intégration dans la société irakienne, d’emblée eux-mêmes se définissent comme une communauté « connue pour la
paix et son ouverture au monde. »
Saddam : mémoire d’un Irak uni
La doctrine du régime baasiste, dans lequel s’inscrit Saddam Hussein, prend ses sources dans un mouvement
socialiste et laïque. Cependant, dès 1991, le régime met partiellement fin à cette sécularisation, et des textes de loi
sont adoptés allant dans le sens des règles prônées par les autorités islamiques. C’est ainsi, par exemple, que l’alcool
est prohibé et que seuls les chrétiens ont le droit de le fabriquer et de le vendre. Progressivement, ce paradigme
religieux est intégré dans le droit irakien, à l’instar de la proclamation d’une loi interdisant les prénoms chrétiens.
Or, si l’on écoute Youssef, Najat et Maureen, ils ne semblent pas porter de traces de cette période. Au contraire, le
régime de Saddam fait appel à un souvenir comparable à une tendre époque. Face à la réaction quelque peu
sceptique qu’ils déclenchent, ils tempèrent : « sous Saddam, il y avait des problèmes, mais pour tous les Irakiens. »
Et d’ajouter : « Saddam respectait les chrétiens et nous protégeait. Nous nous sentions en sécurité. ».
Quand on leur demande quels sont les changements notoires qui ont eu lieu depuis la chute du régime, ils y voient
« une régression ». Selon eux, la population s’est fissurée, morcelée. Selon Youssef, « avant, un Irakien était avant
tout Irakien, peu importait son appartenance religieuse. Maintenant, cette harmonie n’existe plus ». Ce changement
n’est pas survenu tout de suite. Quant il s’agit d’identifier les « coupables », tous sont unanimes : «cette influence
vient de l’extérieur ». Youssef envisage que « ce plan a été mis en place par de grands responsables étrangers qui
ont voulu lancer une guerre ».
Il leur est encore difficile de reconnaître que ce sont des Irakiens qui sont à l’origine des attentats dont ils ont été
victimes. Lors de l’explosion de la cathédrale syriaque-catholique de Bagdad, Youssef a perdu trois de ses cousins.
Cependant, il rappelle, à juste titre, que la violence à l’encontre des chrétiens est un phénomène régional : « Au
Moyen-Orient, nous ne sommes pas les seuls à souffrir. Les coptes d’Egypte souffrent aussi de violence et de
menaces. Mais en Irak, nous sommes des cibles plus faciles à atteindre, car le gouvernement en place n’a pas les
moyens d’exercer un contrôle et d’assurer notre protection. » (NDIR : l’entretien a été réalisé avant l’attaque du 31
décembre à Alexandrie)
Le choix difficile de l’exode
Avant leur fuite, Youssef et sa famille menaient une vie paisible. Le commerce d’outillages qu’il avait garantissait une
stabilité financière pour toute sa famille. Qu’est-ce qui l’a alors poussé à partir ? « Depuis 2005, je recevais des
menaces d’enlèvement. En juin 2007, mon père a été kidnappé par des terroristes qui nous ont demandés une
première rançon de 300’000 dollars américains. Nous avons négocié 60’000. Quand il est rentré, très malade, il
portait des traces d’actes de torture sur lui. Je n’aurais pas pu supporter que cela arrive à un autre membre de ma
famille.»
Maureen, elle, était étudiante dans une université à Bagdad depuis 2001. En 2009, elle a quitté la capitale, car elle a
été menacée. Un jour, en se rendant aux cours, des étrangers se sont approchés d’elle dans les couloirs et lui ont
dit : « prend soin de toi ». Elle a alors décidé de poursuivre ses études dans une autre région. Mais au mois de mars
2010, son beau-frère a été kidnappé et tué. « Cela aurait pu être mon mari, alors nous avons décidé de partir »,
confie-elle.
Les soupirs… les longs silences … puis inévitablement les nombreuses perles qui roulent sur les joues en disent long
sur le poids que représente la décision de tout quitter, et de s’en aller. Devenir, du jour en lendemain, réfugié cela
représente avant tout des sacrifices: abandonner une partie des siens, les terres dont on a hérité et souvent, en tant