Immersion en Communauté La maladie d’Alzheimer : parcours du combattant
Juin 2003
Lise Lücker, Frédérique Hovaguimian, Arnaud Naville, Fabienne Groebli
Introduction
Certains voient en elle un « problème majeur de société », d’autres la qualifient de « maladie
de la mémoire » ou de « retour en enfance ». Elle, c’est la maladie d’Alzheimer, décrite pour
la première fois par le psychiatre du même nom en 1906, après avoir étudié le cerveau d’une
de ses patientes décédée à 56 ans, suite à la perte précoce et progressive de l’ensemble de ses
facultés mentales. Aujourd’hui, cette maladie touche quelques 85'000 personnes en Suisse. Du
fait du vieillissement de la population et des progrès diagnostiques (permettant de mettre un
nom sur cette forme de démence), de plus en plus de personnes âgées -mais parfois plus
jeunes également- sont les victimes de cette « épidémie silencieuse ».
Alzheimer. Ce mot provoque à lui seul de la peur, de l’inquiétude face à une maladie si
déroutante et mystérieuse, car les gens sont terrorisés à l’idée de perdre la mémoire, et
beaucoup de malades souffrent de la honte que leur procure cette maladie. Bien que les
mentalités soient en train de changer, que peut-il arriver de pire que de « perdre la tête »,
comme on le dit si bien? Dès lors, un vaste réseau se met en place autour du malade : tout
d’abord le médecin généraliste, souvent le premier maillon dans la prise en charge du patient,
qui par la suite rencontrera des neurologues, des psychiatres, des gériatres, des
neuropsychologues devant diagnostiquer ou confirmer un diagnostic de maladie d’Alzheimer
parmi les différentes formes de démence existant. Si le patient et son entourage le désirent ou
en ont besoin, ces derniers pourront alors contacter l’Association Alzheimer ou des structures
prenant en charge le malade durant la journée, tel qu'un foyer de jour.
Plus tard dans l’évolution de la maladie, comme cela arrive souvent, l’état du malade
nécessitera une aide à domicile, voire l’entrée en EMS, d’une part pour lui fournir des soins
plus adaptés, d’autre part pour décharger l’entourage proche. Car l’un des points centraux est
là. Dès le début de la maladie, le proche (la plupart du temps le conjoint) s’occupe de soigner,
de distraire et de veiller sur le malade, souvent 24 heures sur 24. En plus de cette tâche
quotidienne, il doit gérer les affaires de son conjoint, les rendez-vous avec les médecins, les
aspects financiers de cette longue maladie, tout en devant supporter la fatigue mentale et
physique ainsi que la tristesse provoquées par la lente mais irrémédiable «dérive» du proche,
souvent au prix de sa propre santé. Comment le proche vit-il ces différents stades de la
maladie? Jusqu'à quel point peut-il tout assumer seul? La limite est-elle la même pour tous? A
qui les proches peuvent-ils faire appel en cas de besoin? Voilà quelques questions auxquelles
nous avons cherché à répondre.
Motivation
Les raisons qui nous ont poussé à étudier la maladie d'Alzheimer sont diverses. Ce qui nous a
motivé en premier lieu était sa forte prévalence dans la population actuelle, la peur presque
généralisée qu'elle engendrait chez les personnes saines et les divers visages que pouvait
porter cette maladie chez les sujets atteints, sans compter le mystère que constituait la perte de
la mémoire. Puis très vite, après quelques discussions et rendez-vous, nous nous sommes
rendus compte de l'immense réseau et de ses acteurs existant en Suisse autour des malades,
réseau formé par des organismes aussi bien médicaux que sociaux, dont le nombre est sans
doute insuffisant. Enfin et surtout, nous avons été particulièrement touchés par les
témoignages des proches de malades, qui portent tout autant, si ce n'est plus (dans les stades