hymne connaît immédiatement un grand succès et devient populaire sous le titre de La marche des Marseillais puis de L 'Hymne des
Marseillais et, un peu plus tard, (mais on ne sait pas précisément à quelle date) sous le titre officieux de La Marseillaise.
À partir de fin 1792/début 93 (l'an I et l'an II de la République), cet hymne est chanté sur les champs de bataille et lors des fêtes
patriotiques. Il fut chanté par les soldats de la République victorieux à Valmy (20 septembre 92) comme à Jemmapes (6 novembre
92), en Belgique. L'historien Michelet écrit qu' « au matin de Jemmapes, La Marseillaise tient lieu d'eau de vie ». À Paris, on chante
La Marseillaise dans tous les théâtres de la ville au moment de l'entracte. Elle est même interprétée à l'Opéra dans un spectacle
lyrique intitulé L'offrande de la Liberté dont la musique est du grand musicien François Joseph Gossec qui, à cette occasion ré
orchestre la musique de Rouget de Lisle. C'est la Convention qui, par décret du 4
frimaire an II (24 novembre 1793) institue, L'hymne des Marseillais comme
hymne national. À ce titre, il sera chanté lors de la fête de L'Être suprême, le 8
juin 1794 (le 20 prairial an II) au champ de Mars. La chute de Robespierre (lors
du coup d'État du 9 thermidor de l'an II) le fait tomber en disgrâce, mais on
redécouvre, le 26 messidor an III, « ces sons inattendus qu'on avait oubliés
depuis quelque temps » et l'on décrète qu'il sera exécuté chaque jour, par la garde
montante au Palais national. Rouget de Lisle reçoit alors un hommage officiel.
Mais L'hymne des Marseillais est alors un chant patriotique parmi d'autres.
Pendant la période du Directoire, le gouvernement arrête officiellement une
liste de chants patriotiques, en tout une vingtaine de morceaux dont trois sont
alors très populaires. Il s'agit de: Ah ça ira, Le Chant du Départ et Veillons au
salut de l'Empire. Progressivement cependant, en province comme à Paris, La
Marseillaise se diffuse. On la retrouve lors des victoires de la campagne d'Italie
et aux funérailles des généraux Hoche, en 1797 et Joubert, en 1799. Cependant, à
la fin de la période révolutionnaire, La Marseillaise est supplantée par deux
hymnes. Le plus célèbre est le Chant du départ, d'Etienne- Nicolas Méhul, pour
la musique et du grand poète André Chénier pour les paroles. Il sera joué pour la
première fois lors des cérémonies du 14 juillet 1794 et fut surnommé « La
seconde Marseillaise »,Après 1795, un autre chant patriotique, écrit en réaction
contre la Terreur, Le Réveil du Peuple, fit son apparition. Il était entonné par les
« réactionnaires » diront les républicains, en tout cas par ceux qui refusaient
l'idéal républicain pur et dur qu'avait incarné le régime de la Terreur instauré par
Robespierre.
Jugée trop « révolutionnaire », La Marseillaise fut interdite sous le Premier
Empire et sous la Restauration. Napoléon le, lui préféra Le Chant de départ et
Veillons au salut de l'Empire comme hymnes officiels mais L'hymne des
Marseillais est resté très populaire parmi les soldats de l'armée impériale. À
Waterloo, le 18 juin 1815, le dernier carré de la garde impériale la chanta dans un
ultime effort avant de succomber face à l'ennemi. Ce n'est qu'à l'avènement de
Louis-Philippe, roi des Français, en 1830, qu'elle eut à nouveau sa place dans les
cérémonies officielles. Hector Berlioz en fit alors une orchestration nouvelle pour
grand orchestre symphonique mais ce retour en grâce fut de courte durée. Les
relations entre Louis-Philippe et l'opposition républicaine se dégradèrent très
rapidement si bien que La Marseillaise, à nouveau chant des opposants et des
contestataires, fut à nouveau interdite. Nouveau retour de 1848 à 1851, durant la
II
e
République, puis nouvelle interdiction sous le Second Empire.
Après la défaite de Sedan et l'épisode de la Commune de Paris, s'instaure
progressivement un régime républicain mais il faudra attendre 1879 pour que les
Républicains deviennent majoritaires à l'Assemblée Nationale et que Jules Grévy
accède à la Présidence de la République à la suite du Général Mac-Mahon. Le 14 février de cette année-là une proposition de loi du
député Talandier est débattue à la Chambre visant à reconnaître La Marseillaise comme hymne national de la France. Les députés
royalistes sont choqués par cette proposition. Le ministre de la Guerre, le Général Gresley, fait alors observer que le décret du 14
juillet 1795 est toujours en vigueur, et qu'en conséquence une nouvelle loi serait inutile. Comme il s'engage à ce que ce décret reçoive
sa « pleine et entière exécution », les députés acceptent le retrait de cette proposition de loi.
Assez rapidement, la III
e
République institue un culte républicain qui puise ses sources dans l'histoire de la Révolution française.
C'est à ce titre, par exemple, qu'une loi du 6 juillet 1880 déclare le 14 juillet comme jour de la fête nationale. La Marseillaise
contribue à ce culte naissant. On la joue lors de tous les défilés militaires, particulièrement à l'occasion de cette nouvelle fête
nationale. En 1882, le 23 juillet et le 27 août, deux statues de Rouget de Lisle sont inaugurées, l'une à Choisy-le-Roi, où il est décédé,
l'autre à Lons-le-Saunier, ville qui l'a vu naître. Cette seconde statue est du grand sculpteur Bartholdi à qui l'on doit la statue de la
Liberté de New-York. Ces deux inaugurations donnent lieu à de grandes cérémonies républicaines. À Choisy le Roi, le Premier
ministre, Charles de Freycinet, prononce un vibrant discours patriotique où il qualifie La Marseillaise « d'hymne de la Patrie » en
ajoutant : « qu'elle est une force, un honneur et un enseignement... ». Elle est à nouveau à l'honneur en 1889, à l'occasion des fêtes du
centenaire de la Révolution et lors de l'exposition universelle de Paris en 1900. On écrit alors une version officielle unique afin que
toutes les musiques militaires puissent l'interpréter ensemble et on prescrit son apprentissage dans toutes les écoles de France.
À la veille de la guerre 1914-1918, elle symbolise l'unité nationale et l'espoir d'une revanche contre l'Allemagne après la perte de
l'Alsace et d'une partie de la Lorraine en 1870. Perçue comme militariste et nationaliste par certains mouvements anarchistes,
pacifistes et internationalistes, elle bénéficie cependant d'un large consensus dans la population. Elle est chantée dans les théâtres et
les cafés concerts pendant toute la guerre mais bien sûr aussi sur le front et lors des grandes commémorations patriotiques. Lors des
cérémonies du 14 juillet 1915 qui se déroulent pour la première fois aux Champs- Elysées, ce culte républicain prend une autre
forme : les cendres de Rouget de Lisle sont transférées aux Invalides pour bien marquer aux yeux de la population l'importance
Statue de Rouget de Lisle par Bartholdi à Lons-le-
Saulnier.