabilisation Anticorps dirigé contre un monomère de tubuline + Ce «premier» anticorps est produit dans une espèce A Anticorps dirigé contre les immunoglobulines de l’espèce A + Ce «second» anticorps est produit dans une espèce B et est «marqué» par un fluorochrome 1. Présentation du cytosquelette (5) 1.3. Méthodes d’étude du cytosquelette (2) L’étude de la dynamique du cytosquelette est plus complexe. Elle nécessite souvent l’introduction de molécules fluorescentes ou marquées dans les cellules. Trois méthodes modernes … Micro-injection électroporation transfection liposomes Micropipette Plaques électriques Les cellules ainsi transformées peuvent être analysées en vidéo-microscopie. Il existe également des drogues qui interfèrent avec la dynamique du cytosquelette. (exemple : le nocodazole dépolymérise les microtubules) 2. Les filaments intermédiaires (1) 2.1. Structure,assemblage et diversité (1) Les filaments intermédiaires sont des structures fibreuses, compactes et résistantes, formées par l’association complexe de nombreux monomères monomère Dimère superenroulé Tétramère (2 dimères étagés) NH2 COOH NH2 COOH NH2 48 nm Un monomère de filament intermédiaire est formé d’une région centrale très riche en hélices , conférant une structure en bâtonnet. Cette région est également riche en répétition heptade (coilcoil) favorisant les interactions protéine-protéine COOH COOH NH2 NH2 COOH COOH NH2 NH2 COOH Deux tétramères superenroulé Un filament intermédiaire de base 10 nm 2. Les filaments intermédiaires (2) 2.1. Structure,assemblage et diversité (2) Il existe une grande diversité de monomères de filaments intermédiaires. Ils sont à l’origine de filaments dont la localisation et la fonction sont différentes Famille structure localisation NH2 COOH Kératines (21 espèces) Vimentine Protéines de neurofilament épithéliums Cellules d’origine endodermique Cellules nerveuses Lamines nucléaires Lamina nucléaire répétitions heptades 2. Les filaments intermédiaires (3) 2.2. Fonctions (1) Les fonctions des filaments intermédiaires concernent principalement le maintien de l’architecture cellulaire et tissulaire Elles dépendent essentiellement du type de filament. Dans les épithéliums, les kératines relient les cellules entre elles par l’intermédiaire des desmosomes. Les kératines assurent la cohésion et la stabilité mécanique. Peau normale Epidermolyse bulleuse Mutation sur une kératine noyau kératines déféctueuses Cisaillement cellulaire au niveau des kératines déféctueuses Lame basale Cellules basales de l’épiderme 2. Les filaments intermédiaires (4) 2.2. Fonctions (2) Dans les cellules nerveuses, les neurofilaments assurent la continuité et l’élasticité des neurones Neurofilament de cellule gliale Neurofilament de cellule neuronale Microscopie électronique après cryodécapage Dans les noyaux, les lamines assurent la stabilisation de la membrane nucléaire interne et l’interaction avec la chromatine enveloppe nucléaire lamine 3. Les microtubules (1) La formation d’un microtubule comprend trois phases 3.1. Structure et assemblage (1) Un microtubule est un assemblage de deux types de monomères très semblables : tubuline et . tubuline et 25 nm La tubuline contient un GTP échangeable dimère nucléation élongation équilibre % de tubuline polymérisée chromatine pore nucléaire tube creux protofilament tps à 37°C L’assemblage est en fait la résultante d’un équilibre entre polymérisation et dépolymérisation Polymère à n sous-unités Dimère [C] kon koff Polymère à n+1 sous-unités Il existe une concentration critique en dimères : Cc pour laquelle le gain et la perte de sous-unités s’équilibrent 3. Les microtubules (2) 3.1. Structure et assemblage (2) L’assemblage est asymétrique : il existe une extrémité plus à croissance rapide et une extrémité moins à croissance lente extrémité plus Microtubule nouvellement formé extrémité moins L’asymétrie des microtubules est retrouvée dans tous les types cellulaires et dans toutes les situations. + + + + + + + + + - + + + + - Cellule en interphase centrosome + + + + + neurone Cellule en division 3. Les microtubules (3) 3.1. Structure et assemblage (3) L’asymétrie de croissance des microtubules est liée à des changements conformationnels des sous-unités lorsqu’elles entrent dans le polymère. sous-unité dans le polymère sous-unité libre Extrémité moins lent rapide Extrémité plus Une hydrolyse du GTP en GDP intervient peu de temps après l’association du dimère au polymère (le GTP est un nucléotide similaire à l’ATP) T T + - - + + - + + + + + + + + - + D La forme D a moins d’affinité pour le polymère et tend à se dissocier. C’est donc la concentration en forme T libre (dimère GTP) qui est critique pour l’élongation. Si cette concentration est suffisante (C >> Cc) l’élongation est plus rapide que l’hydrolyse et le microtubule croît. 3. Les microtubules (4) 3.1. Structure et assemblage (4) Un exemple de l’instabilité dynamique des microtubules L’équilibre croissance-dépolymérisation est dynamique et repose sur des mécanismes complexes de phosphorylation/déphosphorylation du couple GTP/GDP. Sous-unités sous forme T Croissance rapide avec « coiffe GTP » Polymérisation … + Perte de la coiffe GTP : « catastrophe » … suivie de l’hydrolyse du GTP Raccourcissement rapide + Récupération de la coiffe GTP : « sauvetage » Croissance rapide avec « coiffe GTP » L’élongation à l’extrémité moins est lente. Les dimères sont hydrolysés sous forme D et ont tendance à se dissocier L’élongation à l’extrémité plus est rapide. Les dimères sous forme T qui polymérisent n’ont pas le temps d’être hydrolysés 3. Les microtubules (5) 3.1. Structure et assemblage (5) L’équilibre croissance-dépolymérisation est dynamique et repose sur des mécanismes complexes de phosphorylation/déphosphorylation du couple GTP/GDP. dimère de tubuline Colchicine Vinblastine extrémité moins polymérisation Coiffe GTP taxol extrémité plus protofilament droit extrémité plus Hydrolyse du GTP GTPS protofilament courbé déstabilisation puis dépolymérisation extrémité moins croissance échange GDP/GTP dépolymérisation Des modifications post-traductionnelles (acétylation, détyrosination, polyglutamination) peuvent moduler la stabilité des microtubules 3. Les microtubules (6) 3.2. Protéines associées aux microtubules (MAP) (1) Deux types de protéines sont associées aux microtubules : protéines régulatrices (exemple MAP-2, tau) Elles ont plusieurs fonctions : Stabilisation des extrémités des microtubules (favorisent la nucléation, empêchent la dépolymérisation) Formation de liaisons entre plusieurs microtubules MAP-2 Interactions avec divers composants cellulaires tau protéines motrices : kinésines et dynéines, moteurs moléculaires. 3. Les microtubules (7) 3.2. Protéines associées aux microtubules (MAP) (2) Le déplacement des moteurs moléculaires kinésines et dynéines dépend de la production d’énergie par un domaine ATPasique. sens du déplacement rotation kinésine hydrolyse de l’ATP ATP ADP ATP GTP GTP GTP 8 nm 1 2 Domaines ATPasique Pi ADP GTP ATP GTP ADP GTP ADP ADP GTP GTP 3. Les microtubules (8) 3.3. Fonctions du réseau de microtubules (1) Fonctions de transport La plupart des étapes du trafic intracellulaire (exocytose/endocytose) utilise les microtubules et les moteurs moléculaires pour assurer le trafic antérograde (kinésines) et le trafic rétrograde (dynéines). Les microtubules transportent : * des vésicules * les complexes chromosomes/protéines associées, lors de la mitose. * des ARNm vers leur lieu d’utilisation (exemple du «patterning» antéro-postérieur chez la drosophile). * des virus (HIV, herpès…) de la membrane cellulaire vers le lieu de réplication Ces différents «chargements» sont pris en charge par de moteurs moléculaires distincts. chargement kinésines adaptateur moteur extrémité moins extrémité plus moteur adaptateur microtubule dynéines chargement 3. Les microtubules (9) 3.3. Fonctions du réseau de microtubules (2) Fonctions d’organisation du cytosol et des compartiments membranaires Le centrosome est le principal centre organisateur du cytosol. Il supporte l’asymétrie des microtubules. C’est un centre nucléateur. MT croissants le centrosome est composé de deux centrioles et d’une matrice MT décroissants L’extrémité moins des microtubules est enchâssée Les microtubules enchâssés dans le centrosome dans le centrosome. ont une grande dynamique. RER Golgi RER Cette dynamique assure le tubuline positionnement dynamique des organites intracellulaires tubuline Golgi MT noyau immunofluorescence 4. Les microfilaments (1) 4.1. Structure et assemblage (1) (voir le cours de biochimie) L’assemblage des filaments d’actine est similaire à celui des microtubules extrémité plus P AD extrémité plus AD P P AD AD P extrémité moins Monomère d’actine filament d’actine P AD extrémité moins 4. Les microfilaments (2) 4.1. Structure et assemblage (2) L’assemblage (polymérisation) est réalisé par addition de monomères aux deux extrémités. L’addition est plus rapide à l’extrémité plus et plus lente à l’extrémité moins. échange ATP/ADP ATP ADP extrémité plus cytochalasines Polymérisation rapide Pi P AD phalloïdines Les cytochalasines en se fixant sur l’extrémité plus bloquent la polymérisation des microfilaments. DEPOLYMERISATION P AD AD P Polymérisation lente hydrolyse de l’ATP AD P P AD Les phalloïdines (de l’amanite phalloïde) en se fixant sur les microfilaments bloquent leur dépolymérisation. extrémité moins Lorsque les 2 extrémités sont libres et que les conditions de concentration intracellulaire de monomères sont favorables, l’association et la dissociation aux deux extrémités plus et moins se fait à la même vitesse. Dans ce cas particulier, la longueur du filament reste constante mais le filament se déplace en glissant («treadmilling»). 4. Les microfilaments (3) 4.2. Protéines de liaison à l’actine (1) : protéines participant à l’homéostasie des MF Type d’interaction Protéine Fonction + Actine Stimulation de l’échange Monomère ADPATP Favorise la polymérisation Profiline ARP 2/3 profiline thymosine thymosine Polymérisation/ dépolymérisation + - Rétention des monomères d’actine Blocage de la polymérisation tropomyosine consolidation Ca++ gelsoline fragmentation 4. Les microfilaments (4) 4.2. Protéines de liaison à l’actine (2) : protéines participant à l’organisation des MF Protéine Taille, forme et masse Type d’interaction Fonction Polymérisation/ dépolymérisation Actine fimbrine villine faisceaux serrés -actinine faisceaux larges formation de faisceaux (avec tropomyosine) filamine spectrine dystrophine réticulation ancrage sur la membrane 4. Les microfilaments (5) 4.2. Protéines de liaison à l’actine (3) : protéines participant aux fonctions motrices des MF Protéine Taille, forme et masse Type d’interaction Fonction Polymérisation/ dépolymérisation Actine tropomyosine consolidation Ca++ ATP Myosine II Myosine I, V… ATP contraction mouvements sur les filaments 4. Les microfilaments (6) 4.3. Fonctions du réseau de microfilaments (1) Les fonctions du réseau de microfilaments sont étroitement dépendantes des protéines associées. Création et maintien des structures cellulaires (exemples). actinine Ponts (villine, fimbrine) MF Membrane MF Bras latéraux (myosine I) intégrines fibronectine microvillosité Plaque d’adhésion focale 4. Les microfilaments (7) 4.3. Fonctions du réseau de microfilaments (2) Création, maintien et dynamique de structures cellulaires : exemple du «cortex cellulaire». Le réseau de MF s’organise sous la membrane plasmique et permet le déplacement cellulaire Faisceau serré Réseau lâche microtubules Réseau radiaire noyau Cortex cellulaire lamellipode l’actine non polymérisée est recrutée vers l’avant + Plaque d’adhésion focale= fibre de stress (faisceau large contractile) + La polymérisation/dépolymérisation du réseau de MF permet le changement de forme des cellules l’actine polymérise et «pousse» la membrane l’actine génère de nouvelles plaques focales La tension générée sur le cortex cellulaire supprime des plaques focales… … et puis d’autres sont crées… la cellule se déplace et le cycle peut recommencer… 4. Les microfilaments (8) 4.3. Fonctions du réseau de microfilaments (3) Fonctions motrices : certaines bactéries recrutent l’actine cellulaire pour se propulser dans la cellule et pour passer d’une cellule à l’autre. bactérie phagosome «comète» d’actine Passage d’une cellule à l’autre immunofluorescence