La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009
Thérapeutique
Thérapeutique
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produits, en dépit de leurs particularités pharmacodynamiques.
Cette méta-analyse suggère que l’eff et thérapeutique est lié à
une stimulation de la cognition et non à une modifi cation du
cours évolutif de la maladie d’Alzheimer, mais le dessin métho-
dologique des études n’était pas prévu pour mettre en évidence
un tel eff et. Les inhibiteurs d’acétylcholinestérase exposent à
des eff ets indésirables, en particulier de type digestif (nausées,
vomissements, diarrhées), qui peuvent être prévenus par une
augmentation de la posologie très progressive. En cas d’arrêt,
le patient retrouvera rapidement l’état cognitif qu’il aurait dû
avoir s’il n’avait pas été traité. Cette observation est une preuve
indirecte de la réalité de l’eff et thérapeutique.
L’intérêt de l’inhibition de l’acétylcholinestérase dans la maladie
d’Alzheimer se manifeste par la recherche de nouveaux agents
inhibiteurs. Un certain nombre de produits dérivés des trois
molécules sur le marché sont en cours de développement
(SPH-1371, ER-127528, ganstigmine). Des molécules originales
(minaprine, huprines) capables d’inhiber l’acétylcholinestérase
sont en cours d’évaluation (17, 18). Des molécules hybrides
couplant une fonction inhibitrice de l’acétylcholinestérase et
une autre propriété pharmacodynamique (inhibition de la
5-hydroxytryptamine ; modulation des récepteurs 5-HT3 de
la sérotonine ; monoamine oxydase-β pour le ladostigil ; inhi-
bition de la N-méthyltransférase, l’enzyme de dégradation de
l’histamine) sont à l’étude. Ces composés hybrides auraient
l’avantage de moduler simultanément plusieurs systèmes de
neurotransmission (17, 18).
La modulation des récepteurs à l’acétylcholine
Une stimulation directe des récepteurs à l’acétylcholine off rirait
l’avantage d’une action possiblement sélective sur les récepteurs
responsables des eff ets procognitifs (M1) en évitant les eff ets
indésirables liés aux récepteurs périphériques et en empêchant
l’eff et inhibiteur de la stimulation du récepteur M2, qui joue
le rôle d’autorécepteur. Des agonistes muscariniques ont été
évalués chez les patients présentant une maladie d’Alzheimer.
Ces premiers agonistes n’ont pas fait la preuve d’un rapport
bénéfi ce/risque positif, en partie en raison d’une faible sélec-
tivité. De nouveaux produits sont en cours de développement
et sont souvent des agonistes partiels, afi n d’éviter une trop
rapide désensibilisation des récepteurs. Un traitement agoniste
M1 pourrait être couplé à un antagoniste M2, dont l’eff et serait
d’amplifi er la transmission cholinergique. Des antagonistes M2,
comme le SCH-57790 ou le SC-72788, améliorent la mémoire
dans des modèles animaux mimant l’hypofonctionnement choli-
nergique observé dans la maladie d’Alzheimer. Cependant, les
eff ets périphériques (tachycardie) semblent pour l’instant un
obstacle au développement clinique. Si la nicotine, en elle-même,
n’a pu montrer un eff et bénéfi que chez des patients présen-
tant une maladie d’Alzheimer, le développement d’agonistes
ciblant les récepteurs nicotiniques de type α7 et α4β2 est en
cours. Des agonistes α4β2 (ABT-418, SIB-1553A, RJR-2403)
peuvent expérimentalement augmenter la transmission choli-
nergique et améliorer les performances mnésiques. De même,
des agonistes α7 (GTS-21, AR-R1779, AR-R23465, A-582941)
sont en cours de développement en raison du rôle majeur de
la sous-unité α7 dans les phénomènes d’apprentissage et de
mémorisation (11, 12, 19).
SYSTÈME CHOLINERGIQUE ET MODIFICATION DU
COURS ÉVOLUTIF DE LA MALADIE D’ALZHEIMER
Le principal objectif des traitements pouvant modifi er le cours
évolutif de la maladie d’Alzheimer, ou disease modifi ers, est de
stabiliser ou de ralentir la progression de la maladie (7, 20).
Ces traitements ne doivent pas cibler la maladie d’Alzheimer
au stade de la démence, mais plus tôt dans l’évolution, au stade
prédémentiel dont le diagnostic face à une plainte mnésique est
maintenant rendu possible par la conjonction de tests cognitifs
prédictifs et d’examens paracliniques (imagerie, biomarqueurs
dans le LCR) [7]. Cette notion de modifi cation du cours évolutif
de la maladie vient élargir le concept de neuroprotection, trop
restrictif dans la mesure où c’est l’ensemble des composants
cellulaires de l’unité neuro-glio-vasculaire qui contribue à la
physiopathologie de la maladie d’Alzheimer et là où il existe des
mécanismes moléculaires spécifi ques. Une stabilisation ou un
ralentissement de la progression de la maladie peut cibler les
mécanismes qui conduisent à l’apparition des lésions spécifi -
ques (plaques amyloïdes, dégénérescence neurofi brillaire), mais
aussi ceux responsables d’une toxicité cellulaire non spécifi que
et contribuant cependant à la mort neuronale ou à la perte
synaptique. La modulation des systèmes neurotrophiques ou
de plasticité constitue également une cible potentielle pour un
eff et disease modifi er.
De nombreux travaux expérimentaux suggèrent que le système
cholinergique puisse intervenir de manière directe ou indi-
recte sur une telle modifi cation du cours évolutif de la maladie
d’Alzheimer (9). L’acétylcholine intervient dans la régulation
de diff érents mécanismes, spécifi ques ou non. Les inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase par l’augmentation des concentra-
tions cérébrales d’acétylcholine ou la modulation des récep-
teurs muscariniques ou nicotiniques peuvent avoir des eff ets
bénéfi ques sur les lésions spécifi ques ou non spécifi ques de
la maladie d’Alzheimer. Indirectement, l’acétylcholinestérase
peut intervenir dans la mesure où elle est capable d’interagir
avec le processus d’amyloïdogenèse, via un site périphérique
de l’enzyme diff érent de celui impliqué dans la dégradation
de l’acétylcholine. Des agents inhibant ce site périphérique de
l’acétylcholinestérase sont capables, expérimentalement, de
moduler le processus d’amyloïdogenèse.
Acétylcholine et stratégie étiopathogénique
L’acétylcholine, par l’intermédiaire de ses récepteurs nicotini-
ques ou muscariniques, est capable de réguler diff érentes voies
physiopathologiques non spécifi ques qui contribuent à la mort
neuronale au cours de la maladie d’Alzheimer (fi gure 5). L’acti-
vation des récepteurs nicotiniques inhibe la mort des neurones
hippocampiques d’origine excito-toxique (21). Récemment,
une étude in vitro a mis en évidence l’eff et du donépézil sur la