Le TARMED (« Tarif médical ») est entré en vigueur le 1er
janvier 2004 après quasi 20 ans de travaux. Son but principal
(et louable !) a été d’établir un catalogue des prestations
ambulatoires en Suisse et d’en uniformiser la tarification ; plus
de 4’500 actes médicaux ont été ainsi recensés. Le TARMED
doit respecter la « neutralité des coûts », c’est-à-dire ne pas
conduire à une augmentation des dépenses de santé. Il vise
d’autre part à valoriser les actes intellectuels au détriment des
actes techniques.
Les messages lénifiants de nombreux dirigeants politiques et
médicaux à propos du TARMED sont en contradiction avec ce
que ressent la majorité des médecins, médecins qui oscillent
entre la dépression et la révolte face à un nouveau système
qui :
• Augmente considérablement le travail administratif et
prive ainsi les médecins d’un temps qu’ils voudraient
consacrer à leurs patients.
• Augmente les dépenses de santé en raison de la surcharge
administrative (dépenses importantes en matériel
informatique et en personnel pour les cabinets privés, les
cliniques privées et les assurances).
• Remplace des injustices (les spécialistes chirurgicaux
gagnaient souvent beaucoup plus que les autres
médecins) par d’autres injustices (en diminuant certains
revenus de manière si brutale et drastique que cela en
devient matériellement insupportable).
• Modifie de manière si restrictive la notion d’urgence que
l’existence des Centres d’urgence non subventionnés,
comme celui de la Tour, en est menacée.
Où va
la médecine
suisse ?
03
EDITORIAL
La Suisse avait une excellente médecine dont il était
bien sûr possible d’améliorer l’organisation, mais le TARMED
est une révolution qui nuira à la qualité de la médecine et
constitue une menace pour la médecine privée. En outre, il
aggravera considérablement ce qui existe déjà, à savoir une
médecine à deux vitesses.
La médecine coûte de plus en plus cher dans tous les pays
industrialisés à cause des progrès techniques et du vieillisse-
ment de la population. De nombreux assureurs, politiciens et
journalistes veulent faire croire que les médecins et les clini-
ques privées sont les principaux, voire les seuls responsables
de l’augmentation des dépenses de santé. Cette affirmation
est fausse, les responsabilités se partageant entre tous les
« acteurs » du domaine. Les attaques injustifiées portées con-
tre les médecins, les tracasseries administratives à l’encontre
des patients et des médecins et les lettres accusatrices que
les assurances envoient de plus en plus souvent aux patients
compromettent gravement un élément essentiel à une bonne
médecine, à savoir une relation médecin-malade basée sur
l’estime et la confiance.
En ce qui concerne la Suisse, le principal malade est en
réalité le système de santé. Il était parfait autrefois, mais est
inadapté aujourd’hui. En effet, son financement se partage
entre les assurances, le gouvernement, les patients, sans vision
d’ensemble. En voici un exemple : à Genève, une grande partie
de la chirurgie ambulatoire était réalisée jusqu’à maintenant
en dehors de l’Hôpital Cantonal. Cette activité est bien sûr
bénéfique pour les patients et économique pour le système
de santé puisqu’elle évite les hospitalisations, très coûteuses.
Mais elle risque de disparaître puisque l’effondrement du
tarif la rend non rentable pour les spécialistes chirurgicaux,
les anesthésistes et les cliniques privées. Pour les patients qui,
comme la majorité d’entre eux, n’ont qu’une assurance de
base, il faudra donc choisir entre l’hospitalisation à l’Hôpital
Cantonal, ce qui impliquera des listes d’attente et des dépenses
supplémentaires dues à la nécessité d’engager du personnel ;
et le développement de nouvelles structures « low cost » où
la sécurité et le confort optimaux risquent de ne pas être
assurés.
La situation actuelle est difficile et inquiétante pour la
médecine privée. Reste à espérer que le bon sens finira par
l’emporter et permettra d’apporter au TARMED les améliora-
tions indispensables.
Dr Antoine Bloch
Directeur médical
de l’Hôpital de la Tour