Sur le plan biologique également, il est rare que les
paramètres inflammatoires couramment retrouvés se nor-
malisent entre deux crises ; de plus, la mévalonaturie est
souvent élevée (1-56 mol/mol de créatinine pour une
norme inférieure à 0,001), et persiste entre les crises
fébriles. Lorsque l’activité MK est testée, elle est effondrée
et quasiment toujours inférieure à 1 % par rapport au
témoin du jour (en général < 0,3 %). Enfin, les IgD sont le
plus souvent très élevées chez les patients AM [2, 26].
Sur le plan génétique, il semble que certaines muta-
tions faux-sens ne soient observées que dans les AM, leur
accordant « un poids » ou une gravité particulière, par
opposition aux mutations « modérées » comme la V377I
[4, 17, 20].
L’évolution est fatale dans les formes graves d’AM, et
compliquée essentiellement de dégénérescence cérébel-
leuse, de troubles du développement psychomoteur et
staturo-pondéral, d’amylose systémique et d’infections
graves chez les patients atteints de formes moins sévères
d’AM [26-28].
Aspects physiopathogéniques
des MKD
Les mutations de MVK sont répertoriées dans le site
web dédié aux fièvres récurrentes auto-inflammatoires
Infevers
1
[19], accessible gratuitement et régulièrement
mis à jour (figure 2).
La MK est une enzyme située sur la voie de synthèse du
cholestérol et des isoprènes non-stérols, juste en aval de
l’HMG-CoA réductase. Elle est ubiquitaire et exprimée dans
les peroxysomes et dans le cytosol des cellules [29]
.LaMK
a pour fonction de phosphoryler, grâce à la présence
d’ATP, l’acide mévalonique en 5-phosphomévalonate, qui
devient à son tour le substrat d’une autre enzyme de cette
voie de biosynthèse. La structure tertiaire de cette protéine
est illustrée en figure 4A ; cette représentation est tirée de
la cristallisation de la MK de rat en présence d’une molé-
cule d’ATP et de magnésium (Mg), MK de rat qui présente
82 % d’homologie avec la MK humaine [30].
Les études
de cristallographie dévoilent les repliements en trois dimen-
sions des protéines, et permettent non seulement de situer
les acides aminés dans la structure tridimensionnelle, mais
aussi de repérer les interactions moléculaires des atomes
constituant la protéine d’intérêt. À l’état naturel, la MK
existe sous forme d’homodimère, c’est-à-dire de 2 molé-
cules de MK (figure 4B)
[30]. Elle reçoit son substrat, l’acide
mévalonique, et l’ATP nécessaire à la réaction de phos-
phorylation, dans sa poche catalytique, comme illustré
par les figure 4C et D[30]. Ainsi, on découvre dans la
figure 4A, que la valine en position 377 qui est la cible de
la mutation Valine377Isoleucine (V377I), est située en
dehors du site catalytique de l’enzyme, expliquant la
raison pour laquelle cette mutation a un impact modéré
sur le phénotype du MKD [30]. La figure 5 illustre la voie
de biosynthèse des isoprènes, et montre que le déficit en
MK induit d’une part une accumulation d’acide mévalo-
nique en amont, d’autre part un déficit en composés
d’aval [9]. Il a récemment été montré que la responsabilité
de la pathologie n’incombait pas à l’accumulation d’acide
mévalonique, mais plutôt au déficit en produits d’aval, les
isoprènes non-stérols. Les isoprènes sont des composés
essentiels, impliqués dans de nombreuses fonctions cellu-
laires, comme le transport des électrons dans la chaîne
respiratoire, la traduction des ARNm en protéines, la
glycosylation des protéines et les processus de différencia-
tion, prolifération et motilité cellulaires. Ces processus
reposent sur le fonctionnement harmonieux d’une cas-
cade enzymatique dans laquelle interviennent des GTPa-
ses cytosoliques, qui sont des petites protéines G. D’après
les travaux du groupe de Waterham en Hollande, la patho-
génie du MKD serait liée à l’absence de géranyl-
géranylation de ces petites protéines G, en particulier
celles de la famille Ras/Rho/Rac [31]. La géranyl-
géranylation consiste en l’addition d’un groupe lipidique
hydrophobique géranyl-géranyl sur une protéine cyto-
plasmique. Cette modification induit l’arrimage des pro-
téines cytosoliques à la membrane plasmique bi-lipidique
où se situent les substrats de ces enzymes, permettant le
démarrage d’une cascade de réactions enzymatiques dans
un compartiment cellulaire bien précis.
Par ailleurs, comme il l’a déjà été mentionné, il existe
dans les cellules des malades atteints de MKD, une pro-
pension à produire de l’IL-1ben excès après stimulation in
vitro [16]. Pour l’instant, le lien exact entre le défaut de
géranyl-géranylation et la production excessive d’IL-1b
dans certaines circonstances, n’est pas encore élucidé.
Des données préliminaires semblent incriminer une acti-
vation inadéquate de la caspase-1, aussi appelée ICE
(IL-1bconverting enzyme), dans la genèse de l’hyperpro-
duction d’IL-1b[32].
Enfin, il a été montré que la MK était présente dans tous
les tissus mais en quantités variables, et qu’elle était natu-
rellement thermosensible, c’est-à-dire que sa stabilité et
par conséquent son activité diminuaient chez des patients,
déjà déficitaires, lors de l’élévation de la température du
milieu ambiant. Ceci explique qu’à l’occasion d’une aug-
mentation de température, l’activité MK s’abaisse en deçà
d’un seuil critique et produise une cascade de signes
cliniques en rapport avec une vague pro-inflammatoire
[17].
La biosynthèse des isoprènes est finement régulée pour
permettre une production constante de dérivés isoprény-
lés sans accumulation de produits intermédiaires toxi-
ques, ni déficit en composés terminaux. Ainsi, le choles-
térol agit comme « senseur » de cette voie de synthèse et
exerce un rétrocontrôle inverse sur la production de MK
1
http://fmf.igh.cnrs.fr/infevers.
mt pédiatrie, vol. 11, n° 3, mai-juin 2008 175