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La Asociación Europea de Historia del Psicoanálisis
(AEHP) Actividades 2012.
www.historia-psicoanalisis.es
Conferencia de la Dra. Katryn Driffield.
Los trastornos de conducta alimentaria un nuevo flagelo para la salud y un
nuevo desafío para el psicoanálisis.
Les troubles des conduites alimentaires une lecture historique et
une mise en perspective thérapeutique
Katryn Driffield
Introduction
Je remercie Roberto Goldstein de m’avoir confié la tâche de retracer avec vous
l’histoire des tentatives de théorisation des troubles alimentaires aujourd’hui
réunis de manière, d’ailleurs, discutable sous le sigle TCA.
Pourquoi s’y intéresser spécifiquement?
Dans le travail clinique, nous observons une amplification des troubles du
comportement en général et des troubles des conduites alimentaires en
particulier : aussi 4% (taux en augmentation constante) des adolescentes et
jeunes adultes entre 12 et 20 ans sont touchés par les problématiques
anorexiques, chiffres qui correspondent également au spectre boulimique avec
des phénomènes plus récents comme le « binge eating » ou les syndromes de
boulimie nocturne.
L’obésité avérée chez l’adulte suit le même mouvement ascendant : de 8,2 % en
1997 à 11,3 % en 2003 puis 14,5% en 2009 (dont 1,1% d’obésité massive), et
quels que soient l’âge et le sexe. La prévalence du surpoids est légèrement plus
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importante chez l’homme (11,4%) que chez la femme (11,3%). Toutefois, on
note une prévalence de l’obésité sévère et massive supérieure chez la femme
(2,3%) que chez l’homme (1 ,6%).
Ces troubles prennent, comme le voyez, une dimension de plus en plus
importante, inquiétante au regard de l’absence d’idées suffisamment claires
quant à leur compréhension et traitement. D’où le succès des classifications type
DSM 5 qui donne écho à des observations de phénomènes sans apporter
d’avantage d’idées explicatives et ne permettant en toute logique que des
réponses comportementales dans le registre du traitement (TCC, régimes…).
Cette tendance à l’uniformisation des traitements proposés aboutit à des
injonctions aussi paradoxales qu’inefficaces. P. ex. l’incitation à manger 5 fruits
et légumes engendre un processus encore plus pernicieux la restriction cognitive
qui enkyste les troubles et conduit dès lors le patient dans l’impasse des régimes
et son yoyo pondéral bien connu. Cette très grande pauvreté théorique, en nette
opposition avec la complexité du problème, n’est pas étrangère à un mouvement
plus général de la société qui nous inonde de messages dans un registre de non-
penser. C’est précisément le contraire que je vous propose ce soir.
Membres d’une société d’histoire de la psychanalyse, je vais donc essayer de
tracer les idées forces concernant les troubles alimentaires dans une perspective
historique.
Rappel historique des conceptions pathogéniques des troubles des
conduites alimentaires.
I- Anorexie
L’étude des troubles des conduites alimentaires a commencé dès le 16ème siècle
avec l’observation et description de l’anorexie par Simone Porta O Portio et a
continué jusqu’au 19ème siècle. Ainsi ont émergé les notions successives de
‘Maladie nerveuse avec dégoût des aliments’ de Nadaud (1789), d’‘Anorexia
Nervosa’ de Gull (1868) ; d’‘Inanition hystérique’ de Lasègue (1873),
d’‘Anorexie mentale’ et ‘Sitiophobie’ de Huchard (1883); d’‘Anorexia
cerebralis’ de Soltman (1894), « d’’Anorexie cachectique » de Régis (1895), de
la « Parthéno-anorexie » de Babinski (1895).
Progressivement, les cliniciens Charcot (1885), Déjerine (1885), Freud (1893)
ou Janet (1908) essaient de comprendre le fonctionnement mental à l’intérieur
de leur cadre nosographique respectif. L’anorexie est tantôt rapprochée de
l’hystérie (Charcot et Freud), tantôt de la névropathie (Janet), ou encore de la
mélancolie (Glee, 1907), quand elle n’est pas appréhendée comme une entité
clinique à part « L’anorexie mentale » (Déjerine).
Au XXè siècle les progrès de la médecine et des observations psychologiques
ouvrent des nouvelles pistes. Ainsi, la notion de Soltmann, l’Anorexia
cerebralis, postulant une atteinte neurologique a été suivie par les hypothèses de
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déficiences endocriniennes de Simmonds dès 1914 jusqu’aux travaux plus
récents de Lhermitte et de d’Ajuriaguerra qui approfondissent l’idée d’une
pathologie à base endocrinienne. Côté théorisation psychologique les idées de
Déjerine, Freud ou Janet ont trouvé une suite dans les travaux de Hesnard
(1939), Fenichel (1941) de Eissler (1943), de Lorand (1943). Courchet dès 1947
prend une position résolument psychanalytique quant à la vision
étiopathogénique et au traitement de l’anorexie.
Cependant les échecs thérapeutiques de ces deux tendances, organiques et
psychologiques, avec les débuts de l’isolement thérapeutique et des appoints
médicamenteux sédatifs initiés par Charcot en 1885, ont rendu nécessaires des
tentatives de synthèse. D’où, les approches psychosomatiques où la maladie
affecterait en même temps le psychisme et le corps, comme en témoignent les
travaux de Delay en 1949, de Laplane et Laplane, de Heuyer et Lebovici tous en
1951.
De ce tracé historique se dégagent cinq lignes de force :
1. L’anorexie mentale est classée parmi les affections psychiatriques,
identifiée soit comme une entité nosographique distincte, soit comme
symptôme particulier d’une pathologie : l’hystérie, la phobie ou la
mélancolie.
2. L’anorexie est considérée comme une maladie neurologique cérébrale.
3. Elle est appréhendée comme une affection endocrinologique.
4. Elle est considérée comme une affection psychosomatique, faisant la
synthèse des hypothèses et options précédentes.
5. Le problème de l’anorexie commence à donner lieu à des tentatives de
théorisation autour de la notion du fonctionnement mental. Les
préoccupations nosographiques laissent la place à la compréhension des
mécanismes psychiques agissant au sein des états anorectique et/ou des
comportements alimentaires.
A ce point il nous paraît important de mentionner les travaux de Freud malgré
un aspect très partiel d’envisager les troubles alimentaires, dans la mesure il
considérait l’anorexie comme symptôme hystérique, vision que l’on retrouve
périodiquement jusqu’aux travaux récentes dont celle de Valabrega en1967.
Dès 1905, Freud a lié l’hystérie à l’anorexie, comme conséquence de la névrose
infantile. Il étudie la sexualisation des conduites alimentaires par fixation à
l’érotisme oral établissant une relation entre la sensibilité érogène bucco labiale,
les troubles de la succion qui en dépendent et le refoulement de l’appétit. Il
décrit le dégoût alimentaire en tant que force destinée à faire obstacle aux
pulsions sexuelles.
K. Abraham approfondit les idées du maître et à partir de la description du stade
oral cannibalique, propose que l’activité sexuelle est fusionnée avec l’ingestion
alimentaire et sa part fantasmatique ; toutes les deux ont le même but à savoir
l’incorporation de l’objet. Son développement de la notion de maîtrise anale
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ajoute un éclairage supplémentaire à la compréhension du comportement
anorexique. En 1913 il remarque qu’ « un refus de nourriture n’est pas
forcément une répression du besoin de manger mais qu’un aliment spécifique
peut-être rejeté obstinément parce que ce n’est pas celui qui est désiré ».
Mélanie Klein en 1934 ouvre une perspective nouvelle par le rôle majeur qu’elle
attribue aux fantasmes archaïques, particulièrement présents dans la clinique des
troubles alimentaires. Pour elle : « l’angoisse paranoïde pousse le sujet
malgré la violence de ses attaques sadiques orales à se méfier profondément
des objets au moment même où il les incorpore… ».
De manière concomitante, des auteurs étudient l’anorexie comme un aspect
d’une perturbation de la relation d’objet avec fixation orale (Eissler, 1943), alors
que de son côté, Lebovici (1948) met en évidence le rôle de la mère dans le
développement de cette pathologie.
L’ouverture vers l’archaïque permet soulignons-le au passage- d’envisager ldes
mouvements transférentielles au-delà du strict cadre de la névrose de transfert,
tel qu’il fut décrit par Freud.
Dans l’effort particulier fait depuis par les psychanalystes pour décrire des
particularités du transfert et contre-transfert dans les dits T.C.A., Jean et
Evelyne Kestemberg (1972) les premiers avec force, ont écrit :
« L’ambivalence orale agit également dans la cure au niveau du transfert et du
contre-transfert. En effet, ces malades évitent aussi bien un transfert négatif
qu’un transfert positif. Elles nient la maladie et tentent d’induire le thérapeute à
la nier également, à se laisser manipuler vers une attitude de meilleure mère
gratifiante, qu’elles ne supportent d’ailleurs pas et transforment en provocation
à la sévérité répressive. Les problèmes de l’ambivalence orale recoupe alors, à
ce niveau, les conflits caractéristiques de l’analité ».
H. Bruch, dans une tentative de synthèse originale, fait de l’anorexie une entité
nosologique spécifique apparentée à la schizophrénie, soulignant le recours à
des mécanismes de défense tels le clivage, ou encore une perturbation
gravissime de l’image du corps. Bruch décrit en effet une triade des symptômes
de l’anorexie nerveuse sous la forme suivante :
- trouble de l’image du corps
- trouble de la perception intéroceptive
- trouble de la puissance
Ce qui nous paraît particulièrement intéressant est que cette tentative de
synthèse amène dès lors les psychanalystes ou auteurs issus de la pensée
psychanalytique (M. Selvini) à sortir l’anorexie mentale du cadre des névroses ;
la qualifiant de psychose mono-symptomatique (Selvini) ou de psychose froide
(Kestemberg), s’appuyant sur certaines de ces caractéristiques, à savoir :
- le type de mécanisme de défense (clivage),
- les perturbations graves de l’image du corps à la limite de la croyance
délirante
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- le type de relation transférentielle : de l’idéalisation au transfert
manipulatoire, sous forme négative des mouvements de contre-transfert
violents ou répressifs.
Pour autant que ces derniers auteurs aient ouvert une voie fort intéressante, il
semble difficile, à la lumière de la clinique actuelle, de les suivre totalement
dans leurs conclusions nosographiques.
Des avancées théoriques plus récentes permettent une autre lecture de
l’anorexie. Citons ainsi Racamier sur les degrés du déni (1992), Bayle () quant à
la notion de clivage fonctionnel ou encore Guillemin () sur ‘le complice du déni,
qui ont permis de libérer le mécanisme du clivage d’une association quasi
automatique avec le registre de la psychose, constat valable pour ce qui est de
l’anorexie.
II- Boulimie et Obésité
Les plus anciennes références anglaises relatives à la boulimie sont issues du
« Physical Dictionary » de Blankaart (1708) et du « Dictionnaire Médical » de
Quincy (1726) qui tous deux évoquent, pour définir la boulimie, un appétit
excessif, voire extraordinaire dans un rapport alors vu comme un désordre
purement gastrique.
Le terme « boulimie » est à nouveau rediscuté en 1743, dans le « Dictionnaire
Médical » de James qui établit une première description très détaillée des
symptômes et propose des diagnostics différentiels, des hypothèses étiologiques
ainsi que des principes thérapeutiques. Il en emprunte l’étiologie au médecin
grec Galien qui décrivait « une grande faim caractérisée par des prises
d’aliments à intervalles très courts », qu’il rapporte lui aussi à une pathologie
digestive. James ajoute cependant que la vraie boulimie, dite « boulimus »,
s’accompagne d’une intense préoccupation de nourriture.
En 1807, le « Dictionnaire d’Edinburgh » définit la boulimie comme une
affection chronique caractérisée par des évanouissements et/ou des
vomissements consécutives à l’absorption d’une énorme quantité d’aliments.
Le « New Dictionary of Medical Science » donne déjà la définition de « faim de
bœuf » au terme « boulimie », soulignant un appétit féroce qui se voit tantôt
dans l’hystérie, ou en cours de grossesse…
Plus aucune recherche sur la boulimie n’apparait ensuite dans la littérature
psychiatrique anglo-saxonne entre 1844 et 1944, alors que l’Europe continentale
semble prendre le relais. On trouve ainsi une nouvelle description de la boulimie
par P.F Blachez, en 1869, qui précise que la faim persiste même après des repas
qui distendent l’estomac, au point que l’alimentation ne peut se poursuivre.
L’auteur compare les boulimiques à des « reptiles gorgés d’un énorme repas
gobé entier ». Il décrit aussi l’état de torpeur suivant l’accès boulimique et
précise que la nourriture s’impose alors comme une préoccupation primaire et
obsessionnelle. Faisant de la boulimie un symptôme particulier, il s’est aussi
attaché à montrer l’existence d’une cause fonctionnelle, à savoir selon lui une
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