Dans le cadre des conférences des Midis de la foresterie organisées par la Chaire CRSNGUQAT-UQAM en aménagement forestier durable, M. Steven Kembel, professeur à l’Université du Québec à Montréal et chercheur régulier au Centre d’étude de la forêt (CEF), a présenté une conférence le 26 mars intitulée꞉ Lien entre la diversité microbienne de la phyllosphère et les traits et fonctions des plantes. À l’entrée du jeu, mentionnons qu’une des raisons que l’on connaît si peu sur le monde microbien est qu’il en existe un nombre astronomique sur terre (1030 cellules bactériennes et archaea (Whitman et al. 1998)). Le phyllosphère, soit la partie aérienne – et particulièrement les feuilles - des plantes, est un vaste habitat colonisé par des communautés complexes de micro-organismes où les bactéries sont majoritairement à côté des archées. Bien qu’ils soient invisibles à l’œil nu, les microorganismes font partie de notre quotidien de par leur ubiquité et leur richesse. Cependant, il existe peu de connaissances sur la diversité et même des fonctions des microbes de la phyllosphère par rapport aux connaissances de la rhizosphère. Ce manque de connaissances résulte du faite de la taille microscopique des microbes, de la difficulté de leur classification sur des critères morphologiques et éco-physiologiques et en conséquence la complexité de la notion espèce chez les micro-organismes. Ces dernières années l’intérêt pour la microbiologie de la surface des feuilles a augmenté de façon considérable. Les microbes étant très diversifiés et majoritairement non cultivables, l’étude de leur diversité et des facteurs responsables de l’assemblage des communautés nécessite des outils adaptés. Ces derniers incluent des méthodes moléculaires dont l’utilisation du séquençage d’ADN de haut débit couplé avec des méthodes bio-informatiques. Note importante à cet effet, les récents avancements technologiques se sont traduits par une chute importante des coûts de séquençage depuis 2008. De ce fait des millions de séquences peuvent être obtenues à partir d’un échantillon environnemental à une fraction des coûts d’il y a 10 ans. Les communautés de microbes se composent de bactéries, de champignons et d’eucaryotes microscopiques. À travers le type d’interaction que les membres de ces communautés entretiennent avec les autres organismes, notamment leurs hôtes (parasitisme, mutualismes et symbiose), aussi les microbes jouent-ils un rôle important pour la santé des plantes et les fonctions des écosystèmes. En effet, les microbes peuvent influencer la croissance de leurs hôtes via l’échange de ressources tel que l’azote atmosphérique fixé par les bactéries (les dizotrophes). Mais, ces bactéries produisent aussi des hormones et des vitamines pour leurs hôtes. Le professeur Kembel a eu l’occasion d’entreprendre des études sur les communautés microbiennes associées au phyllosphère de plusieurs espèces végétales sur l’île de Colorado Barro, une ancienne montagne avec une riche diversité faunique et floristique qui a été créée lors de la construction du canal de Panama il y a cent ans. Grâce à l’établissement d’un grand site de recherche et de suivi établi par l’Institut Smithsonian (dont une forêt de 50 hectares dans laquelle tous les arbres sont cartographiés et suivis depuis une trentaine d’années), il existe une vaste disponibilité de données sur la dynamique, la composition et le fonctionnement de cet écosystème tropical ainsi que Map ( c) STRI sur les caractéristiques des plantes (écophysiologie, chimie des feuilles, la démographie, la croissance et la phylogénie moléculaire) de la forêt de l’île. Cette île a reçu une attention considérable sur les activités de recherche de la compréhension de la diversité, l’assemblage des communautés microbiennes et l’écologie évolutive des plantes et des bactéries dans les forêts tropicales. Ces études ont été basées, d’abord sur l’extraction des bactéries des feuilles d’une cinquantaine d’espèces d’arbres (160 individus) situées à l’intérieur de la grande parcelle de 50 ha, suivie de l’extraction de l’ADN des bactéries et le séquençage des gènes bactériens (en forme de ‘code à barres’). Enfin, les communautés bactériennes ont été analysées sur la base de la similarité des séquences permettant l’identification des ‘operational taxonomic units’ (OTUs) sur la base de la similarité des séquences de 97%. Par conséquent cette démarche méthodologique permet de lier les données des communautés microbiennes avec les données des plantes et de l’écosystème. Surface d’une feuille tropicale. Image from Les résultats de cette étude montrent que les Furnkranz et al. 2011 feuilles de la forêt tropicale abritent des communautés microbiennes riches et diverses (>500 OTUs par feuille et > 7000 OTUs sur les feuilles des 53 espèces dont 50 OTUs communes à tous les échantillons)! Toutefois les taxons les plus retrouvés sont les methylotrophes (utilisent le méthanol produit par les plantes) et les diazotrophes (fixent l’azote atmosphérique). Par ailleurs, la dispersion (la distance spatiale entre les arbres) ou le filtrage (traits fonctionnels de l’hôte, traits éco-physiologiques des feuilles) semblent influencer l’assemblage des communautés microbiennes sur les feuilles. En conclusion, de nombreuses voies de recherche restent à explorer afin de mieux comprendre et d’enrichir les connaissances sur la microbiologie de la phyllosphère. Il s’agit en l’occurrence de répondre à des questions telles que : "Quel est le rôle des autres microbes (champignons, endophytes)", "Comment peut-on lier la biodiversité microbienne de la phyllosphère et la variation biogéographique" ou encore "Comment les interactions hôte-microbe varient-elles le long des gradients biogéographiques (climat, type de forêt)? " Résumé de la présentation : Sara Foudil-Bey, étudiante, M.Sc. biologie, UQAT Rediffusion : Votre horaire ne vous permet pas d'assister à une conférence des Midis de la foresterie! Soyez sans crainte les conférences sont maintenant enregistrées. Celles-ci seront disponibles, sur approbation de l'auteur, deux semaines suivant la conférence.