Nantes-Histoire « La légende française »
« TUEZ-LES TOUS ! DIEU RECONNAÎTRA LES SIENS » 12 janvier 2015
Église et hérésies au Moyen Âge
La dissidence religieuse occitane (abusivement appelée catharisme) n’est pas un mouvement
constitué, venu d’ailleurs subvertir la chtienté latine. Elle naît de la réforme ecclésiastique qui se
développe à partir de la seconde moitié du Xe siècle. Elle s’y oppose et la rejette au nom de l’Évangile.
Cette dissidence est un christianisme qui dématérialise et délocalise le sacré, pour le concentrer
tout entier dans la Parole de Dieu, et relève du fondamentalisme évangélique. Étant donné sa rupture avec
le sensible, elle ne peut être populaire et l’on constate, que jusqu’à sa fin, au début du XIVe siècle, elle se
cantonne à une partie des élites de la naissance, de la richesse marchande et du savoir. Elle est minoritaire.
Elle n’a pas de structures institutionnelles lourdes. Les « bons hommes » se fondent dans le quotidien et
leur religion n’est pas ressentie comme un Église alternative, ni par le peuple, ni par la plupart des clercs et
de évêques de l’Occitanie.
Cependant, l’essor d’un christianisme extra-ecclésial est ressenti comme un danger pour l’unité de
la foi ; en outre, il compromet le processus d’affirmation de l’institution ecclésiastique, sa capacité de
régulation et de contrôle social, ainsi que le statut, le revenu et le pouvoir des clercs. Il ne peut être toléré.
Les papes et leurs agents les plus efficaces, les membres des ordres de Cluny et de Cïteaux, réagissent
vivement. Paradoxalement, l’hésie devient rapidement un ressort du pouvoir pontifical, car elle permet
aux légats du pape d’intervenir partout au motif de la foi, ratione fidei. Elle offre également aux princes
territoriaux les plus puissants un prétexte d’ingérence dans les principautés secondaires. Or l’Occitanie est
un pays divisé, un « ventre mou » politique. Le comté de Toulouse focalise les attaques au prétexte de
l’hérésie ; elles émanent essentiellement des Cisterciens, missionnés par le pape, et des chroniqueurs au
service d’Henri II Plantagenet, duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre.
Les uns et les autres construisent, à partir de leurs présupposés culturels et de leurs craintes, une
image déformée, diabolisée et amplifiée de la dissidence, image à laquelle ils croient sincèrement et qu’ils
répandent dans toute la chrétienté. Ils couronnent leur construction en accusant les bons hommes d’être
dualistes, mais ce blasphème ne semble pas davantage fondé que les autres calomnies qu’ils prononcent.
La répression de l’hérésie par la violence physique, envisae de manière récurrente par les
Cisterciens, qui sont d’origine aristocratique et de culture chevaleresque, dans un temps où la croisade
contre les impies est un horizon permanent, aboutit logiquement à une croisade intérieure à la chrétienté.
L’affaire se noue sous le pontificat d’Innocent III, pape qui prétend à une domination exclusive sur la
chrétien, ratione fidei, mais dont les prétentions sont contrariées par les faits. Il trouve en Occitanie une
large région où affirmer son autorité, au prétexte de l’hérésie. Ses légats cherchent à soumettre à leur
contrôle le comte de Toulouse, qui lutte pour son autonomie ; ce conflit insoluble entre pouvoir spirituel et
pouvoir temporel engendre la premre croisade en pays chrétien.
À Béziers, le 22 juillet 1209, devant la première ville « rétique », qu’ils rencontrent, les croisés,
nourris d’images terrifiantes de la dissidence, et proclamés « chevaliers du Christ », sont saisis d’une fureur
sacrée. Un massacre s’ensuit.
Dans ce contexte, Arnaud Amalric, abbé de Cîteaux, donc cistercien marqué par l’esprit de son
ordre, peut-être membre de la famille vicomtale de Narbonne, ennemie des vicomtes de Béziers et des
Biterrois, a pu prononcer la formule qu’on lui attribue : « Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens ».
Au demeurant, tous les contemporains applaudissent au massacre de Béziers et le jugent conforme
à la volonté divine. L’élimination des hérétiques paraît alors une purification nécessaire à l’établissement
de la paix du Christ et à l’affirmation de l’Évangile dans sa plénitude.
On doit prendre conscience que les sentiments, les valeurs et les conduites des hommes du Moyen
Âge différaient profondément de celles des hommes du XXIe siècle en Europe occidentale.
Jean-Louis BIGET
Bonus : la voûte de la cathédrale d’Albi
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