Etude du mélange turbulent d`un fluide non-newtonien à

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Congrès Francophone de Techniques Laser, CFTL 2010, Vandoeuvre-lès-Nancy, 14 – 17 septembre 2010
Etude du mélange turbulent d’un fluide non-newtonien à
travers une jonction en "T"
Trong Dai NGUYEN, Serge SIMOËNS, Mahmoud EL HAJEM
LMFA, ECL, INSA Lyon, UCB Lyon I, UMR CNRS 5509
[email protected]
Introduction
L’objectif principal de ce travail est d’étudier le comportement d’un fluide non-newtonien dans
un régime de mélange turbulent. L’étude a été menée pour une géométrie simple d’un T
classique dans le but de mieux comprendre l’influence du caractère rhéofluidifiant du fluide sur
l’évolution du mélange et du cisaillement ainsi que sur la viscosité. On s’intéresse dans cette
étude à la partie en aval de la jonction du "T", là où a lieu le mélange qui pour les régimes
choisis est turbulent. Un tel écoulement pour un fluide newtonien est connu (J.M.Nouri 1992).
Nous présentons ici la partie expérimentale de ce travail. L'analyse de l’écoulement sera
réalisée à l’aide de mesures de champs de vitesses obtenus par une technique de vélocimétrie
par images de particules (VIP). Dans une première expérience, l’écoulement est celui d’un
fluide newtonien (eau pure). Dans une seconde expérience, une solution aqueuse de
polyacrylamide cationique de type Zetag est employée comme fluide rhéofluidifiant.
Il existe peu de travail expérimental concernant le mélange turbulent avec fluide non-newtonien.
On trouve cependant plus de travaux pour des écoulements plus complexes (Fransolet et al.
2005). Pour notre part, nous avons choisi une configuration simple, de façon à comparer
l'écoulement d’un fluide non-newtonien et celui d'un fluide newtonien. Nous présenterons ici les
statistiques classiques d'ensemble pour le champ de vitesse. En particulier nous nous
intéressons à la vitesse moyenne, à l'intensité de turbulence et aux contraintes de cisaillement.
Nous comparerons les statistiques du non-newtonien avec celles du newtonien. Nous
conclurons sur la modification des viscosités dans un tel écoulement turbulent.
Matériels et méthodes
Le circuit hydraulique est constitué d’un réservoir alimentant par gravitation la jonction en forme
de "T" réalisée en plexi-glass. Chacune des branches de la jonction symétrique, orientée
horizontalement, a un diamètre intérieur de 8 mm. La longueur de chaque segment est L telle
que L/D = 11. Le fluide arrive simultanément par les deux segments perpendiculaires de la
jonction. Le débit est contrôlé par une vanne et mesuré par un débitmètre électromagnétique à
passage intégral afin d'éviter des cisaillements trop importants qui peuvent modifier le
comportement du fluide non-Newtonien en entrée d'écoulement. En sortie de la jonction le
fluide est récupéré dans un bac de refoulement avant de réalimenter le réservoir supérieur au
moyen d'une pompe de recirculation.
Dans le cas présent du rhéofluidifiant la loi newtonienne qui considère la viscosité comme une
unique fonction de la température ne s’applique pas. La viscosité apparente de la solution de
polyacrylamide peut être décrite par une loi de puissance dite de Carreau-Yasuda. La loi de
puissance dite d’Ostwald-de Waele (eq. 1) relie la viscosité au taux de cisaillement γ en faisant
intervenir un paramètre qui ne dépend que de la température.
η
η T γ
(1)
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Elle permet de découpler l’effet de la température et du cisaillement. L’indice n est appelé indice
de l’écoulement. Il est sans unité, vaut 1 pour un fluide newtonien et est inférieur à 1 pour un
matériau rhéofluidifiant. Cette loi suppose que la viscosité tend vers l’infini pour de faibles taux
de cisaillement. Elle n'est valide que dans une gamme de cisaillement dont l'intervalle dépend
de la nature du fluide. Elle omet les deux plateaux newtoniens qui sont bien modélisés par la loi
de Carreau-Yasuda qui exprime également la variation de la viscosité en fonction de la vitesse
de cisaillement γ (eq. 2). Dans cette équation η0 est la viscosité à un taux de cisaillement nul et
η∞ est la viscosité à un taux de cisaillement infini. λ est un temps caractéristique, n est un
exposant adimensionnel identique à celui de la loi de puissance. La constante a est un
paramètre adimensionnel décrivant la transition entre le premier plateau newtonien et la zone
en loi de puissance. Pour a=2, nous retrouvons la loi de Carreau.
η
η
η
η
1
λγ
⁄
2 Dans le cas présent, la loi de Carreau est retenue, les différentes constantes ont été définies à
partir de mesures de la viscosité apparente en fonction de la vitesse de cisaillement γ (figure 1).
L’ajustement de l’équation 2 aux mesures de viscosité (pour cet article, seuls les résultats
obtenus pour la solution à 0.1 % sont présentés) conduit à un coefficient de puissance n=0.517
et une viscosité à faible cisaillement de l’ordre de η0 = 0.2 Pa.s.
Figure 1 : Evolution de la viscosité apparente en fonction du taux de cisaillement
Pour chaque cas, deux régimes sont étudiés, ils correspondent à une vitesse d’entrée de
0,28 m/s et 1,3 m/s dans les deux jonctions du "T" soit un nombre de Reynolds (eq. 3)
respectivement de l’ordre de 2230 et de 10 400 pour l’eau. Pour la solution aqueuse de
polyacrylamide, le nombre de Reynolds est déterminé à partir de la viscosité à un taux de
cisaillement nul η0. Le nombre de Reynolds est alors de l’ordre de 11,2 et 52 respectivement
pour le faible et le grand débit.
Re
ρUD
η
(3)
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4 – 17 septemb
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Figure 2 : Sectionss de mesure
e
u 1: Configu
urations étu
udiées
Tableau
0,014
Diamètre
(
(mm)
8
0,06
64
8
1,3
1040
00
0,014
8
0,28
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2
0,06
64
8
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Débit (l/s)
(
Eau
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Re
0,28
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Pour la
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e
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alimentant la joncction (Table
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Les mesure
es montrentt
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que pour un nombre de Reynolds de 2230 l'écoulement en aval de la jonction est turbulent
même si il est à la limite de la transition en amont de chaque branche.
Pour comparer l’écoulement des deux fluides, on a tracé les profils de vitesse et de fluctuation
(au sens de Reynolds) pour différentes sections (figure 2). Ici, les deux entrées correspondent
aux sections 1 et 2 et la sortie à la section 6. La position 5 correspond à la zone de mélange
turbulent aval au niveau de la jonction du T.
Aux entrées on compare les profils de vitesse de l’eau et de la solution aqueuse de
polyacrylamide (figure 3). Il faut noter qu'au repos la viscosité de la solution aqueuse est
200 fois plus grande que celle de l’eau. A faible débit, le régime est laminaire pour la solution de
Zétag avec une légère dissymétrie qui est probablement due à la proximité de la jonction. Cette
dissymétrie est plus marquée pour l’eau profil, dans ce cas le profil de vitesse s’écarte du profil
classique de vitesse dans une conduite cylindrique. A grand nombre de Reynolds, les deux
écoulements changent de régime, les profils de vitesse s’approchent d’avantage d’un régime
turbulent avec une vitesse plus homogène sur une grande partie du passage.
En aval de la jonction, les sections 5 et 6, correspondent sont situées dans des zones où il y a
un mélange turbulent des fluides provenant de chaque entrée. Dans la section 5, la plus proche
de la jonction, on observe une zone de faible vitesse moyenne avec une forte intensité
turbulente pour y/D > 0 (figure 4). La répartition de la vitesse est identique, toute fois on peut
noter que la zone de faible vitesse pour le Zetag est plus étendue. Pour l’intensité turbulente
(figures 4c, 4d), le pic d'intensité turbulent est sur une zone de fort cisaillement où les deux
écoulements d’entrée se rencontrent. L’intensité turbulente est plus faible pour la solution
aqueuse comparée à celle enregistrée pour l’eau. Ce résultat semble être conforme avec la
viscosité de l’eau qui est nettement plus faible que la viscosité initiale de la solution de Zetag.
La figure 5 présente les résultats obtenus pour la sortie de la jonction (section 6). Avec l’eau, le
profil de vitesse est marqué par un gradient relativement homogène. Par contre, dans le cas de
la solution de Zetag, le profil de vitesse est caractérisé par une grande variation du gradient de
vitesse. A l’aval de la jonction, la vitesse moyenne du fluide rhéofluidifiant est moins uniforme
que dans celle du fluide newtonien. En revanche, les niveaux d'intensité turbulente sont assez
proches pour les deux fluides. Toutefois, la turbulence est moins homogène avec la solution
aqueuse de polyacrylamide pour la quelle les niveaux enregistrés semblent montrer une
croissance de l’intensité turbulente dans la direction avale contrairement à celle de l'eau dont le
pic de turbulence s'atténue entre les sections 5 et 6.
La figure 6 présente la distribution de l’énergie cinétique turbulente dans l’ensemble de la zone
couverte par les mesures. Pour le cas newtonien, quelque soit le débit, l’énergie cinétique
turbulente est plus élevée au niveau de la jonction c'est-à-dire dans la zone où les deux
écoulements d’entrée se rencontrent. Elle s’attenue par la suite en avale de la jonction. Avec le
fluide rhéofluidifiant, la tendance est inversée et l’énergie cinétique turbulente croit quand
l’écoulement avance vers la direction avale.
Discussions
Les résultats obtenus avec de l’eau pure et la solution de Zetag 0,1% nous permettent d’avoir
une première interprétation sur l’influence des propriétés rhéologiques, sur le mélange. En
particulier dans la zone de mélange en aval de la jonction, la zone de turbulence maximale du
Zetag n’est pas localisée au même endroit que celle du cas de l’eau. Pour le Zetag 0,1% la
zone de recirculation (derrière le coin aval de la jonction) est plus étendue et la zone de forte
turbulence est plus en aval. La zone de mélange est beaucoup plus réduite en amont. Les
zones de mélange s’intensifient progressivement avec le Zetag alors qu'elles diminuent avec
l'eau.
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Pour un fluide non-newtonien, la viscosité varie dans l’écoulement suivant la variation de la
contrainte de cisaillement. On peut calculer le taux de cisaillement instantané local :
γ
/
/
4 où u et v sont les composantes longitudinale et radiale de la vitesse instantanée. A partir des
équations 2 et 4 on peut construire une image de la viscosité locale dans le T et à l'aide des
1000 échantillons on peut ainsi produire une carte de viscosité moyenne (au sens de
Reynolds) de l'écoulement (figure 7).
Certains points de l'expérience sont très sensibles. La solution de Zetag 0,1% est un mélange
d'eau avec une poudre de polymère dont, au cours du temps, avec le cisaillement, les chaînes
se cassent. La solution perd alors de sa viscosité. Il faut ainsi vérifier la viscosité de la solution
au repos, en début et en fin d'expérience. Le mélange doit être utilisé tout de suite après sa
préparation sinon il subit naturellement, au repos, un processus de vieillissement non
négligeable.
Conclusions
De manière générale, la VIP ne permet d’avoir que les vitesses dans un plan 2D. Ici, dans un T,
un plan 2D ne donne pas toutes les informations dans la zone de mélange. Les résultats
obtenus avec de l’eau pure et la solution de Zetag 0,1% nous permettent d’avoir une première
interprétation sur l’influence des propriétés rhéologiques sur le mélange. Avec cette étude, on
peut déterminer que les zones de mélange s’intensifient progressivement avec le Zetag alors
qu'elle diminue avec un fluide non newtonien.
Nous envisageons prochainement de faire des mesures par Fluorescence Induite au sein de cet
écoulement. Cette technique doit par contre être validée au préalable avant son utilisation, ce
que nous avons réalisé (4, stage PR82, ECL 2010).
Références
[1] Marouche M. "Hydrodynamique d’un système d’agitation en fluide visco-plastique et en régime
laminaire inertiel" Thèse de Doctorat de l’Institut National Polytechnique de Toulouse, 164p.
(2002)
[2] J. M. Nouri, H. Umur and J. H. Whitelaw (1993). Flow of Newtonian and non-Newtonian fluids in
concentric and eccentric annuli. Journal of Fluid Mechanics (1993), 253:617-641.
[3] Hirata, Y., Aoshima, Y. 1996 "Formation and growth of cavern in yield stress fluids agitated under
baffled and non-baffled conditions" Chemical engineering research & design 74 n°4, 438-444
[4] M.P. Escudier, A.K. Nickson, R.J. Poole. "Turbulent flow of visco-elastic shear-thinning liquids
through a rectangular duct: Quantification of turbulence anisotropy", Journal of Non-Newtonian Fluid
Mechanics, Volume 160, Issue 1, July 2009, Pages 2-10
[5] Fransolet, P. Marchot, M. Crine, D. Toye, Caractérisation des écoulements en présence d’un
agitateur rotor-stator et d’un fluide non newtonien en cuve agitée par vélocimétrie par images de
particules, 10ème Congrès Francophone de Vélocimétrie Laser, 19-22 septembre 2006
[6] Bracquart Q., Lambert G., Influence des Rhéo-fluidisants et des Rhéo-épaississants dans les
processus de mélanges intervenants dans la fabrication pharmaceutique, PR 81, ECL, 2010.
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(a)
(b)
Figure 3 : Profils de vitesse aux entrées (a) vitesse minimale (b) vitesse maximale
(a)
(b)
(c)
(d)
Figure 4 : Profils de vitesse et d’intensité turbulente dans la section 5 (a) Vitesse au débit
minimal (b) Vitesse au débit maximal (c) r.m.s au débit minimal (d) r.m.s au débit maximal.
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(a)
(c)
(b)
(d)
Figure 5 : Profils de vitesse et d’intensité turbulente dans la section 6 (a) Vitesse au débit
minimal (b) Vitesse au débit maximal (c) r.m.s au débit minimal (d) r.m.s au débit maximal.
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(a)
(b)
(c)
(d)
Figure 6 : Energie cinétique turbulente dans le T (a) débit minimal de l’eau (b) débit minimal du
Zetag (c) débit maximal de l’eau (d) débit maximal du Zetag.
(a)
(b)
Figure 7 : Répartition de la viscosité locale de la solution aqueuse (a) faible débit (b) grand débit
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