Les troubles du comportement alimentaire Mieux les connaître pour mieux les combattre L’anorexie, la boulimie, l’hyperphagie ou le grignotage sont en constante évolution dans notre société, et peuvent débuter dès l’enfance. La connaissance de leurs caractéristiques et leur prévention sont en enjeu de santé publique auquel nous devons tous participer. L’homo sapiens moderne vit un bien étrange paradoxe : confronté à une alimentation facilement accessible, de plus en plus industrialisée, qu’il avale bien souvent sur leur pouce et de façon solitaire, il doit « garder la ligne ». La minceur serait de nos jours le gage de notre dynamisme et de notre capacité de séduction. S’enchaînent alors les régimes, parfois trop sévères et déséquilibrés, qui peuvent entraîner des fluctuations en yo-yo de pertes et de reprises de poids. Chez les personnes particulièrement vulnérables et soucieuses de leur apparence physique, parmi lesquelles les jeunes filles et adolescentes, ces préoccupations pondérales peuvent entrer en résonance avec des difficultés psychiques, et donner naissance à une véritable obsession autour de la prise de poids. C’est le cas en particulier de l’anorexie mentale et de la boulimie, qui sont des troubles sévères. Qu’est-ce qu’un trouble du comportement alimentaire ? Il s’agit d’un comportement alimentaire différent de celui normalement attendu dans une culture donnée qui entraîne des troubles aux conséquences psychiques et physiques. L’anorexie, par exemple, se caractérise par des préoccupations alimentaires et pondérales qui conduisent à ne plus s’alimenter, ou à le faire de façon très sélective et restrictive, en utilisant parfois des laxatifs ou des diurétiques pour accélérer la perte de poids. Le recours aux vomissements ou à l’exercice physique est aussi très fréquent. L’amaigrissement et ces stratégies de contrôle de poids ont en particulier des conséquences gastro-intestinales, cardiovasculaires et endocriniennes qui peuvent conduire au décès de la personne. Quelques chiffres 25 % de la population française est en surpoids 8 à 9 % de la population française est obèse. Le risque de voir se développer une anorexie était de 0,2% en 1970, il est de 1% aujourd’hui . Celui de voir se développer une boulimie était de 2% en 1970, il est estimé actuellement entre 3% et 12 % . Comment calculer votre indice de masse corporelle ? L’indice de masse corporelle ou indice de Quetelet est utilisé pour évaluer le statut pondéral d’une personne en tenant compte de sa taille. IMC= (votre poids en kilos) (votre taille en mètre)2 Un IMC situe entre 19 et 24 est normal Un IMC en-dessous de 19 caractérise la maigreur Un IMC au-dessus de 30 caractérise l’obésité Quelques définitions Anorexie : peur intense de grossir se caractérisant par une restriction alimentaire volontaire, un amaigrissement et, la plupart du temps, une perte des règles chez la femme. Boulimie : survenue de crises irrépressibles au cours desquelles les personnes mangent gloutonnement. Certains cas peuvent conduire à l’obésité. Grignotage : petites prises alimentaires répétées et de courte durée, qui peuvent prendre une place excessive dans le monde d’alimentation. Hyperphagie : consommation quasi permanente de grandes quantités de nourriture. Comment expliquer cette situation ? Des raisons socio-culturelles L’alimentation a toujours été régie par des règles sociales. Les bonnes manières à table et la cuisine sont culturellement définies et apprises, de même que les interdits alimentaires. Par exemple, la consommation de cuisses de grenouilles, courante chez nous, horrifie les Britanniques, qui nous surnomment les Froggies ( les grenouilles) . L’alimentation répond également à des règles religieuses qui imposent le jeûne, la purification, et posent aussi des interdits alimentaires. L’Ancien Testament, par exemple, interdit la consommation de viande de ruminants aux sabots fendus. Aujourd’hui, nos pratiques alimentaires révèlent davantage d’une gestion de vie personnelle, où chacun doit pouvoir décider seul sa consommation, et la maîtriser. L’alimentation n’est donc plus prise en charge par la collectivité. Elle relève de la responsabilité individuelle. Des exigences sociales paradoxales D’un côté, l’industrie agro-alimentaire, le marketing et la publicité nous incitent à consommer toujours plus. De l’autre, les magazines de mode, les mannequins, les stars de cinéma ou les grands sportifs véhiculent le culte de la performance, de la minceur et du contrôle absolu du corps. Des vulnérabilités personnelles Ces idéaux peuvent être investis de façon excessive par des personnes fragiles qui vont organiser leur vie autour du contrôle de leur poids : leur volonté inflexibilité de maîtriser leur corps entraîne fréquemment un dérèglement du comportement alimentaire (jeûnes, répétés, sélection d’aliments peu caloriques, prise solitaire des repas…). Ceci peut entraîner une perturbation des mécanismes de faim et de satiété, et entraîner des perturbations biologiques et psychologiques qui se traduiront par un enlisement dans le trouble alimentaire. Au final, la recherche d’une plus grande maîtrise de soi, par la focalisation sur l’alimentation, aura paradoxalement conduit à une perte totale de contrôle de soi. Quelles en sont les conséquences psychiques ? Il est très fréquent de rencontrer chez ces personnes un syndrome anxio-dépressif, une perte de confiance en soi, un isolement social, des idées obsessionnelles… Le rôle du psychologue dans la prévention et le traitement Les troubles du comportement alimentaire exigent une prise en charge médicale, diététique, psychologie voir psychiatrique. Dans certains cas, notamment en cas de dénutrition sévère, une hospitalisation sera nécessaire. L’aide d’un psychologue s’avère généralement très efficace. Elle permet : D’aider la personne à identifier et comprendre ses difficultés, le trouble alimentaire ne faisant la plupart du temps que masquer une problématique plus profonde : une dépression, une grande solitude, des difficultés d’autonomie, des problèmes affectifs, relationnels, familiaux… D’améliorer l’estime de soi par un travail sur une image de soi et de son corps plus réelle, éloignée des idéaux de perfection véhiculés par la société. D’apprendre à la personne à se relaxer et à faire face au stress de la vie quotidienne par des stratégies d’adaptation. De soutenir la personne lorsqu’elle suit, par exemple dans le cas d’une obésité, un régime long et difficile, et qu’elle doit s’approprier un nouveau corps. De modifier des croyances erronées (exemple : si je saute un repas, je vais maigrir plus vite) . De donner de nouvelles habitudes alimentaires plus adaptés et exemptes d’anxiété (prendre trois repas équilibrés par jour, manger en société sans stress particulier …). Consulter et être rassuré Un trouble du comportement alimentaire signale généralement une détresse chez la personne qu’il faut prendre en charge le plus tôt possible, sous peine d’aggravation. En ce sens, il est recommandé de consulter un médecin ou un psychologue spécialisé, dont les techniques de thérapie et de relaxation ont une réelle efficacité. La consultation d’un spécialiste peut être également l’occasion de rassurer certains gourmands dont le grignotage occasionnel est un comportement alimentaire absolument normal.