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LA GRÈCE INCONNUE D’AUJOURD’HUI,
DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
Etudes grecques
Collection dirigée par Renée-Paule Debaisieux
Domaine grec moderne
Jean Antoine CARAVOLAS, Jules David et les études grecques (1783-1854),
2009.
Isabelle DEPRET, Eglise orthodoxe et histoire en Grèce contemporaine.
Versions officielles et controverses historiographiques, 2009.
Jean-Luc CHIAPPONE, Le Mouvement moderniste de Thessalonique 19321939, 2009.
Yannis MARIS,Quatuor, nouvelles policières grecques, traduit du grec et
présenté par Geneviève Puig-Dorignac.
Jean-Luc CHIAPPONE, Le mouvement moderniste de Thessalonique (19321939). Tome 1 : Figures de l’intimisme.
Périklis YANNOPOULOS, La Ligne grecque, la couleur grecque, traduit et
annoté par Marc Terrades.
Joëlle DALEGRE, La Grèce depuis 1940.
Martine BREUILLOT, Châteaux oubliés.
Ioannis KONDYLAKIS, Premier amour et autres nouvelles, présentation et
trad. par Vassiliki et Pierre Coavoux.
Constantin CHATZOPOULOS, Deux femmes (Traduit et commenté par Nicole
Le Bris).
Grégoire PALEOLOGUE, Le peintre.
Ion DRAGOUMIS, Samothrace, présentation et trad. M. Terrades.
Edmont ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, réédition présentée et
annotée par J. Tucoo-Chala.
Venetia BALTA, Problèmes d’identité dans la prose grecque contemporaine de
la migration.
Paul CALLIGAS, Thanos Vlécas, présentation et trad. R.-P. Debaisieux.
Paul CALLIGAS, Des prisons, présentation et trad. R.-P. Debaisieux.
Constantin CHATZOPOULOS, Dans l’obscurité et autres nouvelles.
Constantin CHATZOPOULOS, Automne.
Jean-Luc CHIAPPONE, Le récit grec des Lettres Nouvelles, « Quelque chose
de déplacé… ».
Sous la direction de
JOËLLE DALÈGRE
avec
Christina Alexopoulos, Isabelle Dépret, Vincent Gouzi, Nicolas Pitsos,
Dionysia Tzemopoulou
LA GRÈCE INCONNUE D’AUJOURD’HUI,
DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
Du même auteur
Aux éditions L’Harmattan
Andartika. Chants de la résistance grecque, 2008.
La Grèce depuis 1940, 2006.
Grecs et Ottomans, 1453 - 1923. De la chute de Constantinople à
la disparition de l’Empire Ottoman, 2002.
La thrace grecque. Populations et territoire, 1997.
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-13865-0
EAN : 9782296138650
LA GRÈCE INCONNUE D'AUJOURD'HUI,
DE L'AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
Miroir, mon beau miroir...
Depuis des siècles l'Europe observe la Grèce, dans son miroir elle voit de
glorieux ancêtres vénérables ou parfois de bons sauvages insouciants d'une ère
précapitaliste rêvée... Des dizaines d'auteurs ont commenté la position de ce
pays et de sa culture entre l'Occident et l'Orient mais la Grèce d'aujourd'hui n'est
plus celle de Périclès, ni celle de Jules Dassin ou du Zorba de Kazantzakis, pas
plus qu'elle n'est pas un morceau d'Ile de France ou d'Allemagne transporté sur
les bords de l'Égée ou sous le soleil de l'Attique... Elle n'est pas l'image qu'on en
a dans le reste de l'Europe. Elle n'est pas figée dans son péplos, elle change
même très vite. Au point de rencontre des Balkans et du monde de la Mer Noire
avec le monde méditerranéen, à la jonction entre monde capitaliste et monde ex
communiste, entre « anciens » e t « nouveaux » membres de l'Union
Européenne, elle a vécu en trente ans des changements économiques, sociaux et
politiques qui ont parfois demandé un siècle en Europe occidentale, mais tout et
tous, n'ont pas suivi le même rythme. Elle est donc « plurielle », on peut y
trouver les valeurs humaines de monde précapitaliste tout comme les valeurs
monétaires de l'économie libérale mondialisée, des techniques archaïques, tout
comme l'ultra-modernisme. C'est cette Grèce inconnue, de l'autre côté du miroir
que ce livre veut faire connaître, il veut montrer qu'il y a loin du Miroir, de ses
images idéalisées du passé ou des caricatures méprisantes d'aujourd'hui aux
réalités diverses et mouvantes du présent. L'équipe de rédaction est composée
d'étudiants et d'enseignants de la section de grec moderne de l'INALCO, Grecs
ou non, tous philhellènes, soucieux d'aider ceux qui le désirent à mieux
découvrir la Grèce contemporaine et les hommes qui la composent.
Christina ALEXOPOULOS, chargée de cours à l'INALCO, doctorante CEB,
INALCO,
Joëlle DALEGRE, maître de conférences habilitée, directrice du CEB,
INALCO,
Isabelle DEPRET, membre scientifique de l'EFA, enseignant-chercheur à
l'Université Libre de Bruxelles,
Vincent GOUZI, économiste, étudiant INALCO,
Nicolas PITSOS, chargé de cours d'histoire et de langue grecque à l'ICES,
doctorant CEB-INALCO,
Dionysia TZEMOPOULOU, doctorante en Politique Culturelle, Université
Pantéion d'Athènes.
7
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS : De « l'exotisme » au « racisme »: la Grèce
au carrefour des stéréotypes en temps de crise (N. Pitsos)
p.11
I. LE CADRE GÉOGRAPHIQUE (J. Dalègre)
p.15
II. LE CADRE HISTORIQUE
p.23
II.1. Aperçu historique depuis 1821 (J. Dalègre)
II.2. La présence de l'orthodoxie (I. Depret)
II.3. Pour une société plurielle : les communautés qui
ont fait la Grèce moderne (N. Pitsos)
II.4. L'organisation administrative (J. Dalègre)
II.5. La vie politique (J. Dalègre, N. Pitsos)
II.6. Mouvements anarchistes et contestation
(C. Alexopoulos)
III. LE CADRE SOCIAL
p.23
p.31
p.43
p.65
p.71
p.83
p.93
III.1. La population, données démographiques, (J. Dalègre)
III.2. Emploi, chômage, syndicats (J. Dalègre, N. Pitsos)
III.3. La protection sociale (J. Dalègre)
III.4. Les services de santé (J. Dalègre)
III.5. Salaires, prix, pauvreté (J. Dalègre)
IV. LE CADRE ÉCONOMIQUE
p.93
p.99
p.107
p.113
p.117
p.123
IV.1. Des infrastructures (J. Dalègre)
Transports,
Postes, télécom, internet
IV.2. Le système bancaire et financier (V. Gouzi)
IV.3. Des secteurs- clés
Le secteur primaire (J. Dalègre)
L'industrie touristique (J. Dalègre)
Succès industriels et BTP (J. Dalègre, V. Gouzi)
IV.4. Une nouvelle frontière : à la conquête des Balkans
(J. Dalègre)
9
p.123
p.123
p.131
p.133
p.141
p.141
p.147
p.153
p.167
V. LE CADRE CULTUREL
p.175
V.1. Le système éducatif (J.Dalègre)
V.2. Les médias et la presse (N. Pitsos)
V.3. Les institutions culturelles (N. Pitsos, D. Tzemopoulou)
VI. LA GRÈCE, LABORATOIRE D'UNE EUROPE
NOUVELLE ?
VI.1. La réforme des finances publiques (V. Gouzi)
VI.2. La réforme des institutions publiques (V. Gouzi)
VI.3 Le développement économique (V. Gouzi)
p.175
p.187
p.199
p.215
p. 217
p.231
p.239
En conclusion : Grec ? (J. Dalègre)
p.245
Tableaux
Glossaire
p.249
p.251
10
AVANT-PROPOS
De « l'exotisme » au « racisme »: la Grèce au carrefour
des stéréotypes en temps de crise
Nicolas Pitsos
Ces derniers temps la crise économique grecque a fortement attiré l'intérêt
des médias européens et a suscité des nombreux débats parfois houleux,
toujours passionnés car ils mettent en cause l'avenir même de la construction
européenne. Longtemps présentée comme un lieu exotique, un espace de
détente et d'évasion, la Grèce et sa société ont soudainement fait irruption de
manière abrupte et déconcertante dans le quotidien des Européens, mis face à
une réalité beaucoup moins idyllique que celle décrite dans les brochures
touristiques. Essayant d'analyser les causes de cette situation, les spécialistes et
tous ceux qui se sont prononcés, ont été particulièrement divisés. Pour les uns,
la question de la dette et des finances grecques renvoie à des caractéristiques
inhérentes à la société de ce pays, et la corruption ou la mauvaise gestion
seraient à l'origine des indicateurs désastreux enregistrés. Pour les autres, elles
relèvent plutôt des évolutions de l'économie mondiale, avec les phénomènes de
dérégulation économique et de spéculation financière inculpés comme
responsables de cette crise. Les avis sont également partagés quant aux
solutions envisagées pour sortir de cette spirale infernale. Pour les uns, aussi
bien à l'intérieur de la société grecque qu'à l'étranger, la présence et l'action du
FMI dans le rôle d'instance régulatrice, sont considérés comme un deus ex
machina mobilisé pour dénouer la tragédie grecque moderne. D'autres, au
contraire, déplorent l'ingérence dictatoriale d'une institution sans légitimité
démocratique, dans la vie d'un pays souverain. Pour les uns, les mesures dictées
par le FMI (en accord avec l'UE et la BCE) et adoptées aussitôt par le
gouvernement grec, sont la seule prescription concevable et pragmatique pour la
survie du nouveau malade de l'Europe. Pour les autres au contraire, cette recette
néolibérale a un goût social extrêmement amer, synonyme d'explosion du
chômage, conséquence des licenciements massifs préconisés, du démantèlement
du droit du travail et de la privatisation des services publics. Si, face à
l'intervention du trio FMI-UE-BCE, les uns se résignent, soulignant la nécessité
d'une application immédiate de ses directives, les autres ne cessent de dénoncer
leur nature anticonstitutionnelle.
La Grèce est le premier pays de la zone euro où une tutelle financière est
imposée et assumée, non par des mécanismes internes à l'Union Européenne,
mais en partie par l'intervention d'organismes extérieurs. Elle n'est pas pour
autant le premier pays de l'Union, à connaître une ingérence d'institutions
11
internationales dans sa gouvernance financière. La Roumanie, la Lettonie ou la
Hongrie, avant elle, avaient déjà fait l'expérience de cette situation.
Au-delà des affinités idéologiques, des considérations juridiques ou des
appréciations économiques divergentes, cette crise a également donné lieu à
l'énoncé de discours sur l'Autre et à l'expression de représentations de l'Ailleurs.
Ce faisant, elle a été révélatrice de la persistance d'une série de stéréotypes et
autres préjugés racistes profondément enracinés, semble-t-il, dans la conscience
collective européenne et prêts à être mobilisés à la première occasion.
La manifestation la plus éloquente exprimée au moment de la crise
mondiale de 2008, fut l'usage décomplexé du terme P.I.G.S. (« cochons » en
anglais) dans des journaux financiers du monde anglo-saxon. Ce terme
précurseur d'un racisme sémantique qui s'amplifiera, pointait du doigt quatre
pays (Portugal, Italie, Grèce, Espagne, Spain en anglais) censés être réfractaires
aux principes d'une discipline budgétaire élaborée par les tenants d'une politique
de rigueur financière. La connotation péjorative qui a été attribuée à cet
acronyme ne concernait que des pays qui comme par hasard, se trouvent dans le
Sud de l'Europe (à l'exception de l'Irlande qui était parfois mentionnée à la place
ou à côté de l'Italie). Néanmoins, les critères de sélection de ces quatre pays ne
semblaient pas obéir seulement aux stricts indicateurs économiques, car si la
part du déficit dans le PIB de ces pays variant entre 8 et 12,5% n'était pas
conforme aux objectifs de convergence établis par les traités européens, la part
du déficit du Royaume-Uni, était de 14,5%, sans que jamais ce pays ne soit
associé à un animal quelconque ou traité de mauvais élève ! Selon l'économiste
Frédéric Lordon1 le choix de cette appellation n'est que la suite logique d'une
longue série de manifestations de mépris, entamée dans les années 1990 avec le
thème du « Club Med », à l'égard des pays du Sud de l'Europe.
Au croisement entre deux lignes de démarcation, le Nord développé contre le
Sud sous-développé et l'Occident moderne opposé à l'Orient archaïque, la Grèce
cumule les inconvénients de cette géographie des connotations péjoratives et
des jugements discriminatoires conformes aux principes racistes de l'époque de
la colonisation ou aux concepts physiocratiques. Objet d'une approche en termes
orientalistes et sudistes, elle se trouve idéalement située au centre de cette
configuration de construction mentale, se prêtant facilement au processus de
reproduction d'idées reçues. Ces stéréotypes élaborés et forgés tout au long de
l'histoire, ont façonné l'image du Grec menteur des croisades, du Grec voleur au
temps de l'émigration, du Grec paresseux de l'époque des fonds européens qui
auraient transformé toute une société en parasite, vivant aux dépens des pays
membres les plus riches. Les Grecs sont d'autant plus taxés de paresse qu'ils
habitent dans un Sud assimilé dans la conscience collective, à une terre de
farniente ensoleillée et dans un Orient réduit à la passivité et à l'indolence.
Toutes ces épithètes ont ressurgi à l'occasion de la crise économique, qui a
frappé la société grecque et de la menace que cette crise a représentée pour la
1
Dans le blog du Monde Diplomatique, Frédéric Lordon, « Au-delà de la Grèce,
déficits, dette et monnaie », 17 février 2010.
12
stabilité de la monnaie européenne. Au lieu d'essayer de comprendre les raisons
profondes qui rendent la Grèce aussi vulnérable, des médias et des hauts
fonctionnaires des Etats-membres de l'Union, notamment en Allemagne, se sont
adonnés à une critique brutale de la Grèce, visant à incriminer des
comportements propres aux habitants du pays pour rendre compte du
phénomène. Les appellations de menteur, de voleur et de corrompu, ont été
particulièrement prisées. Leur usage pour qualifier toute une société, leur
application caricaturale et généralisatrice sur l'ensemble des habitants d'un pays
les a rapprochées d'un discours aux nuances et consonances racistes. Dans un
premier temps, lors de la découverte des manipulations des comptes publics du
pays par ses gouvernements successifs, l'image du menteur fut plébiscitée. Le
titre de la revue allemande Focus, indiquant dans sa Une qu'il y a un imposteur
parmi les membres de l'Union Européenne2, ne saurait être lu autrement que
comme une provocation. La compétence des instances européennes
responsables du contrôle de ces indicateurs n'étant pas évoquée, il y a surtout
une volonté d'incarner une propriété humaine, le fait de mentir, en l'associant à
un ensemble social. Le relais dans cette surenchère de dérives racistes a été
assuré par certains politiciens allemands, essayant de convaincre leurs
concitoyens qu'ils sont exploités par des pays profiteurs comme la Grèce, qui
demande des concessions gratuites de fonds monétaires pour le paiement de sa
dette. La présentation aux lecteurs ou électeurs allemands du processus
d'emprunt au sein de l'Union Européenne, aurait pu leur permettre de juger de la
flagrante inégalité et injustice de ce système. Ainsi, en ce qui concerne les taux
d'emprunt, ce système permettrait par exemple à l'Allemagne de pouvoir
emprunter à 2% et prêter par la suite à la Grèce à 5%3. Dans un tel contexte, on
peut s'interroger, sur la nature de la solidarité et se poser la question de savoir
qui est l'exploitant et l'exploité dans cette transaction.
Ainsi les Grecs seraient des paresseux dépensant plus qu'ils ne produisent,
qui de surcroît élisent des gouvernements corrompus manipulant les comptes
publics pour les conforter dans leur illusion. Or, si votre voisin ou votre frère
passe son temps à dépenser plus que ce qu'il gagne, est-ce lui rendre service que
de lui prêter encore de l'argent ? N'est-il pas temps qu'il cesse de faire bombance
et apprenne la dure loi du travail et du mérite ?
Enfin, les Grecs ont été accusés de paresse par ces mêmes responsables
politiques et médiatiques. Cette stigmatisation, s'inscrivant dans une logique qui
situe le travail au sommet de sa pyramide de valeurs, est en même temps un des
concepts récurrents de toute rhétorique réactionnaire. Comme le remarque le
professeur Thomas Piketty4, les riches ont toujours stigmatisé les pauvres. La
nature contestable et discutable de ce jugement de valeur mise à part, il y aurait
également à s'interroger sur les fondements statistiques d'un tel jugement. Car la
2
3
4
Voir Eleftherotypia, 23 février 2010.
Voir l'interview de Kostas Vergopoulos, « Un plan entre demi-solidarité et demi
exploitation » dans Libération du 24 avril 2010.
Thomas Piketty, « Non, les Grecs ne sont pas paresseux », Libération, 23 mars 2010.
13
réalité affichée dans les tableaux Eurostat5 contraste singulièrement avec le
qualificatif de paresseux attribué aux Grecs : le travailleur grec avec 44,1 heures
travaillées par semaine, serait en tête du classement européen à côté de
l'Autrichien. Quant à la corruption... effectivement indéniable, l'affaire Siemens,
société allemande qui aurait essayé, moyennant finances, de gagner à sa cause
les gouvernements grecs pour obtenir des contrats avantageux lui permettant de
contrôler le secteur névralgique des télécommunications, montre que la
corruption n'est pas un phénomène limité au monde dit « sous-développé », elle
est juste appelée « lobbying » quand elle est pratiquée par les nantis.
Des ripostes n'ont pas tardé à se manifester du côté grec, toujours aussi
démesurées, provocatrices et racistes que les réactions allemandes. Ainsi les
ancêtres des Allemands ont-ils été traités des Goths barbares et incultes,
mobilisant une des légendes les plus réactionnaires de la mythologie
nationaliste grecque, selon laquelle la culture grecque de l'antiquité aurait été
supérieure aux autres cultures avec lesquelles elle est entrée en contact. Autre
idée largement diffusée et relayée par les médias et les représentants politiques,
l'association et réduction des Allemands à des Nazis6, constitua une deuxième
réplique dans ce déferlement insensé d'images négatives de l'Autre véhiculées à
l'occasion des débats sur la crise économique en Grèce.
Dans sa déclaration, le premier ministre Grec, Georges Papandréou, en
réponse aux commentaires de nature raciste et populiste des journalistes ou des
responsables politiques des deux pays, aurait rétorqué que les Grecs n'ont pas
plus la corruption dans leurs gènes que les Allemands n'ont le nazisme dans les
leurs. Cela mit fin à un cercle vicieux de reproduction de stéréotypes et de
diffusion d'amalgames. Pourtant, l'expression de ce phénomène devrait nous
amener à penser que la construction d'une Europe solide et viable aurait aussi
besoin, outre du respect des critères économiques, d'une nouvelle pédagogie
civile, fondée sur une meilleure compréhension de l'Autre.
5
6
Voir Eurostat, « Le temps de travail dans les Etats-membres », 2007.
« Des Allemands ‘Nazis’ et des Grecs ‘imposteurs’ » Eleftherotypia, 4 mars 2010.
14
I. LE CADRE GÉOGRAPHIQUE
Joëlle Dalègre
Avec 131 990 km2 soit 3,3% de la superficie de l'UE à 25, un quart de celle
de la France, la Grèce est un petit État du sud-est de l'Union Européenne, situé
entre les 34° et 41° degrés de latitude. Elle forme la pointe sud de la péninsule
balkanique et s'avance profondément en Méditerranée, entre mer Égée et mer
Ionienne, contrôlant ainsi le canal d'Otrante - l'entrée de l'Adriatique - et l'accès
aux Dardanelles : aussi tous les pétroliers venus de l'ex-URSS naviguent-ils
entre ses îles, tandis que les bases crétoises de l'OTAN, à Souda et Gourniès,
surveillent l'ensemble du Proche-Orient. Vers le Nord, la vallée de l'Axios
(Vardar)7, puis celle de la Morava permettent d'atteindre facilement, depuis
Salonique, le Danube et l'Europe centrale. Longtemps reléguée loin du centre
européen de Bruxelles, elle devient une interface entre l'Europe des 15 et les
nouveaux venus des Balkans avec lesquels elle partage de longues frontières
(216 km avec l'Albanie, 245 km avec l'ARYM - Ancienne République
yougoslave de Macédoine -, 474 km avec la Bulgarie, 203 km avec la Turquie),
et des siècles d'expériences historiques et culturelles communes.
Contraintes physiques et climatiques
Géologiquement, la péninsule hellénique résulte de la collision des plaques
lithosphériques eurasiatique et africaine qui édifie la chaîne alpine, dont la
branche orientale, les Alpes Dinariques, se termine par le massif du Pinde. Ce
déplacement se poursuit à raison de 4 cm par an. Le risque sismique est donc
permanent en Grèce : chaque année, on y enregistre en moyenne la moitié des
secousses comptabilisées en Europe. Aucune région n'est à l'abri, néanmoins les
risques sont statistiquement faibles dans les Cyclades (hormis à Santorin où le
volcan est toujours actif) et en Attique, malgré le séisme de septembre 1999, de
magnitude 5,9 sur l'échelle de Richter. Deux lignes de faille, cependant, sont
plus actives : l'une, depuis les îles Ioniennes, longe la côte ouest du
Péloponnèse, traverse la Crète et rejoint le sud de la Turquie en passant par
Rhodes, l'autre, depuis le nord-est de la Turquie, rejoint les Sporades et la
Thessalie pour atteindre le golfe de Corinthe et les îles Ioniennes. Les séismes
les plus meurtriers, de magnitude 7, frappèrent Céphalonie et Zante en 1953,
Volos en 1955 ; depuis lors, la multiplication des règles d'architecture
7
Les fleuves sont désignés en Grèce par leur nom grec, ce qui n'est pas le cas dans
l'usage international. Mais utiliser un nom autre que le grec est une grave maladresse
diplomatique : Maritsa/Évros, Mesta/Nestos, Strouma/Strymon, Vardar/Axios.
15
antisismique et leur respect grandissant ont évité les catastrophes majeures.
La Grèce est un pays de montagnes d'altitude relativement moyenne, mais
massives et aux pentes abruptes. Elles couvrent 70% du territoire, 43% classés
comme 'montagnes' (communes au-dessus de 800 m d'altitude) et 27% comme
'semi-montagnes' (communes moins élevées dans lesquelles on observe plus de
400 m de dénivellation) ; ceci joue un rôle décisif dans la répartition des
activités et des hommes, comme dans les transports. En effet, si le sommet des
Dieux, l'Olympe, n'atteint que l'altitude de 2 917 m, 28 autres sommets
dépassent les 2 000 m, les cols sont rares, et même des îles de taille réduite, ont
des sommets situés à plus de 1 000 m.
L'épine dorsale du Pinde descend de la frontière nord, depuis le Grammos,
(2 523 m), jusqu'au mont Parnasse (2 457 m), qui surplombe le golfe de
Corinthe, elle constitue une réelle barrière entre les versants égéen et ionien du
pays : un seul col, à 1 700 m d'altitude, porte le nom éloquent de Katara, la
Malédiction. Cette ligne de crête se poursuit dans le Péloponnèse, de
l'Érymanthe, (2 224 m), au Taygète (2 404 m), elle traverse ensuite la Crète
d'ouest en est, pour émerger encore dans les îles de Karpathos et de Rhodes. À
l'extrême-nord du pays, le massif des Rhodopes est partagé entre la Bulgarie et
la Grèce qui en possède la frange sud, il atteint des altitudes de 1 800 à 2 300 m.
Le versant égéen du pays comprend des massifs élevés, l'Olympe, le Pangée, le
Pilion, mais isolés, alors que les structures du Péloponnèse, plus confuses et
chaotiques, créent un ensemble de moyenne altitude, divisé en multiples petites
unités et malaisé à pénétrer.
Corollaire du phénomène précédent, les plaines et zones de faible pente
n'occupent que 30% du territoire. Il s'agit d'étroites plaines littorales, de zones
deltaïques (de l'Évros, du Nestos, de l'Axios et de l'Haliakmon, de l'Acheloos,
de l'Arachtos, du Pinios d'Achaïe ou de l'Alphée) ou de bassins intérieurs de
petite taille comme ceux de Serrès, Drama, Ptolémaïs, Kastoria, Florina,
Ioannina, Tripolis ou la Copaïde (au pied de Thèbes). Seules la Thessalie, la
plaine de Macédoine centrale et la plaine côtière thrace atteignent des
dimensions relativement importantes. Dans tous les cas, sauf sur les bordures
littorales, la maîtrise et l'évacuation des eaux de pluie hivernales est, en ces
zones très plates, une contrainte importante depuis les temps les plus anciens.
Dernier trait notable du relief : la multiplicité des îles. Toutes les îles de la
mer Égée, sauf Imbros et Ténédos, appartiennent à la Grèce. Quel que soit leur
nombre exact, plus de 9 000 selon le site de l'ambassade de Grèce, 719 selon les
guides vénitiens, 487 selon les guides touristiques du début du XXe s., elles
forment 20% de la superficie du pays. Parmi elles, 169 sont habitées (en 2001)
mais 57 comptent moins de 50 habitants, leurs superficies varient de 8 263 km 2,
(la Crète), à 3 km2, (Délos). Le regroupement en archipels, les îles Ioniennes à
l'ouest, les Cyclades au centre de l'Égée, les Sporades au nord-ouest des
Cyclades, le Dodécanèse au sud-est, les îles de l'Égée du Nord-Est, masque les
multiples contraintes que pose cette dispersion de confettis au milieu d'une mer
beaucoup moins calme qu'on ne l'imagine ; de plus, seules Lesbos, Chios et la
16
Crète comptent quelques zones planes. Toutefois, ce relief découpé permet à la
Grèce de disposer de plus de 15 000 km de côtes (dont 1 046 en Crète) et fait de
la mer un élément aussi omniprésent que la montagne, aucun point du territoire
n'est à plus de 80 km de la mer à vol d'oiseau.
Au total, risque sismique, forte emprise d'une zone montagneuse compacte et
dispersion des îles, les contraintes physiques sont assez fortes.
Les conditions climatiques sont plus diverses qu'on ne le croit. Le pays est
typique du climat méditerranéen, hiver doux et pluvieux (de novembre à mars),
été chaud et sec (de mai à septembre) et fort ensoleillement, y compris en hiver.
Si l'on néglige l'effet de l'altitude, on constate que les moyennes de janvier
varient de 13°C à 3°C, diminuant du sud au nord et d'ouest en est ; celles de
juillet sont peu variées, de 25°C à 28°C, et sur le continent, elles augmentent
d'ouest en est. Les îles, été comme hiver, jouissent d'un climat plus doux. Les
précipitations annuelles vont de 1 400 mm sur les sommets du Pinde, à moins
de 400 mm8 en Attique et dans les Cyclades. Avec des averses violentes et
dangereuses, le versant occidental est toujours le plus arrosé, même si le
nombre de jours de pluie reste relativement réduit. Les variations sont fortes
d'une année sur l'autre, et il faut aussi tenir compte des vents qui jouent un rôle
primordial dans l'organisation de la vie agricole, touristique ou celle des
transports. Les méconnaître expose à de graves déboires, les Grecs antiques
n'oubliaient pas de respecter le capricieux dieu Éole !
On peut individualiser des sous-types climatiques en prenant en compte 3
facteurs, l'altitude, la latitude et le versant, ionien ou égéen. Le nord et l'intérieur
montagneux sont les régions les plus froides en hiver, un peu plus de 5°C de
moyenne en bord de mer à Salonique ou Alexandroupolis en janvier (pour 9,6°C
à Athènes et 8°C à Nice), et beaucoup moins dans les bassins intérieurs
(Ptolémaïs 1°C) ou en altitude (Florina 0,7°C). Ces régions sont exposées aux
rafales glaciales venues du nord des Balkans en suivant les vallées fluviales : le
Bora ou Vardaris font descendre les températures très brusquement en dessous
du zéro (record de froid à Ptolémaïs - 28°C). En revanche les températures d'été,
le long des côtes, ne sont guère différentes du reste de la Grèce, 26°C à
Alexandroupolis en juillet, 27° à Salonique ; une forte chaleur sévit dans les
bassins intérieurs et une relative fraîcheur subsiste en altitude (Florina : 23°C en
juillet en moyenne). Les précipitations, moyennes pour la Grèce, 480 mm/an à
Salonique, 690 mm/an à Alexandroupolis, se distinguent par une assez large
répartition sur l'année grâce aux orages d'été.
La côte et le versant ouest de la Grèce sont les plus arrosés car ils combinent
l'exposition aux perturbations atlantiques et la présence, proche de la mer, d'une
barrière montagneuse. Corfou reçoit ainsi 1 239 mm de précipitations par an
(étalées sur 137 jours), Ioannina, 1 249 mm (la moyenne est de 700 mm sur les
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Les chiffres données viennent de l'Office statistique grec, ESYE/El-Stat, ce sont des
moyennes établies sur 20 ans en tenant compte des températures de jour et de nuit,
les chiffres donnés pour la France viennent du site de Météo-France.
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côtes du Finistère), la saison sèche se limitant aux deux mois d'été, émaillés
d'orages. Ces précipitations tout en diminuant vers le sud, restent importantes,
plus de 700 mm/an à Patras (plus qu'à Paris), près de 600 mm au S.O du
Péloponnèse. En hiver, sauf en montagne, les températures sont douces, 9,6°C
en janvier en moyenne à Corfou, 9,8°C à Patras (soit 3° de plus qu'à Marseille) ;
les moyennes de juillet se situent entre 26° et 27°, comme dans la majorité de la
Grèce. La mer conserve cette douceur, sa température atteint les 18°C en hiver !
Le versant égéen est, inversement, la zone la plus sèche du pays, 450 mm/an
à Larissa, 390 mm à Athènes, avec une saison sèche qui peut durer six mois,
moins de 50 jours de pluie par an, et des pluies d'hiver ou de printemps souvent
violentes. C'est le climat le plus nettement méditerranéen : les températures
d'hiver sont proches de celles de la côte occidentale, l'été est plus chaud,
Athènes, ou certaines villes de cuvette comme Larissa enregistrent les records
de canicule. C'est donc un secteur à fortes contraintes climatiques, longue
sécheresse, averses destructrices (risques d'inondations et de glissements de
terrain) et canicules sévères.
Les Cyclades et la Crète, paradis touristiques d'aujourd'hui, jouissent d'un
climat proche de celui de l'Attique, où l'influence maritime est accentuée, un
hiver doux, 11°C en moyenne en janvier et même 13°C au sud de la Crète, un
été qui offre les températures les plus modérées de Grèce au niveau de la mer
(24,6 °C en juillet à Naxos, 26°C à Sitia). Il faut compter de surcroît avec les
meltemia ou vents étésiens, vents forts du NNO qui rafraîchissent agréablement
l'été, réduisent les canicules mais créent de fortes contraintes. Les nuages n'ont
plus guère d'humidité à déverser sur les Cyclades, c'est une zone aride : 322 mm
par an à Naxos, concentrés en quelques averses violentes d'hiver ou de
printemps, quelques jours de pluies par an et de fortes irrégularités d'une année
sur l'autre. Cependant le passage sur la mer Égée permet aux nuages de se
recharger en vapeur d'eau, les montagnes de Crète, du Dodécanèse et des îles du
Nord-Est égéen interceptent cette charge nouvelle, et les précipitations, toujours
en hiver et au printemps, s'y étagent entre 700 et 1 000 mm par an.
Une conséquence : les « problèmes d'eau »
La Grèce reçoit, en moyenne annuelle et par habitant, deux fois plus d'eau
que les autres pays méditerranéens. Pourtant les 'problèmes d'eau' sont monnaie
courante dans la vie quotidienne.
Les difficultés actuelles sont à mettre en relation avec :
- l'inégale répartition spatiale et temporelle des précipitations qui fait des îles
de l'Égée et de l'Attique, des régions naturellement subdésertiques, et sèches en
été alors qu'il s'agit de la zone touristique n°1, en été précisément, et de
l'agglomération qui regroupe près de 40% de la population du pays,
- la déforestation et le bétonnage, qui limitent l'absorption des eaux de pluie
par les sols, accentuent les inondations (devenues ainsi un phénomène récurrent
dans Athènes) et facilitent les glissements de terrain,
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- la concurrence entre les besoins agricoles, augmentés par le choix de
cultures gourmandes en eau, coton ou maïs, les progrès massifs de l'irrigation
(plus d'un tiers de la SAU) et les besoins humains grandissants, comme dans
toute l'Europe, avec le confort, les modes (les gazons et les golfs !) et la
fréquentation touristique,
- une mauvaise gestion des ressources : grignotage des zones humides
pourtant protégées par la commission Ramsar et recul dû à la fin de
l'alluvionnement naturel (barrages), remontées d'eaux salines suite à des
pompages trop importants (Argolide, Thessalie), déperdition d'une partie des
ressources dans des canalisations en mauvais état ou par un arrosage gaspilleur.
La multiplication de résidences isolées complique la distribution.
- la pollution des eaux souterraines par les nitrates et trop d'engrais.
En revanche, une difficulté majeure du passé a disparu : les plaines ou
cuvettes sans écoulement vers la mer où les eaux de printemps s'accumulaient
en créant des zones marécageuses et paludéennes, ont été progressivement
drainées depuis les années 1930. Autre amélioration en cours : le retraitement
des eaux usées des villes ! Ainsi depuis 15 ans l'état sanitaire des eaux du golfe
Saronique s'améliore-t-il régulièrement.
Les ressources
Le territoire grec reçoit dans sa partie septentrionale les eaux de 4 fleuves,
nés plus au nord, qui terminent leur cours dans la mer Égée, l'Evros-Maritsa, le
Nestos-Mesta, le Strymon-Strouma et l'Axios-Vardar ; leur passage en Grèce est
court, de 74 à 204 km, leurs eaux sont souvent polluées par les rejets industriels
ou urbains du pays précédent, mais ils sont alimentés toute l'année. Plus au sud,
en Grèce continentale, au nord du golfe de Corinthe, on doit citer deux fleuves
importants, l'Haliakmon (312 km) et l'Acheloos (280 km) ; d'autres cours d'eau,
de moindre taille sont utilisés pour l'irrigation et la production d'électricité, le
Louros, l'Arachtos, le Sperchios, l'Aoos, et, dans le Péloponnèse, l'Alfios et le
Ladon. Que ce soit dû au relief escarpé, à la sécheresse d'été, aux pompages
pour l'irrigation ou aux barrages, aucun de ces fleuves n'est navigable, en
revanche, tous les fleuves cités sont équipés d'un ou plusieurs barrages.
Aux apports des fleuves, on peut ajouter les résurgences nombreuses et les
pompages individuels qui se sont multipliés en 40 ans, quitte à épuiser les
nappes phréatiques ; en 2008, les pompages devaient, en Thessalie, être
effectués jusqu'à 200 ou 300 m de profondeur, 100 m plus bas que 10 ans plus
tôt, le niveau de certains lacs de retenue, comme le lac Plastiras créé en 1958,
baisse régulièrement. Quand ces pompages sont proches de la mer, on peut
avoir un appel d'eau de mer vers ces nappes épuisées, ce qui provoque la
salinisation des eaux et ruine les sols (ainsi au fond du golfe de Nauplie).
L'Acheloos présente un cas exceptionnel. Bien alimenté par son parcours
dans la zone centrale du Pinde, il a vu s'édifier dans les années 1960 une
véritable cascade de barrages le long de son parcours, fournissant ainsi l'énergie
nécessaire à l'usine d'aluminium proche. Aujourd'hui, ses eaux sont convoitées
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par tous : les paysans thessaliens dont le coton a épuisé les ressources locales,
les villes de Patras et d'Athènes, toujours en demande d'eau, et bien sûr, les
riverains du fleuve ! Un projet prévoyant un nouveau barrage qui, par une
conduite souterraine, apporterait un supplément d'eau aux cultures assoiffées de
Thessalie se heurte depuis 40 ans à l'opposition du village qui devrait disparaître
sous les eaux, des éleveurs d'Acarnanie qui craignent de voir s'assécher leurs
pâturages, des écologistes (soutenus par le Patriarcat de Constantinople !) qui
redoutent le recul du delta et ses conséquences sur la faune, de la DEH*
(Electricité de Grèce) qui craint de voir réduire la production énergétique de ses
barrages en contrebas... En pratique, d'avancée en recul (selon la force à
l'Assemblée des députés de Thessalie ou d'Acarnanie), le barrage existe, mais
n'est pas mis en eau totalement, la canalisation fonctionne, mais loin de la
capacité prévue, et l'argent manque...
Approvisionner Athènes et les îles
L'approvisionnement de l'agglomération athénienne en eau est une
préoccupation grandissante : les précipitations ne peuvent en aucun cas suffire
aux besoins, les deux fleuves de Platon, l'Ilissos et le Céphise, sont devenus
deux égouts en partie couverts. Le petit lac de retenue créé à Marathon avant la
deuxième guerre mondiale est vite devenu insuffisant, les années 1960 ont
ajouté, le lac artificiel d'Yliki, plus éloigné vers le nord et infiniment plus grand,
qui retenait les eaux issues du drainage de la plaine béotienne ; quand ce fut
insuffisant, les gouvernements ont fait parvenir à Yliki, par une canalisation
géante, les eaux du fleuve côtier, Mornos, au nord du golfe de Corinthe, à
l'ouest d'Itéa, ainsi asséché ; puis dans les années 1990, avec l'aide européenne,
les eaux de l'Evinos, à l'ouest du Mornos, ont pris le même chemin... Puiser
dans les ressources de l'Acheloos plus à l'ouest ? La seule issue semble être le
dessalement d'eau de mer.
Dans les îles de l'Égée où les moyens ancestraux de récupération des eaux de
pluie ne peuvent satisfaire la consommation contemporaine, on crée des bassins
artificiels pour maintenir les eaux de pluie et on a recours aux bateaux-citernes
qui apportent l'eau du continent. Mais, de plus en plus, des usines dessalent l'eau
de mer avec, pour corollaire, le problème de l'approvisionnement en énergie !
Syros, Kimolos, Mykonos, Symi, Patmos, Lipsi, Astypaléa, Nysiros,
Céphalonie, Zante, sont parmi les îles ainsi approvisionnées dont le nombre
augmente régulièrement.
Dans tous les cas, la politique consiste auprès du public, en campagnes
publicitaires contre le gaspillage et augmentation du prix de l'eau et, auprès des
agriculteurs, en campagnes pour de nouveaux arrosages moins dispendieux. Les
municipalités réagissent par des coupures d'eau et la baisse de pression, d'où
une floraison de réservoirs plastique sur les toits et les mauvaises 'surprises'
pour certains, en été. Les maisons isolées et les quartiers entiers surgis du sol
sans autorisation en dehors des plans d'urbanisme en sont réduits à remplir leur
réservoir avec le camion-citerne, moins cher qu'une canalisation nouvelle.
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