Actualité Santé 15 Hystérie Une maladie oubliée mais des symptômes toujours présents L’hystérie a disparu des classifications et les symptômes se repartissent dans diverses catégories diagnostiques telles que les troubles somatoformes, les troubles dissociatifs ou la personnalité histrionique. Ce trouble, si déroutant par son grand polymorphisme symptomatique, est difficile à prendre en charge. L e trouble est déconcertant et les soignants sont désarmés devant les pièges tendus par le patient hystérique, d’où une abondance d’examens complémentaires, voire une escalade thérapeutique. Chez les hommes, il existe aussi, néanmoins, selon certains spécialistes, il touche un homme pour neuf femmes. Une interrogation lointaine L’hystérie interroge depuis l’antiquité ; elle serait le prix à payer pour l’homme du fait qu’il appartient à une espèce sociale dont la communication est partiellement allusive et métaphorique. On peut concevoir cette maladie comme une expression symbolique des conflits psychiques en des symptômes corporels et/ou psychiques variés, paroxystiques ou durables. L’évolution au fil du temps des codes sociaux de communication et de représentation pourrait être à l’origine des modifications de modalités expressives, aujourd’hui plus discrètes qu’auparavant. Décrite depuis plus de 40 siècles, l’hystérie a été perçue et traitée différemment selon les époques. Hippocrate en a fait une maladie organique, liée surtout à une déprivation de relations sexuelles et à un dessèchement de l’utérus. Le moyen âge a plongé l’hystérie dans le surnaturel (possession diabolique) et ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on a admis sa localisation au cerveau. Les aimants et l’hypnose avaient été alors considérés comme des moyens privilégiés pour accéder non pas à la lésion anatomique mais à un trouble fonctionnel cérébral. Janet et Freud posent la question de la personnalité hystérique et des conditions favorables à l’éclosion des troubles hystériques. Les rapports entre le trait de la personnalité hystérique et les conversions somatiques restent mal cernés, mais il est admis que ces symptômes ont une fonction dans l’économie psychique du patient se trouvant dans une impasse qui ne peut pas être exprimée par les mots. La conversion apparaît alors comme un mécanisme névrotique de défense afin de diminuer l’angoisse née des conflits internes ou procédant d’un choc émotionnel. Des symptômes fluctuants D’après certains auteurs, l’hystérique ne peut avoir de soi qu’une image fragile, fondée sur un narcissisme archaïque, et il est séducteur parce qu’il se veut possesseur. Selon la psychanalyse, l’hystérie résulterait du refoulement d’un conflit œdipien non résolu. La personnalité hystérique est très influençable malgré une froideur apparente, elle se réfugie dans l’imaginaire (tendance à la mythomanie), souffre d’insatisfaction sexuelle et joue un jeu ambigu de séduction et de mise à distance. Dans la classification DSM III, la personnalité histrionique (comportement théâtral et excessif) est considérée comme un facteur prédisposant au trouble de conversion. Rappelons à ce propos l’étonnante fluctuation des symptômes : on a décrit les crises tétaniformes ou convulsives, des accidents somatiques durables survenant surtout au niveau des organes de relation (paralysies, contractures, mouvements anormaux, atteintes sensitives, algies rebelles, troubles visuels, surdité, dysphonie, spasmes, symptômes d’expression psychique - troubles de la mémoire, inhibition intellectuelle, troubles de la vigilance). Cependant, les crises hystériques sont sans causes organiques : c’est un langage corporel par lequel la personne exprime ses conflits inconscients. Certes, on a assisté à une relative disparition des grandes crises spectaculaires “à la Charcot” et à l’apparition de nouveaux aspects de l’hystérie. La séduction de l’hystérique (attirer le regard, susciter l’intérêt, entraîner un engouement affectif) doit s’opérer de manière plausible et s’appuyer sur des idéaux sociétaux de l’époque où elle s’exprime. Au XXIe siècle, l’hystérie semble épouser une nouvelle forme en adéquation avec le rapport de nos contemporains au corps, à sa forme, à sa fonction, à la santé en général. En bref, c’est la course pour garder la jeunesse de l’apparence et des fonctions, être toujours en forme. Toutefois, derrière l’inaltérable adaptabilité se glisse la fatigue chronique, l’insomnie, des pannes diverses... Une pathologie réelle Il reste que les manifestations hystériques ne sont pas toujours faciles à reconnaître sur l’allure particulière (inorganicité, mobilité) ou sur les circonstances de leur apparition. Ce qui ne devrait pas faire oublier aux soignants que l’inorganicité n’est pas synonyme d’absence de troubles. Et cette pathologie dont on ne veut plus dire le nom, mais dont les symptômes restent bien présents, est profonde et durable, voire invalidante. Les antidépresseurs et les anxiolytiques ne pouvant atténuer les troubles, le traitement repose essentiellement sur les psychothérapies. LC Infos ... Les hommes aussi... L’hystérie masculine existe. Elle se manifeste de manière différente. Car ici la volonté d’attirer l’attention et le besoin de reconnaissance entraînent d’autres manifestations : consommation d’alcool, exacerbation des attitudes "viriles"… L’homme sera souvent isolé. On retrouve régulièrement une hypocondrie. L’hystérie peut s’accompagner de divers problèmes sexuels, tel que troubles de l’érection et éjaculation prématurée. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004