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Jour 8
Offre d'intrant et marchés de produits
par Eric Tollens, Université Catholique de Leuven
Table des matières
1. Introduction
2. Les marchés des intrants
2.1 La nature essentielle de l'offre d'intrant
2.2 L'ajustement structurel et les marchés d'intrant
2.3 L'échec du marché de l'intrant et le besoin de l'intervention du gouvernement
3. Les marché de produit
3.1 La nature essentielle des marchés de produit
3.2 La nature de la concurrence sur le marché
3.3 L'instabilité des marchés agricoles
3.4 L'efficacité et la performance de la commercialisation sur les marchés de produit
3.5 L'échec du marché et l'intervention du gouvernement sur les marchés agricoles
4. Résumé et conclusions
Bibliographie
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1. Introduction
L'offre d'intrant et les marchés de produit contraignent la réaction de l'offre,
particulièrement dans les pays en voie de développement. Les fermiers traditionnels ou les
fermiers en subsistance - Ellis (1988) les appelle les paysans - sont habituellement
partiellement intégrés dans les marchés, qui ont tendance à fonctionner avec un degré élevé
d'imperfection. Le degré de subsistance est une des raisons pour lesquelles l'intégration des
paysans dans l'économie de marché est seulement partielle. Mais la production paysanne
est toujours exposée d'une certaine manière aux forces du marché. Les intrants et outputs
des fermes paysannes sont soumis à la valorisation par le marché plus large, aux prix en
cours, même si une petite proportion des besoins du ménage sont satisfait par les
interactions avec les marchés.
Le marché fournit à la fois des opportunités et des pressions. L'engagement sur les
marchés peut mener à un niveau de vie supérieur ou à une consommation plus diversifiée,
mais en même temps il peut aussi exposer les participants à la possibilité d'être ruinés, soit
à cause de mauvaises tendances de prix, soit à cause de l'exercice de pouvoirs de marché
inégaux. C'est pourquoi la relation entre les fermiers traditionnels et le marché est
caractérisée par une tension continuelle entre les avantages risqués de la participation au
marché et la préservation d'une base hors du marché pour la survie. Ceci joue un rôle
majeur dans la détermination de la réaction de l'offre. Les marchés fonctionnent de
manières différentes, selon le nombre et la taille des participants de chaque côté du marché,
l'adéquation des flux d'information entre les acheteurs et les vendeurs, et l'infrastructure
physique (routes, chemins de fer, installations pour la vente de gros et de détail, etc.)
nécessaires pour les transactions sur les biens.
Les fermiers traditionnels ou paysans sont caractérisés par leur engagement variable plutôt
que total sur le marché. Cela implique aussi une capacité variable de se retirer du marché
et continuer à survivre. Les marchés eux-mêmes sont incomplets et fonctionnent souvent
mal. De telles imperfections de marché sont définies en comparaison avec une idée
hypothétique, le marché en concurrence parfaite. Dans le modèle de concurrence parfaite,
il ne peut exister aucune coercition, domination ou aucun exercice de pouvoir économique
par certains agents économiques sur d'autres. Au contraire, la société traditionnelle ou
paysanne se caractérise par des transactions autres que des relations de marché, ou
réciproques, entre ménages fermiers. La réciprocité se réfère aux échanges qui sont
culturellement définis, pas renouvelables entre un événement et le prochain, et qui
impliquent autre chose que des biens et services. De telles transactions ne sont pas
valorisées au prix du marché. La réciprocité peut aussi impliquer des normes sociales de
partage et de redistribution qui visent à assurer que tous les membres de la communauté
survivent, sans considération de la performance productive des ménages individuels
d'année en année (Ellis, 1988, p.10). Par conséquent, la concurrence ne définit pas
exclusivement, ni même principalement, les relations des paysans entre eux ou avec des
personnes extérieures.
Les marchés auxquels sont confrontés les paysans peuvent être imparfaits à cause du
développement bas et inégal de l'infrastructure économique. Cela peut être à cause d'une
fragmentation spatiale due aux pauvres transports et communications. L'information sur le
marché peut aussi être pauvre ou inexistante.
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Ellis (1988, p.11-12) compare la situation économique d'une famille fermière typique dans
une économie de marché industrialisée avec celle d'une famille paysanne:
Economie de marché industrialisée Famille paysanne
- le crédit est disponible en abondance sur
les marchés financiers développés
(banques, agences de crédit, etc.), à des
taux d'intérêt de marché compétitifs;
- le crédit et les taux d'intérêt peuvent être
liés à d'autres prix de facteurs tels que la
terre et le travail au sein d'une relation
économique dépendante, et par conséquent
les marchés peuvent être liés de manière
contractuelle plutôt que d'être
indépendants;
- les intrants variables de production
(engrais, semences, combustible, produits
chimiques) sont disponibles pour toute
quantité qu'un fermier individuel peut
désirer acheter aux offreurs
raisonnablement compétitifs;
- les intrants variables de production
peuvent être disponibles de manière
erratique ou indisponibles, leur qualité peut
varier, leur accès peut impliquer des
systèmes formels ou informels de
rationnement;
- la connaissance des dernières
technologies disponibles est étendue et
discutée en long et en large dans tous les
magazines d'agriculture;
- l'information sur le marché est pauvre,
erratique, fragmentaire et incomplète, et le
coût encouru par le ménage fermier pour
acquérir une information au-delà des
limites immédiates du village ou de la
communauté est élevé;
- il y a un marché libre de la terre, et les
nouveaux entrants ont donc la possibilité
de lancer une exploitation, et les fermiers
sans succès peuvent quitter l'agriculture;
- un marché libre de la terre n'existe pas
toujours, et quand c'est le cas, il est
probable que des droits hors du marché ou
des formes de régimes fonciers non liés au
prix vont avoir plus d'importance que les
transactions de marché libre sur la terre;
- l'information sur les prix des intrants et
outputs est disponible sur une base
nationale, reflétant le degré élevé
d'intégration des marchés et des
communications.
- les marchés et communications en
général ne sont pas bien intégrés, et selon
le lieu et de l'infrastructure, il y a différents
degrés d'isolement entre les communautés
locales, les régions, et les segments plus
développés de l'économie nationale.
Cette comparaison illustre pourquoi la réaction de l'offre peut être tout à fait différente
entre ces situations, et comment les marchés de l'intrant et du produit dans les pays en voie
de développement peuvent limiter la réaction de l'offre plus que dans les pays
industrialisés.
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2. Les marchés des intrants1
2.1 La nature essentielle de l'offre d'intrant
L'offre d'intrant est une condition essentielle à la production agricole et à la réaction de
l'offre. Les intrants sont soit produits à la ferme, tels que les semences produites à la
ferme, le fumier et le compost, les équipements, ou sont achetés, comme les engrais,
pesticides, nouvelles semences, l'eau d'irrigation, la puissance mécanique, le fourrage
animal, le bétail, et les services vétérinaires. Le processus de développement économique,
dans chaque partie du monde, a été associé à une dépendance croissante à de tels intrants
achetés. Aujourd'hui la possibilité d'étendre la superficie cultivée est limitée, et la
croissance de l'output agricole doit provenir d'une hausse d'intensité, ce qui nécessite
l'utilisation de plus d'intrants achetés. La hausse importante de la production de culture
durant la "Révolution Verte" en Asie a résulté de l'introduction et de la distribution d'un
ensemble complet d'intrants complémentaires incluant de nouvelles semences, de l'engrais,
de l'irrigation et des pesticides.
Les gouvernements des pays en voie de développement ont donc vu la distribution
d'intrants agricoles comme une méthode importante de promotion de la réaction de l'offre
et de croissance agricole. Les institutions publiques, telles que les services de
vulgarisation, les entreprises parastatales de culture, les agences de crédit ou les Entreprises
de Développement Agricole ont été chargées de la distribution d'intrants, très souvent à des
prix subventionnés, ou même gratuitement.
La chaîne de distribution d'un intrant de la ferme peut avoir différentes étapes entre la
production ou la manufacture et la distribution au fermier; et l'intégration verticale est rare.
La manufacture de certains intrants, tels que les produits agrochimiques, les vaccins ou les
équipements, implique une technologie sophistiquée à grande échelle. Dans les premiers
stades du développement, ils étaient généralement importés, mais ensuite beaucoup de
gouvernements ont adopté des stratégies d'import-substitution et encouragé la production
domestique. Un but secondaire de la politique d'intrant agricole peut être de promouvoir
l'industrie de l'offre en contrôlant les importations et en subventionnant les produits
domestiques. Les fermiers sont "consommateurs" d'un intrant, leur demande dérivée
reflétant la valeur de la productivité marginale de l'intrant.
Dans les pays en voie de développement, les marchés auxquels les paysans sont confrontés
sont souvent incomplets et imparfaits. Les marchés pour certains facteurs de production
peuvent ne pas exister, d'autres peuvent être fragmentés ou déformés, et l'information sur le
marché peut être fortement imparfaite. Quand c'est le cas, la réaction de l'offre peut être
fortement limitée par la pauvre performance des marchés d'offre d'intrant.
1 Cette section est tirée de "Les marchés de l'intrant ", préparé par Martin Upton de l'Université de Reading pour
le module "Ajustement Structurel et Politiques Agricoles" du champs thématique "Economie agricole et
politiques agricoles".
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2.2 L'ajustement structurel et les marchés d'intrants
Les quatre principales composantes de la plupart des régimes d'ajustement structurel sont:
la politique du taux de change pour corriger des taux de change surévalués;
la réforme du régime des échanges, pour réduire la protection tarifaire de l'industrie et
lever les autres contrôles;
les réformes de prix pour améliorer les incitations aux exportations, particulièrement
pour les produits primaires;
les réformes du marché et institutionnelle pour réduire le rôle du secteur public et
encourager la privatisation, dans l'idée que cela va résulter en une plus grande efficacité.
Tous ces changements vont probablement affecter les marchés des intrants agricoles.
Les réformes des échanges et des prix mènent normalement à une hausse des prix
domestiques des biens échangeables, incluant à la fois les cultures d'exportation et la
nourriture importée. Ces changements fournissent des incitations pour une production
domestique accrue et une plus grande utilisation d'intrants achetés. Le relâchement des
restrictions aux échanges peut avoir l'effet opposé, en autorisant l'entrée d'importations bon
marché. La dévaluation de la monnaie augmente aussi le prix des intrants échangeables
importés, qui accroissent les coûts de production pour le fermier et agissent comme
dissuasion.
On suppose en mettant en place ces mesures d'ajustement structurel que les bénéfices pour
les fermiers de prix des produits accrus vont excéder les coûts accrus des intrants importés.
Cependant, dans certains pays où les régimes d'ajustement structurel ont été introduits, les
prix des intrants ont crû plus rapidement que les prix des output, avec des effets négatifs
consécutifs sur la réaction de l'offre et les revenus à la ferme. L'effet est exacerbé par les
réformes du marché et institutionnelle, impliquant des réductions des dépenses du
gouvernement sur la distribution des intrants, et un mouvement vers la privatisation.
Quand les intrants tels que les pesticides sont fournis gratuitement au fermier, ou à un prix
en dessous du coût total de l'offre, le gouvernement doit compenser la différence par un
subside sur les fonds publics. On argumente que le financement privé par le recouvrement
total des coûts auprès des fermiers est préférable en termes d'efficacité, de soutenabilité, et
d'équité (voir James & Upton, 1993).
L'efficacité est réduite quand un subside est versé, puisqu'il encourage l'utilisation
excessive de l'intrant concerné et détourne les dépenses d'autres intrants à plus bas coût
mais pas subventionnés. De manière similaire, les offreurs sont encouragés à produire plus
d'intrants subventionnés qu'il ne serait justifié dans des conditions de marché compétitif, et
détournent les ressources de l'offre d'intrants plus productifs.
La subsidiation continue des intrants peut être non soutenable à cause de l'assèchement des
fonds limités du gouvernement. L'effet recherché du subside est d'accroître les ventes et
l'utilisation de l'intrant, mais cela signifie que le coût d'un subside à taux fixe va
probablement s'accroître avec le temps. Les gouvernements confrontés à des fardeaux
croissants de la dette peuvent être incapables de maintenir des offres adéquates d'intrants
subventionnés pour rencontrer la demande du marché. Cela peut mener à des pénuries,
nécessitant une certaine forme de rationnement, et/ou un développement de marchés
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