bataille du Vercors

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Le corridor des feuilles de plomb au Mémorial de
Vassieux, où sont inscrits les noms des 840
victimes civiles et militaires du Vercors
Nécropole de la Résistance de Vassieux
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« LES » BATAILLES DU VERCORS (juin-juillet 1944)
Indique que le personnage figure dans « l’appendice 2 » en fin du digest
PRÉAMBULE
C’est le plan « Montagnards », grande idée stratégique, qui a été retenu pour le Vercors. Des camps dispersés dans tout
le massif et qui, en harmonie avec le débarquement allié en Provence renforcé de troupes aéroportées, prendraient à
revers les troupes ennemies stationnant ou remontant dans la vallée du Rhône. En d’autres termes, une forte dispersion
sur un vaste territoire boisé et accidenté de groupes très mobiles bien formés, bien armés, ne se concentrant et agissant
avec les unités aéroportées, qu’au jour « J » du débarquement Sud.
Ce projet va être esquissé, fin 1942, par Pierre Dalloz , montagnard expérimenté, résidant près de Sassenage et
connaissant bien la géographie du Vercors. Il va être assisté pour cela de quelques amis,
montagnards comme lui, dont Jean Prévost, le futur capitaine « Goderville ». Cette
ébauche de plan est présentée, à Lyon, à Yves Farge « Bessonneau » ou « Grégoire » ,
futur commissaire de la République pour la région Rhône Alpes. Ce dernier en parle alors
avec Jean Moulin « Max » puis, le 31 janvier 1943, revient à Grenoble confirmer l’intérêt
pris par l’envoyé du général de Gaulle.
Le 10 février, à l’issue d’un entretien, le général Delestraint « Vidal » (ci-contre), délégué
militaire national, adhère au projet et emporte ce dernier à Londres où il le présente au
général de Gaulle et à ses services.
Le 25 février 1943, il fait savoir à Dalloz que le projet est retenu et qu’une étude détaillée
doit immédiatement être lancée. Dalloz étend alors son groupe. Un état des ressources du
Vercors est établi par le commandant Pourchier, ancien directeur de l’Ecole de Haute
Montagne de Chamonix. Le plan d’utilisation militaire échoit au capitaine Alain Le Ray
« Bastide »1 qui s’adjoint trois officiers, dont le lieutenant Roland Costa de Beauregard « Durieux »2. De leur
côté, Pierre Dalloz et Yves Farge situent les terrains pour les opérations de parachutage et d’atterrissage dont l’étendue
plate et dégagée de Vassieux, propre à un terrain d’aviation.
Le projet Dalloz est devenu le plan « Montagnards » et, les 5 et 6 avril 1943, « Vidal » se le fait présenter sur place. Le
général fait simplement remarquer, en fin de visite, qu’il accepte le plan mais que si les blindés ne peuvent pas être à
l’aise dans le Vercors, il faudra, surtout pour la partie Nord, la pourvoir d’artillerie où, à la rigueur, de mortiers.
Hélas, le 9 juin, peu après cette rencontre, le général Delestraint3 est arrêté, par la Gestapo, à Paris. Et le 21 du même
mois, à Caluire, c’est Jean Moulin, qui a organisé une réunion pour pallier à la disparition de « Vidal » qui est capturé,
avec bien d’autres responsables de la Résistance, par Klaus Barbie3.
Avec ces deux grands responsables, très proches du général de Gaulle, l’un son frère d’armes ayant comme lui combattu
pour que l’armée se dote d’unités blindées, l’autre son envoyé personnel, porteur de grands pouvoirs, les fils reliant le
plan « Montagnards » au « sommet de la Résistance » sont dénoués et vont être difficiles à renouer. Dalloz
immédiatement parti pour Londres, puis pour Alger, va, selon l’expression de Le Ray, être « le pèlerin infatigable
plaidant pour le Vercors ».
Cependant cela ne suffira pas, car en réalité, si le plan « Montagnards » est connu de l’État-major allié, ne serait-ce que
par l’intermédiaire de leur délégué en France auprès de toute la Résistance du Sud-Est, le très courageux et très efficace
commandant Francis Cammaerts dit « Major Roger »4, il n’est plus, pour cet État-Major, lié au jour « J » du futur
débarquement en Provence.
La raison de ce décrochage est probablement liée au fait que les stratèges ne croient pas à une avancée rapide des troupes
débarquées. Et, lorsqu’ils auront vécu l’expérience de la lente progression du débarquement normand, ils ne changeront
pas de position5. Mais du fait du strict cloisonnement entourant chacune des futures opérations alliées (le secret étant
indispensable à la surprise !) il est probable que les services du général de Gaulle en charge du plan « Montagnards »
aient été tenus dans l’ignorance de ces évolutions de stratégie.
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1 Alain Le Ray deviendra, jusqu’à fin 1943, le 1er chef militaire du Vercors et, ensuite, le commandant des FFI de l’Isère
2 Costa de Beauregard, sous les ordres du colonel Huet chef militaire, assurera, pendant la bataille du Vercors, le
commandement du secteur Nord. Le secteur Sud étant confié au commandant Geyer « Thivollet »
3 « Vidal » mourra à Dachau, le 18 avril 1945, fusillé comme « NN » et Jean Moulin, reconnu comme le célèbre « Max » subira
le calvaire que l’on connaît et mourra le 8 juillet 1943 (voir « L’agonie de Jean Moulin » page 207)
4 Il restera au Vercors, près d’Huet, jusqu’à la dispersion, le 23 juillet.
5 Bien à tort, car il s’avèrera que le Vercors et les autres maquis du Dauphiné et de la Savoie ont été, bien avant la Libération,
les seuls maîtres du massif alpin. Au point que le plan allié au moment du débarquement de Provence qui prévoyait 3 mois pour
arriver à Grenoble puis Lyon n’a, en fait, requis que … 8 et 17 jours ! (voir page 240)
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Car comment comprendre autrement qu’Alger, par l’intermédiaire de Soustelle, promette, en mai 1944, à Chavant
« Clément » , chef civil du Vercors, l’arrivée prochaine – et utopique - de 4.000 parachutistes ?6
Durant l’été et l’automne 1943 les actes de Résistance et, avec eux, les opérations de répression se multiplient dans
toute l’Isère.
Le 30 août, un détachement de la 157ème division de réserve allemande est signalé dans
l’Isère, région occupée par les italiens mais dans laquelle le Gestapo lyonnaise ne se gêne pas
pour effectuer des arrestations.
Le 8 septembre, un bataillon d’infanterie et un escadron de chars de la 157ème s’arrêtent à
Grenoble. Le soir, le général Karl Pflaum (ci-contre) s’installe à l’Hôtel des Trois Dauphins.
Le même soir, le maréchal Badoglio annonce que l’Italie a signé l’armistice avec les alliés.
A partir de ce jour, tout Rhône Alpes, comme toute la France, sont occupés par les
allemands.
Des deux côtés la situation se radicalise, accentuant, en particulier, le rôle des Groupes
Francs qui serviront de fer de lance aux guérillas du printemps 1944 comme de
charpente solide à bien des compagnies du Vercors et du Grésivaudan. Les allemands
ne vont, d’ailleurs, pas être longs à juger insupportable que tout autour de Grenoble
foisonnent des maquis, qu’à Grenoble et alentours les attentats perpétrés par la
Résistance soient permanents et que, petit à petit, se constituent, au Vercors, des forces
de plus en plus importantes, recevant quantités d’armes.
Le 12 septembre, les allemands font connaissance avec les commandos du commandant Louis Nal (ci-dessous à droite).
Un détachement allemand venu prendre possession au fort des Quatre Seigneurs, d’un stock d’armes et d’explosifs,
découvre trop tard qu’il a été miné. 20 morts.
Voilà les nouveaux occupants entrés dans la spirale de la violence (que les miliciens connaissent déjà bien !) et
qu’imposent tant les équipes de Nal que celles des F.T.P. Les voies de chemin de fer
sautent et resautent. Un convoi de wagons, chargés de transformateurs pour
l’Allemagne, est détruit. Des bombes éclatent dans les locaux de la Milice.
Le 11 novembre 1943, des milliers de personnes se rendent au monument aux morts
des Diables Bleus. Un millier est arrêté. 393 seront déportés. Seuls 120 reviendront !
Le 13 novembre, suite à la mission « Cantinier »7, un premier parachutage de 80
containers d’armes légères, de plastic et de matériels divers, est effectué. A la grande
déception d’Alain Le Ray, chef militaire du Vercors, qui en souhaitait dix fois plus
avec, notamment, des mortiers et des canons antichars, armes qui feront cruellement
défaut plus tard.
Dans la nuit du 13 au 14 novembre, Aimé Requet, adjoint de Nal, fait, tout seul, sauter
le parc d’artillerie. Pendant plus de 3 heures, magasins, ateliers explosent. 150 Tonnes de
munitions et plus de 1000 Tonnes de matériels militaires sont détruits ! Les allemands,
paniqués, patrouillent dans la nuit et tirent sur tout ce qui bouge. Conséquence : 7 passants
tués, dont 2 journalistes.
La riposte allemande va être terrible. Dès le 25 novembre, et cinq jours durant, les allemands, aidés de la Gestapo, de la
Milice, du P.P.F et d’équipes de tortionnaires, vont tenter de décapiter la Résistance en capturant, torturant, exécutant
et déportant d’importants responsables.8
Le 2 décembre 1943, la caserne Bonne saute. 100 Tonnes de munitions explosent. Les pertes ennemies sont
importantes. Cependant, il y a malheureusement des morts et des blessés parmi la population. Mais, par ce spectaculaire
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6 Les 4.000 parachutistes n’existaient pas dans l’armée française. Par contre - est-ce cela qui a entretenu la confusion ? - il y avait
de prévu, pour le débarquement de Provence, une force importante (on parlait de 10.000 hommes !) de parachutistes et
d’aéroportés américains. Et effectivement, le 15 août, ce sont 9.730 soldats sous les ordres d’un général de 37 ans, Robert
Frederick, qui, en deux vagues successives vont être déposés en France, non pas au Vercors, mais vers Muy dans la région de
Draguignan, en avant des plages du débarquement. La première vague, transportée par 535 Dakotas, partis de l’aéroport de
Lido di Roma, arrive à 4h30 suivie l’après-midi d’une seconde, constituée de 465 planeurs. En tout, 1.900 avions vont être mis
à contribution dans cette opération.
7 Mission arrivée en septembre 1943 et dirigée par le français Rosenthal, accompagné du capitaine américain, Paul Johnson
et du colonel anglais, Robert Helsop « Xavier ». Elle est chargée d’évaluer les besoins des maquis dans le sud-est. Elle se rend
au Vercors, inspecte les camps et exerce même un contrôle financier (rapport 31/10/1943)
8 Plus de 20 personnes dont Gaston Valois, chef des M.U.R pour l’Isère, son adjoint Jean Pain et sa secrétaire, Suzanne
Ferrandini.
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attentat, Nal veut montrer aux allemands que ce n’est pas parce que certains responsables de la Résistance avaient été
pris que d’autres clandestins n’étaient pas aptes à poursuivre l’insurrection. Ce même jour, à titre de représailles, les
allemands assassinent le doyen Gosse et son fils. Ces jours de répression sauvage qui vont se traduire par, au moins, 13
personnes assassinées, 20 arrestations et 15 personnes déportées, vont demeurer, dans la mémoire collective, sous le
nom de « Saint Barthelemy de la Résistance Grenobloise ». En attendant, aidé du soutien local, le Vercors hiverne.
Certes il y a des incursions de GMR, de miliciens, d’allemands mais l’attaque n’est toujours pas frontale.
Le 6 janvier 1944, est parachuté à Saint Nazaire en Royans, la mission « Union ». Elle est dirigée par le colonel Fourcaud et
composée de l’américain « Chambellan », de l’anglais Henry H. Thackthwaite dit « Procureur » et d’un radio. Si la tâche
essentielle d’Union est « de bien convaincre les chefs de maquis de la Drôme, de l’Isère, de la Savoie que l’organisation de la guérilla
le jour J et après celui-ci est maintenant le plus important des devoirs »9, le rapport que « Procureur » remet à ses chefs du S.O.E10,
à son retour à Londres le 3 mai, préconise d’adopter une défense mobile disposant de très bonnes communications, et d’avoir
un encadrement expérimenté. Mais que si le Vercors était bouclé et se trouvait face à un ennemi doté d’armements lourds,
d’artillerie, d’aviation et de troupes aéroportées, « Procureur » demande que le Vercors soit doté de mitrailleuses lourdes et
de mortiers et que soient parachutés des hommes aguerris. Sans se lasser « Procureur » réclamera ces moyens pour le Vercors.
Tout au plus obtiendra-t-il quelques mitrailleuses Vickers.
A la réunion du 24 janvier du CDLN11, l’action dévolue aux maquis ressort en filigrane constant. Certains prônent le stockage
des armes pour le jour « J ». D’autres sont pour l’action immédiate. Finalement l’accord se fait « sur une étude préalable de la
guérilla généralisée à tout le Département de l’Isère, l’entraînement et l’armement des maquis ne permettant pas une action
d’embrasement général ».Le 29 mars 1944, la consigne générale n°3 de l’Etat-major du Vercors donne ordre « de se mettre
en état de défense dispersée ». Succès semble-t-il, puisque les irruptions ennemies d’avril ne prennent dans leur filet que
des résistants isolés. Des civils surtout.
Le 13 mai, à la suite de l’arrestation de « Sylvain » (Commandant de Reynies), c’est « Bastide » (futur général Alain
Le Ray) qui lui succède comme chef départemental F.F.I.
« Bastide » est connu de tous au Comité Militaire du Vercors pour sa prédilection envers les unités mobiles. Il est, de
plus, auréolé des regrets laissés dans les camps du Vercors à la suite de sa démission en décembre 1943 de son poste de
chef militaire du Vercors.
Commencent pour « Bastide » des tournées d’inspection en vélo d’une grande intensité. L’objectif - écrira Le Ray,
rendant hommage à « Sylvain » – reste inchangé : « maintenir la pression sur les centres et les artères vitales de l’adversaire ».
Le 5 juin, la BBC diffuse les messages ordonnant à tous les groupes de Résistance de passer à l’action, dont celui destiné
au Vercors « Le Chamois des Alpes bondit » Pour l’Etat-major du Vercors, c’est le signe confirmant le lien existant entre
sa mobilisation et un débarquement en Provence se produisant dans la foulée de celui de Normandie. Et que les
parachutistes promis vont arriver. Hélas rien de tel n’était prévu pour le Sud avant … 69 jours !12
A cet ordre de mobilisation, répond, dès le 7 juin, un tel engouement populaire, que c’est un flot, désordonné et joyeux,
de volontaires qui monte au Vercors. L’intégration, la formation et l’équipement des nouveaux venus posent de
multiples problèmes qui, pour partie, seront progressivement résolus13
Dès le 10 juin, le Général Koening veut freiner ce recrutement. Probablement a-t-il encore en mémoire les propos que
lui a tenu Zeller14, à Londres en octobre 1943, « J’estime que la guérilla généralisée ne peut pas durer plus de 15 jours sans
aide considérable des alliés sous forme de renfort de troupes et de ravitaillement en armes, en équipements, en habillement et
en vivres » ajoutant qu’il craignait « un déclenchement prématuré de quelque organisme qui ne serait pas au courant de la
situation en France… et … ce déclenchement serait susceptible d’amener des représailles terribles sur la population »15. De
son côté, Yves Farges rappelle les réserves du général Delestraint sur les capacités d’un Vercors conçu en bastion, « sans
artillerie ou à la rigueur sans mortier, il ne faut pas espérer tenir longtemps sur le plateau de Villars de Lans ». Pas question,
pour autant, de renvoyer une partie des volontaires. Le Conseil de Guerre, tenu à Saint Martin, estime cette éventualité
impossible car génératrice de conséquences trop lourdes pour être exécutée.
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9 Michael R.D Foot in « SOE in France » - 1966 - Ed. Taylor et Francis Ltd
10 Ou « Spécial Opérations Executive »
11 Comité Départemental de Libération Nationale
12 N’y aurait-il pas eu ce message que cela n’aurait sans doute rien changé. Dès l’annonce du débarquement en Normandie, le
Vercors se considéra mobilisé estimant que les hypothèses de printemps étaient dépassées.
13 On va passer d’un effectif de 1.000 personnes, réparties en une vingtaine de camps très mobiles, bien encadrés et bien formés
ayant su s’en tirer correctement lors de chaque incursion ennemie depuis plusieurs mois, à un effectif de 4.000 personnes, dont
seulement 2.000 correctement armés et entrainés !
14 Futur chef de la région sud-est, de la Provence à la Suisse.
15 Propos rapportés par P.Dreyfus
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Certes, l’État-major du Vercors garde présent à l’esprit que l’afflux de volontaires (avec tous les problèmes que cela
pose) ne doit pas modifier le rôle dévolu au Massif par « Montagnards ». Le plateau doit rester ouvert, et dans son vaste
territoire boisé et accidenté, constituer, en vue du débarquement de Provence, une « plateforme d’invasion préparée
par les maquis pour recevoir des bataillons de parachutistes éclatant sur les arrières de l’ennemi ». Mais, rapidement, et
à leurs corps défendant, Zeller , Descour , Chavant et Huet , afin de protéger les
nouveaux arrivants des incursions ennemies (comme se donner du temps pour les équiper,
les armer, les affecter et les former) décident de fermer le Vercors « tout au moins
provisoirement ». Ainsi, le Vercors devient une citadelle. Immédiatement Costa de
Beauregard, pour le nord, et Geyer , pour le sud, répartissent certaines de leurs unités afin
que tous les accès au Vercors soient coupés. Au nord, les compagnies Paul Brisac et Jean
Prevost « Goderville » (ci-contre) contrôlent Saint Nizier, la compagnie Bordenave bloque
le tunnel d’Engins et la compagnie Philippe couvre le secteur de Coulmes. Au sud, la
compagnie Bourdeaux est positionnée en forêt de Lente, les chasseurs d’Abel Chabal sont à
Saint Agnan et la compagnie Cathala au col du Rousset. Enfin, les 3.000 hommes du colonel
Drouot, chef des F.F.I de la Drome, assisté du commandant Jean Pierre de Lassus et du
capitaine Pierre Raynaud, couvrent les contreforts du plateau. Ces maquisards de la Drome,
parmi lesquels de nombreux FTP sont répartis en 40 unités mobiles couvrant un front de
plus de 35 km, des hauteurs du Royans jusqu’au col de Crimone.
Le 8 juin 1944, Hugo Sperrle, feld-maréchal de la Luftwaffe, commandant en chef des unités allemandes déployées à
l’ouest, émet l’ordre d’éradiquer, par tous moyens, la Résistance16
13-15 JUIN 1944, LA PORTE DU VERCORS ENFONCÉE A SAINT NIZIER
Le 10 juin, Huet et Costa de Beauregard renforce Brisac et « Goderville » à Saint Nizier par les compagnies civiles
d’Autran et de Méaudre, des jeunes de Saint Nizier ainsi que de deux sections venues du secteur sud de Payot et de
Grange. Ces mouvements, prenant en compte la topographie (aucun des belligérants en puissance ne peut pas ignorer
ce que fait l’autre) sont un véritable défi à l’occupant. Par ailleurs, suprême provocation, il est facile d’imaginer ce que
ressent l’ennemi à la vue d’une oriflamme géante aux couleurs tricolores qui flotte au-dessus de Saint Nizier et
parfaitement visible depuis Grenoble.
A partir du 12 juin, la Kommandantur de Grenoble décrète le couvre-feu de 20h. à 6h.
Le 13, « Le Petit Dauphinois » publie un communiqué annonçant « la fermeture de la ligne de tramway Grenoble-Saint
Nizier. »
Le même jour, au matin, Brisac est prévenu qu’une colonne de 3/400 allemands monte à Saint Nizier. Les maquisards
les laissent approcher jusqu’à portée de leurs armes légères et ouvrent le feu. Il aurait fallu des canons placés au virage
de la route vers Lans capables de balayer 2km de parcours, mais Huet n’en possède pas.
Les assaillants se mettent à couvert et tâtent le dispositif. Ils essayent d’atteindre la côte à hauteur du plateau de Charvet
mais le tir précis du mortier17 de Jean Prévost les arrête un long moment. Quatre heures durant, le combat fait rage.
Quelques éléments allemands parviennent à prendre pied sur la crête qu’ils convoitent mais, cloués au sol, ils ne peuvent
pas progresser.
Huet demande de tenir encore trois heures, car les renforts arrivent. Après une courte accalmie, les assaillants tentent
de forcer la décision au pied des trois Pucelles. Bien que pris par le feu de deux fusils mitrailleurs, ils s’infiltrent par les
bois qui couvrent ce versant et dans les fourrés qui bordent le chemin creux de Pariset. Un combat à la grenade et à la
mitraillette s’engage.
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16 « Les personnels des opérations de la Wehrmacht doivent agir contre la guérilla des unités dans le sud de la France, et procéder
avec la plus extrême sévérité et sans aucune clémence. Les attaques doivent être définitivement éradiquées. Le résultat de ces
entreprises est d'une grande importance pour de nouveaux développements dans l'ouest. Les réussites partielles n'ont aucune
utilité. Les forces de la résistance doivent être écrasées rapidement. Pour la restauration de l'ordre, la plupart des mesures
rigoureuses doivent être prises pour dissuader les habitants de ces régions infestées afin de décourager les hébergements des
groupes de résistance et d'être administrés par eux et de donner comme un avertissement à l' ensemble de la population. La plus
extrême rigueur pendant cette période critique est indispensable si nous voulons éliminer le danger qui se cache dans le dos
des troupes de combat et d'éviter demain, une plus grande effusion de sang parmi les troupes et la population civile ». « Le
commandement suprême de la Wehrmacht a décidé que les membres du mouvement de résistance français doivent être
traités comme des guérilleros » (source :http://memoiredeguerre.pagesperso-orange.fr/ph-doc/speerle.htm)
17 En réalité, ce n’est pas un mortier mais un des trois canons automatiques de D.C.A de 25mm, servant à des exercices de tir
au camp de Chambaran, et enlevé le 13 juin au matin par un détachement du 11 è cuirassier de Geyer, sur renseignements de
Paul Porchey et Georges Cazeneuve, du bataillon Chambaran de Mariotte.
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Carte tirée de « Résistance dans le Vercors » de Gilles Vergnon
L’assaut allemand du 21 au 23
juillet sur le Vercors
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Les allemands sont contenus jusqu’à l’arrivée de la section du 6ème BCA de l’adjudantchef Chabal (dont les chasseurs ont revêtu des uniformes de leur corps, soustraits aux
stocks de l’armée, leurs clairons ornés de la flamme bleue et jonquille des Diables Bleus)
qui contre-attaque sur le plateau de Charvet aux alentours du cimetière militaire actuel.
Chabal (ci-contre) bouscule l’ennemi et rétablit la situation. Les allemands rompent le
contact et se replient sur Grenoble. Ils ont voulu tâter le terrain et Huet sait qu’ils
reviendront. Descour demande à Alger un parachutage d’armes et de munitions ainsi
que l’envoi de parachutistes. Fernand Grenier, Commissaire à l’Air, aidé du général
Bouscat et du Colonel Harteman, obtient du commandement anglo-américain dans la
nuit du 14, vers 3 h, deux parachutages sur le terrain de Méaudre et de la Chapelle. Le
14, tout est calme. Le renfort du Vercors Sud est en place. Un groupe de Saint Nizier est
envoyé au sommet du Moucherotte pour parer à un débordement par la montagne. Dans
la soirée du 14, des fusées de signalisation partent des bois voisins et une batterie d’artillerie installée à Grenoble, au
terrain de Bachelard, ouvre le feu. Les obus tombent à proximité du village sans faire de dégâts.
Le 15, le « Petit Dauphinois » publie un nouveau communiqué « interdisant la circulation des autos, des motos, des
vélomoteurs à Grenoble. La Tronche et Fontaine et proscrivant les promenades en groupe à bicyclette »… Ce même jour, des
avions bombardent et mitraillent Saint Donat, puis un millier de « légionnaires de l’Est », encadrés par des SS, tirent sur
la population, violentent des femmes, pillent les magasins, collent au mur 86 otages les insultent, les battent et en
fusillent huit.
Toujours le 15 juin, vers 5 h. du matin, les allemands, qui ont fait venir des renforts de Gap, Chambéry et Lyon,
cherchent à s’infiltrer dans les bois au pied des Trois Pucelles. Ils sont contenus à la grenade. Au centre, Payot, en
position près du chemin Creux, résiste farouchement 4 heures, refusant l’ordre de repli. A l’extrême gauche, où se
trouve la 2ème section de la compagnie Dufau, le combat est extrêmement sévère, l’ennemi ayant pu installer des armes
automatiques à l’extrémité du plateau Charvet. Bien abrités, ces mitrailleurs, malgré plusieurs tentatives, ne peuvent
pas être délogés. Un obus de mortier allemand, percute un sac de grenades. Un tué et plusieurs blessés.
Dans la bataille, 300 maquisards étirés sur un front de quatre km, contre 1.500 à 2.000 Allemands bien armés et parfaitement
entrainés. Cette lutte inégale se poursuit jusqu’à 9 h, où l’infiltration des allemands s’accentuant, Huet craignant un
débordement sur la gauche, donne l’ordre de repli général. Profitant du couvert des bois, les unités décrochent en bon ordre.
Le Maréchal des Logis Léon Itier, vêtu d’une vareuse bleu
ciel de la guerre de 14, court d’un bout à l’autre de la
position et fait feu avec son bazooka sur tout ce qui bouge.
Gravement blessé ses camarades, qui n’avaient pas pu
l’évacuer, l’entendent tirer sa dernière rafale de mitraillette.
Par trois fois, Chabal refuse de se replier et ce n’est qu’en
début d’après-midi, aux trois quarts encerclé, qu’il s’y
résout. Les allemands sont fous de rage. Entre la matinée
du jeudi et la journée du mardi, ils ont eu une quinzaine de
morts. Les maquisards, quant à eux, en ont eu 24. Au
sommet des Trois Pucelles le drapeau tricolore (ci-contre)
flotte toujours. Les allemands pénètrent dans Saint Nizier,
pillent toutes les maisons et y mettent le feu. L’église
flambe. Au cimetière ils découvrent plusieurs tombes de
maquisards tués le 13 juin. Ils déterrent les corps, les rassemblent avec les tués du 15 juin à la gare du tramway, constituent
un bûcher et y mettent le feu.
Les combattants de Saint Nizier refluent par petits groupes vers l’intérieur du plateau, traînant à travers près et bois,
leur fatigue et leur amertume. Ah ! s’ils avaient été plus puissamment armés !
Le 20 juin, le « Petit Dauphinois » annonce que le service de tramway est rétabli entre Grenoble et Saint Nizier. Le
plateau est désormais isolé, tel un navire qui a rompu ses amarres…
Le 22 juin, les allemands font une opération de reconnaissance sur le plateau de Combovin. Avec des blindés légers, ils
atteignent le P.C du commandant Drouot, dit « l’Hermine », et y surprennent les opérateurs radio, qu’ils abattent. Puis ils
se retirent. Huit morts côté français.
Nouveau raid test. Le 24 juin, une colonne motorisée s’introduit dans les gorges des Ecouges. Elle est arrêtée net, par
l’aspect vertigineux de la falaise d’où tombent des blocs de rochers et du haut de laquelle la compagnie Ulmann balance
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des gammons18 (ci-contre) et arrose les intrus de ses armes automatiques. La colonne se retire
emportant ses morts et ses blessés.
Pendant 4 semaines règne, sur toute la périphérie du plateau, un calme relatif annonçant la prochaine
grande offensive. Inlassablement le colonel Zeller et le colonel Descours réclament le bombardement
de l’aérodrome de Chabeuil … En vain !19
Ayant pris leurs décisions stratégiques pour la reconquête du Sud-est de la France et le rôle que
devrait jouer le Vercors dans cette phase de la guerre, les alliés pensent « que dans un but
essentiellement moral » (expression figurant dans un compte rendu de réunion tripartite
Angleterre-Amérique-France20), il y a lieu de renforcer l’effectif des formateurs à l’utilisation des
armes et, tout particulièrement des bazookas, des futures armes lourdes ainsi qu’à l’emploi des explosifs. Alger et les
américains promettent, chacun, un commando de 30 hommes. En réalité, le commando français ne sera prêt que fin
juillet, soit après la fin de la phase militaire allemande au Vercors21.
Quant au commando américain, sous le nom de « mission Justine », il est parachuté, dans la nuit du 28 au 29 juin, à Vassieux.
Sous les ordres du capitaine Vernon Hopper, assisté du lieutenant Chester Meyer, il est composé de 15 hommes (et non de
30 !), qui, pendant un mois, vont, non seulement, être actifs dans leur rôle de formateurs, mais, aussi, être présents avec les
maquisards, dans l’action armée. Ils participent, notamment, à une mission d’observation ayant permis de suivre de visu
l’activité de l’aérodrome de Chabeuil. De même, sont-ils, le 10 juillet, aux côtés des 24 hommes
de l’escadron Bourgeois, dans l’attaque d’un important convoi de camions transportant des
soldats et du matériel au col de Lus-la-croix-haute, sur la route Grenoble-Sisteron22. De même,
intégrés dans une formation de Geyer, vont-ils essayer, à deux reprises, de refouler les
parachutés, solidement retranchés dans les ruines de Vassieux avec des armes lourdes, montrant
leur maestria dans l’utilisation des bazookas. Le commando sortira du Vercors à 1423,
rejoignant, le 21 août, l’armée américaine24.
Toujours dans la nuit du 28 au 29 Juin, la mission « Eucalyptus », partie d’Alger, est
parachutée à Vassieux. Sous l’autorité du major anglais Desmond Longe, assisté du
capitaine Houseman, elle comprend le lieutenant américain, parfaitement bilingue,
André Péquet, alias « Paray » et du lieutenant français Yves Croix. Dans la matinée du
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18 La grenade Gammon : Engin d’un emploi délicat et dangereux, surtout destiné aux maquis et lancé d’une position
dominante, afin d’éviter l’effet de souffle qui est considérable, et « comparable à l’éclatement d’un obus de 155 ». Au lancement :
l’opérateur qui a ôté le bouchon protecteur à vis, doit serrer fermement le cordon et lancer la bombe dans le vide. Le cordon
lesté se déroule, libère la goupille, qui libère le percuteur et la bombe explose. L’effet dévastateur est d’autant plus grand que la
charge de plastic, mise dans la poche élastique, est +/- importante. (Célèbre lanceur Gamon du haut d’un toit lors de la prise de
Romans par Geyer, la Picirella, fondateur du remarquable musée de Vassieux)
19 Situé à mi-chemin entre les villes de Valence et Chabeuil, au hameau nommé la Trésorerie, l’aérodrome est, en septembre 1939,
occupé par des militaires de la base de Bron. Début juin 1940, il est bombardé par la Luftwaffe, puis déserté après l’armistice. En juin
1943, les allemands y font des travaux pour permettre l’entraînement des planeurs de combat et de troupes aéroportées. Afin d’abriter
et protéger les appareils, l’aérodrome est agrandi et camouflé pour tromper les repérages aériens. La D.C.A comporte des dizaines de
canons de tous calibres. L’effectif avoisine les 1.100 hommes. Le 24 juillet 1944, l’aérodrome est bombardé par les Alliés, non pas pour
soutenir le Vercors, il est déjà trop tard, mais dans le cadre de la préparation du débarquement de Provence. À la fin août, l’armée
allemande, en retraite, quitte le terrain abandonnant une trentaine de carcasses d’avions. Début septembre, la Trésorerie est utilisée par
l’aviation alliée.
20 Réunion se tenant à Alger et réunissant les services spéciaux américains, anglais et français, et décidant de l’envoi de missions
tripartites en France.
21 Il sera parachuté à Dieulefit et Intégré aux forces débarquées. On retrouvera ce commando dans la libération de Grenoble
où le caporal Michel Poniatowsky sera blessé au bras.
22 Durant son périple, cette colonne capturera Jean Gayvallet, jeune Résistant de 18 ans, qui, après avoir été torturé, sera
exécuté devant la population réunie du village de Lalley. Au terme de la confrontation, le bilan pour les allemands, selon le
commandant Tanant chef d’Etat-major du colonel Huet, est lourd : 40 tués et une vingtaine de blessés. Les maquisards se sont
repliés, mais les allemands poursuivent lentement leur route, faisant marcher, le long de leurs camions, femmes et enfants.
23 Sans le lieutenant Chester Meyer. Ce dernier, opéré de l’appendicite par le docteur Gaminede, se retrouve, avec ce dernier, capturé,
le 27 juillet, à la grotte de la Luire. Il échappe cependant aux divers massacres des occupants de cette grotte perpétrés soit, sur place,
pour les blessés ne pouvant pas marcher ; soit au Rousset, où le FFL, Francis Billon, jambe brisée, et 8 autres blessés, sont fusillés. Un
10ème parce que Nord-Africain, étant pendu. Soit à Grenoble, où les docteurs Fischer et Ulmann ainsi que le prêtre Yves de Montcheuil
sont fusillés. Chester Meyer ayant été reconnu prisonnier de guerre, il est emprisonné à Grenoble puis, selon Bernard Coliat, transféré
à Montluc à Lyon, puis déporté. Si, effectivement, on trouve trace, le 11 août 1944, d’un convoi Lyon-Natzweiller transportant 222
personnes, il n’y a, dans le répertoire de la Déportation-Répression, aucune trace d’un Chester Meyer. Aurait-il eu la chance d’être
libéré, lors de la prise de Lyon ?
24 Après leur passage en Chartreuse et en Belledonne. Hoppers et son commando partiront ultérieurement pour l’Indochine.
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29 Juin, Longe rencontre le major « Roger » (page précédente) qui lui réclame des armes lourdes et des formateurs
expérimentés. Celui-ci, d’origine belge, qui a été parachuté à Compiègne le 23 mars 1943, joue, depuis lors, un rôle
très important auprès de la Résistance française dans tout le Sud-est. C’est lui qui, depuis plusieurs mois, supervise
toutes les missions alliées dans ce vaste secteur couvrant les régions I et
II25. Par « Roger » le Vercors se trouve directement relié à l ‘Etat-major
allié, car il en est, même s’il ne le dit pas, leur représentant. Les besoins
identifiés par « Roger », par les missions, par les officiers français de
l’Etat-major du Vercors sont donc bien connus des Alliés qui préparent
le débarquement de Provence. Bien connus aussi des services français
de Londres ainsi que d’Alger où en mai, Chavant, chef civil du Vercors
s’est rendu et a reçu des promesses d’envoi d’armes lourdes et de
parachutistes.
Le 3 juillet, comme un défi, est proclamée la République du Vercors26.
Mais, répétons-le, le Vercors, pour les Alliés, n’est qu’un pion dans le dispositif de libération du sud de la France. Et si les
demandes formulées tant pour les armements lourds, que pour des parachutages d’hommes aguerris sont entendues et
comprises, elles ne trouvent que de timides débuts de réponses.
Comme l’envoi, dans la nuit du 6 au 7 juillet, d’une mission, conduite par le capitaine Tournissa, larguée à Vassieux, et
chargée de pousser l’achèvement de la piste de Vassieux en l’équipant
afin de la rendre apte à l’atterrissage. Grâce à 400 volontaires et au
talent de l’équipe Tournissa, cette piste de 1.050 sur 140 mètres sera,
le 13 juillet, prête à l’atterrissage27.
Les Alliés accélèrent les parachutages d’armes légères et de leurs
munitions. C’est, d’ailleurs, sur le terrain de Vassieux que, le 14
juillet, en plein jour, 72 forteresses volantes vont larguer 860
containers (ci-contre). Action appelant aussitôt, dès le dernier
quadrimoteur reparti avec sa chasse d’accompagnement vers
l’Angleterre, une violente réaction allemande.
Des chasseurs avec leurs mitrailleuses et des bombes légères,
virevoltant et interdisant pendant toute la journée le ramassage des
containers. Des bombardiers, avec des bombes de 250 kgs et des
engins incendiaires, détruisant la plus grande partie de Vassieux et de la Chapelle en Vercors. Parachutage massif, sans aucun
doute ressenti par l’ennemi comme un camouflet, et les incitants à hâter leur offensive contre le Vercors avant que n’arrivent
d’autres renforts. Dans ses mémoires le général de Lassus, ancien commandant des FFI de la Drôme, écrit « Cette intervention
de jour pouvait faire penser aux allemands à la réalité d’un prochain parachutage en force qui (hélas) n’a jamais été planifié par les
Alliés ».
21 JUILLET – 3 AOUT 1944 : LA GRANDE OFFENSIVE CONTRE LE VERCORS
Du 14 au 20 juillet, les allemands bouclent le Vercors. Au jour « J », le 21 juillet, fixé par le général Pflaum, l’infiltration
allemande du massif commence. Il dispose de 15.000 hommes, dont 4 bataillons de chasseurs alpins, les
« Gebirgstager », de 400 parachutistes des bataillons « Jungwirth » et de 3 bataillons de légionnaires de l’Est, appelés
les « Vlassov », vrais sauvages auxquels sont confiés les plus basses besognes de la « terre brûlée » (crimes, viols, vols,
exactions de tous ordres).
De son observatoire de la Rochepointue, le capitaine Paul Brisac, chef de la compagnie de Grenoble, voit s’avancer par
colonnes complètes, avec un considérable matériel, dont des mortiers et de l’artillerie de montagne, des soldats allemands qui
occupent villages et hameaux de Lans à Villard de Lans.
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25 Ce sont les 2 régions qui, au moment des évènements rapportés dans ce digest, étaient placées sous l’autorité du colonel
Henri Zeller « Joseph » « Faisceau »
R I : Ain (01), Jura (39), Saône et Loire (71), Loire (42), Rhône (69), Ardèche (07), Drome (26), Isère (38), Savoie (73), Haute
Savoie (74) - R II : Hautes Alpes (05), Alpes de Haute Provence (04), Alpes maritimes (06), Var (83), Bouches du Rhône (13),
Vaucluse (84), Gard (30)
26 Elle allait durer un peu moins d’un mois.
27 Mais hélas ce sont les allemands qui l’utiliseront, parce qu’ils resteront, pendant toute la phase de l’action militaire contre le
Vercors, maître du ciel depuis le proche aérodrome de Chabeuil, inexplicablement non bombardé par les Alliés à qui, pourtant,
toutes les preuves d’une concentration d’une centaine d’appareils avaient été fournies, avec demande réitérée de leur destruction.
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Le 21 juillet, vers 9h. 20 planeurs DFS 230, remorqués par des Junkers
52, partis de Lyon, appuyés par des chasseurs, mitraillant le site de la piste
de Vassieux et des bombardiers légers lâchant des bombes de 250kg
alentours, se posent sur la piste ainsi qu’à proximité des hameaux du
Château, de la Mure, des Chaux et de Jossaud. Quelques 200
parachutistes28 surgissent et attaquent. Atterrissent, en outre, deux
planeurs plus importants, transportant des armes lourdes d’infanterie.
Seul un atterrit à Vassieux, l’autre se perd.
La réaction des maquisards est rapide. La compagnie du capitaine Pierre
Haezebrouck « Hardy », qui protégeait la piste, à laquelle se joint, la
surprise passée, la compagnie des travailleurs du capitaine Tournissa et de Victor Boiron, entrent en action. Plusieurs
planeurs sont touchés en se posant et des parachutistes tués. Mais sur les sites du Château, des Chaux et de Jossaud, il n’y a
plus de maquisards. Par contre à la Mure, une section du 11eme cuirassier, arrivée dans la nuit, est surprise dans son sommeil
et immédiatement anéantie. Leurs deux sentinelles capturées sont pendues dans des conditions particulièrement atroces.
Attachés à la même corde, tendue autour d’une branche d’arbre, les deux hommes sont entravés de façon à ce qu’une seule
de leur jambe les soutienne au sol. Ils finiront, à bout de force, par s'étrangler mutuellement.
Autour de Vassieux, les contre-attaques des maquisards se succèdent mais échouent face à un
ennemi surentrainé, équipé d’armes lourdes et de mortiers, et qui s’est retranché dans les
habitations de Vassieux en ruines.
Vers 16h, le capitaine Haezebrouck (ci-contre), 24 ans, après le lieutenant Payot est tué. Les
15 américains du capitaine Hopper à grands renforts de bazookas, tentent de s’infiltrer dans
Vassieux, mais doivent se replier. Même échec pour une tentative menée par les hommes du génie
du capitaine Nicolas, appuyés par une section du lieutenant Arnold, sur le site du Château.
Les allemands réfugiés dans Vassieux prélèvent des renforts sur les groupes posés à la Mure
et au Château. On peut considérer, à la fin de la journée du 21 juillet, que les maquisards
regroupés ont pu faire face, malgré l’infériorité de leur armement. Et que les allemands ont
été contraints de se regrouper dans Vassieux, ayant subi toute la journée, des attaques de
harcèlements et éprouvé des pertes importantes (29 parachutistes tués et 20 autres grièvement blessés, soit un quart des
effectifs !). Du côté français, une centaine de maquisards et de civils tués, soit par attaque aérienne, soit au cours des
combats. Parmi eux, Jacques « La Flèche », le fils du colonel Descour, 18 ans.
Les allemands, cernés dans Vassieux, appellent des renforts. Le mauvais temps du 22 juillet ne le permet pas par voie
aérienne. Mais par voie terrestre, ce sont les chasseurs de montagne qui progressent sur le plateau, après avoir achevé la
conquête de la zone situé au nord de la Bourne et pris à revers Rencurel et les Ecouges. Au sud, les blindés de la 9ème
Panzerdivision atteignent Die. A l’est, les combats se poursuivent de part et d’autre du Grand Veymont. Les uns après
autres, les « Pas » sont contrôlés par les « Gebirgstager » qui, en bons montagnards, les débordent par les sommets et
s’emparent des Pas des Chattons, de la Selle et de la Ville. Les maquisards, surpris, se regroupent, dans une caverne, au
Pas de l’Aiguille. Ils sont 25 et vont résister 36 heures. Dans la nuit du 24 juillet, à une heure du matin, 18 d’entre eux
vont s’échapper laissant 7 morts derrière eux, dont deux de leurs camarades grièvement blessés qui vont se suicider.
Le 23 juillet, le temps s’améliore. Tôt le matin, 20 planeurs, partis de Chabeuil, transportant une compagnie de l’Est, une
section de mortiers et 50 parachutistes sont largués sur Vassieux. Un des planeurs s’écrase et tous les occupants sont tués.
Un second se pose hors Vassieux et est récupéré par les allemands. Ainsi renforcés, les parachutistes allemands, aidés par
une pièce de D.C.A de 20mm, réussissent à se dégager de Vassieux et à refouler les points de résistance des maquisards
Reste le point névralgique de Valchevrière qui protège l’accès au cœur du plateau. Huet a confié ce front à Jean
Prévost, dit capitaine « Goderville » qui dispose de 2 compagnies du 6ème BCA (la 2ème et 4ème) renforcées d’un
détachement de tirailleurs sénégalais et d’une section du bataillon Ulmann. En tout, 400 hommes répartis sur 15 kms.
Le 22 juillet, Chabal29, solidement installé au carrefour de Valchevrière avec 82 hommes, mais ne disposant d’aucun mortier,
ni d’artillerie de montagne, seulement quelques bazookas, des fusils mitrailleurs, des mitrailleuses légères, des armes de poing
et des grenades, repousse, à 15h15, un premier assaut. Le 23, dès l’aube, c’est la grande offensive. Les mortiers allemands
arrosent tout le secteur. Les chasseurs alpins allemands montent à l’assaut vers 6h. Les avant-postes débordés se replient
après avoir résisté au fusil mitrailleur et au bazooka, vers le belvédère ou se tient Chabal.
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28 Les hommes qui attaquèrent Vassieux n’étaient pas des Waffen SS mais des parachutistes constituant le bataillon
« Jungwirth », une unité nouvellement formée sous le commandement de Klaus Dieter Reich.
29 Passé d’Adjudant-Chef à Lieutenant après ses faits d’armes à Saint Nizier.
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La bataille fait rage jusqu’à 15h. Chabal est tué à son fusil mitrailleur. Peu avant, il passe, à son capitaine, un dernier
message « Je suis presque complètement encerclé. Nous nous apprêtons à faire « Sidi Brahim », vive la France ». Avec la
percée de Valchevrière, c’est toute la ligne principale de défense du Vercors qui s’écroule. La guerre de position après
56 heures de combat est perdue. La dispersion est décidée par Huet, le 23 Juillet, à 16 heures.
La sortie du Vercors et la dispersion dans les vastes forêts donne lieu à bien des accrochages car l’action militaire
allemande de poursuite va durer jusqu’au 27. Une forte partie des maquisards survivants, derrière Huet, Bousquet, Chavant,
Costa de Beauregard ou Geyer, va réussir à s’extraire du Vercors, s’orientant, soit vers Romans, soit, par des routes diverses,
vers Grenoble. Et tous reprenant le combat, vont grandement contribuer à la libération de Bourg de Péage, Romans, Grenoble
et Lyon30.
Du 28 au 3 août, c’est la terrible répression où l’ensemble des unités allemandes, y compris des troupes banales de la
Wehrmacht, va assassiner, fusiller, piller, voler, brûler (en un mot appliquer la politique de la « terre brûlée » que ces
unités avaient appliqué à l’Est de l’Europe, aux personnes aux animaux, aux constructions.) Au final, 1.200 fermes ou
maisons vont être détruites et un total de 840 victimes (auxquelles il faut ajouter 41 déportés) dont 639 maquisards31
Parmi les derniers morts du Vercors, retenons la mémoire de Jean Prevost, « Goderville » qui, le 1er août, est surpris
par une patrouille allemande, lors d’une halte aux Côtes de Sassenage, tout près de la maison de son ami Dalloz, avec
4 de ses amis. Tous les cinq sont tués au fusil mitrailleur, massacrés dans le Furon.
« Cet intellectuel athlétique » comme le qualifiait Alain le Ray, avait écrit peu de temps avant sa mort un « Petit
testament » à Claude, son épouse :
« Pas d’étendard avec ma chiffe
Que l’officiel et le Pontife
Taisent leur bec ;
Vous-mêmes ce matin d’épreuve
Mes trois enfants et toi ma veuve
Gardez l’œil sec »
Si le Vercors a pu soutenir une série de combats sans sérieusement se laisser entamer par l’ennemi, les armes en
possession des maquisards leur permettant de développer des actions de guérilla, il n’était, par contre, pas en mesure
de résister à des affrontements prolongés où l’ennemi aurait disposé d’un armement lourd, d’aviation, de troupes
aéroportées et de réserves de tous ordres. Les Alliés connaissaient cette situation. Ils comprenaient l’appréhension de
l’Etat-major du Vercors qui craignait, faute de moyens de ne pas pouvoir éviter l’envahissement de son « réduit ». Et
les grands risques encourus par la population civile. Passer de la sanctuarisation d’un territoire au retrait des centres
urbains et à la dispersion d’unités très mobiles dans un site très étendu de 170.000ha, composé de forêts profondes, de
plateaux imposants, de combes allongées et de très puissants accidents de relief, était possible. Mais cet ordre n’est
jamais venu et, seule, la dispersion décidée par le colonel Huet, le 23 juillet, à 16h., avec l’accord de Zeller, Descour
et Chavant, a permis la poursuite du combat par des actions de guérilla tout au long des opérations de retrait du massif..
« Le drame du Vercors est dans un immense espoir, entretenu et déçu. Mais il est ensuite dans l’horreur des représailles
exercées par l’ennemi. Et ce qui est le plus tragique, c’est la proportion de victimes civiles comme la cruauté sadique
des crimes perpétrés par une troupe sans âme. Cette soldatesque s’est vengée sur des vieillards, des femmes parce qu’elle
ne pouvait pas anéantir le gros des formations armées » Général Alain Le Ray.
Complément : Les différentes « missions » sur le Vercors
« UNION » Parachutée le 6 janvier 1944 près de St Nazaire en Royans, elle comprend l’anglais Thackthwaite
« Procureur », l’américain « Chambellan », le colonel français Fourcaud « Sphère » et le radio « Magyar ». Objectif :
organiser militairement le Vercors, mettre en place un commandement unique, définir les besoins en armement.
« JUSTINE » Dirigée par le capitaine Hoppers (O.S.S) avec comme adjoint le lieutenant Chesters. Mission parachutée
dans la nuit du 28 au 29 juin 1944. Composée 15 G.I qui ont reçu un entrainement spécial de commando dans le
Colorado (armement, close combat, explosifs). Parmi eux, Calvert parle un excellent français. Objectif : former les
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30 Une partie des maquisards du Vercors se sont retrouvés en Maurienne pour la guerre victorieuse sur la crête frontière francoitalienne.
31 Sur 3909 maquisards recensés par l’association des « Pionniers du Vercors ».
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maquisards à utiliser de façon optimale les armes américaines ou anglaises, se renseigner sur les positions allemandes,
harceler l’ennemi, tendre des embuscades.
« EUCALYPTUS » Parachutée, à Vassieux, dans la nuit du 28 au 29 juin 1944 et composée du major anglais Desmond
Longe, du capitaine français Houseman, du lieutenant américain bilingue « Paray » et du lieutenant français Croix. Objectif :
Assistance et encadrement, recherche de terrains de parachutages et d’atterrissages. Va œuvrer avec le major belge « Roger »,
« œil » de l’Etat-major allié.
« PAQUEBOT » Parachutée, à Vassieux, dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944 et composée du capitaine Tournissa
assisté de 4 sous lieutenants dont François Billon qui sera fusillé le 11 juillet au Rousset (voir note 23 page 231).
Objectif : aménager une piste d’atterrissage et de décollage à Vassieux.
Sources :
 « Vercors citadelle de liberté » de Paul Dreyfus – Ed. Arthaud - 1969
 « Chronique des Maquis de l’Isère 1943-44 » de Paul et Suzanne Silvestre – Ed. Pug - 1995
 « Guide Mémorial du Vercors Résistant » de Patrice Escolan et Lucien Ratel - Préface d’Alain le Ray – Ed. Le
Cherche midi - 1994
 « Vercors 1944, des G.I dans le Maquis » de Bernard Coliat - Imp. Julin - 2003
 « François Huet, chef militaire du Vercors » de François Broche – Ed. GLM -2004
 « Mémorial de la Déportation » - Fondation pour la mémoire de la déportation – Ed. Tiresias - 2004
 « Résistance dans le Vercors » - Gilles Vergnon – Ed. Glénat - 2012
 Bulletin association Nationale des Médailles de la Résistance Mai 2003
 http://www.11eme-cuirassiers-vercors.com
 http://sflhg.blogspot.fr/2009/07/log-justine-dans-le-vercors-aout-1944.htm
 http://www.archives.ladrome.fr
Pour en savoir plus






« Vercors 1944, Resistance in the French Alps » de Peter Lieb et Peter Dennis – Ed. Osprey - 2013
« Les maquis de la Libération 1942/1944 » de Pierre Montagnon – Ed. Flammarion - 2012
« Chroniques du Vercors » de Jean Marc Collavet – Ed. Peuple Libre - 2005
« Maquis Rhône Alpes » de Jean Pierre Bernier – Ed. Lavauzelle - 1987
« Vercors, la forteresse sacrifiée » de Jean Pierre Andrevon – Ed. Nathan Jeunesse - 2009
« Vérités sur le drame du Vercors » Pierre Dalloz – Ed. Fernand Lanore - 1979
Note rédigée en mai 2003, décembre 2013 et Janvier 2014.
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APPENDICE 1
TÉMOIGNAGE DE SERGE DE SAINT ANDRÉ (1938/2013), ANCIEN MAIRE DE LA CHAPELLE EN
VERCORS, QUI, SA VIE DURANT, A CHERCHÉ QUI AVAIT ASSASSINÉ, EN 1944, SON PERE,
INSTITUTEUR DE LA COMMUNE, DANS LA COUR DE LA FERME ALBERT, AVEC 15 AUTRES OTAGES.
« Je vais essayer de vous dire, d'après mes connaissances et ce que j'ai pu recueillir pendant
de nombreuses années, un témoignage sur ce qui s'est passé dans le Vercors en juillet 1944.
Avant d'en venir à cette journée du 15 juillet 1944 proprement dite, je vais vous faire un
résumé de ce plan mis au point par les allemands.
Entre 12.000 et 16.000 soldats seront engagés dans cette opération.
En avril 1944, le général Niehoff, commandant en chef des armées de la Région RhôneAlpes et de la vallée du Rhône, reçoit de Berlin les ordres de réduire le maquis du Vercors.
Quatre mille maquisards dans le dos des allemands qui pouvaient les couper non seulement
des renforts en Provence, mais aussi du rapatriement de leurs troupes vers les armées de
Ligurie vers le Nord de l'Italie.
Un premier plan est monté, mais de toute évidence les derniers renseignements
topographiques n'étant pas les meilleurs, le général Niehoff décide de reporter les opérations de 2 à 3 mois. Confiant
cette opération à Knab, ancien chef d'extermination, qui avait tué des milliers de juifs, cet homme va mettre au point
le second plan destiné à réduire le maquis du Vercors.
Ce plan a été qualifié d'exemplaire non seulement par les nazis, mais également par les troupes alliées puisque après,
que ce soit en Indochine ou en Algérie, les commandos français, les parachutistes et régiments se servirent de ce plan
qui avait effroyablement bien réussi. Donc, au mois de juillet 1944, devant ces 4.000 maquisards, malheureusement
mal armés et sans armes lourdes, les allemands montent ce plan mené par l'Oberstumbannführer SS Knab.
Je vais vous expliquer brièvement comment les allemands ont pu investir le Vercors.
Le dénommé Knab s'appuie sur la 157ème division d'infanterie de Montagne de Grenoble commandée par le général
Pflaum et trois adjoints, le colonel Schwehr, le colonel Seeger et le lieutenant-colonel Maximilien Kretinzer. Ce
dernier se distinguera de la pire des façons en donnant l'ordre au jeune lieutenant Anton Büttner de massacrer les
occupants de l'hôpital militaire de la Grotte de la Luire. Ces hommes-là, à part le colonel Schwehr, étaient restés dans
l'armée. C'étaient des officiers de la Grande Guerre.
Le plan consiste à faire venir de Grenoble, la 157ème division d'infanterie de la Montagne de Réserve comprenant
deux bataillons de Chasseurs Alpins, venus à pied par les Pas, et commandés par le colonel Schwehr. Il y a aussi quatre
batteries d'artillerie dont deux de montagne, commandés par le colonel Seeger et deux bataillons de grenadiers et
lanciers, avec à leur tête le lieutenant-colonel Maximilien Kretinzer. Du côté de Die, un bataillon renforcé de la 9ème
" Panzer ", situé dans la vallée du Rhône, est sous les ordres du commandant Zabel.
Mais l'opération n'aurait pas pu réussir sans l'appui de deux escadrons de chasseurs parachutistes. Ces commandos de
l'air de l'armée allemande, faisant partie du bataillon " Jungwirth " de la Luftwaffe, et qui s'étaient illustrés de sinistre
manière sur le front de l'Est, arrivent en planeurs, le 21 juillet à Vassieux. Ces 200 parachutistes sont commandés par
un lieutenant de 25 ans, Fritz Schafer, un homme entièrement voué aux ordres de Knab. Il avait reçu son épaulette
après des exploits en Ukraine, en Crète, en Russie et surtout à Tunis où il avait reçu la croix de fer de 2ème classe. Après
l'opération du Vercors, il reçut la Croix d'or.
Après des combats où les maquisards se défendent corps et biens avec les armes qu'ils ont, l'ordre de dispersion est
donné, la victoire sur Vassieux est un fait.
Le bataillon de la 9ème Panzer arrivé par le col de Vassieux se livre, lui aussi, à des exactions que beaucoup de gens ont
par la suite, réprimé. Le 23 juillet, ces hommes sont renforcés à Vassieux, par un bataillon de l'Est formé d’Ouzbeks,
d'Ukrainiens et de Cosaques. Ils installent leur campement à la Mure. Ces hommes-là, qui ont été recrutés de force
dans l'armée, étaient appelés " exterminateurs ". Ils se sont livrés à la tuerie de 72 personnes.
Le 25 juillet, après avoir renvoyé la moitié des parachutistes sous les ordres de Fritz Schafer, ces hommes descendent
sur la Chapelle en Vercors, suivi deux heures plus tard, par les commandos de l'Est. Les hommes du commando de
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l'Est brulent et tuent tout ce qu'ils trouvent. Ce sont eux qui ont détruit les Ferrières, ont tué Mr Michel aux Griffes
et Régis Bernard (le grand père de Régis Malsand) à la Cime du Mas.
" Un carnage toujours sans responsable identifié ! "
Les parachutistes, arrivés en fin de matinée (du 25 juillet) sur la Chapelle, font la jonction avec les chasseurs Alpins
(appelés les hommes de l'Edelweiss parce qu'ils avaient une edelweiss sur le képi) du colonel Schwehr, qui ont capturé
des otages dans les différents hameaux. A midi, tous fêtent la victoire en buvant des bières, laissant les otages sous la
surveillance des parachutistes. Dans l'après-midi, ils rassemblent, sur la place de la Chapelle, toute la population qui se
trouve encore dans le village. Ils brûlent les maisons, épargnées par les bombardements, de la partie Est de la Chapelle
et rassemblent les villageois. D'un côté, les femmes et les enfants, de l'autre, les hommes de plus de 40 ans. Un autre
tri est fait plus tard pour les personnes qui avaient plus de 2 enfants.
Les otages pensent qu'on va les emmener à Grenoble le soir même, ou le lendemain. Mais on apprendra plus tard que
les allemands avaient trouvé des armes et des munitions cachées dans les caves. D'après leurs sources, Knab et Niehoff
pensent que la Chapelle est, avec Vassieux, le point central de la Résistance. Dans les archives allemandes, la Chapelle
et Vassieux étaient appelées “villes” et devaient être détruites. Les allemands tirent sur tout ce qui rampe ou bouge. Ils
enferment les gens dans l'école, gardent les otages, les promènent dans la Chapelle et ensuite plus personne ne les verra.
Aux alentours de 20h, ils les emmènent dans la cour de la ferme Albert. Il n'y a pas de témoins. Dans la grange, se
trouve une cave avec une voûte. Le propriétaire de la ferme, Mr Albert, avec sa femme et sa fille, alors âgée de 19 ans,
ainsi qu'un voisin, Mr Morin, se trouvent les seuls très près de ce qui va se passer.
Vers 21h, ils entendent un bruit fort d'armes automatiques dans la cour. Bien entendu, ils ne bougent pas car ils
auraient été tués. Et puis ensuite plus rien, un grand silence. A 6h du matin, Mr Albert avec sa femme, sa fille et Mr
Morin vont dans la cour et là, ils trouvent un carnage. Deux des otages ont été tué contre la porte au pistolet par
l'Officier ou le Sous-Officier qui commandait le groupe de combat, et 14 autres ont été tués dans le centre de la cour,
au pistolet mitrailleur. Les allemands avaient bien essayé de brûler les corps avec des grenades incendiaires, mais ce
mois de juillet 1944, il avait beaucoup plu, et les corps sont reconnaissables.
Des parents de personnes fusillées sont présentes, Mr Chabert, Mr
Allouard, …. D’autres sont allées aux Chaberts avertir Mr Rolland que
leurs fils avaient été tués dans la cour de la ferme Albert, ainsi que Mme
Rome et Mme Saint André. Les corps sont recouverts de draps blancs, le
nom de chacun écrit dessus. Ces 16 jeunes sont inhumés dans une fosse
commune, avant d’être, 8 à 10 jours plus tard, enterrés plus dignement au
cimetière, dans des tombes ou caveaux.
Ce fût une journée particulièrement difficile.
A l’époque, enfant de 32 mois, tout ce que j'avais alors compris, c'est que la
vie s'annoncerait difficile. Il y a encore beaucoup de zones d'ombre sur ces
évènements et je ne saurai sûrement jamais le nom de l'Officier qui a
ordonné cette tuerie.
En conclusion, après beaucoup de recherches personnelles, la raison la plus
probable à ce massacre est le prétexte d'avoir trouvé des armes et des munitions
dans les caves. De plus, L'armée allemande étant organisée différemment de
l'armée française, on ne saura jamais qui a fusillé les otages. »
Témoignage prononcé le 22 septembre 2012 à l’occasion du passage du Drapeau National de l'Association Nationale
des Communes Médaillées de la Résistance Française de la commune de Caniac de Causse (Lot) à la commune de la
Chapelle en Vercors (Drôme)
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APPENDICE 2
PERSONNALITÉS (ordre alphabétique) ET LIEUX SYMBOLES DU VERCORS
TITULAIRES DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION OU DE LA MÉDAILLE DE LA RÉSISTANCE
EUGENE CHAVANT
« CLEMENT »
(1894/1964)
ROLAND COSTA DE
BEAUREGARD
« DURIEU »
(1913/2002)
Croix de la Libération
Médaillé de la Résistance
Chef civil du Vercors
Responsable de
la partie nord du Vercors
PIERRE DALLOZ
(1900/1992)
Médaillé de la Résistance
« Inventeur » du plan
« Montagnards »*
JEAN PIERRE DE
LASSUS SAINT
GENIES
(1914/2010)
Médaillé de la Résistance
(rosette)
Commandant des forces
FFI de la Drôme
MARCEL DESCOUR
« BAYARD »
(1899/1995)
Médaillé de la Résistance
(rosette)
Chef de la région 1
NARCISSE GEYER
« THIVOLLET »
(1912/1993)
Médaillé de la Résistance
(rosette)
Chef militaire du Vercors
(01-05/1945) puis
responsable de sa partie sud
YVES FARGE
« BESSONEAU »
(1899/1953)
Croix de la Libération
Participe à l’élaboration du
plan Montagnards. Sera le
premier Commissaire de la
République de la région
Rhône Alpes
FRANÇOIS HUET
« HERVIEUX»
(1905/1968)
Médaillé de la Résistance
Chef militaire du Vercors
pendant « les » batailles
* Après la disparition du général Delestraint (délégué militaire du général de Gaulle responsable de l’A.S) et de Jean Moulin (délégué
personnel du général de Gaulle), il sera, de Londres à Alger, l’inlassable promoteur de ce plan.
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FAMILLE HUILLER
ÉMILE HUILLIER et VICTOR HUILLIER (ci-contre)
Médaillés de la Résistance
Les trois frères, Emile, Paul et Victor, ont fait partie, dès sa création du groupe de résistance
de Villard de Lans, né autour d’Eugène Samuel, début 1942. Ils ont participé à la création et
au développement des premiers camps et ont été très actifs tout au long des évènements du
Vercors, mettant à disposition des responsables du massif, l’ensemble de leurs moyens de
transport, aussi bien pour la liaison régulière Vercors-Grenoble, que pour assurer toute la
logistique propre à l’organisation de la Résistance sur le plateau. « Les » batailles du Vercors
terminées, la flotte importante de véhicules Huillier avait été, en grande partie, détruite.
En 2014, Daniel Huillier, fils de Victor est président de l’association des Pionniers du Vercors.
ALAIN LE RAY « BASTIDE »
(1910/2007)
Médaillé de la Résistance (rosette)
Il participe à l’élaboration du plan « Montagnards » pour la partie militaire.
A été le premier Chef militaire du Vercors jusqu’au 31 décembre 1943.
Il devient, ensuite le commandant des forces FFI de l’Isère.
HENRI ZELLER « JOSEPH », « FAISCEAU »
(1896/1971)
Médaillé de la Résistance (rosette)
Chef des régions 1 et 2. Il a su convaincre l’Etat-major allié, planifiant le débarquement
de Provence du 15 août 1944, de prévoir un encerclement de la vallée du Rhône, en
faisant passer une partie des troupes par la route Napoléon, les forces de la Résistance
ouvrant la route. Voir sur le sujet, l’appendice 3 (p. 240) sur l’opération « Faisceau »
Croix de la Libération
Médaillée de la Résistance
Médaillée de la Résistance
Et la GENDARMERIE DE LA CHAPELLE EN VERCORS : Médaillée de la Résistance
Drapeau de la République du Vercors
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APPENDICE 3
« Notre Etat-Major estimait qu'au cours de la campagne de France, les Forces Françaises de l'Intérieur équivaudraient à 15
divisions …Dans cette grandeur de la victoire en tant que votre commandant en chef, je vous remercie vous, les forces de la
Résistance, pour votre discipline, pour votre courage et pour les services inestimables que vous avez rendus à la cause de l'avenir
de tous les peuples épris de liberté. » Dwight Eisenhower – mai 1945
La très ample couverture télévisuelle a permis à des millions de foyers de suivre les manifestations très réussies du 70è
anniversaire du débarquement du 6 juin 1944. Seront aussi marquantes, les cérémonies prévues pour le 70è anniversaire du
débarquement de Provence du 15 aout 1944. Lors du 6 juin, quelques journalistes ont évoqué rapidement ces futures
manifestations, tout en signalant que le plan de marche des Alliés avait été sensiblement amélioré grâce à l’aide de la Résistance.
L’OPÉRATION « FAISCEAU »
Un exploit du à la puissance des forces débarquées, parachutées ou aéroportées, mais aussi au responsable en zones I et II de
toutes les forces armées de la Résistance : le colonel Henri Zeller, alias « Joseph », alias « Faisceau ».
Le 22 juillet 1944, après une ultime réunion avec les dirigeants du Vercors qui mènent le combat contre une déferlante
de forces terrestres et aériennes allemandes, Zeller réussit à s’extraire du massif et revient à ses fonctions militaires
régionales. A son niveau de responsabilités, il ignore tout des projets alliés en Méditerranée. Y aura-t-il finalement un
débarquement Sud ? Et s’il a lieu, à l’exemple de la Normandie, la progression vers le Nord sera-t-elle aussi difficile ?
De quelles forces les allemands disposent-ils ? Toutes ces inconnues le décident à identifier par lui-même les forces en
présence de la Drome à la Méditerranée. Le 23 et, durant 10 jours, il va avoir des entretiens avec tous les responsables
de la Résistance. Il constate alors que, depuis le 15 juin 1944, aucun train ne circule sur les deux lignes des Alpes
(Grenoble–Aix en Provence et Briançon–Livron). Aucune voiture allemande isolée ne se risque sur les routes alpines.
Aucun barrage ennemi, aucun contrôle n’existent en dehors des villes de garnison d’où les occupants ne sortent qu’en
force pour assurer le ravitaillement ou mener des représailles. De plus, une fois sur deux, ces convois sont attaqués par
les maquis. Pour lui, le massif alpin est devenu un puissant « repaire » de maquisards, et où la Wehrmacht s’aventure
peu. Il en conclue donc que la route des Alpes est ouverte et qu’avec une Résistance ouvrant la voie, une colonne alliée,
prenant la route Napoléon, pourrait foncer sur Grenoble puis se diviser et se rabattre en arc de cercle sur la vallée du
Rhône afin d’aider le gros des forces remontant le couloir rhodanien où se trouvent d’importantes forces allemandes.
C’est cet aspect de la réalité qu’il décide d’aller expliquer à Alger.
Dans la nuit du 1er août, un Lysander conduit « Joseph » à Calvi et le 3, il est à Alger. Le 4, il est reçu par Soustelle et,
le 5, il rencontre le général de Gaulle pour lui faire part de ses conclusions stratégiques. Ce dernier, très intéressé,
l’informe que, quelques jours plus tard, les Alliés vont débarquer en Provence. Il remet à Zeller un dossier sur cette
opération en lui demandant de l’étudier immédiatement. « Joseph » constate qu’à côté de Grenoble, il y a la mention
« J+90 » et que le rôle envisagé pour la Résistance est minimisé alors que, dans les faits, elle tient le massif alpin. Il
propose donc des itinéraires autres que la vallée du Rhône et affirme qu’une fois arrivés sur une ligne DraguignanBrignolles-Aix en Provence, les Alliés, en empruntant la route Napoléon, seront rapidement à Grenoble tout en pouvant
rabattre une partie de leurs troupes sur la vallée du Rhône afin de couper la retraite allemande.
De Gaulle manifeste un vif intérêt à ce plan et charge Zeller d’aller rencontrer, à Naples, le général Patch, commandant la
7è armée américaine et responsable de toutes les forces de débarquement, dont la 1ère armée du général de Lattre de Tassigny.
La rencontre a lieu le 6 août au matin en présence du général Patch, de son chef d’Etat-major, des chefs des 2è et 3è Bureaux
et d’un capitaine interprète anglais. Devant une carte du futur théâtre des opérations, Zeller expose ses propositions et les
conclue par « Direction générale : la route Napoléon. Et foncez ! » Puis il répond aux questions posées sur l’importance des
maquis, la valeur des troupes allemandes, la nature du terrain, les différents itinéraires (dont les plus aisés pour les chars), la
possibilité de détruire les routes des cols. Sur ce dernier point « Joseph » s’engageant à en donner l’ordre dès que cela lui sera
demandé. Zeller est chaleureusement remercié par Patch, l’interprète lui glissant à l’oreille « Je crois que vous avez gagné ! »
Après avoir rencontré le général de Lattre qu’il connait bien, Zeller retourne à Alger où il informe de Gaulle.
Le 18 août, trois jours après le débarquement, Zeller reçoit du Q.G de Patch, un message lui signifiant que le 6è Corps,
commandé par le général américain Truscott est sur le point d’exécuter le plan …. « Faisceau » (second surnom de
Zeller !). Le 6è Corps est composé de la 45è Division d’Infanterie (D.I) du général Eagle, la 3è D.I du général O’Daniel
et du « Combat Command » détaché de la 1ère Division Blindée (D.B) française.
Le plan « Faisceau » est celui proposé par Zeller. Dès le 19, Sisteron est atteint. Le 20, une « Task Force », de
l’importance d’une brigade de cavalerie motorisée, bifurque sur Montélimar. Le 22, soit à J+7 (au lieu de J+90), c’est
l’arrivée à Grenoble, suivie celle, 17 jours plus tard (au lieu des 90 prévus), à Lyon,
Par son action déterminante, le colonel Zeller aurait mérité de recevoir la Croix de la Libération.
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