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M A R I E - C L A U D E D U CA S
LE CRÉATEUR DE LA PUBLICITÉ QUÉBÉCOISE
Bi o g r a p h i e
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De la même auteure
Les Médias sociaux en entreprise : les comprendre, les utiliser et en tirer profit, en
collaboration avec Guillaume Brunet et Martin Lessard, Montréal, Éditions Infopresse,
2012, 152 p.
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Le créateur de la publicité québécoise
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Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Julie Villemaire
Mise en page : André Vallée – Atelier typo-Jane
Révision linguistique : Sylvie Martin et Chantale Landry
En couverture : © Studio Jac-Guy, archives de BCP
Toutes les photographies publiées dans cet ouvrage ont des droits de reproduction réservés. Malgré des recherches rigoureuses, certains ayants droit
à des photos du cahier photo n’ont pu être retracés. Les crédits ont été
accordés sur la base de recherches effectuées auprès des titulaires de droits
apparents. Toute erreur serait bien involontaire.
Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par
l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier,
le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie
des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives
nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Ducas, Marie-Claude
Jacques Bouchard
(Biographie)
ISBN 978-2-7644-2512-1 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2697-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2698-2 (ePub)
1. Bouchard, Jacques, 1930-2006. 2. Agences de publicité - Québec
(Province) - Personnel - Biographies. I. Titre. II. Collection : Biographie
(Éditions Québec Amérique).
HF5810.B68D82 2014
659.1092 C2013-942232-3
Dépôt légal : 2e trimestre 2014
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
quebec-amerique.com
Imprimé au Québec
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M a r i e - Cl a u d e D u ca s
Le créateur de la publicité québécoise
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Remerciements
T
out le monde va t’aider », m’a dit Pierre Savard, fondateur et directeur général du Centre d’archives publicitaires
du Québec, et l’une des premières personnes que j’ai
consultées au début de ma recherche sur Jacques Bouchard. Il
avait vu juste. Et j’ai vite réalisé ce qui constituait le premier
talent de Jacques Bouchard : il avait le don de rallier des personnes
remarquables. Ce livre m’a fourni l’immense privilège de pouvoir
en côtoyer quelques-unes. Il s’agit souvent de communicateurs
de métier et, dans tous les cas, d’incomparables conteurs, dotés
d’une finesse d’analyse et d’une grande sensibilité. Mon principal
défi a été de mettre pleinement en valeur les incroyables histoires
qu’ils me livraient, en rendant le plus possible justice à leur
talent.
«
Je remercie donc tous ceux et celles qui ont côtoyé Jacques
Bouchard à diverses époques, parfois longtemps, parfois brièvement, et qui m’ont généreusement accordé un peu de leur temps.
Même ceux et celles qui me confiaient, au départ, « ne pas avoir
grand-chose à dire » ont tous fini par m’offrir des témoignages
aussi frappants que touchants. D’ailleurs, les citations de ce livre
proviennent, sauf indication contraire, d’entrevues faites avec ces
personnes.
Je tiens à remercier certaines d’entre elles en particulier.
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Jacques Bouchard
Tout d’abord, Caroline Maranda-Bouchard, pour la grande
confiance et l’ouverture totale qu’elle a manifestées dès le début.
En plus de livrer sans hésiter de grands pans de sa vie, elle a été
une guide inestimable vers des contacts précieux que je n’aurais
jamais eus autrement.
Je veux aussi remercier Yves Gougoux, président du conseil
de Publicis, qui, en plus de m’accorder son temps et son témoignage, m’a donné pleinement accès aux incomparables archives
de BCP. Je dois aussi des remerciements spéciaux à Pierre Savard,
réalisateur de son métier, qui m’a permis de bénéficier du travail
incroyable qu’il accomplit à la tête du Centre d’archives publicitaires. Ce Centre, qu’il a créé il y a plusieurs années, compile
toute la mémoire publicitaire du Québec. Je n’aurais jamais pu
écrire un récit aussi vivant et détaillé, sans tous les documents,
électroniques et autres, qu’il a mis à ma disposition… et sans sa
grande disponibilité, au bout du fil ou en personne, pour m’apporter d’innombrables précisions. Merci, aussi, aux « ex-bécépistes »
Pierre Audet, Jean-Paul Galarneau et Pierre Girard qui se sont
révélés de véritables encyclopédies : j’ai pleinement apprécié
votre aide, votre disponibilité et votre grande générosité à partager
vos connaissances et vos contacts.
Merci aux membres de l’équipe de Québec Amérique.
D’abord Pierre Cayouette, mon conseiller littéraire, qui a cru
dans ce projet et m’a permis de le mettre sur les rails. Puis mon
éditrice Marie-Noëlle Gagnon, de même que les réviseures Sylvie
Martin et Chantale Landry : on doit à vos relectures attentives le
fait que ce texte brille de tous ses feux et rende pleinement
justice à la vie et l’œuvre de Jacques Bouchard. Et bravo à Julie
Villemaire, responsable de la conception graphique, pour une
couverture à la hauteur de ce qu’a laissé ce grand publicitaire.
Merci aussi à Jacques Labelle, dirigeant d’agence et publicitaire
chevronné, et à Marie-Luce Ouellet, observatrice de premier
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Remerciements
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plan du milieu publicitaire, qui se sont dévoués afin de lire mon
manuscrit « brut » : vos judicieux commentaires m’ont permis des
ajustements qui aident, eux aussi, à rendre pleinement justice à
ce pan de l’histoire publicitaire au Québec.
Et enfin, merci à ma famille, premier et indispensable
soutien de tout auteur. D’abord mon mari, René, avec qui j’ai
régulièrement testé et échangé des idées… et qui, gracieusement et sans jalousie aucune, m’a laissé passer autant de temps
en compagnie de Jacques Bouchard. Et puis mes garçons, Louis
et Étienne qui, j’espère, auront plaisir à découvrir toutes ces
passionnantes histoires.
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Prologue
« So. You’re paying us, and still, you don’t want to listen to us ? »
P
ar cette matinée d’été 1970, rue Sainte-Catherine entre
Metcalfe et Peel, en plein centre-ville de Montréal, quelques
passants s’arrêtent, interloqués, se demandant si leur imagination n’est pas en train de leur jouer un tour. Le colonel Sanders,
tel qu’ils l’ont vu dans des messages publicitaires télévisés du
Poulet Frit Kentucky, vient de surgir d’une grosse limousine.
Impossible de se tromper. Les cheveux blancs, la barbiche et
les lunettes à monture de corne le feraient sans doute reconnaître
instantanément, mais en plus, il est vêtu exactement comme
dans les publicités d’un habit blanc immaculé sur une chemise
blanche fermée par une boucle noire. Il est coiffé d’un chapeau
à larges bords, tout comme la demi-douzaine de gaillards qui
l’escortent et le dépassent d’une bonne demi-tête. Ceux-ci, vêtus
de noir, transportent tous un porte-documents sur lequel est
collé le portrait du colonel qui sert de logo à la déjà célèbre chaîne
de restaurants.
Tout ce beau monde s’engouffre dans un édifice à l’architecture
imposante dont l’entrée est surmontée de l’inscription « The
Dominion Square Building » en lettres dorées.
Lorsqu’ils sortent de l’ascenseur, au quatrième étage, le décor
fait paraître encore plus saugrenue la présence de ce colonel
habillé en gentleman du sud des États-Unis et de ses acolytes
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Jacques Bouchard
coiffés de leurs ten-gallon hats. Une grande fresque évoquant les
patriotes qui ont mené la rébellion nationaliste de 1837-1838
orne un mur. Près de la réception trône une cloche ancienne sur
un impressionnant meuble en bois. Une petite plaque indique
que la cloche est celle qui a sonné le rappel des patriotes à SaintDenis-sur-Richelieu en 1837. Aucun de ces Américains n’est
évidemment en mesure de la déchiffrer, en supposant qu’ils en
aient eu l’intérêt.
Ils ont de toute façon bien autre chose en tête en débarquant
ainsi chez BCP, qui est l’agence de publicité de Poulet Frit
Kentucky pour le Québec. Ils empilent leurs chapeaux juste à
côté de la fameuse cloche et entrent, l’un après l’autre, dans une
salle de conférence où les attendent déjà des membres de l’équipe.
Il faudra un moment avant que quelqu’un n’en sorte et
demande à une secrétaire « d’aller chercher Jacques ». S’ensuit une
mini-commotion dans l’agence, où l’atmosphère était déjà tendue : on a beau avoir rigolé derrière leur dos de leur accoutrement,
il reste que le colonel Sanders et son état-major ont fait tout ce
chemin pour venir discuter de la dernière création de BCP, qui
ne leur a pas plu. Bientôt, un homme aux cheveux châtains,
grand, mince, élégant, sort de son bureau et se joint à la réunion
en cours.
Normalement, durant une telle réunion, la fumée de cigarette
est à couper au couteau dans la salle de conférence : le discours
antitabac n’a pas encore fait beaucoup de chemin, et la nicotine
est « la » drogue de prédilection pour surmonter le stress. Mais
pas aujourd’hui : le colonel Sanders a transmis à l’avance une série
de directives, dont l’interdiction formelle de fumer en sa présence.
Jacques, qui vient d’arriver, s’assied, pose quelques questions
à la ronde, écoute les réponses, puis il s’adresse au colonel Sanders :
« So. You’re paying us, and still, you don’t want to listen to us ? »
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« So. You’re paying us, and still, you don’t want to listen to us ? »
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Après quoi il allume ostensiblement une cigarette, et souffle la
fumée dans sa direction.
—Jacques, you know you can’t do that ! s’exclame le colonel.
—I know. And if you don’t like it, you know what you can do.
Ailleurs dans les bureaux de BCP, ceux qui, en s’efforçant de
ne pas en avoir l’air, surveillent ce qui se passe, voient la porte
s’ouvrir, puis le colonel et sa suite quitter hâtivement l’agence
après avoir repris leurs chapeaux.
La nouvelle va se répandre comme une traînée de poudre :
Jacques Bouchard, le patron et fondateur, vient de mettre le
colonel Sanders à la porte. Dans l’agence, certains, dont le travail
est d’avoir l’œil plus près des chiffres, affichent une mine préoccupée : on vient quand même ici de faire une croix sur une source
de revenus. Mais chez les créatifs, on jubile : le patron vient
d’affirmer clairement qu’il défend leur métier et qu’il soutient la
vision de la publicité qui les a attirés chez BCP : pour vendre
efficacement aux Québécois, il faut leur parler d’une façon différente de celle qui a cours dans le reste de l’Amérique du Nord.
Cette vision a déjà donné naissance au plus grand succès
publicitaire que le Québec ait connu : en 1970, pratiquement
plus personne n’ignore l’expression « Lui, y connaît ça ! », qui sert
de signature pour les publicités de la bière Labatt 50. Olivier
Guimond, qui est en vedette dans les messages, est devenu depuis
le comique le plus connu au Québec. D’autres succès vont bientôt
suivre, avec des expressions que tout le Québec va reprendre,
souvent « portées » par des vedettes du star-système québécois
alors en pleine effervescence : « Dominion nous fait bien manger »,
avec Juliette Huot ; « On est 12 012 pour assurer votre confort »,
puis « On est propres, propres, propres », pour Hydro-Québec ;
« Mon bikini, ma brosse à dents », avec Dominique Michel pour
Air Canada ; « Les p’tits poudings Laura Secord », avec le jeune
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Jacques Bouchard
René Simard, qui est déjà une vedette ; et « pop-sac-à-vie-sau-secfi-co-pin » pour Desjardins, avec la petite Marie-Josée Taillefer,
qui va devenir célèbre à son tour.
Il n’y a pas que ces vedettes que l’on côtoie à l’agence ; il y a
aussi toute une série d’artisans du domaine de la culture : compositeurs, musiciens, réalisateurs, producteurs… BCP et de plus en
plus d’autres agences ont besoin d’eux pour produire leurs
messages authentiquement « made in Québec ». Des réalisateurs
comme Gilles Carle et Denis Héroux sont des habitués des
plateaux de tournage de publicité, et des compositeurs comme
Marcel Lefebvre, Jean Robitaille ou François Dompierre fournissent les studios en ritournelles. Les publicités deviennent
souvent de vrais miroirs de l’identité québécoise. Une tendance
qui va culminer avec « On est six millions, faut se parler », autre
signature imaginée chez BCP, pour Labatt.
Jacques Bouchard est déjà une sorte de vedette que les médias
aiment interviewer et citer. Une tendance qui ne fera que s’amplifier avec les exploits de l’agence, et qui atteindra un sommet
quand Bouchard publiera un livre, issu de ses réflexions et de son
expérience de publicitaire, qui deviendra un succès de librairie :
Les 36 cordes sensibles des Québécois d’après leurs six racines vitales1.
Bouchard est aussi un mordu de communication politique, et on
lui attribue une partie du succès remporté par celui pour qui il a
travaillé : Pierre Elliott Trudeau, élu en 1968 à la tête du Parti
libéral. Beaucoup ne manquent d’ailleurs pas de relever l’ironie
dans l’implication en politique fédérale de la part de celui qui
contribue de bien des façons à alimenter le nationalisme québécois. Mais Jacques Bouchard n’en a cure : il a sa propre vision du
nationalisme.
1.
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Jacques Bouchard, Les 36 cordes sensibles des Québécois d’après leurs six racines
vitales, Éditions Héritage, 1978.
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« So. You’re paying us, and still, you don’t want to listen to us ? »
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Tout au long de sa vie, il n’en sera d’ailleurs pas à un paradoxe
près.
Même s’il a proclamé jusqu’à sa mort qu’il n’aura « aimé rien
d’autre que la pub », il est devenu auteur à succès et promu malgré
lui « sociologue du dimanche » en ce qui concerne l’âme québécoise.
Et le fait d’être un grand défenseur du commerce, du capitalisme
et de l’entreprenariat ne l’empêchera pas d’être un précurseur
de la publicité « sociétale », cette forme de publicité destinée à
promouvoir des causes et changer des comportements, plutôt
qu’à vendre des produits et des services.
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Première partie
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Chapitre 1
« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
E
n août 1935, un événement sème la fébrilité parmi les
enfants de Saint-Hyacinthe : on attend le cirque2, qui arrivera
bientôt par le chemin de fer du Canadien Pacifique3. « Est-ce
que le cirque est en ville ? » demande régulièrement à son grandpère Émile le jeune Jacques, qui fêtera bientôt ses 5 ans. Il a
d’autant plus hâte qu’il sait qu’il pourra jouir de certains accès
privilégiés : son grand-père, Émile Bouchard, est un homme
d’affaires connu et influent à Saint-Hyacinthe. C’est aussi le frère
du maire, l’illustre politicien Télesphore-Damien Bouchard, qui
l’a chargé d’accueillir officiellement le cirque en son nom.
Ses espoirs seront comblés : le jeune Jacques, en pleine nuit,
verra le cirque arriver par le chemin de fer, puis s’installer dans
« le mille », ancienne piste de course, où l’on dresse le chapiteau.
« Voir les éléphants, les fauves descendre des cars, c’est quelque
chose dont je me souviendrai toujours », dira Jacques Bouchard
jusqu’à la fin de sa carrière. Le lendemain, toujours aux côtés de
son grand-père, il se promènera parmi les éléphants, les lions, les
chevaux, les clowns et les trapézistes… Et le « grand Barnum »,
2.
3.
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Le cirque américain Al G. Barnes avait, en 1929, été acheté par le Ringling
Bros. and Barnum & Bailey Circus, et fusionné avec celui-ci.
« Al G. Barnes Circus Routes, 1934-1935 », Circus History, http://www.
circushistory.org/Routes/AlGBarnes1934.htm#1934
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Jacques Bouchard
fondateur, à la fin du 19e siècle, de ce qui allait devenir le cirque
Barnum & Bailey, fera partie de ses modèles publicitaires.
Jacques Bouchard n’est pas né à Saint-Hyacinthe, mais plutôt
à Montréal, le 29 août 1930. Toutefois, alors qu’il était encore
tout petit, sa famille est revenue s’établir à Saint-Hyacinthe, où
les Bouchard ont de solides assises depuis plusieurs générations.
En pleine crise économique, les appuis que la famille y retrouvera
seront d’un grand secours… « Son grand-père a été très important
pour Jacques, raconte Caroline Maranda-Bouchard, sa seconde
femme, qu’il épousera en 1969. C’est même lui qui, dans sa
famille, avait payé les études des enfants. » Saint-Hyacinthe, à
une cinquantaine de kilomètres de Montréal, est érigée au milieu
de terres fertiles baignées par la rivière Yamaska et compte alors
quelque 15 000 habitants. Au cœur d’une région agricole prospère,
c’est un centre administratif d’importance, et aussi le siège de
nombreuses industries : l’entreprise d’instruments aratoires
O. Chalifoux & fils (aujourd’hui Volcano International),
diverses manufactures dans le secteur du textile et du vêtement,
dont Penman’s Manufacturing (rachetée plus tard par Dominion
Textile, puis fermée en 1984), Gotham Silk Hosiery, Goodyear
Cotton Co, Arrow Shoes… Dans un autre domaine, on y retrouve
aussi l’entreprise de facture d’orgues Casavant Frères, établie à
Saint-Hyacinthe depuis 1879, et qui jouit déjà d’une réputation
internationale4.
Jacques Bouchard parlera toute sa vie avec chaleur de SaintHyacinthe et ne perdra jamais une occasion d’évoquer ses origines.
« Je suis plus Maskoutain que Montréalais, disait-il au journaliste
Georges-Hébert Germain. Saint-Hyacinthe, c’est la terre paternelle
4.
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« Histoire régionale », Archives de la société historique de Saint-Hyacinthe,
http://www.archivessh.qc.ca
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« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
21
et maternelle, la ville à laquelle je suis le plus attaché5. » Peu après
avoir rencontré Caroline, une des premières sorties qu’il fera avec
elle aura pour objectif d’aller lui montrer la maison familiale…
et de manger des « guédilles » dans le quartier où il a grandi. « Il
était content et fier de me montrer tout ça », se souvient-elle.
Le « clan » Bouchard compte déjà, à l’époque, sa large part de
membres instruits et influents à Saint-Hyacinthe. Le plus connu
est sans contredit Télésphore-Damien Bouchard6. « T.D. »,
comme on l’appelle, sera élu plusieurs fois député libéral provincial,
occupera divers ministères, dont ceux des Affaires municipales
et de l’Industrie et du Commerce, sous les gouvernements
Taschereau et Godbout, sera journaliste puis propriétaire de
journaux et premier président d’Hydro-Québec, tout cela avant
d’être finalement nommé sénateur.
T.D. Bouchard est un adversaire acharné du régime Duplessis
et des extrémistes religieux. Il s’oppose notamment à l’ordre de
Jacques Cartier7, dont il dénonce le côté rétrograde et xénophobe, et se mettra régulièrement à dos le pouvoir clérical, de
même que les franges ultranationalistes, jusque dans les années
1940 et 1950.
Toute sa vie, Jacques Bouchard tirera une grande fierté de
l’œuvre de son grand-oncle. Il se targuera aussi d’être « né dans
une famille de politiciens et de “mange-curés” ». Et il fera de
5.
6.
7.
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Dans le cadre d’un documentaire pour la série télévisée Biographies québécoises,
Productions Le Carrefour, diffusé sur Canal D, le 15 mai 1999.
Télesphore-Damien Bouchard a d’ailleurs mérité, en 2007, sa propre biographie, d’abord écrite en anglais par Frank M. Guttman, pédiatre et ancien
chef de chirurgie générale retraité de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elle
a récemment été traduite en français sous le titre Le Diable de Saint-Hyacinthe.
L’Ordre de Jacques Cartier, que certains surnommaient « La Patente », était
une société dite « secrète » vouée à faire avancer les intérêts des francophones
catholiques au Canada, par l’entremise d’une élite militante qui tentait d’infiltrer
tant l’administration publique que les entreprises privées.
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Jacques Bouchard
T.D. le héros d’anecdotes et de légendes – peut-être parfois
embellies – qu’il aimera relater tout au long de sa vie. « À six ans,
j’assistais à des messes noires, et je pense qu’à huit, j’étais déjà
anticlérical8. » Jacques Bouchard s’attribue même un intérêt encore
plus précoce pour la chose politique, toujours grâce au grandoncle T.D. qui, aimait-il le répéter, l’avait fait voter pour la
première fois… à 4 ans ! Marc Parson, qui a travaillé chez BCP
dans le milieu des années 1970, se souvient l’avoir entendu
raconter plusieurs fois cette anecdote : lors de ses discours, pour
inciter les gens à aller voter, T.D., muni d’une boîte de scrutin,
faisait monter le petit Jacques sur scène et disait : « Fais ton X,
mon petit Jacques, tu sais où. Voilà. Et, maintenant, mets-le
dans la boîte de scrutin. Vous voyez ? Il a quatre ans, il sait
comment faire. Faites pareil ! Votez tôt… et votez souvent9 ! »
Le père de Jacques Bouchard, Bernard, est barbier et se plaît
à manier la conversation au moins autant que le blaireau et le
rasoir. Son métier lui confère d’ailleurs, à lui aussi, une certaine
forme d’influence. « À l’époque, c’était une façon privilégiée de
cultiver les contacts politiques, notait Jacques Bouchard. Quand
tu tiens la lame, tu peux faire voter quelqu’un pour n’importe
qui10… » « Quelqu’un qui venait se faire couper les cheveux par
le père Bouchard avait besoin de ne pas être trop pressé, parce
qu’il réglait le sort du monde en même temps, se souvient pour
sa part Jean-Paul Galarneau, qui va connaître Jacques Bouchard
quelques années plus tard. Il pouvait discuter pendant 10 minutes,
sans couper un poil. » « C’était un homme brillant, très cultivé,
8.
9.
10.
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Yves Leclerc, « Yves Leclerc et Antoine Désilets rencontrent Jacques Bouchard,
le manipulateur manipulé », La Presse, 16 février 1973.
Au Québec, l’expression « Votez tôt, votez souvent ! » a aussi été attribuée à
Maurice Duplessis et son entourage, mais on en retrouve d’abord la trace aux
États-Unis, pendant la prohibition, où elle était utilisée pour tourner en dérision
la corruption et le bourrage des urnes qui avaient cours à cette époque.
Biographies québécoises, op. cit.
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« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
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un autodidacte, ajoute Caroline Maranda-Bouchard. Mais je pense
que c’était un homme absent dans la vie de Jacques pendant son
enfance. » Bernard Bouchard, qui est aussi connu sous le sobriquet
de « Toto », s’intéresse par ailleurs à la boxe, et est même boxeur
amateur à ses heures. Il lègue cet intérêt à son fils Jacques, qui va
plus tard utiliser régulièrement des expressions et des analogies
liées à la boxe. La mère de Jacques Bouchard, née Lucette Leduc,
est originaire de Sainte-Rosalie, village voisin de Saint-Hyacinthe.
Jacques a été précédé dans la famille par un frère, Marcel, et une
sœur, Luce.
À l’école, son enseignante de deuxième année notera la « facilité
d’élocution » et le « don pour la littérature » de l’élève Jacques
Bouchard, « très indépendant, susceptible, très taquin, et qui peut
facilement devenir le personnage central d’un groupe… », ainsi
qu’elle en témoignait en 1984, lors de l’émission Avis de recherche11.
Le « joli blond aux yeux pers » lui laissera au final le souvenir
d’un « élève très attachant »… Son père en gardera pour sa part le
souvenir d’un enfant « facile et heureux » qui aimait rire. Sa mère,
qui aime chanter, incite son plus jeune fils à faire de même et l’inscrit à des concours d’amateurs. À Montréal, vers l’âge de 8 ou 9 ans,
il rate de peu une première place. Peut-être à cause de son choix
de répertoire ? « Il avait peut-être mieux chanté que l’autre, mais
il avait chanté There’ll always be an England, parce que ça allait bien
à sa voix, racontera son père. Mais s’il avait gagné, ajoutait-il, sans
doute qu’il n’aurait jamais été en publicité12… »
C’est avec son grand-père Émile que le jeune Jacques passe
l’essentiel de son temps. C’est de lui qu’il gardera les souvenirs
les plus marquants, de même que des influences qui dureront
toute sa vie. Il y a, bien sûr, le billard « à la bostonnaise » : Émile
11.
12.
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Avis de recherche, Radio-Canada, 1984.
Ibid.
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24
Jacques Bouchard
Bouchard, qui possède, rue des Cascades, un pool room flanqué
de quelques allées de quilles et d’un petit comptoir de restauration,
initie son petit-fils au billard, parfois en compagnie de quelques
notables de la place13. Jacques Bouchard cultivera toute sa vie
une passion pour ce loisir. Dès qu’il pourra se le permettre, il y
aura toujours une table de billard chez lui. À partir du milieu des
années 1980, il en aura même une dans son bureau, à l’agence
BCP. Le grand-père Émile lui lègue aussi une façon de voir la
vie, parfois résumée par des citations et des aphorismes qu’il lui
plaira toujours d’évoquer avec ses amis et ses collègues, et jusque
dans son livre le plus connu : « Mon grand-père Émile Bouchard,
de Saint-Hyacinthe, répétait : “On a un glaive qui passe audessus de nous, si tu lèves la tête plus haut que les autres, tu te
fais zigouiller”14. » Émile est aussi propriétaire du cinéma de
Saint-Hyacinthe, et c’est à ses côtés que Jacques Bouchard verra
ses premiers films15.
À l’époque, en plus des films, qui attirent les spectateurs dans
les salles obscures, c’est la radio qui marque l’imaginaire de milliers
de Québécois et de Canadiens. Cette invention, que le grand
réalisateur américain Orson Welles baptisera « le théâtre de l’esprit »,
est d’ailleurs née au Québec. C’est à Montréal, en 1918, que
l’Italien Guglielmo Marconi a installé son studio expérimental,
la Marconi Wireless Telegraph Company, qui donnera naissance
à la première station radiophonique au monde, la XWA, future
CFCF16. Quatre ans plus tard, en 1922, naît la première station
13.
14.
15.
16.
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Jacqueline Cardinal et le professeur Laurent Lapierre, « Jacques Bouchard et
BCP : l’homme qui connaît ça ! », étude de cas produite pour le Centre de cas
de HEC Montréal, 6 juin 2006.
Jacques Bouchard, 1978, op. cit.
Jacqueline Cardinal et Laurent Lapierre, op. cit.
L’invention de la radio revient à Reginald Aubrey Fessenden, un Québécois
natif de Bolton-Est en Estrie. À la veille de Noël 1906, Fessenden réussit à
transmettre la première émission radiophonique vocale et musicale au monde.
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« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
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francophone au monde, CKAC, alors propriété du journal
La Presse. CKAC sera en fait bilingue pendant ses sept premières
années, émettant sur la même longueur d’ondes que CFCF. Elle
deviendra autonome en 1929, tout en puisant encore 20 % de sa
programmation dans celle du réseau américain CBS. La station de
CKAC-La Presse installe d’ailleurs, en 1929, sa tour de transmission
à Saint-Hyacinthe.
En 1928, neuf des stations canadiennes existantes appartiennent, comme CKAC, à des quotidiens. Dix autres sont la
propriété de fabricants et de vendeurs d’accessoires électriques.
Pour les premiers, les ondes servent à augmenter le tirage des
journaux ; pour les seconds, c’est évidemment un moyen de promouvoir la vente d’appareils radiophoniques. À Montréal, même
le grand magasin Dupuis Frères, situé au coin des rues SainteCatherine et Saint-André, vend des récepteurs de radio en pièces
détachées… Initiative annoncée à grand renfort de publicité sur
les ondes de sa propre station, CJCK. La station ne vivra toutefois
pas au-delà d’une année.
La radio connaît un essor remarquable au cours des années
1930 : en 1931, on ne compte au Québec que trois stations, et
seulement 27,8 % des foyers possèdent un appareil ; en 1941,
16 stations, dont 14 francophones, touchent 70,6 % de la population17. Au Québec comme dans le reste de l’Amérique, plongée
dans la crise économique, la radio offre à la population appauvrie
une source de divertissement sur laquelle elle ne se prive pas de se
lancer : théâtre, romans, sketches, concerts, jeux-questionnaires…
17.
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Il restera toutefois plus ou moins ignoré par l’histoire, pour diverses raisons,
tant financières et politiques, que de l’ordre de la publicité et du marketing ; et
on attribuera davantage la paternité de la radio à Marconi.
Jean-Marie Allard, La Pub : 30 ans de publicité au Québec, Libre Expression et
Le Publicité Club de Montréal, 1989.
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Jacques Bouchard
Comme quantité d’autres jeunes Québécois, le jeune Jacques
écoute Madeleine et Pierre diffusée sur CKAC de 1938 à 1947,
puis Yvan l’intrépide sur les ondes de Radio-Canada. Les adultes,
eux, se ruent sur des émissions, dont certaines toucheront plusieurs
générations et battront des records de longévité : Rue Principale,
Le Curé de village, Quelles nouvelles, Jeunesse dorée et, bien sûr, Un
homme et son péché. La radio permet, entre les années 1930 et
1950, l’émergence et le développement de toute une génération
de comédiens, chanteurs, musiciens et écrivains.
Plusieurs de ces émissions sont commanditées par les grandes
entreprises qui dominent leur marché : Procter & Gamble, Lever
Brothers, General Foods, Robin Hood, Imperial Tobacco…
« Une de ces émissions était commanditée par Kellogg’s, qui offrait
des macarons-épinglettes18 », se souviendra Jacques Bouchard. Sur
les ondes, des ritournelles vantent aussi les vertus des produits
Catelli, de Pepsi-Cola, des cigarettes Buckingham, du journal
Radiomonde…, sans oublier le sirop Lambert19, à l’origine du premier slogan publicitaire dont Jacques Bouchard dira se souvenir :
« Le rhume n’atteint guère qui emploie le sirop Lambert ». La
publicité du sirop Lambert avait d’ailleurs été créée par une des
quelques petites agences de publicité existant alors au Québec20.
En 1942, alors qu’il a 12 ans, Jacques Bouchard devient pensionnaire au Collège de Saint-Laurent, à Montréal, tenu par les
frères de Sainte-Croix. On souhaite qu’il suive les traces de son
grand-oncle T.D. et qu’il se dirige vers une profession libérale.
Il doit donc faire son cours classique, qui est alors le passage
obligé vers des études universitaires. S’inscrire au cours classique
18.
19.
20.
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Biographies québécoises, op. cit.
Le sirop Lambert a été élaboré par le Dr Joseph Olivier Lambert, à Saint-Zéphirinde-Courval, près de Drummondville, en 1887. La marque existe toujours.
La publicité du sirop Lambert a été créée soit par Publicité Huot, établie à
Montréal, soit par Payeur Publicité, de Québec.
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« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
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signifie aussi, à l’époque, fréquenter un établissement administré
par une communauté religieuse.
Au collège, le jeune Jacques laissera le souvenir d’un librepenseur, un de ces élèves qui se plaît à flirter avec la contestation
de l’ordre établi. « C’était un esprit libre, un libéral dans le sens
philosophique du terme, et qui aimait bien provoquer, se montrer frondeur et irrévérencieux », se souvient Marc Lalonde, ancien
ministre de la Justice du Canada sous Pierre Elliott Trudeau et élève
du Collège de Saint-Laurent à la même époque que Bouchard.
« J’ai été un cancre pendant toute la durée de mes études »,
dira pour sa part Jacques Bouchard, en 1963, dans une entrevue
à Panoramonde, un magazine hebdomadaire inclus dans le
Journal de Montréal et 30 hebdos du Québec. « J’ai souvent eu
l’impression que l’on me faisait monter de classe parce que mes
services d’organisateur étaient appréciés. Au collège, j’étais partout, sauf en classe. »
C’est quand même au Collège de Saint-Laurent qu’il fait la
connaissance de Jacques Languirand, futur auteur et animateur
à Radio-Canada, qui deviendra, bien des années plus tard, un
collaborateur et, surtout, un ami très proche jusqu’à la fin de sa vie.
« Nous avions en commun, à cette époque, de porter parfois des
vêtements quelque peu excentriques », écrivait Jacques Languirand
en 2009, dans la préface de la réédition des 36 cordes sensibles des
Québécois. « Il est vrai qu’il en fallait peu à cette époque pour être
remarqué… Je me souviens qu’un certain jour, il portait un veston
“orange brûlé” qu’on ne pouvait pas manquer de voir 21. » « Tout
le monde était habillé soit en bleu marin, soit en gris, ajoute
Jacques Languirand en entrevue. Alors, juste être différent, c’était
suffisant pour qu’on se remarque, et qu’on se parle. On s’est
21.
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Jacques Bouchard, Les 36 cordes sensibles des Québécois d’après leurs six racines
vitales, Guérin éditeur, 2009 (réédition, dans la collection « fac-similé »).
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Jacques Bouchard
retrouvés ensuite, bien des années plus tard, et on a développé
une très grande amitié. »
Au collège, Jacques Bouchard a aussi régulièrement à répondre
des déclarations et des écrits de T.D. Bouchard, bête noire favorite
d’une certaine portion du clergé. « Quand il faisait un discours,
je devais donner des explications le lendemain, se souviendra
Jacques Bouchard. Chaque fois que T.D. Bouchard avait fait un
discours contre l’ordre de Jacques Cartier, c’est moi qui devais
me lever et l’expliquer 22. » Difficile parfois, mais sans doute formateur pour développer l’art de l’argumentation. Et, en tout cas,
imbattable pour mettre du piquant dans un cours. Ainsi, l’un des
enseignants, l’abbé Raymond, est un ancien missionnaire colonisateur du nord de l’Ontario qui voue une haine viscérale aux
libéraux et qui ne se prive pas de le faire savoir. L’élève Bouchard,
qui arbore régulièrement une belle cravate rouge « libéral », la sort
alors de son veston pour la caresser avec son pouce, en affichant
un air innocent. Ce qui a le don d’exaspérer le brave « frère », qui
pousse alors au paroxysme son envolée anti-libérale23.
Sur la patinoire de hockey, sa grandeur et sa vigueur au jeu
valent à Jacques le surnom de « deuxième Butch », allusion à
Émile Bouchard, vigoureux défenseur des Canadiens, connu
sous le surnom de « Butch Bouchard ». Jacques Bouchard, qui est
un des plus grands de sa classe, est d’ailleurs réputé être plus
vieux que les autres et avoir redoublé ses classes plusieurs fois…
Mais ceci s’avérera n’être qu’une légende, comme il l’avouera, au
pied du mur : « C’est l’essence même d’une campagne de pub : à
force de répéter quelque chose, les gens y croient, dit-il alors,
sans se démonter. C’était bon comme campagne, non24 ? »
22.
23.
24.
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Biographies québécoises, op. cit.
Avis de recherche, op. cit.
Ibid.
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« À force de répéter quelque chose, les gens y croient. »
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Jacques Bouchard citera quand même le clergé en général, et
les frères de Sainte-Croix en particulier, comme une de ses
influences marquantes en publicité. « Si je n’avais pas été servant de
messe à l’Oratoire, je ne serais pas président de BCP Publicité,
répétera-t-il régulièrement, jusqu’à l’écrire dans Les 36 cordes
sensibles des Québécois. Entre deux “répons” ânonnés machinalement à un vieux Sainte-Croix devenu sourd, je ne pouvais m’empêcher de “croire” : le dynamisme, l’organisation, l’achalandage
de cette cour à miracles me fascinaient. “Chaque brique a été
payée plusieurs fois par des Américains miraculés”, avait dit un
aîné. Le frère André produisait son miracle hebdomadaire, l’huile
de Saint-Joseph se vendait à la barrique, la revue de l’Oratoire
touchait une trentaine de pays, les neuvaines rapportaient, le
cœur d’Alfred Bessette attirait les foules […] Mystique, je
l’avoue, et fasciné par le feed-back de tous ces ex-voto qui tapissaient les murs du sanctuaire, que vouliez-vous que je fasse ? Un
Sainte-Croix ou un publicitaire ! » En 1984, lors de son passage
à Avis de recherche, il soulignera avec satisfaction le fait que BCP
avait obtenu le mandat de s’occuper de la publicité autour de la
venue à Montréal du pape Jean-Paul II. « On ne change pas ! »,
conclura-t-il.
Pendant ses années de collège, les vacances d’été se passent à
Saint-Hyacinthe, où il retrouve sa famille, se baigne dans la
rivière Yamaska, grimpe dans les arbres fruitiers et, comme
quand il était plus petit, passe du temps avec son grand-père. Il
en fera aussi le témoin privilégié de ses premières amours. « Il a
toujours amené ses blondes chez notre grand-père, racontait sa
sœur Luce. C’était le test : la première balade en automobile,
c’était toujours chez mon grand-père. Je ne sais pas si c’était
nécessaire, mais, en tout cas, la plupart y ont passé. Et puis il a
toujours été très amoureux. Et très attentif 25… »
25.
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Avis de recherche, op. cit.
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