
mémoire et l’attention. Ces bouleversements psycho-
logiques suite à l’annonce du cancer pourraient ainsi
expliquer les troubles des fonctions cognitives observés
avant le début du traitement. Cependant, aucune étude
n’a étudié ce profil particulier de patientes.
Enfin, suite à l’annonce du diagnostic, des perturbations
du self pourraient se manifester (remise en cause de soi, de
la situation familiale et sociale, etc.) et ainsi être à l’origine
des troubles des fonctions cognitives dépendantes du self,
comme la mémoire autobiographique qui concerne les
connaissances et les souvenirs propres à un individu, accu-
mulés depuis son plus jeune âge et qui lui permettent de
construire un sentiment d’identité et de continuité. Des
troubles de la mémoire autobiographique ont été mis en
évidence chez certaines patientes avec notamment un déficit
dans la spécificité des souvenirs autobiographiques. De plus,
Brewin et al. [9] ont décrit des troubles de la mémoire
autobiographique avec un nombre de faux souvenirs plus
important chez les patientes cancéreuses dépressives par
rapport aux patientes non dépressives. Des études évaluant
le self et la mémoire autobiographique plus finement sont
encore nécessaires.
La part réelle des bouleversements psychosociologiques
dans l’apparition des troubles cognitifs avant et après le
traitement par chimiothérapie n’est pas clairement définie
à ce jour et nécessite une évaluation précise de ces facteurs.
Par ailleurs, il n’est pas écarté que la première intervention
chirurgicale suite au diagnostic et avant le début du traite-
ment ne soit pas sans influence sur le fonctionnement
cognitif, mais la faisabilité d’une évaluation neuropsycho-
logique demeure difficile à ce stade de la maladie, car ce
problème ne fait pas partie des priorités des patientes.
Troubles cognitifs et patientes cancéreuses âgées :
un champ d’étude à développer
Une autre variable peu contrôlée et pourtant susceptible
d’avoir un impact sur les fonctions cognitives concerne
l’âge des patientes. L’ensemble des études sur les troubles
cognitifs liés au cancer et à son traitement ont évalué des
patientes entre 50 et 60 ans, mais peu d’études ont exploré
les fonctions cognitives de patientes plus âgées, alors que
les traitements sont proposés de plus en plus souvent aux
patientes de plus de 65 ans. Hurria et al. [1] ont observé la
présence de déficits cognitifs chez 39 % des patientes avec
un cancer du sein âgées de 71 ans en moyenne, affectant
l’attention et la mémoire épisodique. L’absence d’un
groupe témoin de patientes plus jeunes dans cette étude
ne permet pas de comparer avec le déclin cognitif dans le
vieillissement normal.
Cancer du sein et imagerie cérébrale
Dans le cadre d’une meilleure compréhension des
processus cognitifs dans le cancer du sein, des travaux en
neuro-imagerie commencent à apparaître. Une première
étude en imagerie par résonance magnétique anatomique
(IRMa) a montré une réduction de densité de substance
blanche et de substance grise chez les patientes après la
chimiothérapie, en comparaison de patientes n’ayant pas
reçu de chimiothérapie [10].
Au niveau fonctionnel, la première étude en tomo-
graphie par émission de positons (TEP), réalisée cinq
et dix ans après le diagnostic, a identifié un profil d’activité
cérébrale différent entre les patientes traitées par chimiothé-
rapie ou non lors d’une tâche de mémoire épisodique [11].
Un pic d’activation était présent au niveau du gyrus frontal
inférieur chez les patientes traitées par chimiothérapie lors
du rappel de la figure de Rey, alors que le groupe n’ayant
pas reçu de chimiothérapie montrait une activation plus
importante dans le cortex pariétal. Les études en IRM fonc-
tionnelle (IRMf), qui se sont développées récemment, ont
montré des profils d’activation cérébrale différents entre
patientes et sujets sains. Ce phénomène est bien illustré
dans une étude réalisée auprès de jumelles par Ferguson
et al. [12]. Lors d’une tâche de n-back span (version 3-
back), tâche sollicitant des processus de mémoire de travail
et d’attention, la jumelle ayant eu un cancer du sein traité
par chimiothérapie (et sous hormonothérapie au moment
de la réalisation de la tâche) a montré une activation plus
étendue des régions impliquées dans ces processus (régions
préfrontales en particulier) que la jumelle qui n’a pas
développé de cancer. Les jumelles présentaient les mêmes
résultats comportementaux pour cette tâche, suggérant un
processus de compensation chez la jumelle ayant été trai-
tée pour un cancer du sein. Une autre étude en IRMf [13] a
montré un profil d’activation différent entre les patientes trai-
tées par chimiothérapie et les témoins sans vécu de cancer
lors d’une tâche de mémoire épisodique, et ce malgré des
scores comportementaux identiques. Lors de l’encodage
incident (jugement catégoriel), les patientes présentaient
une baisse d’activation du cortex préfrontal gauche par
rapport aux témoins ; au contraire, lors de la récupération
(reconnaissance), l’activation était plus importante chez les
patientes au niveau de l’hippocampe, du cervelet et du
cortex occipital. Ce résultat suggère que, malgré la capacité
de réalisation du même niveau de performance, les patientes
présentent une modification (baisse ou augmentation) de
l’activité cérébrale impliquée dans ces processus cognitifs.
La dose de chimiothérapie administrée semble également
être un facteur capital, y compris dans les répercussions à
long terme : comparant des patientes traitées par forte dose
de chimiothérapie dix ans après la fin du traitement et des
patientes n’ayant pas reçu de chimiothérapie, de Ruiter et al.
[5] ont montré, chez les patientes traitées, une baisse
d’activation dans le cortex préfrontal dorsolatéral lors d’une
tâche exécutive (Tour de Londres) et dans le gyrus para-
hippocampique lors d’une tâche de mémoire épisodique
(encodage et récupération de paires d’images), avec des
performances déficitaires pour ces deux tâches.
La chimiothérapie semble le principal facteur susceptible
de modifier le fonctionnement cérébral des patientes mais ce
n’est pas le seul. En effet, Ferguson et al. [12] soulignent
l’impact éventuel de l’hormonothérapie sur l’activité céré-
brale de la jumelle ayant développé un cancer du sein.
Mini-revue
R
EVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
N
EUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
253
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.