Jour 8 Offre d'intrant et marchés de produits par Eric Tollens, Université Catholique de Leuven Table des matières 1. Introduction 2. Les marchés des intrants 2.1 La nature essentielle de l'offre d'intrant 2.2 L'ajustement structurel et les marchés d'intrant 2.3 L'échec du marché de l'intrant et le besoin de l'intervention du gouvernement 3. Les marché de produit 3.1 La nature essentielle des marchés de produit 3.2 La nature de la concurrence sur le marché 3.3 L'instabilité des marchés agricoles 3.4 L'efficacité et la performance de la commercialisation sur les marchés de produit 3.5 L'échec du marché et l'intervention du gouvernement sur les marchés agricoles 4. Résumé et conclusions Bibliographie 144 1. Introduction L'offre d'intrant et les marchés de produit contraignent la réaction de l'offre, particulièrement dans les pays en voie de développement. Les fermiers traditionnels ou les fermiers en subsistance - Ellis (1988) les appelle les paysans - sont habituellement partiellement intégrés dans les marchés, qui ont tendance à fonctionner avec un degré élevé d'imperfection. Le degré de subsistance est une des raisons pour lesquelles l'intégration des paysans dans l'économie de marché est seulement partielle. Mais la production paysanne est toujours exposée d'une certaine manière aux forces du marché. Les intrants et outputs des fermes paysannes sont soumis à la valorisation par le marché plus large, aux prix en cours, même si une petite proportion des besoins du ménage sont satisfait par les interactions avec les marchés. Le marché fournit à la fois des opportunités et des pressions. L'engagement sur les marchés peut mener à un niveau de vie supérieur ou à une consommation plus diversifiée, mais en même temps il peut aussi exposer les participants à la possibilité d'être ruinés, soit à cause de mauvaises tendances de prix, soit à cause de l'exercice de pouvoirs de marché inégaux. C'est pourquoi la relation entre les fermiers traditionnels et le marché est caractérisée par une tension continuelle entre les avantages risqués de la participation au marché et la préservation d'une base hors du marché pour la survie. Ceci joue un rôle majeur dans la détermination de la réaction de l'offre. Les marchés fonctionnent de manières différentes, selon le nombre et la taille des participants de chaque côté du marché, l'adéquation des flux d'information entre les acheteurs et les vendeurs, et l'infrastructure physique (routes, chemins de fer, installations pour la vente de gros et de détail, etc.) nécessaires pour les transactions sur les biens. Les fermiers traditionnels ou paysans sont caractérisés par leur engagement variable plutôt que total sur le marché. Cela implique aussi une capacité variable de se retirer du marché et continuer à survivre. Les marchés eux-mêmes sont incomplets et fonctionnent souvent mal. De telles imperfections de marché sont définies en comparaison avec une idée hypothétique, le marché en concurrence parfaite. Dans le modèle de concurrence parfaite, il ne peut exister aucune coercition, domination ou aucun exercice de pouvoir économique par certains agents économiques sur d'autres. Au contraire, la société traditionnelle ou paysanne se caractérise par des transactions autres que des relations de marché, ou réciproques, entre ménages fermiers. La réciprocité se réfère aux échanges qui sont culturellement définis, pas renouvelables entre un événement et le prochain, et qui impliquent autre chose que des biens et services. De telles transactions ne sont pas valorisées au prix du marché. La réciprocité peut aussi impliquer des normes sociales de partage et de redistribution qui visent à assurer que tous les membres de la communauté survivent, sans considération de la performance productive des ménages individuels d'année en année (Ellis, 1988, p.10). Par conséquent, la concurrence ne définit pas exclusivement, ni même principalement, les relations des paysans entre eux ou avec des personnes extérieures. Les marchés auxquels sont confrontés les paysans peuvent être imparfaits à cause du développement bas et inégal de l'infrastructure économique. Cela peut être à cause d'une fragmentation spatiale due aux pauvres transports et communications. L'information sur le marché peut aussi être pauvre ou inexistante. 145 Ellis (1988, p.11-12) compare la situation économique d'une famille fermière typique dans une économie de marché industrialisée avec celle d'une famille paysanne: Economie de marché industrialisée - le crédit est disponible en abondance sur les marchés financiers développés (banques, agences de crédit, etc.), à des taux d'intérêt de marché compétitifs; - les intrants variables de production (engrais, semences, combustible, produits chimiques) sont disponibles pour toute quantité qu'un fermier individuel peut désirer acheter aux offreurs raisonnablement compétitifs; la connaissance des dernières technologies disponibles est étendue et discutée en long et en large dans tous les magazines d'agriculture; - il y a un marché libre de la terre, et les nouveaux entrants ont donc la possibilité de lancer une exploitation, et les fermiers sans succès peuvent quitter l'agriculture; - l'information sur les prix des intrants et outputs est disponible sur une base nationale, reflétant le degré élevé d'intégration des marchés et des communications. Famille paysanne - le crédit et les taux d'intérêt peuvent être liés à d'autres prix de facteurs tels que la terre et le travail au sein d'une relation économique dépendante, et par conséquent les marchés peuvent être liés de manière contractuelle plutôt que d'être indépendants; - les intrants variables de production peuvent être disponibles de manière erratique ou indisponibles, leur qualité peut varier, leur accès peut impliquer des systèmes formels ou informels de rationnement; - l'information sur le marché est pauvre, erratique, fragmentaire et incomplète, et le coût encouru par le ménage fermier pour acquérir une information au-delà des limites immédiates du village ou de la communauté est élevé; - un marché libre de la terre n'existe pas toujours, et quand c'est le cas, il est probable que des droits hors du marché ou des formes de régimes fonciers non liés au prix vont avoir plus d'importance que les transactions de marché libre sur la terre; - les marchés et communications en général ne sont pas bien intégrés, et selon le lieu et de l'infrastructure, il y a différents degrés d'isolement entre les communautés locales, les régions, et les segments plus développés de l'économie nationale. Cette comparaison illustre pourquoi la réaction de l'offre peut être tout à fait différente entre ces situations, et comment les marchés de l'intrant et du produit dans les pays en voie de développement peuvent limiter la réaction de l'offre plus que dans les pays industrialisés. 146 2. Les marchés des intrants1 2.1 La nature essentielle de l'offre d'intrant L'offre d'intrant est une condition essentielle à la production agricole et à la réaction de l'offre. Les intrants sont soit produits à la ferme, tels que les semences produites à la ferme, le fumier et le compost, les équipements, ou sont achetés, comme les engrais, pesticides, nouvelles semences, l'eau d'irrigation, la puissance mécanique, le fourrage animal, le bétail, et les services vétérinaires. Le processus de développement économique, dans chaque partie du monde, a été associé à une dépendance croissante à de tels intrants achetés. Aujourd'hui la possibilité d'étendre la superficie cultivée est limitée, et la croissance de l'output agricole doit provenir d'une hausse d'intensité, ce qui nécessite l'utilisation de plus d'intrants achetés. La hausse importante de la production de culture durant la "Révolution Verte" en Asie a résulté de l'introduction et de la distribution d'un ensemble complet d'intrants complémentaires incluant de nouvelles semences, de l'engrais, de l'irrigation et des pesticides. Les gouvernements des pays en voie de développement ont donc vu la distribution d'intrants agricoles comme une méthode importante de promotion de la réaction de l'offre et de croissance agricole. Les institutions publiques, telles que les services de vulgarisation, les entreprises parastatales de culture, les agences de crédit ou les Entreprises de Développement Agricole ont été chargées de la distribution d'intrants, très souvent à des prix subventionnés, ou même gratuitement. La chaîne de distribution d'un intrant de la ferme peut avoir différentes étapes entre la production ou la manufacture et la distribution au fermier; et l'intégration verticale est rare. La manufacture de certains intrants, tels que les produits agrochimiques, les vaccins ou les équipements, implique une technologie sophistiquée à grande échelle. Dans les premiers stades du développement, ils étaient généralement importés, mais ensuite beaucoup de gouvernements ont adopté des stratégies d'import-substitution et encouragé la production domestique. Un but secondaire de la politique d'intrant agricole peut être de promouvoir l'industrie de l'offre en contrôlant les importations et en subventionnant les produits domestiques. Les fermiers sont "consommateurs" d'un intrant, leur demande dérivée reflétant la valeur de la productivité marginale de l'intrant. Dans les pays en voie de développement, les marchés auxquels les paysans sont confrontés sont souvent incomplets et imparfaits. Les marchés pour certains facteurs de production peuvent ne pas exister, d'autres peuvent être fragmentés ou déformés, et l'information sur le marché peut être fortement imparfaite. Quand c'est le cas, la réaction de l'offre peut être fortement limitée par la pauvre performance des marchés d'offre d'intrant. 1 Cette section est tirée de "Les marchés de l'intrant ", préparé par Martin Upton de l'Université de Reading pour le module "Ajustement Structurel et Politiques Agricoles" du champs thématique "Economie agricole et politiques agricoles". 147 2.2 L'ajustement structurel et les marchés d'intrants Les quatre principales composantes de la plupart des régimes d'ajustement structurel sont: • la politique du taux de change pour corriger des taux de change surévalués; • la réforme du régime des échanges, pour réduire la protection tarifaire de l'industrie et lever les autres contrôles; • les réformes de prix pour améliorer les incitations aux exportations, particulièrement pour les produits primaires; • les réformes du marché et institutionnelle pour réduire le rôle du secteur public et encourager la privatisation, dans l'idée que cela va résulter en une plus grande efficacité. Tous ces changements vont probablement affecter les marchés des intrants agricoles. Les réformes des échanges et des prix mènent normalement à une hausse des prix domestiques des biens échangeables, incluant à la fois les cultures d'exportation et la nourriture importée. Ces changements fournissent des incitations pour une production domestique accrue et une plus grande utilisation d'intrants achetés. Le relâchement des restrictions aux échanges peut avoir l'effet opposé, en autorisant l'entrée d'importations bon marché. La dévaluation de la monnaie augmente aussi le prix des intrants échangeables importés, qui accroissent les coûts de production pour le fermier et agissent comme dissuasion. On suppose en mettant en place ces mesures d'ajustement structurel que les bénéfices pour les fermiers de prix des produits accrus vont excéder les coûts accrus des intrants importés. Cependant, dans certains pays où les régimes d'ajustement structurel ont été introduits, les prix des intrants ont crû plus rapidement que les prix des output, avec des effets négatifs consécutifs sur la réaction de l'offre et les revenus à la ferme. L'effet est exacerbé par les réformes du marché et institutionnelle, impliquant des réductions des dépenses du gouvernement sur la distribution des intrants, et un mouvement vers la privatisation. Quand les intrants tels que les pesticides sont fournis gratuitement au fermier, ou à un prix en dessous du coût total de l'offre, le gouvernement doit compenser la différence par un subside sur les fonds publics. On argumente que le financement privé par le recouvrement total des coûts auprès des fermiers est préférable en termes d'efficacité, de soutenabilité, et d'équité (voir James & Upton, 1993). L'efficacité est réduite quand un subside est versé, puisqu'il encourage l'utilisation excessive de l'intrant concerné et détourne les dépenses d'autres intrants à plus bas coût mais pas subventionnés. De manière similaire, les offreurs sont encouragés à produire plus d'intrants subventionnés qu'il ne serait justifié dans des conditions de marché compétitif, et détournent les ressources de l'offre d'intrants plus productifs. La subsidiation continue des intrants peut être non soutenable à cause de l'assèchement des fonds limités du gouvernement. L'effet recherché du subside est d'accroître les ventes et l'utilisation de l'intrant, mais cela signifie que le coût d'un subside à taux fixe va probablement s'accroître avec le temps. Les gouvernements confrontés à des fardeaux croissants de la dette peuvent être incapables de maintenir des offres adéquates d'intrants subventionnés pour rencontrer la demande du marché. Cela peut mener à des pénuries, nécessitant une certaine forme de rationnement, et/ou un développement de marchés 148 parallèles illégaux à prix élevés. Les résultats sont des pertes d'efficacité dans l'allocation des ressources et dans l'équité distributionnelle. Ces problèmes pourraient être évités si tous les coûts étaient récupérés auprès des fermiers utilisant les intrants. Le problème de l'équité se rapporte à l'effet régressif des subsides des intrants sur la distribution du revenu. Les fermiers et pasteurs plus riches, plus importants, qui utilisent plus d'intrants que les moins dotés, vont nécessairement bénéficier du subside. En cas de pénuries causées par le subside, le riche et le puissant sont de nouveau avantagés pour l'accès aux offres limitées. Au contraire, le recouvrement total des coûts est équitable dans le sens que l'utilisateur paie directement pour les bénéfices dérivés de l'intrant productif. Ces arguments ont une force considérable et peuvent expliquer les pressions pour le recouvrement total des coûts auprès des fermiers comme condition des prêts de la Banque Mondiales et autres prêts internationaux. Cependant, il y a également des arguments forts soulignants des cas d'échec du marché (voir plus loin), et le besoin continuel de financement du gouvernement pour la fourniture de certains intrants agricoles essentiels. Des tentatives de recouvrement des coûts dans l'entière gamme de services d'intrants peuvent avoir des effets désastreux sur la réaction de l'offre agricole. Cela peut expliquer en partie pourquoi la réaction de l'offre dans le cadre de politiques d'ajustement structurel, au moins dans le court et moyen terme, a été très limitée (nous faisons référence à la section sur l'évaluation de la réaction de l'offre agricole - semaine 3 - jour 4). 2.3 L'échec du marché de l'intrant et le besoin de l'intervention du gouvernement Un marché imparfait ou l'échec du marché implique que certaines conditions nécessaires pour avoir une situation compétitive ne sont pas remplies. Trois causes principales d'échec du marché peuvent être identifiées, à savoir: (i) les biens publics, (ii) l'information imparfaite et les coûts de transaction élevés, et (iii) les imperfections de marché. (i) Certains intrants agricoles, tels que les mesures pour prévenir la diffusion de maladies du bétail, ou l'érosion des couches arables, ont les caractéristiques de biens publics. Un bien public est un bien qui remplit les critères de non exclusivité et de non rivalité. Le premier de ces critères signifie qu'il est impossible d'exclure une personne de la jouissance des bénéfices d'une campagne pour éradiquer la peste bovine, ou pour prévenir l'érosion du sol, même s'il y a des "cavaliers seuls" qui ne paient pas. De plus, la non rivalité signifie que si un pasteur ou un cultivateur de plus bénéficie du programme, aucun coût additionnel n'est encouru; le coût marginal est zéro. Au contraire, un bien privé, tel qu'un sac d'engrais utilisé par le fermier A ne peut être utilisé par personne d'autre et a un coût marginal positif. Le recouvrement direct des coûts auprès des utilisateurs d'un bien public est très difficile, si pas impossible. Bien que quelques individus à l'esprit public peuvent désirer payer une partie du coût, ils vont inévitablement payer moins pour l'intrant. Le financement public, ou le recouvrement indirect des coûts à travers les taxes, est essentiel pour avoir une allocation efficaces de tels intrants. (ii) L'information imparfaite parmi les producteurs, en considérant l'état de l'offre et de la demande et les prix en cours, peut entraîner l'allocation inefficace des ressources. Cela s'applique à la plupart des marchés d'intrant agricole, car la population des fermiers est largement dispersée et les communications sont difficiles. Ainsi les coûts pour acquérir 149 l'information et organiser les échanges, connus comme les "coûts de transactions" sont élevés. En effet, dans certaines circonstances ces coûts de transaction sont si élevés par rapport au surplus économique global qui peut être gagné à travers les échanges, qu'aucun marché privé ne se développe. Une autre cause de coûts de transaction élevés est le problème de respect des contrats. Ainsi, l'obtention des honoraire pour la vaccination du bétail, ou le remboursement du crédit, peuvent parfois nécessiter des visites répétées ou même une action légale. La fourniture et l'amélioration des infrastructures rurales, des routes d'accès, des communications, d'un système légal pour faire appliquer les contrats et de l'information sur le marché sont sous la responsabilité du gouvernement. De tels biens publics doivent être financés par le budget national. De plus, il faut fournir la réglementation et le contrôle de qualité pour les intrants agricoles. Les producteurs peuvent souffrir d'une information imparfaite sur la qualité des intrants achetés, tels que les semences améliorées, les engrais, d'autres produits chimiques, et les médicaments et vaccins vétérinaires. On suggère que l'entreprise privée non régulée pourrait vendre des matériaux inadéquats, non testés ou dilués, ou des biens qui ont dépassé leur date de péremption (et peuvent avoir perdu leurs facultés). (iii) L'argument qu'un équilibre de marché est efficace tombe s'il y a des imperfections de marché, par exemple si le nombre d'offreurs est petit, ce qui est couramment le cas pour la distribution d'intrants agricoles. En effet, les systèmes de distribution des intrants sont généralement sujets à des économies d'échelle techniques, qui créent des "barrières à l'entrée" et établissent un "monopole naturel". Les économies d'échelle dérivent largement des coûts de distribution élevés et de la livraison à de grands nombres de fermiers largement dispersés. Ces coûts ne varient pas directement avec le nombre d'utilisateurs ou le montant d'intrant utilisé; ils sont, en partie, fixés. Ainsi le coût moyen par unité d'intrant livré va probablement baisser quand la quantité livrée est accrue. Il serait inefficace pour les offreurs en concurrence de dupliquer le système de livraison et partager le marché, particulièrement si l'intrant est encombrant ou périssable, et donc coûteux à livrer. L'information imparfaite et les coûts de transaction élevés peuvent créer des barrières pour les entrants potentiels au marché, et consolider le monopole d'un offreur existant. De plus, les gouvernements allouent souvent des licences ou des franchises à des compagnies privées pour la distribution d'intrants de la ferme, tout en maintenant un contrôle de gestion et une supervision du processus. L'émission d'une licence ou d'une franchise établit un "monopole légal" pour la firme concernée. De cette manière, la privatisation est bien plus susceptible de résulter en monopoles locaux qu'en marchés en concurrence parfaite. Comme nous le savons bien, un monopole privé est inefficace. L'offre du produit - dans ce cas un intrant de la ferme - est limitée en vue d'accroître le prix reçu. Ceci résulte en une perte sèche de bien-être pour toute l'économie, ainsi qu'à un transfert de bien-être des consommateurs d'intrants agricoles à l'offreur de l'intrant en monopole. Etant donné le fait que les consommateurs sont souvent des fermiers pauvres en ressources, et l'offreur en monopole est généralement une firme commerciale relativement bien dotée, ou même une firme transnationale, ce transfert de revenu peut être considéré particulièrement indésirable. Il y a donc un débat pour savoir si le contrôle du 150 gouvernement sur le pouvoir de monopole privé est faisable ou si la privatisation qui substitue un monopole privé à un public a un mérite. Dans une économie en développement, la plupart des systèmes de distribution de l'intrant sont des monopoles naturels avec des rendements d'échelle croissants, et des coûts moyens décroissants. Par conséquent les réglementations du gouvernement pour les prix et la qualité sont parfois nécessaires pour protéger les consommateurs d'intrants, bien qu'en résultat certains des gains d'efficacité dus à la privatisation peuvent être perdus. De telles réglementations peuvent s'avérer difficiles à mettre en pratique. Les activités de groupe des fermiers pour se procurer et distribuer les intrants ont certains avantages évidents, mais leur promotion et leur développement peuvent s'avérer difficiles. Malheureusement, les résultats des coopératives de fermiers sponsorisées par le gouvernement ne sont dans l'ensemble pas encourageants. Quand elles ont survécu, ces coopératives sont souvent restées en tant qu'organes efficaces du gouvernement, ou elles ont été dominées par quelques membres riches. Il n'est pas facile pour le gouvernement de promouvoir et de supporter des organisations non gouvernementales sans compromettre leur intégrité. En même temps, la pratique suggère qu'une vraie activité coopérative n'est possible que dans des groupes relativement petits. Par conséquent, malgré le caractère désirable de la participation des fermiers dans l'offre d'intrant, elle peut être difficile à promouvoir. Ces arguments expliquent pourquoi l'offre d'intrant reste une contrainte importante dans la réaction de l'offre, même si les incitations de prix (des outputs) sont présentes. Des facteurs autres que prix tels que l'offre d'intrant, et en particulier le système de distribution de l'intrant agricole, jouent un rôle critique dans la détermination de la réaction de l'offre agricole. 3. Les marchés de produit2 3.1 La nature essentielle des marchés de produit Les acheteurs et vendeurs de biens interagissent sur les marchés et échangent les biens contre de l'argent ou des paiements en nature (troc). La monnaie facilite le processus d'échange. Même dans les sociétés très primitives, des marchés simples vont se développer quand les individus s'échangent des biens et y gagnent grâce aux avantages de la division du travail et de la spécialisation. Les forces économiques de base qui fonctionnent sur les marchés sont l'offre et la demande. Dans un marché en libre concurrence, il y a un prix d'équilibre auquel les acheteurs prennent tout ce que les vendeurs peuvent offrir, et le marché est soldé. L'équilibre de l'offre et de la demande est obtenu automatiquement, par une sorte de "main invisible". C'est pourquoi les biens sont transférés des lieux où les prix sont bas vers les endroits où les prix sont élevés, de telle sorte qu'à la fin les prix sont si proches qu'un autre transfert ne serait pas rentable. Ce processus de déplacement des biens pour atteindre un équilibre est appelé l'arbitrage. Il est vital que l'arbitrage prenne place dans tout marché libre. 2 Cette section est tirée de "La théorie de marché: l'état et le secteur privé", préparé par Eric Tollens de l'Université Catholique de Leuven pour le module "Ajustement structurel et politique agricole" du champ thématique "Economie agricole et politiques agricoles". 151 Dans une économie dirigée ou menée par l'état, les mêmes forces économiques de base fonctionnent, mais l'état fixe les prix et commande ainsi quelle quantité doit être produite et quelle quantité doit être consommée. Le rationnement fait souvent partie d'une économie dirigée, parce qu'il est presque impossible pour l'état de fixer un prix d'équilibre qui égalise exactement l'offre et la demande. Par conséquent, il n'est pas surprenant que dans les économies dirigées, des marchés libres ou noirs apparaissent, bien qu'ils soient souvent illégaux. Un marché libre est le modèle de base d'un marché utilisé par les économistes - le marché en concurrence parfaite - bien que les marchés réels dévient souvent de ce modèle idéal. En général, les marchés libres agricoles approchent de plus près le modèle de concurrence parfaite que ne le font des marchés des biens industriels ou autres. Une grande partie de la théorie économique est fondée sur le modèle du marché en concurrence parfaite. La manière et l'étendue avec laquelle un marché particulier part du modèle en concurrence parfaite sont des éléments importants pour la politique de commercialisation et l'intervention du gouvernement. Les marchés des produits fournissent un débouché à un certain prix pour les producteurs agricoles. Ce prix peut être une incitation réelle à produire, ou peut être dissuasif, entraînant les fermiers à réduire le montant de produit qu'ils mettent sur le marché. Si l'incitation est insuffisante, le fermier peut viser à devenir uniquement autosuffisant, ne vendant sur le marché que des surplus occasionnels. Si suffisamment d'incitations à la production sont présentes, le fermier peut décider de se spécialiser dans un produit particulier et produire entièrement pour le marché. Le revenu en espèces alors dérivé va être utilisé pour satisfaire ses autres besoins, qu'il satisfera aussi principalement à travers le marché. D'après Ellis (1988), les paysans cessent d'être des paysans quand ils deviennent totalement engagés dans la production pour des marchés pleinement formés. Ils deviennent plutôt des fermes familiales, produisant pour le marché et dérivant leur revenu et leur subsistance à travers le marché. La réaction de leur offre est alors totalement dépendante de la performance des marchés. 3.2 La nature de la concurrence sur le marché Sur un marché en concurrence parfaite, un offreur peut vendre tous ses biens au prix du marché, mais il ne sais pas affecter le prix. La courbe de demande à laquelle tous les offreurs sont confrontés est infiniment élastique. Sous une telle concurrence, tout ce qu'un offreur ou une firme peut faire est essayer d'abaisser le coût à un minimum et d'accroître le volume produit. Une manière d'échapper à une telle concurrence est de produire un produit non homogène, tel qu'un nouveau produit ou un produit avec un goût ou une apparence spécial, ou avec une marque attractive. De telles tentatives vont dans la direction de la concurrence monopolistique ou de l'oligopole, signifiant la concurrence entre un petit nombre d'agents. En principe, la concurrence encourage l'efficacité. Dans le long terme, seul le plus efficace va survivre. C'est souvent appelé par les partisans de l'intervention de l'état la loi de la jungle ou la loi du plus fort, ou même le chaos. Dans un marché en concurrence parfaite, la 152 pression est forte pour accroître la productivité et donc pour abaisser les coûts, par exemple en adoptant de nouvelles technologies. De même, les modifications des préférences et des conditions de marché doivent être suivies de près en vue de survivre. Les prix établis sur les marchés compétitifs agissent réellement comme signaux aux producteurs pour produire plus ou moins, et aux consommateurs pour consommer plus ou moins. Ce sont donc des mécanismes coordinateurs qui égalisent l'offre et la demande. Des marchés en concurrence parfaite requièrent une bonne information de commercialisation et des règles claires de comportement de marché. Celles-ci constituent le "marketing software" (le logiciel de la commercialisation), et dans la plupart des pays en voie de développement, une intervention délibérée du gouvernement est nécessaire pour fournie une telle information publique et des règles adéquates de comportement de marché. Cela ne veut pas dire que les participants au marché par eux-mêmes ne peuvent pas gérer un système d'information sur le marché et établir les règlements de commercialisation, et même des règlements de conflits, comme c'est souvent le cas dans la plupart des pays industrialisés. De plus, une commercialisation agricole efficace requiert également un minimum d'infrastructure de commercialisation, le "hardware" (matériel), telle que des routes, des communications, et des infrastructures physiques de commercialisation, comme les marchés de gros et de détail, les entrepôts, etc. C'est également un rôle pour le gouvernement ou les autorités publique (par ex. les municipalité ou le gouvernement local), parce que le secteur privé n'est habituellement pas intéressé par la distribution de ces service, ou quand c'est le cas, il le fait en tant que monopoleur. Par conséquent, bien que les marchés compétitifs puissant apparaître par eux-mêmes, ils ne sont pas nécessairement efficaces ou performants à cause du manque de logiciel et de matériel de commercialisation, résultant en des coûts de transaction élevés et en des échecs du marché. Si c'est le cas, la réaction de l'offre sera inférieure à ce qu'elle serait dans le cas de marchés compétitifs fonctionnant bien. 3.3 L'instabilité des marchés agricoles Les programmes d'offre et de demande sont toujours considérés pour une période de temps particulière ou par unité de temps. Avec le temps, la demande et l'offre peuvent varier considérablement. Pour les produits agricoles, l'offre varie à cause des variations saisonnières induites par le climat et les périodes de culture, et les variations cycliques à cause de l'écart de temps impliqué dans la réaction de l'offre à des conditions de marché modifiées. La nature biologique de la production agricole implique des écarts de temps considérables dans la réaction de l'offre, résultant parfois en des marchés très instables. La demande peut aussi varier avec les saisons et selon les cycles d'affaire (expansion et contraction ou récession de l'économie). L'instabilité inhérente des marchés agricoles, incluant les marchés mondiaux pour les exportations agricoles, et les marchés alimentaires domestiques, est un des principaux arguments en faveur de l'intervention du gouvernement sur le marché. Une telle intervention peut prendre beaucoup de formes. L'intervention directe du gouvernement auprès de négociants établis du secteur privé pour influencer les prix du marché est invariablement très coûteuse pour la trésorerie du gouvernement. Le contrôle total du marché via un monopole alloué ou une agence de commercialisation publique ou parastatale apporte habituellement beaucoup d'inefficacités, y compris la recherche d'une rente. Les programmes d'ajustement structurel demandent habituellement aux gouvernements de libéraliser les marchés et de réduire leur intervention. Cela entraîne habituellement plus d'instabilité sur les marchés agricoles. Plus d'instabilité signifie plus de risque sur les prix pour les fermiers, et quand le risque est 153 supérieur, la réaction de l'offre sera plus basse en comparaison à la situation sans ou avec moins de risque. 3.4 L'efficacité et la performance de la commercialisation sur les marchés des produits Il est important d'être capable d'évaluer l'efficacité et la performance de la commercialisation sur un marché particulier pour guider l'intervention du gouvernement. En général, la performance de la commercialisation peut être jugée par les trois critères suivants: − l'efficacité: • l'efficacité allocative ou l'efficacité de l'utilisation des ressources: elle indique que les fonctions de commercialisation sont menées au plus bas coût possible • l'efficacité prix: c'est l'efficacité avec laquelle les prix sont reflétés par les consommateurs aux producteurs et vice versa dans la filière de commercialisation. Une bonne efficacité prix indique que les signaux de prix sont bien transmis dans la filière de commercialisation. Il y aura une bonne coordination verticale et une bonne intégration du marché. L'arbitrage va prendre place et les différences de prix entre marchés vont refléter uniquement les coûts de transaction. Ainsi, les marchés vont être transparents et la coordination globale des marchés sera bonne. − la progressivité: c'est une mesure de l'innovation et du changement technologique dans la commercialisation agricole. Dans un système de commercialisation performant, il y a une innovation en termes de produits et services, et une telle innovation est récompensée par les consommateurs si elle reflète leurs désirs et besoins. Elle est peut être plus importante dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés. − l'équité: elle se rapporte à la distribution des bénéfices de la commercialisation agricole. Chaque personne qui participe au système doit être récompensé selon sa contribution, et personne ne doit obtenir un profit excédentaire (par ex. des profits de monopole). Ceci exclu un monopole ou un pouvoir de marché excessif par un participant. 3.5 L'échec du marché et l'intervention du gouvernement sur les marchés agricoles Selon la théorie de la main invisible d'Adam Smith, la société est mieux servie par un marché efficace, dans le sens que les revenus des individus et de la société sont maximisés quand les individus réagissent aux signaux de prix de manière à gagner le profit ou le revenu le plus grand possible. Dans un tel concept, la valorisation privée est égale à la valorisation sociale. Dans certains cas, cependant, il peut y avoir une divergence entre la rentabilité privée de certaines activités et leur rentabilité sociale. Ceci fournit un argument pour l'intervention du gouvernement. La valorisation privée et sociale des activités diffère dans les cas suivants: 1. Quand les prix du marché libre ne reflètent pas vraiment les raretés sociales à cause de l'échec du marché; 2. Quand les prix du marché libre ne reflètent pas les raretés sociales pertinentes avec les objectifs de développement ou les objectifs sociaux de la société ou du gouvernement. 154 L'échec du marché est courant pour les biens et services qui échappent normalement au processus de marché. De tels cas sont appelés des externalités ou des effets extérieurs qui bénéficient ou coûtent à certaines personnes dans la société, par ex. la pollution environnementale. L'échec du marché survient également quand une firme ne peut pas capturer pleinement les bénéfices de ses activités productives. C'est normalement le cas dans la distribution de biens publics tels que la défense, l'éducation de base, la recherche et la vulgarisation agricole ou le stockage d'aide alimentaire d'urgence. Dans beaucoup de ces cas, il y a un problème de cavalier seul et il est impossible pour la firme de contrôler l'utilisation de ses produits ou services. S'il n'y a pas d'intervention du gouvernement dans un tel cas, trop peu de ces biens publics seront fournis. Un autre cas d'échec du marché intervient quand il y a seulement un vendeur ou acheteur sur le marché, de telle sorte que des profits de monopoles soient obtenus. En l'absence d'intervention du gouvernement, la production des biens ou services sera limitée et les prix seront fixés au-dessus des niveaux compétitifs. Un tel monopole survient souvent quand les conditions naturelles n'autorisent qu'une firme (par ex. une filière minérale, ou une mine de cuivre), ou de très grandes économies d'échelle sont présentes dans la production du bien ou du service, résultant en une seule firme autorisée à fonctionner. C'est souvent le cas pour les utilités publiques, particulièrement dans les plus petits pays. Il est aussi possible qu'à travers la concurrence du marché libre, une industrie termine avec seulement une ou quelques firmes à travers les fusions et acquisitions. Cela nécessite donc des mesures antitrust par le gouvernement, qui restaurent la concurrence sur le marché. Ellis (1992) fait la liste suivante des échecs du marché qui demandent une action de l'état pour les combattre: 1. Les échecs de la concurrence: l'existence de différents types de pouvoir de monopole dans l'économie, par exemple l'existence de monopoles de commerce localisés dans l'offre de bien à la consommation aux zones rurales, ou dans l'achat des cultures des fermiers; 2. Les échecs d'approvisionnement: l'existence d'une classe de biens et services que les opérateurs privés ne sont pas préparés à offrir parce qu'une fois qu'ils sont rendus disponibles, il est impossible d'exclure des individus de leur libre utilisation (des "biens publics" comme des variétés de cultures fécondés à ciel ouvert, l'éclairage des rues, la force de police, la défense national, et les routes publiques); 3. Les externalités: des coûts qui ne sont pas encourus par l'opérateur privé, mais représentent des nuisances pour d'autres membres de la communauté, tels que l'impact sur les utilisateurs en aval d'une rivière de la pollution d'une usine industrielle privée (externalité négative), ou les bénéfices qui ne profitent pas à l'opérateur privé mais représentent des gains pour la société, tels que l'impact bénéfique d'une meilleure éducation sur le niveau de compétences dans le pays (externalité positive); 4. Les ressources en propriété commune: les ressources avec un accès communautaire (par ex. les forêts pour le bois de chauffage ou les pâturages communaux), pour lesquelles les coût privé de l'utilisation de plus de ressource est inférieur au coût social encouru par la communauté dans son ensemble, résultant en une surexploitation et en un possible dommage permanent sur la ressource; 5. Les marchés incomplets: quand les marchés ne réussissent pas à produire les biens ou services pour lesquels il y a une demande privée à des prix au-dessus des coûts de production, à cause des coûts de transaction, par ex. dans les marchés fragmentés et les 155 problèmes de hasard moral (le marché du crédit, avec un risque élevé de défaut et un coût élevé pour imposer le remboursement, est un bon exemple); 6. Les échecs de l'information: une tendance à sous produire le type d'information à laquelle tout le monde devrait avoir accès pour que les marchés fonctionnent bien (par ex. l'information sur les prix et la technologie); 7. Les problèmes macro-économiques: les problèmes qui peuvent seulement être traités par une autorité centrale, par ex. l'offre de monnaie, l'inflation, le taux de change, la taxation, etc.; 8. La pauvreté et l'inégalité: le marché peut résulter en un degré d'inégalité ou une incidence de la pauvreté qui sont considérées comme socialement inacceptable par la majorité des personnes dans la société. Il va sans dire que tous ces cas d'échec du marché entraînent une réaction inadéquate de l'offre. Si les marchés échouent dans leur principale mission, qui est de coordonner l'offre et la demande d'une manière socialement acceptable, alors le résultat habituel est une production inadéquate pour satisfaire la demande. Les gouvernements sont plus susceptibles d'intervenir sur les marchés agricoles, non seulement à cause de l'échec du marché, mais aussi à cause des objectifs sociaux qui ne peuvent pas être atteints à travers des processus de marché libre. De tels objectifs peuvent varier largement, et ils sont en général clairement décrits dans les plans de développement. Ils imposent presque toujours un coût sur l'économie en termes de perte d'efficacité ou de croissance économique. De tels objectifs incluent: • l'amélioration de la distribution du revenu; • la réalisation d'un taux de croissance, d'un taux d'exportation, d'un taux d'emploi, d'un taux d'autosuffisance, etc. déterminés par le gouvernement; • la réalisation d'une croissance plus équilibrée entre régions; • la réalisation d'une stratégie particulière de production, par ex. obtenir une certaine réaction de l'offre. Parfois, de tels objectifs peuvent être réalisés au mieux avec des solutions de marché et l'intervention du gouvernement à travers des transferts de revenu ou la politique fiscale. Dans d'autres cas, les gouvernement tendent à modifier les prix sur les marchés ou deviennent des participants directs sur les marchés en vue d'avoir plus de contrôle sur les prix. Beaucoup de gouvernements dans les pays en voie de développement pensent que les forces du marché seraient trop faibles pour accomplir les changements requis pour un développement accéléré. Ils tendent souvent à surestimer leur propre force pour changer les choses dans la direction requise, et à négliger le temps nécessaire pour une transformation structurelle adéquate. L'impatience face à l'état des choses est souvent un argument du gouvernement pour intervenir. Il est souvent très attractif d'avoir une main "visible" au travail quand la main "invisible" semble avoir des conséquences très invisibles. Il y a aussi souvent une croyance comme quoi des opportunités d'investissement socialement désirables ne devraient pas être saisies par le secteur privé. Dans le secteur agricole, l'instabilité des marché agricoles et alimentaires est souvent le principal argument pour l'intervention du gouvernement. Comme les achats de nourriture s'élèvent souvent à plus de 50% des dépenses des travailleurs, incluant les fonctionnaires, 156 les gouvernements ressentent une obligation sociale à stabiliser les prix du marché et à intervenir directement dans le système de commercialisation. L'étendue de l'intervention du gouvernement varie largement entre pays, et la forme de l'engagement de l'état dans une économie peut également prendre plusieurs formes. En réalité, toutes les économies ont un certain mélange d'intervention du gouvernement et de fonctions du marché. Même de fortes économies de marché ont un secteur public important, dont le rôle est d'assurer que le secteur privé fonctionne d'une manière ordonnée et de fournir les biens et services publics qui ne seraient pas fournis de manière adéquate par les firmes privées. Les excès et inefficacités de l'engagement de l'état pauvrement exécuté dans les pays africains sont devenus évidents au début des années 1980, à travers un problème de la dette croissant, les déficits du gouvernement, l'inflation montante et d'autres déséquilibres macro-économiques. Si les pays avaient eu une croissance de 5% ou plus en termes réels, les excès et inefficacités auraient sans doute été tolérés. Ellis (1992) présente la liste suivante des “échecs de l'état” en contraste avec la liste des “échecs du marché” dressée plus haut: 1. L'échec de l’information: il est presque toujours faux de faire l’hypothèse que les officiels du gouvernement ont une idée plus claire du marché dans lequel ils interviennent que les opérateurs du secteur privé; 2. Des effets secondaires complexes: l’état n’a aucun moyen de prédire précisément les effets secondaires et tributaires des actions menées sur un problème particulier de l’économie; 3. La théorie du “second best”: lorsque plusieurs manquements du marché sont présents, une action de l’état pour corriger un seul de ceux-ci, et cela peut résulter en une situation pire qui si rien n’avait été fait; 4. Des échecs de réalisation: même si une politique d’amélioration du bien-être social est correctement dressée, les gains escomptés peuvent être perdus à cause d’une réalisation inadéquate et faible; 5. Le manque de motivation: les officiels de l’état perçoivent souvent des salaires bas, parfois même en dessous de leurs besoins de subsistance, ce qui signifie que des sources secondaires de revenu peuvent être essentielles pour leur survie; 6. La recherche de rente: une action de l’état qui implique la restriction artificielle de l’offre d’un bien ou service, ou qui rend sa disponibilité conditionnelle à la délivrance d’une licence, peut mener à la corruption et à la négligence de ceux qui cherchent à récupérer la rente que l’on peut gagner en se voyant allouer une partie du bien restreint. Les méthodes utilisées par ces individus pour avoir accès aux licences de l’état , etc. ont aussi été appelées les activités improductives de recherche directe de profit. De nouveau, les échecs de l'état résultent en une performance inadéquate du marché et des incitations à la production insuffisantes. Le résultat inévitable est une réaction de l'offre en dessous de ce qui pourrait être normalement attendu. Avec les politiques d'ajustement structurel, il y a une résurgence de la vision néoclassique qui souligne les avantages de se reposer sur les marchés plutôt que sur une intervention profonde du gouvernement. On pense qu'une croissance économique forte, largement 157 basée, sera mieux réalisée à travers une redéfinition du rôle du gouvernement dans l'économie, à travers la libéralisation économique et une plus grande confiance donnée au secteur privé pour l'investissement et la croissance. Mêmes en présence de distorsions du marché, on pense que l'intervention du gouvernement va introduire de plus grandes distorsions, le gaspillage des ressources rares et les activités de recherche de rente par les officiels du gouvernement et les citoyens. Le cadre réglementaire des gouvernements est souvent inconsistant et confus, et on a besoin d'une détermination de la ligne de conduite et du renforcement des lois et réglementations. On pense maintenant que les désavantages, incluant le coût, d'une intervention détaillée du gouvernement sont souvent supérieurs aux déficiences du marché. L'amélioration et le renforcement du système de commercialisation, incluant la fourniture d'un logiciel et d'un matériel de commercialisation adéquats, est de loin plus productif que de tenter de supplanter les marchés avec un système de politiques et de contrôles administratifs. La création d'un environnement positif pour l'investissement privé et la prise de risque peuvent avoir des effets bien plus bénéfiques qu'un engagement direct du gouvernement sur les marchés. De plus, les prix à la ferme bas résultant de l'intervention du gouvernement ont souvent été cités comme un facteur majeur de la pauvre performance de l'agriculture dans beaucoup de pays moins développés (Stevens et Jabara, 1988). Cela suppose que les élasticité prix de l'offre sont élevées, au moins dans le court et moyen terme, et que les facteurs autres que prix sont de moindre importance. Ceci est souvent faux car les contraintes imposées par les facteurs autres que prix, telles que les contraintes physiques, institutionnelles et techniques de la réaction de l'offre agricole, incluant une pauvre performance des marchés de l'intrant et du produit, alourdissent considérablement la réaction de l'offre, même en présence d'incitations adéquates des prix des produits. "Obtenir un prix juste" dans les pays en voie de développement est habituellement une condition nécessaire mais pas suffisante pour provoquer une large réaction de l'offre. 4. Résumé et conclusions L'offre d'intrant et les marchés des produits dans les pays en voie de développement sont une contrainte sur la réaction de l'offre agricole. Cela concerne les imperfections du marché ou les échecs du marché en résultat d'un développement bas et inégal de l'infrastructure économique (hardware), particulièrement les pauvres transports, communications, les fragmentation du marché, et les lois, règles et institutions inadéquats gouvernant le fonctionnement des marchés, particulièrement les manques d'information, le risque élevé, et le pouvoir de marché excessif de certains participants. Ceci résulte en des coûts de transaction élevés, ce qui est un symptôme d'une mauvaise efficacité et d'une pauvre performance de la commercialisation. Pour des prix donné pour le détail ou l'utilisateur final, des coûts de transaction élevés résultent en de larges marges de commercialisation et de bas prix aux producteurs, qui sont des incitations à la production inadéquates. Même quand les incitations à la production sont appropriées, l'absence de facteurs autres que prix, particulièrement les biens et services publics qui facilitent le fonctionnement du marché, tels que les routes et communications, l'infrastructure de commercialisation, l'information sur le marché et des systèmes de distribution d'intrant, contraint la réaction de l'offre. 158 Les politiques d'ajustement structurel traitent les imperfections et les échecs du marché par rapport à l'offre d'intrant et les marchés de produit. En ce qui concerne les marchés d'intrant, les changements visent à fournir des incitations pour une production domestique accrue et une plus grande utilisation des intrants achetés. Mais les réductions des dépenses du gouvernement pour la distribution d'intrants et la privatisation ont souvent affecté de manière négative le système de distribution des intrants. Le recouvrement total du coût de l'intrant auprès des fermiers n'est pas toujours possible, particulièrement pour les intrants avec un caractère de bien public (par ex. les vaccins) ou avec les problèmes de cavalier seul (par ex. semences fécondées à ciel ouvert). De plus, l'offre privée d'intrant a certaines des caractéristiques des monopoles naturels, avec des rendements d'échelle croissants et des coûts moyens décroissants, demandant des réglementations du gouvernement ou d'entités publiques. En effet, la privatisation des systèmes de distribution d'intrant résulte souvent en des monopoles locaux, ce qui fait qu'un type d'échec de l'état est alors remplacé par un autre type d'échec du marché. Les gouvernements se sentent souvent obligés d'intervenir sur les marchés de produits à cause de l'instabilité inhérente des marchés agricoles, en vue de corriger les échecs du marché et de poursuivre des objectifs sociaux qui ne peuvent pas être atteints à travers les processus du marché libre. Mais l'engagement du gouvernement sur les marchés résulte souvent en "échecs de l'état". Avec les politiques d'ajustement structurel, on plaide pour l'amélioration et le renforcement des systèmes de commercialisation plutôt que pour l'intervention directe du gouvernement. Mais le gouvernement doit garder un rôle vital en maintenant et étendant le hardware et le software de commercialisation et en préservant les conditions du marché concurrentiel. La réponse adéquate de l'offre dépend fortement du fonctionnement efficace des marchés parce que les incitations à la production dans une économie du marché trouvent leurs origines dans les marchés. Seulement des marchés fonctionnant bien avec des coûts de transaction bas seront capables de fournir des incitations de prix adéquates au travers de la filière de commercialisation et d'induire une réaction adéquate de l'offre. Bibliographie Chhibber, Ajay (1988). “Raising Agricultural Output: Price and Nonprice Factors”. Finance and Development, June: 44-47. Commander, Simon (1989). Structural Adjustment and Agriculture - Theory & Practice in Africa and Latin America. Overseas Development Institute. London: James Currey Ltd. and Heinemann.. Eicher, Carl K. and Staatz, John M. (1990). Agricultural Development in the Third World. Baltimore: The Johns Hopkins University Press. Ellis, Frank (1988). Peasant Economics: Farm Households and Agrarian Development. Cambridge: Cambridge University Press. Ellis, Frank (1992). Agricultural Policies in Developing Countries. Cambridge: Cambridge University Press. James, A.D. and Upton, Martin (1993). Cost recovery for Veterinary Services. International Farm Management Journal. Stevens R., and Jabara, C. (1988). Agricultural Development Principles : Economic Theory and Empirical Evidence. Baltimore: The Johns Hopkins University Press. 159 par Eric Tollens Département d'Economie Agricole Université Catholique de Leuven Kardinal Mercierlaan 92 B-3001 Heverlee Belgique 160