Morale, Déontologie, Ethique et F.O.A.D Où est la technologie? Elle est présente dans tous les domaines et nous entoure de toute part dans notre vie quotidienne. Que fait la technologie? Elle réalise des prouesses. Elle guérit, elle construit, elle communique, elle informe, elle assiste, elle distrait et elle peut même remplacer. Un mythe moderne indique que l'on n'arrête pas le progrès or les technologies de l'information et de la communication font partie du développement moderne. Il semble donc qu'on ne puisse pas y échapper et qu'il vaille mieux consentir des efforts d'intégration dans les milieux éducatifs et apprendre à les accepter comme nous l’avons fait avec les autres technologies qui façonnent notre quotidien. C’est un truisme de le dire, l'individu n’a cessé d’apprendre tout au long de sa vie : d’abord à l’école, puis à l’université, et ensuite lorsqu’il travaille, lit, assiste à un colloque, lors d'échanges avec ses collègues ou ses amis, lorsqu'il élève ses enfants, regarde la télévision ou bien gère son compte bancaire ou son patrimoine immobilier. C'est ainsi que l'homme s'est formé depuis des millénaires, en utilisant les technologies disponibles de son époque, des dessins de Lascaut aux papyrus Egyptiens, de l'imprimerie de Gutenberg à la "lanterne magique" des jésuites du XVIIIe siècle et aujourd’hui de la FOAD à la navette spatiale. Grâce aux NTIC, l'accès aux savoirs tout au long de sa vie devient possible pour des millions de personnes, et demain sans doute pour des milliards. Les évolutions technologiques à venir le permettront: et Internet sera accessible au plus grand nombre avec des terminaux plus puissants, plus ergonomiques et d’utilisations plus simples. Si cette progression ne fait pas de doute, le monde de l'éducation et de la formation doit subir une évolution intrinsèque des mentalités de la part de tous les acteurs concernés qui le compose, afin de ne pas remettre en cause les avancées acquises, et de pouvoir suivre le rythme accéléré des progrès technologiques de la société tout entière. En effet, certains pensent que l’enseignement ouvert et à distance n’est pas au niveau de l’enseignement présentiel et que la qualité de la formation dispensée y est très inférieure, voire médiocre. De là à dire que la qualité du diplôme obtenu en fin de parcours n’a pas la même valeur, il n’y a qu’un pas, que beaucoup s’empressent de franchir. D’ailleurs ils rajoutent qu’un tel diplôme obtenu à distance devrait, pour des raisons de morale et d’éthique ( ?), le préciser expressément afin qu’il n’y ait aucun doute sur sa [moindre] valeur. Je vois ici sursauter tous les Net Trainers, qui, après avoir sué sous le burnous pendant une année, derrière l’ordinateur, souvent tard le soir, ont pu découvrir, comprendre et valider le haut niveau d’implication, de travail, de motivation, de ténacité et d’abnégation, qu’il faut avoir développé pour suivre avec succès une formation ouverte et à distance. Ainsi, non content de suivre une formation dont la valeur intrinsèque serait sujette à caution, de plus, nous faillirions à la morale et à l’éthique en n’indiquant pas le mode d’apprentissage utilisé ? Est-il indiqué sur le parchemin du Baccalauréat que tel élève a obtenu son diplôme comme candidat libre, en total auto-apprentissage, lui conférant ainsi une moindre valeur et une non-reconnaissance aux efforts consentis ? ou que tel autre a obtenu sa Licence entièrement à distance avec les cours dispensés par le CNED ? Assurément NON ! C’est l’égalité pour tous les candidats, quel que soit le mode d’apprentissage suivi, dès lors que le résultat enregistre la sanction finale par la réussite à l’examen. Lorsque l’on fait sa vaisselle ou sa lessive, hiérarchise-t-on la qualité du résultat obtenu en demandant si la propreté a été obtenue à la main ou en machine ? à 60° ou 90° ?Assurément NON ! C’est l’hygiène et la propreté des éléments lavés obtenus qui comptent et non pas le mode de lavage. Tout un courant de la psychologie sociale, avec les travaux de Moscovici, Doise, Mugny, a montré l’importance de la confrontation entre points de vue cognitifs différents, dans les changements d’attitudes et les processus d’apprentissage ; à n’en pas douter, la FOAD produit inévitablement des conflits entre les idées, opinions, conclusions, théories et informations de tous les acteurs concernés par la formation et l’apprentissage, quitte parfois à frôler le ridicule. Lorsque de telles controverses se déclenchent, elles peuvent être traitées de façon constructive ou destructive, selon la posture de celui qui l’exprime. Cette posture est [souvent] le reflet d’un conflit d’intérêts [catégoriel, philosophique et (ou) financier] antagonistes, qui loin d’éclairer le débat le rend parfois plus obscur. Espérons que la logique et le bon sens l’emporteront auprès des détracteurs car enfin, pour tous ceux qui ont eu le privilège de suivre une formation ouverte et à distance, il est certain que ce mode d’apprentissage requiert une somme de qualités individuelles et collectives qui ne sont [peut-être] pas aussi nécessaires en formation présentielle. Si une discrimination devait avoir lieu, ce qui serait grotesque, elle s’exprimerait plutôt dans le sens d’une plus grande valeur pour rendre hommage à la masse des efforts consentis par les apprenants à distance. Il s’agit d’aborder maintenant un domaine dans lequel se profilent des termes aussi voisins que : morale, éthique, valeur et déontologie. Morale vient du mot latin ‘’mores’’, qui signifie le "caractère". Kant (1724-1804) considère la morale comme le fruit d’un être libre qui raisonne. Elle ne découle pas d’une loi externe qui serait imposée à l’individu et elle possède un caractère universel : « Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle. » Ricœur (1990) insiste sur la sagesse pratique qui est requise face à des situations concrètes où la conviction prime sur la règle morale de base. La morale est un ensemble de règles de conduite, de relations sociales qu'une société se donne et qui varient selon la culture, les croyances, les conditions de vie et les besoins de la société. En son sens philosophique, la morale est la théorie normative des actions humaines. Elle porte principalement sur la finalité de l'action et cherche à résoudre les questions qui peuvent se poser dans la délibération et la prise de décision : • Que dois-je faire ? • Qu'aurais-je dû faire ? • Y a-t-il des limites à mes actions ? En quoi l’obtention d’un diplôme obtenu dans le cadre de l’enseignement à distance serait-il concerné par [l’absence] la morale ? Le mot éthique est aujourd’hui devenu à la mode. Il essaie de redonner du sens à la morale qui nous fait tant défaut. Il remplace avantageusement la morale tombée en désuétude. Que ce soit en politique, en économie, ou dans un domaine comme l’enseignement, de plus en plus de personnes se préoccupent « d’éthique ». Si l’on prend l’étymologie, “ éthique ” vient du mot grec ‘’ethos’’, qui signifie les mœurs, les manières d’agir. L'éthique est : « la théorie de l'action que l'homme doit mener pour bien conduire sa vie et parvenir au bonheur ». Pour Socrate (469-399 av J.-C.), l’éthique était l’instrument politique qui permettait à un gouvernement de conduire les citoyens à accéder à une vie heureuse. Si la morale commande à notre conscience et la déontologie indique le sens de l’action, l’éthique nous recommande d’agir d’une manière ou d’une autre, en fonction du cadre d’action auquel nous nous référons. L’éthique est le mouvement qui réfléchit sur la genèse des valeurs. Elle est du côté de l’institution de la valeur (§ Lecointe 2002). C’est l’étude et l’interprétation de la morale d’un individu par un individu. C’est dans l’éthique que l’on cherche les fondements de la morale (§ Ricœur) lorsque celle-ci fait défaut ou qu’elle conduit à des impasses. L’éthique va au-delà de la déontologie (§ Lecointe). C’est ce concept de responsabilité qui reste à explorer. Pour Socrate, être responsable, c’est assumer son pouvoir avec courage, sans lâcheté, ni témérité. C’est accepter de répondre de ses actes et d’en subir les conséquences ici et ailleurs, aujourd’hui et demain. Rien, ni personne, ne peut amoindrir les conséquences de ce que nous faisons ou ne faisons pas, car être responsable, c’est répondre de ses actes comme de ses non-actes. En quoi l’obtention d’un diplôme en FOAD serait-il contraire à l’éthique [enseignante] ? La responsabilité de l’apprenant est totale. Il est responsable de son apprentissage, et il doit faire preuve de courage et de volonté pour parvenir aux termes de ses apprentissages. Attribuer de la valeur à quelqu'un, quelque objet, ou quelque idée, c'est lui accorder de l'estime et de l'intérêt. C'est un attribut positif avec des éléments constituants qui sont subjectifs et objectifs. La variante la plus connue est la théorie de la valeur-travail selon laquelle la valeur d'un bien est formée par le travail qu'il a fallu dépenser pour produire ce bien. Cette thèse a été défendue par les classiques anglais, Adam Smith (1723-1790), David Ricardo (1772-1823) et est le fondement du marxisme. La Theorie Ricardienne constitue selon Marx l'essence de la pensée économique Classique, décrit la valeur d’un bien comme la somme de « toutes les formes de travail, direct et indirect, qui ont contribué à sa fabrication ». A n’en pas douter, la FOAD représente une forte valeur ajoutée pour la somme de travail, direct et indirect qu’elle représente pour l’apprenant. Déontologie vient des mots grecs ‘’deon’’, le devoir et le verbe et ‘’logos’’, le discours. La déontologie se définit comme, « l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l’exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le public » (Petit Larousse Illustré, 2000). La déontologie n’existe que dans l’exercice d’une profession, de manière trans-institutionnelle, alors que la morale se fonde sur un principe a priori. Ainsi, la déontologie renvoie à un ensemble de règles édictées par, et pour, les professionnels d’un domaine. D’abords confrontés à une question pratique, de façon urgente ou récurrente, les praticiens experts y apportent des réponses, puis rédigent ces réponses de façon systématique pour qu’elles soient transmises comme des règles ou codes d’usage. Les formations dispensées en FOAD le sont par des professionnels qui ont compris que l’enseignement devait s’adapter aux nouveaux styles de vie des individus. Ces praticiens experts ont trouvés des réponses correspondantes aux nouveaux besoins sociétaux pour répondre aux besoins économiques fluctuants. Où, et en quoi notre déontologie serait-elle prise en défaut avec l’obtention d’un diplôme obtenu en FOAD ? En fait, les détracteurs font usage d’une terminologie inappropriée au contexte. Ce n’est pas dans le mode d’obtention, à distance ou en présence d’un diplôme qu’il doit y avoir de la morale, de l’éthique et de la déontologie, mais dans le mode d’apprentissage. L’usager des TIC, dans le domaine de l’éducation et de la formation, n’ignore pas les questions sensibles que pose l’avènement du numérique, notamment sur les contenus didactiques mis en ligne. Si la numérisation des informations rend ces contenus aisément diffusables à travers le cyberspace, elle leur donne aussi un statut ‘’obscur’’ car malléable, recomposable, et réutilisable (à l’infini) par les usagers tout à la fois émetteurs et récepteurs. Les acteurs de l’éducation et de la formation ont conscience que l’utilisation de tel ou tel mode de communication (oral, écrit ou numérique) modifie profondément l’accès à la connaissance. Dans le passé, le passage de l’oral à l’écrit a suscité inquiétude et enthousiasme. Aujourd’hui, le numérique, virtuel et immatériel, à son tour, nous interroge sur : - qui produit les informations mises en ligne ? - à qui sont-elles destinées ? - qui diffuse quoi ? - qui valide les informations ? - qui certifie la véracité ou la pérennité de telle ou telle information ? - quels sont les critères d’acceptabilité des informations qui circulent ? sont-ce ceux que définissent l’éthique et la culture de la société dans laquelle elles ont été produites ? - qui contrôle ? - qui est propriétaire de l’information ? copyright ? etc. Sur le plan de l’éducation et de la formation, la question de l’éthique est abordée par l’institution à divers niveaux : celui de la formation de l’usager, celui de la création et diffusion de ressources informatives, didactiques et pédagogiques. Ces préoccupations, morale, éthique, déontologique et juridique sont constamment présentes dans l’histoire de l’informatique éducative : achat, production, reproduction et diffusion de logiciels et supports multimédias, droit de l’audiovisuel, droit d’auteurs, correspondance télématique, etc., ont donné lieu à des textes et des recommandations tant en France qu’en Europe. L’enseignement sur les réseaux rend ces préoccupations plus prégnantes pour l’ensemble du corps professoral des écoles et des universités. L’Université de Californie (U.C.L.A) a créé une unité de recherche sur ce sujet ; la moitié des professeurs ( ?) refuse de mettre en ligne leur cours pour cause de plagiats effectués par les étudiants et…d’autres professeurs. Ce qui se passe dans la sphère de la formation, n'est que le reflet de ce qui se passe dans le reste de la société, au travail comme à la maison, au bureau ou à l'usine, à la ville comme à la campagne. La morale, l’éthique, la résistance au changement, les obstacles et les freins mis en avant par les systèmes en place, ne ralentiront pas l’évolution des choses, car le monde est en marche et il ne s'agit pas simplement d'un jeu de forces internes à notre système éducatif et de formation, qui nous laisserait un temps infini pour discuter, hésiter ou refuser. Au contraire, nous sommes à l’ère d'une formidable évolution universelle, rapide et irréversible, de nos sociétés scientifiques et technologiques, où tout va si vite, que nous devons suivre pour survivre ou bien disparaître. L’éducation doit refléter la société aussi, la technologie doit progresser dans les écoles et les lieux de formation. La FOAD est notre avenir pour accéder aux savoirs et nous devons faire en sorte qu’elle devienne une référence de qualité au même titre que les autres vecteurs d’enseignement. 1er Août 2005 [email protected]